Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 20 juin 2024, n° 22/04706

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/04706

20 juin 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/156

Rôle N° RG 22/04706 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJER5

[T] [F]

C/

[B] [Z]

[B] [X]

[W] [K]

S.E.L.U.R.L. [I] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Lisa ARCHIPPE

Me Paul GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 6] en date du 15 Mars 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2021RJ0265.

APPELANT

Monsieur [T] [F],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lisa ARCHIPPE de la SELAS ARCHIPPE TRAVART VILLALARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [B] [Z]

demeurant [Adresse 3]

défaillant

Monsieur [B] [X]

demeurant Chez Monsieur [D] [X] [Adresse 5]

défaillant

Madame [W] [K]

demeurant [Adresse 1]

défaillante

La S.E.L.A.R.L. RM MANDATAIRES (anciennement [I] [O]), es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL [B] désignée à ces fonctions suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TOULON du 9 Novembre 2021, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 10 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Juin 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 26 novembre 2021, le tribunal de commerce de Toulon a converti en liquidation judiciaire le redressement judiciaire de la société [B], exploitant un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie.

Par ordonnance du 15 mars 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Toulon a autorisé la SELU [I] [O], représentée par Me [I] [O], ès qualités de liquidateur judiciaire, à céder de gré à gré le fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société [B] à M. [T] [F] pour un prix total de 10 000 euros.

Le juge commissaire précisait dans son ordonnance que :

- la vente du fonds de commerce n'incluait pas divers éléments, dont le four, deux armoires de pousse et soixante grilles boulangères qui faisaient l'objet d'une revendication,

- M. [F] serait gardien de ces éléments jusqu'à l'issue de la procédure de revendication,

- M. [F] avait interdiction d'utiliser ces éléments sous peine d'engager sa responsabilité.

M. [F] a fait appel de ce jugement le 30 mars 2022.

Par arrêt avant dire droit du 15 juin 2023, auquel il y a lieu de se reporter pour plus ample information, la cour a :

- ordonné la réouverture des débats,

- renvoyé le dossier à l'audience du 22 novembre 2023.

Il était expliqué dans les motifs de cette décision que le fonds de commerce, objet de la cession, avait disparu par suite d'une ordonnance rendue le 13 décembre 2022 qui avait constaté la résiliation du bail et qu'il convenait d'inviter les parties à s'expliquer contradictoirement sur les conséquences juridiques qu'elles en tiraient.

Le 19 juillet 2023, les parties étaient avisées du renvoi d'office du dossier à l'audience du 10 avril 2024.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 7 mars 2024, M. [T] [F] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance frappée d'appel,

- constater que le fonds de commerce objet de la cession a disparu par l'effet de la perte du droit au bail,

- dire n'y avoir lieu à cession et à paiement du prix,

- débouter la SELARL RM MANDATAIRES de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

- condamner la SELARL RM MANDATAIRES ès qualités à lui payer 3 600 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 22 février 2024, la SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], demande à la cour de :

- débouter M. [F] de son appel et de toutes ses demandes,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 mars 2022 par le juge commissaire,

- condamner M. [F] à lui payer :

- 10 000 euros de dommages et intérêts,

- 9 694 euros au titre des loyers postérieurs dus jusqu'à la résiliation du bail,

- 1 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 10 000 euros pour procédure abusive,

- condamner M. [F] aux dépens avec distraction et à lui payer 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée le 14 mars 2024, avec rappel de la date de fixation.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) La cour déplore que les parties se contentent de viser l'article L642-19 du code de commerce qui rappelle les pouvoirs du juge commissaire en matière de vente des biens du débiteur et que l'appelant ne cite aucun autre texte au soutien de son action.

Toutefois, il se déduit de ses écritures et des écritures adverses qu'il reproche au juge commissaire d'avoir autorisé la vente du fonds de commerce en outrepassant les conditions de son offre d'achat et en lui imposant, non contradictoirement, des charges supplémentaires qu'il n'entendait pas supporter.

Il en résulte qu'il n'y aurait pas eu d'accord sur la chose et sur le prix de sorte que la vente telle que prévue dans l'ordonnance frappée d'appel n'aurait pas pu être autorisée.

En effet, comme le rappelle l'article 1582 du code civil, la vente n'est parfaite qu'en cas d'accord sur la chose et sur le prix.

En application de ce texte et de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient à M. [T] [F] qui avait déposé une offre d'achat, de démontrer que l'ordonnance rendue par le juge commissaire frappée d'appel, n'était pas conforme à cette offre.

Ainsi qu'il le fait valoir, il ressort des éléments soumis aux débats qu'il a présenté deux offres d'achat, l'une à hauteur de 30 000 euros et comprenant le matériel revendiqué, l'autre à hauteur de 10 000 euros au cas où le matériel ne serait pas compris dans la cession.

Contrairement à ce que soutient la SELARL RM MANDATAIRES, il ne saurait se déduire de ces offres et du fait qu'il avait effectivement connaissance de l'existence d'une revendication concernant le four et divers autres éléments, qu'il acceptait de supporter la charge de gardien des choses non vendues et de les conserver à ses risques et périls à l'intérieur du local commercial qui, de ce fait et du fait de l'interdiction qui lui était faite de les utiliser, devenait inexploitable.

En effet, en raison de la revendication, il incombait au liquidateur judiciaire de mettre en 'uvre toute mesure utile pour faire libérer les lieux de ces divers éléments sans faire peser sur le candidat acquéreur des charges disproportionnées modifiant considérablement les conditions de la vente et excédant manifestement l'offre de rachat qui lui a été soumise.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance frappée d'appel.

2) Au vu de la solution admise par la cour aux termes des développements précédents, l'appel de M. [F] n'était manifestement pas abusif et la SELARL RM MANDATAIRES doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes indemnitaires qui sont infondées.

3) La SELARL RM MANDATAIRES ès qualités sera condamnée aux dépens d'appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Elle se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles et en sa demande tendant à ce que son conseil bénéficie de la distraction des dépens.

Il serait inéquitable de laisser M. [F] supporter l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La SELARL RM MANDATAIRES ès qualités sera condamnée à lui payer 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, après débats publics et par arrêt rendu par défaut et mis à disposition au greffe ;

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 mars 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Toulon ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], de sa requête;

Déboute la SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et de paiement de loyers ;

Déclare SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles et en sa demande tendant à ce que son conseil bénéficie de la distraction des dépens ;

Condamne la SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], ès qualités à payer à M. [T] [F] la somme de 3 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL RM MANDATAIRES, anciennement SELU [I] [O], ès qualités aux dépens de l'instance et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société [B].

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE