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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 20 juin 2024, n° 23/00270

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Réseau Fenêtres (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthe

Conseiller :

Mme Jacqueline

Avocats :

Me Doyen, Me Mazard, Me Antonini

TJ Laon, du 8 févr. 2022

8 février 2022

Le 20 juin 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Suivant bon de commande reçu le 6 juin 2018, M. [J] [I] a chargé la SARL Réseau Fenêtres de procéder à la fourniture et pose de menuiseries isolantes pour un prix total de 6 900 euros. Un acompte d'un montant de 3 400 euros a été réglé à la commande. M. [I] n'a pas réglé le solde réclamé par l'entreprise au motif que diverses malfaçons affectaient les menuiseries.

Par ordonnance du 23 octobre 2019, le juge des référés du tribunal judiciaire de Laon a ordonné une expertise et a désigné M. [H] [K] qui a déposé son rapport d'expertise le 16 mars 2020.

M. [I] a ensuite fait assigner la société Réseau Fenêtres devant le tribunal judiciaire de Laon afin d'obtenir sa condamnation au paiement des frais de remise en état et de dommages-intérêts.

Par jugement du 8 février 2022, le tribunal judiciaire de Laon a :

Condamné la société Réseau Fenêtres à lui verser la somme totale de 10 793,49 euros se décomposant comme suit :

- 9 693,49 euros au titre du coût de la remise en état,

- 500 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 600 euros au titre des pratiques commerciales trompeuses ;

Dit que la condamnation est assortie de l'intérêt au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil ;

Condamné la société Réseau Fenêtres à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Réseau Fenêtres aux entiers dépens.

La société Réseau Fenêtres a interjeté appel du jugement par déclaration du 5 janvier 2023.

Par ses dernières conclusions signifiées le 3 avril 2023, la société Réseau Fenêtres demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 8 février 2020 en ce qu'il a déclaré responsable contractuellement à l'égard de M. [I] la société Réseau Fenêtres et a condamné cette dernière à lui payer 10 793,49 euros outre 800 euros d'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance, statuant à nouveau, débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions, à titre subsidiaire, limiter les dommages- intérêts à allouer à M. [I] à la somme forfaitaire de 500 euros, le condamner à payer à la société Réseau Fenêtres la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi que les entiers dépens des deux procédures.

Elle expose qu'elle était uniquement chargée de remplacer un moteur de volet roulant et de changer les fenêtres de la porte, à l'exclusion de travaux de maçonnerie. Elle soutient que le rapport est critiquable car l'expert en architecture aurait dû se faire assister d'un menuisier, qu'il se fonde sur des photographies inexploitables, non datées dont l'auteur est incertain, qu'il reproche l'usage de mousse expansive alors qu'elle a été utilisée conformément aux règles de l'art, qu'il affirme que les menuiseries ne sont pas à la bonne taille alors qu'il n'a pris aucune mesure, que la critique portant sur la pose des cadres de menuiserie concerne des fenêtres qui ne sont pas identifiées, qu'elle n'est pas responsable de l'absence de pente du rejingot de la porte-fenêtre, qu'elle n'avait pas à sa charge la remise aux normes de l'installation électrique et que M. [I] a changé le verrou de la porte d'entrée qui fonctionnait nécessairement un an et demi après la réalisation des travaux. Elle met en avant que le chiffrage réalisé par l'expert se fonde sur un devis d'une société concurrente qui dépasse largement le marché initial et correspond au remplacement complet des menuiseries.

Elle expose que le préjudice ne saurait dépasser 500 euros alors que M. [I] n'a pas réglé le solde de la facture et a bénéficié d'une réduction fiscale.

Elle conteste toute pratique commerciale trompeuse et met en avant que les références au sous-traitant figuraient clairement sur la facture, la société ayant bénéficié de la réduction fiscale attendue.

Par ses dernières conclusions signifiées le 26 juin 2023, M. [I] demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Laon le 8 février 2022, débouter la société Réseau Fenêtres de toutes ses demandes, condamner la société Réseau Fenêtres au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il expose que l'expert a relevé des malfaçons et non-façons affectant les menuiseries rendant l'immeuble impropre à sa destination ou atteignant des équipements indissociables des ouvrages de couverture, clos ou couvert. Il souligne que la mousse expansive ne rend pas les menuiseries étanches et qu'il est nécessaire d'agir sur la maçonnerie.

Il relève que l'expert est spécialisé en construction et qu'il a lui-même pris les photographies. Il note que la société ne s'est pas présentée aux opérations d'expertise et n'a adressé aucune observation à la suite de la réception du pré-rapport. Il précise que la société devait assurer la sécurité électrique du volet roulant. Il indique que l'expert a bien apporté des explications techniques s'agissant des malfaçons.

