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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 juin 2024, n° 21/12676

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Vedreine et Cie (SAS)

Défendeur :

L’Héritier & Fils (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Prigent

Avocats :

Me Vignes, Me Kremer, Me Ortolland

T. com. Paris, 13e ch., du 25 mai 2021, …

25 mai 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Lhéritier & Fils (ci-après la société Lhéritier) a pour activité le transport routier de marchandises et le fret interurbain.

La société Vedreine et Cie (ci-après la société Vedreine) est une société spécialisée dans l'impression haute définition, lithographie, typographie, flexographie, et toutes activités de reprographie.

Pendant plusieurs années, la société Vedreine a confié à la société Lhéritier le transport de ses produits en France et à l'étranger.

A la fin de l'année 2018, un litige a opposé les parties concernant la perte et l'avarie de marchandises à l'occasion de transports effectués par la société Lhéritier auprès de trois clients de la société Vedreine et l'indemnisation de ces pertes et avaries.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 20 février 2019, la société Vedreine a mis en demeure la société Lhéritier de la « fixer » sur le montant de l'indemnisation concernant les trois sinistres de la fin d'année 2018 et l'a informée qu'elle entendait mettre fin à la relation contractuelle avec effet au 15 août 2019 après un préavis de six mois.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 mars 2019, la société Lhéritier a indiqué à la société Vedreine avoir répondu sur chaque litige et a dénoncé le défaut de paiement par sa cocontractante d'une somme de 8.359,15 euros sur ses factures ainsi que l'interruption des relations commerciales depuis le 10 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 septembre 2019, le conseil de la société Lhéritier a mis en demeure la société Vedreine de payer une somme de 31.613,26 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales ainsi qu'une somme de 8.359,15 euros au titre du solde des factures restant dû.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 septembre 2019, le conseil de la société Vedreine a contesté toute rupture brutale des relations du chef de sa cliente et indiqué que celle-ci ne procéderait au paiement des factures qu'à compter du versement par la société Lhéritier d'une indemnisation au titre des pertes et avaries subies.

Par acte du 29 novembre 2019, la société Lhéritier a assigné la société Vedreine devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir le paiement d'une somme de 31.613,26 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales et de l'absence de tout préavis, d'une somme de 8.359,15 euros au titre du solde des factures émises et d'une somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par jugement du 25 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 29.127 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de la non-exécution du préavis accordé,

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 8.359,15 euros correspondant au solde de ses factures impayées,

- Débouté la société Vedreine de sa demande au titre des pertes et avaries causées sur des livraisons,

- Débouté la société Lheritier de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive,

- Débouté la société Vedreine de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- Condamné la société Vedreine aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.

Par déclaration du 5 juillet 2021, la société Vedreine a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 29.127 euros à titre de dommages intérêts au titre de la non-exécution du préavis accordé ;

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 8.359,15 euros correspondant au solde de ses factures impayées ;

- Débouté la société Vedreine de sa demande au titre des pertes et avaries causées sur des livraisons ;

- Débouté la société Vedreine de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

- Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Vedreine en ses autres demandes plus amples ;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la société Vedreine aux dépens.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2022, la société Vedreine demande, au visa des articles 1104, 1219, 1231 et suivants du code civil, L.442-1 II et suivants du code de commerce, L.1432-4 et suivants du code des transports, des dispositions du décret n°2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transport concernant le contrat type, des articles 515 et 700 du code de procédure civile, de :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 juillet 2021 en ce qu'il a :

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 29.127 euros à titre de dommages intérêts au titre de la non-exécution du préavis accordé ;

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 8.359,15 euros correspondant au solde de ses factures impayées ;

* Débouté la société Vedreine de sa demande au titre des pertes et avaries causées sur des livraisons ;

* Débouté la société Vedreine de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lheritier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Débouté la société Vedreine en ses autres demandes plus amples ou contraires ;

* Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

* Condamné la société Vedreine aux dépens ;

Et, statuant à nouveau

A titre principal :

- Débouter la société Lhéritier de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Dire que le délai de préavis accordé par la société Vedreine au profit de la société Lhéritier accompagnant la rupture de leur relation contractuelle revêt un caractère raisonnable, conforme aux dispositions règlementaires applicables,

