Livv
Décisions

Cass. com., 17 janvier 2024, n° 22-20.509

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Douai, du 24 juin 2022

24 juin 2022

Jonction

1. Par une ordonnance du 21 octobre 2022, le président de la chambre sociale de la Cour de cassation a joint les pourvois n° E 22-20.516, X 22-20.509, Y 22-20.510, Z 22-20.511, A 22-20.512, B 22-20.513, C 22-20.514 et D 22-20.515, le premier étant désigné pourvoi pilote.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Douai, 24 juin 2022, n° RG 20/01978, 20/01981, 20/01979, 20/01980, 20/01982, 20/01983, 20/01984 et 20/01985, rectifiés par des arrêts du 8 juillet 2022), par un jugement du 30 janvier 2017, la société Tim, filiale de la société Fritzmeier, a été mise en redressement judiciaire.

3. Un jugement du 26 juillet 2017 ayant arrêté un plan de cession, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 août 2017 et la société WRA désignée en qualité de liquidateur.

4. Des salariés de la société Tim ayant saisi le conseil de prud'hommes pour contester leur licenciement, la délégation de l'UNEDIC, gestionnaire de l'Association de garantie des salaires (l'AGS) est intervenue à ces instances et les créances des salariés ont été fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Tim.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur fait grief aux arrêts de dire que l'AGS devra garantir les créances des salariés dans la limite du plafond légal, et que son obligation de faire l'avance des sommes garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et la justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, alors « qu'en application de l'article L. 3253-20, alinéa 1er, du code du travail, dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, l'AGS doit sa garantie et procéder à l'avance des fonds nécessaires sur présentation du relevé de créances salariales par le mandataire judiciaire sans que ce dernier ait à justifier de l'absence de fonds disponibles ; qu'ayant constaté que par jugement du 23 août 2017, la société Tim a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Lille et en jugeant que l'obligation de faire l'avance des sommes garanties par l'AGS ne pourra s'exécuter que sur présentation par la société WRA d'un relevé de créances et justification de l'absence de fonds disponibles entre ses mains, la cour d'appel qui a ajouté une condition à la mise en oeuvre de la garantie de l'AGS dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire de la société, a violé l'article L. 3253-20, alinéa 1er, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3253-20 du code du travail :

6. Selon le premier alinéa de ce texte, si lors de l'ouverture d'une procédure collective, les créances salariales ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du code du travail, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code. Le second alinéa de ce texte prévoit pour sa part, qu'en cas de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée, la réalité de cette insuffisance pouvant être contestée par l'AGS devant le juge-commissaire.

7. ll en résulte que l'obligation de justification préalable par le mandataire judiciaire de l'insuffisance des fonds disponibles de la procédure collective et la possibilité de sa contestation immédiate par les institutions de garantie ne sont prévues qu'en cas de sauvegarde.

8. Après avoir constaté que la société Tim n'a pas été mise en sauvegarde, l'arrêt retient que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes garanties ne pourra s'exécuter que sur la justification de l'absence de fonds disponibles entre les mains du mandataire judiciaire pour procéder à leur paiement.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la mise en oeuvre de la garantie des salaires une condition qu'elle ne comporte pas en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, l'avance des créances salariales devant être opérée, pour ces deux procédures, sur la simple présentation des relevés de ces créances établis sous sa responsabilité par le mandataire judiciaire, a violé, par fausse application, le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. Conformément à la demande du liquidateur, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'ils disent que le Centre de gestion et d'études, AGS-CGEA de [Localité 13], unité déconcentrée de l'UNEDIC, ne pourra faire l'avance des sommes garanties que sur la justification de l'absence de fonds disponibles entre les mains du mandataire judiciaire, les arrêts rendus le 24 juin 2022 et rectifiés le 8 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.