Il soutient que la société doit prendre en charge l'intégralité du coût des travaux de reprise, indépendamment de la question du règlement du solde de la facture.

Il expose que la société s'est prévalue d'un label dont elle ne disposait pas et qu'il n'a pas bénéficié du crédit d'impôt attendu, la société sous-traitante évoquée par la société Réseau Fenêtres n'étant en réalité jamais intervenue sur le chantier.

La clôture a été ordonnée le 24 janvier 2024 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 4 avril 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité contractuelle de la société Réseau Fenêtres

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'entrepreneur est tenu d'une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve de la force majeure ou d'une cause étrangère.

En l'espèce, le rapport d'expertise de M. [K] établit l'existence de non-conformités et malfaçons sur les menuiseries caractérisées par un sous-dimensionnement de diverses menuiseries par rapport aux baies maçonnées, une fixation hors gros oeuvre non centrée, la compensation par l'utilisation de mousse expansive, solution non pérenne n'assurant pas l'étanchéité des fenêtres, la présence de rejingots bouchés, la dégradation de l'installation électrique au niveau de la salle de bain, une pose défectueuse des volets roulants outre diverses malfaçons de pose. Par ailleurs, l'expert a constaté une différence de nuances importante entre la porte et les moulures tout en soulignant que cette différence existait sur le catalogue mais était moins visible.

L'expert a établi un rapport d'expertise motivé et circonstancié incluant des photographies parfaitement exploitables, de taille adaptée, qui permettent de visualiser les désordres listés. Expert en construction, il n'était pas tenu, comme le prétend la société Réseau Fenêtres, de s'adjoindre un sapiteur spécialisé en menuiseries et l'aurait fait s'il avait estimé que ses compétences étaient insuffisantes pour répondre à la mission confiée par le juge des référés.

En outre, l'appelante est mal fondée à invoquer la violation du principe du contradictoire alors qu'elle a été régulièrement convoquée et ne s'est pas fait représenter aux opérations d'expertise.

Par ailleurs, l'expert ne reproche pas à la société d'avoir détérioré le gros oeuvre mais d'avoir posé des fenêtres sous dimensionnées et d'avoir compensé l'espace entre la maçonnerie et les menuiseries avec de la mousse polyuréthane qui n'est pas un matériau durable et qui n'assurera pas l'étanchéité des menuiseries sur le long terme. L'expert n'était pas tenu de mesurer les fenêtres et les portes-fenêtres, les photographies démontrant efficacement que les menuiseries sont sous-dimensionnées par rapport aux baies maçonnées et que le large écart entre les fenêtres et la maçonnerie a été compensé avec de la mousse expansive. De même, si la société Réseau Fenêtres n'est évidemment pas responsable de la pente des rejingots, il lui appartenait d'assurer un écoulement des eaux entre la base des menuiseries et lesdits rejingots. Chargée de remplacer le moteur du volet roulant de la salle à manger, la société appelante devait également assurer son fonctionnement sans laisser une installation électrique défectueuse. L'expert a aussi caractérisé une malfaçon s'agissant du type de grille d'aération de la cuisine, la réglementation imposant que l'air soit évacué par les pièces de service ce qui excluait de poser une grille d'entrée d'air comme l'a fait la société Réseau Fenêtres. Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, M. [K] développe une analyse technique pour caractériser la malfaçon en question. Enfin, M. [I] ayant fait état du mauvais fonctionnement du verrou de la porte, l'expert a constaté qu'il ne s'agissait pas du modèle commandé et aucun élément produit ne permet de confirmer l'allégation de la société tendant à considérer que M. [I] aurait changé le système de verrouillage en cause depuis la réalisation des travaux.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que les malfaçons décrites engagent la responsabilité de la société en raison des multiples violations des règles de l'art et du défaut de pérennité de l'installation des menuiseries.

Par ailleurs, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, aucune faute ne peut être reprochée à la société Réseau Fenêtres s'agissant des nuances de couleurs de la porte d'entrée. Si les nuances de blanc sont plus marquées en réalité que sur la photographie du catalogue, M. [I] a effectué ce choix sans que la porte présente de défauts ou qu'une non-conformité contractuelle soit caractérisée.

Sur les demandes indemnitaires

L'article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

La société Réseau Fenêtres développe divers moyens pour contester le chiffrage du coût des travaux de reprise réalisé par l'expert et retenu par les premiers juges sans contester l'indemnisation du préjudice de jouissance.

Le tribunal a retenu à bon droit que M. [I] n'a pu pleinement profiter dans des conditions de fonctionnement normal des menuiseries et la condamnation de la société Réseau Fenêtres à lui verser 500 euros à titre d'indemnisation de son préjudice de jouissance sera confirmée.

