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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 20 juin 2024, n° 20/03858

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/03858

20 juin 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 20 JUIN 2024

N° 2024/174

Rôle N° RG 20/03858 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFX3P

S.A.R.L. AUDIT DIAGNOSTICS TECHNIQUES IMMOBILIER - AUDIT D. T.I.

C/

[H] [L]

[T] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN

SCP LIZEE- PETIT-TARLET

Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 10 février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/06294.

APPELANTE

S.A.R.L. AUDIT DIAGNOSTICS TECHNIQUES IMMOBILIER exerçant sous l'enseigne 'AUDIT AIX', prise en la persnne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assisté de Me Damien JOST, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [H] [L]

né le 12 Juillet 1976 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [L]

née le 25 Décembre 1979

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Eric TARLET de la SCP LIZEE- PETIT-TARLET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente rapporteure,

Madame Béatrice MARS, conseillère,

Madame Florence TANGUY, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024, prorogé au 20 juin 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024,

Signé par Cathy CESARO-PAUTROT, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte authentique en date du 15 décembre 2015, M. [H] [L] et son épouse, Mme [T] [U], ont acquis auprès de Mme [X] [J] une maison à usage d'habitation, située [Adresse 1], au prix de 640 000 euros.

Préalablement à la vente, courant avril 2015, le vendeur a fait appel à un diagnostiqueur, le cabinet SARL Audit DTI, lequel a indiqué dans un rapport en date du 13 avril 2015 une surface habitable totale de 213,02 m².

Postérieurement à la vente, des désordres d'infiltrations sont survenus et les acquéreurs ont découvert que la surface habitable des combles aménagés de 24,47 m² retenue par le cabinet Audit DTI était erronée en ce qu'elle était de 15,37 m², soit une différence de 9,10 m².

Par ordonnance de référé en date du 21 mars 2017, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a accédé à la demande d'expertise judiciaire des époux [L] et a désigné M. [E]. Ce dernier a déposé son rapport le 16 octobre 2017.

Par actes d'huissier en date des 26 octobre et 3 novembre 2017, M. et Mme [L] ont fait assigner, devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, sur le fondement de la garantie des vices cachés et de l'obligation de délivrance Mme [X] [J], sur le fondement de la responsabilité délictuelle la SARL Audit DTI, et sur le fondement de la responsabilité contractuelle la SARL Agence Korine Olivier, à l'effet d'être indemnisés de leurs préjudices.

* Vu le jugement en date du 10 février 2020 par lequel le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a notamment :

- condamné Mme [X] [J] à payer à Mme [T] [L] et M. [H] [L] 26 447,86 euros ;

- condamné la SARL Korine Olivier à payer à Mme [T] [L] et M. [H] [L] la somme de 6 611,97 euros ;

- dit que les sommes de 26 444,86 euros et 6 611,97 euros seront indexées à l'indice BT 01 pour leur part correspondant à des travaux jusqu'à parfait règlement ;

- condamné la SARL Audit DTI à payer à M. et Mme [L] la somme de 17 089,20 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné in solidum Mme [X] [J], la SARL Korine Olivier et la SARL Audit DTI à verser à M. et Mme [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus de toutes les demandes des parties plus amples ou contraires ;

- condamné in solidum Mme [X] [J], la SARL Korine Olivier et la SARL Audit DTI aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

Vu l'appel relevé le 12 mars 2020 par la SARL Audit diagnostics techniques immobilier Audit DTI ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 4 juin 2020, par lesquelles la société Audit diagnostics techniques immobilier Audit DTI demande à la cour de :

Vu les articles 1199, 1200, 1231-1, 1240, 1583 et 1589 du code civil,

- infirmer le jugement entrepris sur les condamnations prononcées à son encontre,

- débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,

- condamner les époux [L] à lui payer la somme de 8.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux dépens, lesquels seront recouvrés par Me Magnan, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 2 septembre 2020, par lesquelles M. et Mme [L] demandent à la cour de :

- dire l'appel irrecevable et mal fondé,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Audit DTI à leur payer la somme de 17 089,20 euros,

- constater que la responsabilité délictuelle de la SARL Audit DTI est parfaitement engagée,

- condamner la SARL Audit DTI à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP Lizee-Petit-Tarlet ;

SUR CE, LA COUR

L'appelante conteste la mise en 'uvre de sa responsabilité s'agissant de la faute, du lien de causalité et du préjudice. Elle fait valoir que le mesurage n'est pas entré dans le champ contractuel et que la vente est intervenue sans garantie de contenance. Elle affirme que l'acquéreur ne s'est préoccupé de la surface des combles qu'à l'occasion d'un projet de rénovation postérieur à la vente. Elle prétend que le consentement de l'acquéreur a été exclusivement déterminé par ce qu'il a visité, et non par la somme totale des mètres carrés composant l'existant, et que la configuration des lieux ne l'a pas dissuadé d'acheter le bien. Elle estime que l'obtention d'une remise supplémentaire lors de la vente est improbable. Elle critique l'évaluation de l'expert judiciaire et l'analyse du premier juge qui a consacré une garantie plus favorable qu'elle ne l'aurait été au regard de la loi Carrez, puisque le déficit de surface représente tout au plus 4,27 %. Elle ajoute qu'il n'y a pas de surface manquante compte tenu de la surface au sol mesurée.

