CA Lyon, 6e ch., 20 juin 2024, n° 21/09086
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Confort Auto (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Doat
Conseillers :
Mme Allais, Mme Robin
Avocats :
Me Denis, Me Petreto
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Le 23 juin 2018, la société Confort Auto a vendu à M. [L] [T] un véhicule Renault Espace immatriculé [Immatriculation 5], moyennant le prix de 2.600 euros toutes taxes comprises.
Ce véhicule, mis en circulation pour la première fois le 18 mai 2006, affichait 210.500 kilomètres au compteur à la date de la vente.
Par courriels du 30 juillet 2018, M. [T] a informé la société Confort Auto de ce qu'il avait eu un problème mécanique grave sur le véhicule considéré à Alicante (Espagne), consistant en un problème de puissance du moteur, le conducteur devant monter en première dans une côte. Il a demandé en vain à la société Confort Auto la prise en charge de ce désordre ainsi que de différentes défectuosités en vertu d'une garantie contractuelle de 3 mois par courriels adressés en juillet et août 2018 puis le paiement de la somme de 5.802 euros correspondant aux travaux de remise en état des désordres considérés par courriel du 19 septembre 2018.
Suivant ordonnance du 2 octobre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon a enjoint à la société Confort Auto de payer à M. [T] la somme de 5.802 euros en paiement de travaux de remise en état du véhicule.
Cette ordonnance a été signifiée le 16 décembre 2020 au siège social de la société Confort Auto.
Le 29 décembre 2020, la société Confort Auto a fait opposition à cette ordonnance.
Par mention au dossier, le tribunal judiciaire de Lyon a renvoyé l'examen de l'affaire au tribunal de proximité de Villeurbanne territorialement compétent.
Les parties ont été convoquées devant le tribunal de proximité de Villeurbanne afin de voir statuer sur l'opposition de la société Confort Auto.
M. [T] sollicitait en dernier lieu de voir condamner la société Confort Auto à lui payer la même somme que celle fixée par l'ordonnance d'injonction de payer.
La société Confort Auto concluait au rejet des prétentions de M. [T] et réclamait reconventionnellement la condamnation de celui-ci à lui payer des dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire ainsi qu'à régler une amende civile.
Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal de proximité de Villeurbanne a :
vu l'opposition régulièrement formée le 29 décembre 2020,
- mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Lyon le 2 octobre 2020 et statuant à nouveau,
- rejeté l'intégralité des demandes formées par M. [T],
- condamné M. [T] à verser à la société Confort Auto la somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. [T] à verser à la société Confort Auto une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté pour le surplus, l'ensemble des demandes, moyens et arguments des parties,
- condamné M. [T] en tous les dépens de l'instance comprenant la procédure en injonction de payer.
Par déclaration du 21 décembre 2021, M. [T] a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 janvier 2023, M. [T] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté pour le surplus les demandes de la société Confort Auto,
à titre principal,
- condamner la société Confort Auto à lui payer la somme de 5.802 euros sous réserve d'actualisation notamment en cas de recours à une mesure d'expertise judiciaire, outre intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2018, au titre des réparations et travaux de remise en état des défauts de conformité affectant le véhicule en application des garanties contractuelle et légale, à titre subsidiaire au titre des réparations et des travaux de remise en état de nature à remédier aux manquements à l'obligation de délivrance conforme, à titre très subsidiaire au titre de la réduction du prix de vente et à titre de dommages et intérêts,
- en toutes hypothèses, rejeter l'intégralité des demandes de la société Confort Auto,
si la Cour d'Appel considère qu'elle est insuffisamment informée quant à l'existence des défauts de conformité, anomalies et pannes affectant le véhicule, désigner avant dire droit un expert afin de procéder à l'examen du véhicule litigieux suivant mission détaillée dans le dispositif des écritures,
- dire et juger (juger) que la ou les provisions à valoir sur les frais d'expertise seront pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle, ou à défaut par la société Confort Auto et condamner celle-ci à cette fin,
- condamner la société Confort Auto à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec en vertu des dispositions de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, renonciation de Maître Barthelat à percevoir la part contributive de l'Etat de l'aide juridictionnelle en cas de recouvrement de cette somme,
- condamner la société Confort Auto aux entiers dépens, de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Emilie Barthelat, Avocat, sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, la société Confort Auto demande à la Cour de :
- déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [T] en cause d'appel afin d'ordonner l'expertise judiciaire du véhicule,
- confirmer le jugement, sauf quant au montant des dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire et au rejet de sa demande d'amende civile,
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire ainsi qu'à une amende civile de 5.000 euros pour procédure abusive,
en tout état de cause,
- condamner M. [T] à lui payer une somme de 4.000 euros en réparation des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense en justice, tant en première instance devant la juridiction de Lyon que celle de Villeurbanne sur renvoi d'office pour incompétence territoriale du fait du demandeur, puis devant la cour d'appel de Lyon sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les parties ne contestent pas la recevabilité de l'opposition de la société Confort Auto à l'ordonnance d'injonction du 2 octobre 2020. Cette opposition ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande en paiement de M. [T] et de l'ensemble du litige opposant les parties, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 2 octobre 2020.
