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Décisions

CA Dijon, 2 e ch. civ., 20 juin 2024, n° 22/00431

DIJON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blanchard

Conseillers :

Mme Bailly, Mme Kuentz

Avocats :

Me Dubar, Me Mortier-Krasnicki

TJ Chalon-sur-Saône, du 7 janv. 2022, n°…

7 janvier 2022

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mme [H] a fait l'acquisition, le 2 juillet 2019, auprès de M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, d'un véhicule d'occasion de marque Citroën, dont la première mise en circulation remontait au 24 octobre 2005, moyennant le prix de 2 990 euros.

Elle déclarait s'être aperçue le jour même, sur le chemin du retour, que la voiture accélérait toute seule.

Après une intervention sur le véhicule effectuée le 31 juillet 2019 par le garage Best Auto 71, Mme [H] adressait le 6 août 2019, une lettre recommandée au vendeur, dans laquelle elle se plaignait que le boitier papillon prétendument changé le 31 juillet 2019 n'était pas une pièce neuve, et qu'elle entendait se prévaloir de la garantie des vices cachés et obtenir le remboursement des montants versés.

Le 11 octobre 2019, une expertise amiable se déroulait à la demande de la compagnie d'assurance de Mme [H], le représentant de la Best Auto 71 ayant été dûment convoqué. En son absence, il était constaté que le véhicule présentait un kilométrage de 149 088 km et avait parcouru 1818 km en 3 mois. Il était indiqué une absence de fonctionnement du boitier papillon des gaz d'admission.

Par ordonnance rendue le 22 septembre 2020, le juge des référés de ce tribunal a ordonné une expertise judiciaire du véhicule.

L'expert a rendu son rapport définitif le 3 mai 2021.

Par acte du 11 août 2021, Mme [H] a assigné M. [T] devant le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône et sollicité la condamnation du défendeur à lui payer, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- la somme de 2 990 euros au titre du prix d'achat du véhicule,

- la somme de 159 euros au titre de la facture de réparation du 31 juillet 2019,

- la somme de 138,76 euros au titre des frais de changement de carte grise,

- la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance du 2 juillet 2019 jusqu'au jugement à intervenir,

- la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les dépens, qui comprendront ceux de référé et de fond, y inclus les frais d'expertise judiciaire.

Et ce après avoir prononcé la résolution de la vente du véhicule d'occasion de marque Citroën, tout en ordonnant en contrepartie au déféndeur de récupérer à ses frais le véhicule à son domicile, et ce dans le délai de 15 jours suivant la restitution du prix, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai.

A l'audience du 9 novembre 2021, Mme [H] a maintenu toutes ses prétentions soulignant la fraude relevée par l'expert dans son rapport d'expertise.

M. [T], assigné par acte remis à domicile, en la personne de sa concubine déclarée, n'a pas comparu et n'était pas représenté.

Par jugement réputé contradictoire du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :

prononcé la résolution de la vente passée le 2 jullet 2019 entre M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, et Mme [H] concernant le véhicule d'occasion de marque Citroën, moyennant le prix de 2.990 euros, en ce pour vice caché,

condamné en conséquence, M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, à payer les sommes suivantes à Mme [H] :

- 2 990 euros au titre du prix d'achat du véhicule ;

- 159 euros au titre de la facture de réparation du 31 juillet 2019,

- 138, 76 euros au titre des frais de changement de carte grise,

- 4 000 euros en réparation de tous ses préjudices confondus, notamment du fait de manoeuvres dolosives du vendeur,

- 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

déclaré qu'à défaut pour M. [T] d'avoir récupéré le véhicule dans un délai d'un mois après la signification du présent jugement, et intégralement à sa charge et à ses frais pour celui-là, Mme [H] pourra le faire détruire ou le vendre au plus offrant, sans aucune possibilité de recours de la part de M. [T] à son encontre de ce fait, qu'il soit indemnitaire ou fondé sur le droit de propriété,

condamné M. [T] aux dépens, qui comprennent tous ceux de référé, notamment l'intégralité des frais d'expertise judiciaire,

débouté Mme [H] de toutes ses autres demandes,

rappelé l'exécution de droit à titre provisoire de la présente décision telle qu'énoncée à l'article 514 du code de procédure civile sauf pour la mesure de destruction ou de vente du véhicule au plus offrant comme exposé ci-avant.