- Dire que c'est la société Lhéritier elle-même qui n'a pas respecté le préavis de 6 mois qui lui avait été notifié par la société Vedreine,

- Enjoindre à la société Lhéritier de procéder au versement des sommes dues au titre des dédommagements dus au titre des pertes et avaries causées sur les livraisons effectuées par la société Lhéritier pour le compte de la société Vedreine auprès des clients suivants : la société Maestriani, la société Sevignac et la société Riegelein,

A titre subsidiaire :

- Rejeter la demande en condamnation au paiement de la somme de 31.613,26 euros formulée par la société Lhéritier dont le calcul n'a pas été effectué sur les bonnes bases et dont les données de calcul ne sont pas étayées et prouvées par des éléments comptables,

En tout état de cause :

- Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions présentées par la société Lhéritier en ce compris sa demande de condamnation de la société Vedreine au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Lhéritier au paiement de 5.000 euros au profit de la société Vedreine et Cie en raison du caractère abusif de la procédure

- Condamner la société Lhéritier au paiement de 10.000 euros au profit de la société Vedreine sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2022, la société Lhéritier demande, au visa des articles 1104, 1231 et suivants du code civil, et L.442-1 II du code de commerce, des dispositions du décret n°2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transport concernant le contrat type et plus spécifiquement son article 26.2, de :

- Débouter la société Vedreine de son appel de la décision du tribunal de commerce de Paris du 25 mai 2021.

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 mai 2021 en ce qu'il a :

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 29.127 euros à titre de dommages intérêts au titre de la non-exécution du préavis accordé ;

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 8.359,15 euros correspondant au solde de ses factures impayées ;

* Débouté la société Vedreine de sa demande au titre des pertes et avaries causées sur des livraisons ;

* Débouté la société Vedreine de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive ;

* Condamné la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Débouté la société Vedreine de ses autres demandes plus amples ou contraires ;

* Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

* Condamné la société Vedreine aux dépens.

- L'infirmer en ce qu'il a :

* Débouté la société Lhéritier de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* Débouté la société Lhéritier de ses autres demandes plus amples ou contraires,

Et statuant à nouveau,

- Condamner la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 novembre 2019 ;

- Faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Vedreine de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions contraires aux présentes,

- Condamner enfin la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande d'indemnisation au titre de l'inexécution du préavis

La société Lhéritier, invoquant les dispositions de l'article L. 442-1 II du code de commerce et du contrat type des transports résultant de l'annexe II du décret du 31 mars 2017, reproche à la société Vedreine d'avoir rompu brutalement le 10 décembre 2018 les relations commerciales établies depuis une vingtaine d'années et de ne pas avoir exécuté le préavis de six mois prévu par le contrat-type. Elle explique que la notification de la rupture le 20 février 2019, après plusieurs mois sans aucune commande, n'est pas susceptible d'ôter à la rupture son caractère brutal dès lors que la rupture du 10 décembre 2018 n'a été précédée d'aucun préavis écrit. Elle ajoute qu'en tout état de cause, la brutalité de la rupture est également caractérisée par le fait que la société Vedreine n'a pas maintenu le même flux d'affaires pendant la période alléguée de préavis.

La société Vedreine répond qu'aucune rupture brutale ne peut lui être reprochée. Elle fait valoir qu'elle a notifié le 20 février 2019 à la société Lhéritier la rupture des relations avec un préavis de six mois conforme aux dispositions réglementaires applicables. Elle explique qu'entre le 10 décembre 2018 et le 20 février 2019, des discussions se sont engagées pour résoudre les litiges opposant les parties. Elle ajoute qu'en tout état de cause, elle ne disposait pas des palettes nécessaires à la préparation des expéditions et que l'inexécution du préavis est imputable à la société Lhéritier.

Il sera rappelé que l'article L. 442-1 II du code de commerce (anciennement L.442-6-I-5 du code de commerce), qui instaure une responsabilité de nature délictuelle ne s'applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers, lorsque le contrat-type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par l'article L. 1432-12 du code des transports régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du donneur d'ordre et de l'opérateur de transport.