Le premier juge a débouté M. [T] de sa demande en paiement de la somme de 5.802 euros au titre des travaux nécessaires à la remise en état du véhicule sur le fondement de la garantie de conformité, en l'absence de preuve des défauts de conformité allégués.
M. [T] fait valoir que :
- le véhicule acheté est tombé en panne en Espagne moins d'un mois après sa livraison, ce qui a été constaté par plusieurs garagistes, et il a été contraint de faire procéder à des réparations au niveau des freins pour reprendre la route,
- les travaux de remise en état des désordres affectant le véhicule doivent être pris en charge par le vendeur au titre de la garantie contractuelle de 3 mois prévue au contrat ainsi que de la garantie légale de conformité en application des articles L.217-5 et L.217-7 du code de la consommation, compte tenu de la gravité et de l'importance des désordres,
- à titre subsidiaire, les travaux de remise en état précités sont dus en raison du manquement de la société Confort Auto à son obligation de délivrance conforme en vertu de l'article 1604 du code civil et au titre de la garantie des vices cachés en vertu des articles 1641 et suivants du code civil,
- sa demande d'expertise judiciaire est recevable, étant l'accessoire ou à défaut le complément nécessaire de sa demande principale en paiement.
La société Confort Auto réplique que :
- la demande d'expertise doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel ou mal fondée, étant observé qu'elle n'aurait pour effet que de pallier la carence de M. [T] dans l'administration de la preuve : M. [T] ne justifie pas notamment avoir subi des pannes en Espagne, étant observé qu'il a fait l'objet d'une contravention pour excès de vitesse au même moment, a parcouru un nombre important de kilomètres depuis la vente et ne précise pas où serait le véhicule litigieux,
- la facture d'achat du véhicule, dont il n'est pas démontré qu'elle serait constitutive d'un faux, montre que M. [T] bénéficiait d'une garantie moteur et boîte de 3 mois ou de 3.500 kilomètres ; or, M. [T] ne peut se prévaloir de cette garantie contractuelle, n'ayant pas ramené le véhicule litigieux au vendeur dans le délai de 3 mois à compter de la vente et ayant en outre fait un usage intensif et répréhensible du véhicule, lequel usage pourrait être à l'origine des désordres allégués,
- M. [T] ne prouve pas le défaut de conformité du véhicule à celui acheté, compte tenu de l'utilisation intensive et répréhensible qu'il en a faite, ni le vice caché dont ce véhicule serait affecté.
sur la demande d'expertise de M. [T] :
La demande d'expertise judiciaire formée par M. [T] est certes nouvelle en cause d'appel. Toutefois, la faculté donnée aux parties par l'article 563 du code de procédure civile de produire en cause d'appel de nouvelles pièces ou de proposer de nouvelles preuves induit également la possibilité de solliciter une expertise ou toute autre mesure d'instruction. Aussi, cette demande est recevable, contrairement à ce que soutient la société Confort Auto.
Il ressort des explications des parties que les désordres, défauts de conformité ou vices cachés affectant le véhicule litigieux seraient apparus en juillet et août 2018. Or, M. [T] n'a fait procéder à aucune expertise amiable du véhicule et n'a sollicité l'expertise judiciaire de celui-ci que dans ses premières conclusions d'appel du 18 mars 2022, soit plus de trois ans après l'apparition des désordres, défauts de conformité ou vices cachés invoqués. Le véhicule n'est plus dans l'état où il se trouvait de juillet à septembre 2018, du fait que M. [T] continue de l'utiliser. La mesure d'instruction sollicitée plus de cinq ans après les faits la motivant est dès lors trop tardive pour permettre de déterminer les défectuosités affectant le véhicule et en rechercher les causes. M. [T] sera débouté de sa demande d'expertise judiciaire.
