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Décisions

Cass. com., 6 mars 2024, n° 22-21.584

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat général :

M. de Monteynard

Avocat :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Aix en Provence, du 2 juin 2022

2 juin 2022


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juin 2022), le 26 juin 2017, la société France bonbons, dont M. [B] [I] était le gérant jusqu'au 1er janvier 2017, date à laquelle M. [P] [I] lui a succédé, a été mise en redressement judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 11 septembre 2017, la société [J] étant désignée liquidateur.

2. Le liquidateur a demandé la condamnation de MM. [P] et [B] [I] à supporter l'insuffisance d'actif de la société.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [B] [I] fait grief à l'arrêt de constater l'insuffisance d'actif de la société France bonbons à hauteur de 117 907 euros, de constater des fautes de gestion à son encontre (absence de tenue de comptabilité et défaut de paiement des dettes fiscales et sociales), de retenir à son encontre la faute de détournement d'actif, et, en conséquence, de le condamner à payer à la société [J], ès qualités, la somme de 117 907 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société France bonbons, alors « que seul peut être considéré comme dirigeant de fait celui qui a exercé en toute indépendance une activité positive de direction de la société se matérialisant par des actes répétés de direction effective durant la période considérée ; qu'en se bornant à retenir, pour en conclure que M. [B] [I] avait assuré la direction de fait de la société France bonbons de sa démission, le 1er janvier 2017, à l'ouverture de la procédure collective, le 26 juin 2017, et qu'il devait en conséquence répondre des fautes de gestion commises durant cette période et de l'insuffisance d'actif constatée à l'ouverture de la procédure collective, qu'il avait été l'interlocuteur des organes de la procédure collective, soit après le 26 juin 2017, qu'il avait résilié les contrats d'assurance de la société, en août 2017, et qu'il avait procédé aux approvisionnements de la société, sans relever d'actes traduisant une gestion, répétée et continue, effectuée entre le 1er janvier et le 26 juin 2017, en toute indépendance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

5. Il résulte de ce texte que seules des fautes de gestion antérieures à l'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant fautif.

6. L'arrêt condamne M. [B] [I] à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif à la société France bonbons en raison des fautes de gestion postérieures à l'ouverture de la procédure collective.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

8. M. [B] [I] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le montant de l'insuffisance d'actif détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d'être prononcée ; qu'en condamnant M. [B] [I] à payer à Mme [J], ès qualités, une somme de 117 907 euros représentant l'inégalité de l'insuffisance d'actif de la société France bonbons, et M. [P] [I] à payer à Mme [J], ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre de l'insuffisance d'actif de la société France bonbons, soit une condamnation totale de 122 907 euros excédant l'insuffisance d'actif de la société s'élevant à la somme de 117 907 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

9. La condamnation d'un dirigeant sur le fondement du texte susvisé est subordonnée à l'existence d'une insuffisance d'actif certaine, laquelle détermine le montant maximal de la condamnation susceptible d'être prononcée.

10. Après avoir constaté que l'insuffisance d'actif s'élève à 117 907 euros l'arrêt, d'un côté, condamne M. [B] [I] à supporter la totalité de cette insuffisance et, de l'autre, condamne M. [P] [I] à supporter cette insuffisance à concurrence de 5 000 euros.

11. En statuant ainsi, sans préciser que l'obligation faite à M. [B] [I] de contribuer à l'insuffisance d'actif serait limitée à une somme correspondant au montant de cette insuffisance, déduction faite de la somme de 5 000 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.