Cass. com., 9 décembre 2020, n° 19-16.542
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Marc Lévis, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Buk Lament-Robillot, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 février 2019), la société ETC Métrologie, aux droits de laquelle vient la société Tech Data (la société Tech Data), a vendu le 29 mars 2013, à la société Overlap, pour un montant de 468 124,28 euros, des logiciels, que cette dernière a aussitôt revendus à la société Euriware aux droits de laquelle se trouve la société Framatome (le sous-acquéreur).
2. La société Overlap a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juin 2013 et 11 juin 2014, la société [...] étant désignée liquidateur.
3. N'ayant pas été payée de ses factures, la société Tech Data, se prévalant d'une clause de réserve de propriété, a adressé à l'administrateur judiciaire de la société Overlap une demande de revendication des logiciels, qui a été irrévocablement admise par un arrêt du 19 mai 2016.
4. La société Tech Data a assigné le sous-acquéreur en paiement de la somme de 468 124,28 euros.
5. La société GE capital Factofrance, devenue la société Factofrance (la société Factofrance), qui avait conclu, le 9 avril 2008, avec la société Overlap un contrat d'affacturage portant sur les créances que celle-ci détenait sur ses clients, est volontairement intervenue à l'instance pour réclamer le paiement de la somme de 507 531,39 euros au titre des factures dues par le sous-acquéreur à la société Overlap, à laquelle elle soutenait être conventionnellement subrogée.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société Factofrance fait grief à l'arrêt, après avoir fixé sa créance au passif de la société Overlap à la somme de 500 635,61 euros, de la débouter de sa demande principale en condamnation in solidum du sous-acquéreur et du liquidateur de la société Overlap à lui payer cette somme, alors « que l'action en revendication prévue par l'article L. 624-16 du code de commerce tend à la seule reconnaissance du droit de propriété du revendiquant, aux fins d'opposabilité de ce droit à la procédure collective ; que l'action en paiement exercée par le vendeur initial à l'encontre d'un sous-acquéreur de biens vendus avec clause de réserve de propriété s'analyse en une action personnelle et non en une action réelle ; qu'en décidant que la société Factofrance ne pouvait discuter, dans le cadre de l'action personnelle engagée par la société Tech Data France à l'égard du sous-acquéreur, la propriété des biens revendiqués qui avait été reconnue à cette dernière dans le cadre de la procédure d'acquiescement à la revendication, quand il lui appartenait de statuer sur l'opposabilité à la société Factofrance des droits invoqués par la société Tech Data France, en l'état de demandes concurrentes formulées par ces dernières à l'encontre de la société Euriware, devenue Sogeti France, sous-acquéreur, la cour d'appel a violé les articles L. 624-16 et L. 624-18 du code de commerce, ensemble l'article 2372 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1351, devenu 1355, et 2372 du code civil et L. 624-18 du code de commerce :
7. Selon le deuxième de ces textes, le droit de propriété du bien retenu à titre de garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété se reporte sur la créance du débiteur à l'égard du sous-acquéreur.
8. Il résulte du troisième que la revendication qu'il permet du prix ou de la partie du prix des biens vendus avec réserve de propriété, qui n'a été ni payé, ni réglé en valeur ni compensé entre le sous-acquéreur et le débiteur à la date du jugement ouvrant la procédure collective de ce dernier, tend seulement à rendre opposable à cette procédure le report du droit de propriété du vendeur initial sur la créance du prix de revente. Il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision statuant sur cette revendication ne prive pas l'affactureur, se prétendant subrogé dans les droits du débiteur au titre de la créance du prix de revente, de la possibilité de faire trancher, en vue d'obtenir à son profit le paiement de cette créance, le conflit qui l'oppose au vendeur bénéficiaire de la clause de réserve de propriété, la décision s'étant prononcée sur la revendication de celui-ci n'ayant pas eu pour objet de résoudre un tel conflit.
9. Pour rejeter la demande en paiement de la société Factofrance, l'arrêt retient que, dès lors que la propriété des biens revendiqués par la société Tech Data dans la procédure collective de la société Overlap a été reconnue par une décision définitive, l'affactureur ne peut en discuter l'existence, ni contester le report de ce droit sur la créance de la société Overlap à l'égard du sous-acquéreur.
10. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 19 mai 2016 avait seulement constaté l'opposabilité de la clause de réserve de propriété à la procédure collective de la société Overlap, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Demande de mise hors de cause
11. La société [...] , en qualité de liquidateur de la société Overlap, demande sa mise hors de cause.
12. Le liquidateur, en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 mai 2016, a restitué à la société Tech Data la somme de 1 304 368 euros au titre du prix de vente des marchandises vendues par elle et les sociétés qu'elle regroupe. Sa présence devant la cour de renvoi n'est donc plus nécessaire à la solution du litige qui oppose les sociétés Factofrance, Tech Data et Sogeti, devenue la société Framatome.
13. Il y a donc lieu de le mettre hors de cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement du 20 septembre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Versailles, il reçoit la société Factofrance en son intervention volontaire et rejette la demande reconventionnelle en dommage-intérêts de la société Capgemini Outsourcing Services, l'arrêt rendu le 26 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.