En l'espèce, il est constant que les parties n'ont conclu aucun contrat écrit de sorte que leurs relations sont régies, en application de l'article L. 1432-4 du code des transports, par les dispositions du décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transports concernant le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique.

L'argumentation des parties relative à la responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales est donc inopérante et seule sera examinée la question de l'exécution ou non du préavis prévu au contrat-type.

L'annexe à l'article D. 3222-1 du code des transports issu des dispositions du décret n°2017-461 du 31 mars 2017 relatif à l'annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transport concernant le contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique prévoit, en son article 26 relatif à la durée et la résiliation du contrat de transport, que :

« 26.1. Le contrat de transport est conclu, soit pour une durée déterminée, reconductible ou non, soit pour une durée indéterminée.

26.2. Chacune des parties peut y mettre un terme par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception moyennant un préavis se calculant comme suit :

a) Un mois lorsque la durée de la relation est inférieure ou égale à six mois ;

b) Deux mois lorsque la durée de la relation est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un an ;

c) Trois mois lorsque la durée de la relation est supérieure à un an et inférieure ou égale à trois ans ;

d) Quatre mois quand la durée de la relation est supérieure à trois ans, auxquels s'ajoute une semaine, par année complète de relations commerciales, sans pouvoir excéder une durée maximale de six mois.

26.3. Pendant la période de préavis, les parties maintiennent l'économie du contrat.

26.4. En cas de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations, malgré un avertissement adressé par lettre recommandée avec avis de réception, l'autre partie peut mettre fin au contrat de transport qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, sans préavis ni indemnité, par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception.

26.5. En cas de manquement grave de l'une des parties à ses obligations, l'autre partie peut mettre fin au contrat de transport, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, sans préavis ni indemnité, par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception. »

En l'espèce, il n'est pas discuté que la relation a duré plus de six ans de sorte qu'un préavis de six mois devait précéder la rupture du contrat.

Il ressort des pièces versées aux débats que les relations des parties consistaient en la prise en charge par la société Lhéritier de plusieurs palettes par jour expédiées par la société Vedreine à destination de ses clients. Il résulte d'échanges de courriels des 11 et 13 janvier 2014 que les expéditions ont été interrompues par la société Vedreine à compter du 10 décembre 2018 à la suite d'un différend l'ayant opposée à la société Lhéritier au sujet de l'indemnisation de trois incidents (perte et avarie de marchandises) survenus en fin d'année 2018. Après une interruption des commandes pendant plus de deux mois, la société Vedreine a informé la société Lhéritier, par lettre recommandée du 20 février 2019, de sa volonté de mettre fin aux relations commerciales en annonçant un préavis de 6 mois. Si les dispositions susvisées ne permettaient pas à la société Vedreine de « suspendre » unilatéralement l'exécution du contrat en ne confiant plus aucune commande à la société Lhéritier à compter du 10 décembre 2018, il n'en demeure pas moins que la résiliation du contrat par la société Vedreine n'est intervenue que le 20 février 2019 de sorte que le contrat a perduré jusqu'à cette date. La société Vedreine ne saurait prétexter l'absence de fournitures de palettes par la société Lhéritier pour expliquer l'absence de commandes alors qu'elle n'a pas alerté son cocontractant d'une difficulté à ce sujet avant un courriel du 11 mars 2019. Il en résulte que la société Vedreine a cessé d'exécuter ses obligations avant même de résilier le contrat.

Par ailleurs, il n'est pas discuté que les expéditions n'ont pas repris pendant la durée du préavis annoncé par lettre du 20 février 2019 alors même qu'en vertu des dispositions précitées les parties devaient maintenir l'économie du contrat pendant la période de préavis. La société Vedreine ne saurait en imputer la responsabilité à la société Lhéritier en raison d'un défaut de fourniture de palettes dès lors qu'elle n'a pas fait état à sa cocontractante de l'existence d'une difficulté sur ce point. Il sera relevé que la société Vedreine s'est contentée d'adresser à la société Vedreine un courriel le 11 mars 2019, soit plusieurs mois après l'arrêt des expéditions, dans lequel elle a écrit : « Nous aurions d'éventuelles expéditions pour la semaine prochaine à vous confier mais nous souhaiterions, au préalable, repartir sur la base de 0 concernant les palettes Europe car nous mettons en place un nouveau système de suivi chez nous.