S'agissant des travaux de remise en état, ils ont été évalués par l'expert sur la base d'un devis de la société Tryba fourni par M. [I]. La société Réseau Fenêtres est mal fondée à reprocher à M. [I] de n'avoir fourni qu'un seul devis alors qu'elle-même n'en produit toujours aucun. M. [I] était libre de s'adresser à la société de son choix et il ne peut lui être fait grief de s'être adressé à un concurrent voisin de la société Réseau Fenêtres. Le devis correspond au remplacement des menuiseries ce qui est indispensable compte tenu du sous-dimensionnemment de celles fournies par la société Réseau Fenêtres. Enfin, si M. [I] n'a réglé que l'acompte dû à la société Réseau Fenêtres, il est en droit de solliciter l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Réseau Fenêtres à régler à M. [I] la somme de 9 693,49 euros au titre du coût de la fourniture et de la pose des menuiseries en remplacement de celles atteintes par les malfaçons et défauts de conformité (porte-fenêtres, 5 fenêtres d'entrée et la reprise des malfaçons de la porte d'entrée) et rejeté la demande concernant le coût du remplacement de la porte en l'absence de faute de la société sur ce point.

Sur la pratique commerciale trompeuse

Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation, les pratiques déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.

Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.

Pour bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 200 quater du code général des impôts à la période de souscription du contrat en cause, le contribuable devait être en mesure de présenter la facture comportant les mentions prévues en fonction de la nature des dépenses réalisées selon le cas, par l'entreprise qui a procédé à la fourniture et à l'installation des équipements ou par l'entreprise donneur d'ordre lorsque l'installation des équipements ou leur fourniture et leur installation ont été réalisés par une entreprise sous-traitante. La facture émise par l'entreprise donneur d'ordre qui fournit les équipements doit impérativement mentionner les coordonnées de l'entreprise sous-traitante ainsi que le signe de qualité (label RGE) dont cette dernière est titulaire et correspondant à la nature des travaux effectués.

En l'espèce, le bon de commande signé par M. [I] le 6 juin 2018 comporte la mention manuscrite suivant : 'RGE 15 % impôts', le '15" recouvrant le chiffre '30".

La société Réseau Fenêtres ne justifie pas qu'elle est 'reconnue garant de l'environnement' (RGE).

En revanche, elle se prévaut de la facture du 10 octobre 2018 qui fait apparaître la qualification RGE et comporte la mention 'les travaux de pose ont été effectués selon les normes en vigueur en sous traitant TERRAS AISNE ENTREPRISE RGE - CERTIFICAT QUALIBAT N°E-E79872 valable jusqu'au 10 mai 2019 - CREDIT D'IMPOT - 15 % SUR LE MONTANT DES FOURNITURES TTC - PAS SUR LA POSE'. Elle en conclut que M. [I] a pu bénéficier du crédit d'impôt ce qu'il conteste.

M. [I] a en réalité accepté de signer un devis avec la société Réseau Fenêtres en pensant, au regard de la mention portée sur le bon de commande, qu'elle était elle-même 'reconnue garant de l'environnement' ce qui n'est pas le cas. La société a porté la mention précédemment rappelée sur la facture sans jamais justifier de la réalité de la sous-traitance à la société TERRAS AISNE ENTREPRISE et sans justifier de la conformité réglementaire des menuiseries fournies aux normes ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt, comme l'a d'ailleurs souligné l'expert.

M. [I] a donc fait le choix de contracter avec la société Réseau Fenêtres en pensant qu'elle disposait du label RGE, ce qui n'était pas le cas. La société pouvait sous-traiter à une société disposant de ce label pour que M. [I] bénéficie du crédit d'impôt mais elle est dans l'incapacité d'en justifier et la seule mention portée sur la facture ne permet pas de s'assurer de l'effectivité de la sous-traitance.

La pratique commerciale déloyale est ainsi caractérisée.

L'expert a évalué le crédit d'impôt dont aurait pu bénéficier M. [I] à la somme de 986,85 euros.

Il convient donc, comme le sollicite l'intimé, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Réseau Fenêtres à lui verser une somme de 600 euros à titre d'indemnisation de son préjudice lié à la pratique commerciale déloyale de son co-contractant.

Le jugement entrepris sera en conséquence intégralement confirmé.

Sur les autres demandes

La société Réseau Fenêtres, qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 1 800 euros à M. [I] au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Réseau Fenêtres aux dépens d'appel,

Condamne la SARL Réseau Fenêtres à verser à M. [J] [I] une indemnité de 1 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.