Les intimés répliquent qu'ils ont été induits en erreur concernant la surface habitable de la maison par le certificat de la société Audit DTI, paraphé par le vendeur et l'acquéreur, et que les annexes font partie intégrante de l'acte de vente. Ils exposent que les combles sont nécessaires pour restituer la troisième chambre du niveau principal et qu'ils ne peuvent plus valoriser la chambre et la salle d'eau indiquées lors de la vente. Ils soutiennent subir un préjudice financier en raison de la perte de surface de l'immeuble. Ils contestent la notion de perte de chance et affirment qu'ils étaient en droit de demander une diminution du prix au prorata de la surface manquante.

Aux termes de l'article R 111-2 du code de la construction de l'habitation, la surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.

Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre.

En l'espèce, la SARL ADTI a été missionnée afin d'établir la superficie de la surface privative et de la surface habitable du bien immobilier situé [Adresse 1] appartenant à Mme [J]. Le certificat établi le 13 avril 2015 mentionne une surface habitable totale de 213,02 m2 et récapitule les parties de l'immeuble visitées au rez-de-chaussée et au premier étage. Il est indiqué premier étage, chambre 4 : 16,43, salle d'eau ; 8,04, tant en ce qui concerne la superficie habitable que la surface annexe.

Cette surface figure sur l'annonce commerciale de l'agence Korine Olivier.

Il ressort du rapport d'expert judiciaire notamment les éléments suivants :

- une partie de la hauteur sous plafond des combles aménagés est inférieure à 1,80 m, ce qui n'est pas considéré comme une surface habitable ;

- la hauteur, dont la hauteur est inférieure à 1,80 m est de 8.03 m². La véritable surface habitable est de 15,37 m² soit une différence de surface habitable par rapport au certificat de superficie du cabinet d'audit DTI de 9,10 m² (24.47 m²-15.37 m²) ;

- le cabinet d'audit DTI n'a pas déduit les surfaces dont la hauteur sous plafond sont inférieures à 1,80 m ;

- le préjudice est évalué à 17 089,20 euros (400 000 x 9,10 m²/213 m²) ;

- pour être considérée comme surface habitable, la charge d'exploitation du plancher ne doit pas être inférieure à 150 kg /m² ; la poutre maîtresse située en plafond du séjour est de 19 cm de haut et 30 cm de large ; elle n'est pas dimensionnée pour supporter un plancher ayant la charge d'exploitation suffisante pour créer de la surface habitable ; lors de l'accedit, il a été noté un fléchissement de 4.4 cm et 7.6 cm ; les combles ne peuvent pas être considérés comme une surface habitable.

Ainsi, la SARL ADTI a commis une erreur de mesurage constitutive d'une faute.

Dans le cas présent, la maison vendue ne fait pas partie d'une copropriété.

Le compromis de vente indique, page 11, " Contenance ", que le vendeur ne confère aucune garantie de contenance du terrain ni de superficie des constructions.

L'acte authentique de vente ne comporte aucune mention relative à la surface habitable du bien immobilier ni de référence au certificat établi par la SARL ADTI. La copie versée au débat ne comporte pas les annexes.

Le caractère déterminant de la surface habitable pour les époux [L], est sujet à caution, étant observé que ces derniers connaissaient parfaitement la configuration des lieux telle qu'elle apparaît sur les photographies. Il ne peut être considéré comme acquis que les intimés se sont portés acquéreurs du bien immobilier au regard de sa surface et qu'ils auraient remis en cause la vente s'ils avaient eu connaissance de l'erreur de mesurage représentant 9,10 m² des combles aménagés.

L'intimée fait valoir, avec pertinence, que l'acquéreur agit en réalité en diminution du prix comme le révèle son calcul proportionnel.

Le lien causal direct et certain entre le préjudice financier allégué au titre du déficit de surface et le manquement de la SARL ADTI à ses obligations est insuffisamment caractérisé, de même que la perte de chance d'obtenir une remise supplémentaire, alors que le bien a été vendu avec une réduction sensible du prix initial (695 000 euros) à hauteur de 55 000 euros.

En conséquence, les conditions pour mettre en 'uvre la responsabilité de la SARL ADTI ne sont pas réunies. Dès lors, il y a lieu d' infirmer le jugement et débouter les époux [L] de leurs demandes à l'encontre de la SARL ADTI.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré sur les condamnations prononcées à l'encontre de la SARL Audit diagnostics techniques immobilier ADTI ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [H] [L] et Mme [T] [U] épouse [L] de leurs demandes à l'encontre de la SARL Audit diagnostics techniques immobilier ADTI ;

Condamne M. [H] [L] et Mme [T] [U] épouse [L] à verser à la SARL Audit diagnostics techniques immobilier ADTI la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [L] et Mme [T] [U] épouse [L] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,