Ainsi, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous informer si vous nous devez des palettes et dans ce cas quand vous auriez la possibilité de nous les ramener ' »

Il ne ressort aucunement de ce courriel que la société Vedreine était dans l'impossibilité de confier des expéditions à sa partenaire commerciale. Ce n'est que par lettre recommandée du 3 avril 2019, soit quatre mois après l'arrêt des expéditions, qu'elle a invoqué ce motif pour imputer à la société Lhéritier l'absence d'exécution du préavis.

Il résulte de ces éléments que l'absence d'exécution du préavis est imputable à la société Vedreine qui ne pouvait légitimement imposer, le 3 avril 2019, à sa partenaire de reprendre un flux d'affaires qu'elle avait unilatéralement interrompu depuis plusieurs mois.

Sur l'indemnisation

La société Lhéritier revendique la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé à la somme de 29.127 euros le montant des dommages intérêts dus au titre de la non-exécution du préavis accordé. Elle fait valoir que les premiers juges ont pris en compte les chiffres d'affaires réalisés sur les trois dernières années et ont appliqué une marge brute de 57,15% attestée par son expert-comptable.

La société Vedreine conteste le préjudice invoqué. Elle soutient que le préjudice financier résultant de l'absence d'exécution du préavis doit être calculé au regard des la marge brute des trois derniers exercices. Elle ajoute que la société Lhéritier ne produit aucun élément probant permettant de vérifier le taux de marge brute allégué.

Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, la société Lhéritier atteste des chiffres d'affaires réalisés avec la société Vedreine en 2016, 2017, 2018 par les documents comptables versés aux débats, soit un chiffre annuel moyen de 101.934 euros entre 2016 et 2018, et de sa marge brute par une attestation d'expert-comptable, soit une marge brute moyenne de 57,15% entre 2016 et 2018.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Vedreine à payer à la société Lhéritier la somme de 29.127 euros [(101.934 euros/2) x 57,15%] à titre de dommages intérêts au titre de la non-exécution du préavis de six mois.

S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal courront à compter du prononcé du jugement, soit le 25 mai 2021, en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

La demande de capitalisation ayant été faite dès l'assignation de première instance, les intérêts de cette somme seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 25 mai 2022.

Sur la demande en paiement de factures

La société Lhéritier revendique la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Vedreine à lui payer la somme de 8.359,15 euros au titre d'un solde de factures de transport dues. Elle fait valoir que la société Vedreine ne peut invoquer l'exception d'inexécution pour trois incidents concernant des marchandises transportées. Elle explique que la société Vedreine a refusé l'indemnisation légale prévue au titre de ces trois incidents (une livraison de palette endommagée au mois de septembre 2018, une perte de colis au mois de novembre 2018 et une destruction de marchandise au mois d'octobre 2018) et ne pouvait pas bloquer le paiement des prestations de transport effectuées dans l'attente d'obtenir une indemnisation supérieure non due.

Pour s'opposer au paiement des factures litigieuses, la société Vedreine invoque l'exception d'inexécution. Elle explique que la société Lhéritier n'a pas respecté son obligation d'indemnisation résultant des trois pertes et avaries dont elle s'est trouvée responsable à la fin de l'année 2018.

L'article 1219 du code civil dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il n'est pas discuté que la société Lhéritier est responsable des pertes et avaries des marchandises suivantes :

- une livraison de palette endommagée au mois de septembre 2018 à destination du client Maestrani représentant un montant de 3.907,20 euros HT,

- une perte de colis au mois de novembre 2018 à destination de la société Sevignac représentant un montant de 1.661,40 euros HT,

- une destruction de marchandise au mois d'octobre 2018 à destination de la société Riegelin représentant un montant de 2.238,35 euros HT.

Par courriel du 13 janvier 2019, la société Vedreine a indiqué à la société Lhéritier que : « En ce qui concerne les règlements, ils reprendront une fois que nous aurons trouvé une solution amiable aux litiges. Le plus tôt sera le mieux mais ça tient à toi de faire des propositions.