sur la demande principale en paiement :
M. [T] produit, en sus des courriels échangés avec la société Confort Auto, les pièces suivantes :
- une facture de la société Automoviles Gomis à Alicante (Espagne) du 9 août 2018 faisant état d'un test complet du véhicule moyennant le prix de 30,78 euros TTC (toutes taxes comprises),
- une facture de la société Feu Vert à Alicante du 10 août 2018 faisant état du remplacement des plaquettes de frein moyennant le prix de 170 euros TTC,
- un devis de la société BS Auto Classic du 7 septembre 2018 chiffrant à la somme de 5.802 euros les travaux de remise en état nécessaires pour remédier aux défauts du véhicule suivants : lève-vitre arrière droit, fuite d'huile interne du turbo, usure irrégulière des pneumatiques avant, protection sous moteur HS et mauvaise fixation, système de frein de stationnement défaillant, défaut de fonctionnement du système de réglage des vitres des rétroviseurs, remplacement débimètre moteur moyennant le prix total de 5.802 euros.
quant à la garantie contractuelle de 3 mois :
Le bon de commande du véhicule signé par M. [T] fait état d'une garantie contractuelle de 3 mois mais n'en précise pas le contenu. Si la facture 0293 du 23 juin 2018 établie par la société Confort Auto au nom de M. [T] mentionne 'garantie : oui 3 mois ou 3500 km moteur et boîte', la société Confort Auto ne démontre pas que ces limitations de garantie étaient contractuelles, en l'absence de tout document signé par l'acquéreur sur ce point.
Le devis de la société BS Auto Classic du 7 septembre 2018 quant aux désordres affectant le véhicule a été établi dans le délai de trois mois à compter du 23 juin 2018, date de cession du véhicule. Cependant, en l'absence de tout document contradictoire entre les parties de nature à établir la nécessité des travaux de réparation considérés, M. [T] ne démontre pas que ceux-ci sont susceptibles d'être couverts par la garantie contractuelle du vendeur. Il sera débouté de sa demande en paiement sur le fondement de la garantie contractuelle.
quant à la garantie légale de conformité en application des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation :
Aux termes des articles L.217-5 et L.217-7 du code de la consommation, le bien est conforme au contrat :
1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Pour les biens vendus d'occasion, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Les défauts de conformité affectant le véhicule ont été invoqués par M. [T] dans le délai de six mois requis par les articles du code de la consommation précités. Néanmoins, ils n'ont pas été établis contradictoirement entre les parties, de telle sorte qu'ils ne sont pas prouvés par M. [T]. Au surplus, le devis de la société BS Auto Classic du 7 septembre 2018 fait apparaître que le véhicule avait à cette date un kilométrage de 222.248 kilomètres au lieu de 210.500 kilomètres à la date de son acquisition, soit 11.748 kilomètres en plus en moins de trois mois. Aussi, compte tenu de l'ancienneté et du kilométrage initial du véhicule acheté, M. [T] ne démontre pas que celui-ci n'était pas propre à l'usage habituellement attendu d'un tel bien. C'est donc à juste titre que le premier juge a débouté M. [T] de sa demande en paiement au titre de la garantie légale de conformité.
quant au manquement à l'obligation de délivrance conforme et à la garantie des vices cachés en application des articles 1604 et suivants du code civil :
La garantie légale de conformité en application des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation englobe à la fois la garantie des vices cachés et l'obligation de délivrance conforme de droit commun. Les actions fondées sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme ou sur la garantie des vices cachés en application du droit commun de la vente ne sont donc que des recours subsidiaires de l'acheteur à l'action fondée sur les articles L.217-4 et suivants du code de la consommation. Or, il convient en l'espèce de rejeter les demandes de M. [T] fondées sur le manquement à l'obligation de délivrance et la garantie des vices cachés de droit commun pour les mêmes motifs que ceux pour lesquels la Cour n'a pas fait droit à la demande de M. [T] en application des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande principale en paiement.
sur les autres demandes :
Le premier juge ayant fait droit à la requête en injonction de payer de M. [T], la société Confort Auto n'établit pas le caractère abusif de la procédure diligentée par celui-ci. La société Confort Auto sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire et le jugement infirmé de ce chef. En revanche, le même jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Confort Auto de sa demande afin de voir prononcer une amende civile à l'encontre de M. [T].
Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement sera confirmé quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. M. [T], qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamné aux dépens d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles. Toutefois, l'équité ne commande pas d'allouer une indemnité supplémentaire à la société Confort Auto sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné M. [T] à payer à la société Confort Auto la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
L'infirme de ce chef ;
STATUANT A NOUVEAU,
Déboute la société Confort Auto de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire ;
Condamne M. [T] aux dépens d'appel ;
Rejette les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.