Je suis tout à fait disposé à te recevoir pour faire avancer les choses positivement mais il ne faudra pas venir uniquement pour me répéter les mêmes bêtises sinon la réunion va durer 30 secondes. (') ».

Par courriel du 14 janvier 2019, la société Lhéritier a répondu : « Il y a eu des litiges, j'en suis désolé, ils sont en cours d'instruction et aucun problème pour régler ce que l'on doit. Mais comme je l'ai déjà écrit, pas de prise en charge s'il n'y a pas de réserve motivée et pas de prise en charge au-delà de la limite de responsabilité contractuelle. Des solutions et aménagements sont mis en place pour améliorer notre QDS en permanence. Malheureusement le 0 défaut est un objectif dans toutes les entreprises mais n'est pas toujours atteint, nous gérons des hommes et des moteurs. (') »

Il résulte de ces courriels que contrairement à ce que la société Vedreine soutient la société Lhéritier n'a nullement refusé de l'indemniser des préjudices résultant des pertes et avaries mais a invoqué les stipulations contractuelles et les limites de responsabilité en matière de transport qui prévoient que, pour les envois inférieurs à trois tonnes, l'indemnité ne peut excéder 33 € par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser 1 000 € par colis perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur.

En outre, il sera relevé que la société Vedreine ne justifie pas d'une inexécution suffisamment grave de la part de la société Lhéritier pour suspendre l'exécution de son obligation de payer les prestations de transport effectuées. En effet, il n'est pas contesté qu'en 2016, il y a eu 5 litiges sur 491 livraisons, soit 1,02%, en 2017, il y a eu 4 litiges sur 656 livraisons, soit 0,61% et en 2018, il y a eu 7 litiges sur 503 livraisons, soit 1,4%, ce qui représente un faible nombre d'incidents au regard du nombre de livraisons.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Vedreine à payer à la société Lhéritier une somme de 8.359,15 euros au titre d'un solde de factures de transport dues.

Conformément à la demande de la société Lhéritier, cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 29 novembre 2019, date de l'assignation.

Sur la demande au titre des pertes et avaries

La société Vedreine demande qu'il soit enjoint à la société Lhéritier de procéder au versement des sommes dues au titre des dédommagements pour les pertes et avaries causées sur les livraisons effectuées auprès des clients suivants : la société Maestriani, la société Sevignac et la société Riegelein.

La société Lhéritier affirme que l'action en indemnisation pour ces incidents est désormais prescrite en vertu de l'article L. 133-6 du code de commerce.

En application de l'article L. 133-6 du code de commerce, les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

En l'espèce, s'agissant de livraisons ayant eu lieu en septembre, octobre et novembre 2018, la demande d'indemnisation interruptive de prescription aurait dû être effectuée au plus tard en septembre, octobre et novembre 2019.

Or la société Vedreine ne justifie d'aucun acte interruptif de prescription dans le délai imparti étant précisé que l'action en justice a été introduite en première instance par la société Lhéritier par acte du 29 novembre 2019.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Vedreine au titre des avaries et pertes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La société Lhéritier ne justifie d'aucun préjudice indépendant du retard de la société Vedreine à exécuter son obligation de paiement déjà réparé par l'allocation d'intérêts moratoires.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède qu'aucun abus de procédure n'est caractérisé à l'encontre de la société Lhéritier.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Vedreine succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Vedreine supportera les dépens d'appel. Elle sera condamnée à payer à la société Lhéritier une somme supplémentaire de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sa demande sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Dit que la condamnation de la société Vedreine et Cie à payer à la société Lhéritier & Fils la somme de 29.127 euros à titre de dommages intérêts au titre de la non-exécution du préavis accordé portera intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2021 ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 25 mai 2022 ;

Dit que la condamnation de la société Vedreine et Cie à payer à la société Lhéritier & Fils la somme de de 8.359,15 euros au titre d'un solde de factures de transport dues portera intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 2019 ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 29 novembre 2020 ;

Condamne la société Vedreine et Cie à payer à la société Lhéritier & Fils la somme supplémentaire de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Vedreine et Cie de ce chef ;

Condamne la société Vedreine et Cie aux dépens d'appel.