Par acte du 6 avril 2022, M. [T] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions notifiées le 5 mai 2022, M. [T] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de:

dire et juger l'appel principal de M.[T] recevable et bien fondé,

En conséquence,

infirmer le jugement rendu le 7 janvier 2022 par le juge près le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente passée le 2 jullet 2019 entre M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, et Mme [H] concernant le véhicule d'occasion de marque Citroën, moyennant le prix de 2 990 euros, en ce pour vice caché,

- condamné, en conséquence, M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, à payer les sommes suivantes à Mme [H] :

* 2 990 euros au titre du prix d'achat du véhicule ;

* 159 euros au titre de la facture de réparation du 31 juillet 2019,

* 138, 76 euros au titre des frais de changement de carte grise,

* 4 000 euros en réparation de tous ses préjudices confondus, notamment du fait de manoeuvres dolosives du vendeur,

* 1300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré qu'à défaut pour M. [T] d'avoir récupéré le véhicule dans un délai d'un mois après la signification du présent jugement, et intégralement à sa charge et à ses frais pour celui-là, Mme [H] pourra le faire détruire ou le vendre au plus offrant, sans aucune possibilité de recours de la part de M. [T] à son encontre de ce fait, qu'il soit indemnitaire ou fondé sur le droit de propriété,

- condamné M. [T] aux dépens, qui comprennent tous ceux de référé, notamment l'intégralité des frais d'expertise judiciaire,

Et statuant à nouveau,

constater l'absence de vices cachés affectant le véhicule de marque Citroën modèle C3 immatriculé [Immatriculation 5],

débouter Mme [H] de sa demande visant à ce que la résolution de la vente intervenue le 2 juillet 2019 soit prononcée,

débouter Mme [H] de ses demandes tendant à la condamnation de M. [T] aux sommes suivantes :

- 2.990 euros au titre du prix d'achat du véhicule,

- 159 euros au titre de la facture de réparation du 31 juillet 2019,

- 138,76 euros au titre des frais de changement de carte grise,

- 5.000 euros en réparation de son péjudice de jouissance du 2 juillet 2019 jusqu'au jugement à intervenir,

- 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

débouter Mme [H] de sa demande tendant à la condamnation de M. [T] aux dépens de première instance,

débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires,

condamner Mme [H] à verser à M. [T] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [H] aux entiers dépens de première intance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

Aux termes de conclusions notifiées le 20 juillet 2022, Mme [H] demande à la cour d'appel de :

Rejetant toutes conclusions contraires,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

débouter M. [T] de l'intégralité de ses prétentions,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône le 7 janvier 2022,

à titre subsidiaire, si la cour estimait ne pas devoir confirmer la disposition du jugement autorisant Mme [H] à disposer librement du véhicule en cas de non récupération par M. [T], dire que la restitution du véhicule se fera aux frais de M. [T] dans le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir puis passé ce délai sous atreinte de 50 euros par jour de retard.

Y ajoutant,

condamner M. [T] à régler à Mme [H] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

condamner M. [T] aux entiers dépens d'appel.

La clôture de la procédure est intervenue 12 mars 2024

MOTIVATION

Au soutien de sa demande tendant à rejeter le prononcé de la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, M.[T] soutient essentiellement que :

- il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour de cassation qui exclut la garantie des vices cachés en présence de la vente d'un véhicule ancien, au fort kilométrage, dont les défauts sont dus à une usure normale causée par la vétusté,

- il conteste avoir commis des manoeuvres dolosives, arguant qu'il a pris la précaution avant la vente, de faire réviser le véhicule et de le soumettre à un contrôle technique par l'établissement Autovision, lequel n'a relevé aucun défaut,

- ayant appris le problème lié à l'accélération du véhicule, il a procédé à la réparation du boitier papillon, Mme [H] ne réglant pas la facture de 159 euros qu'il lui avait adressée,

- il conteste les conclusions expertales, soutenant avoir effectué un 'balayage systématique' non avant la vente mais après avoir procédé au diagnostic préalable au changement du boitier papillon.

Mme [H] se prévaut des conclusions de l'expertise judiciaire pour solliciter la confirmation du jugement querellé, et la résolution de la vente en raison des vices cachés affectant le véhicule, relevant que le premier juge a mentionné des manoeuvres dolosives de M.[T].

L'article 1641 du code civil dispose :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

L'article 1644 du code précité prescrit :

« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. »

L'article 1645 du code civil prévoit que si le vendeur connaissait les vices liés à la chose, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

M. [C], expert judiciaire, indique dans son rapport d'expertise déposé le 3 mai 2021 notamment que :

- la mise en route du moteur révèle une fuite d'huile au niveau du joint de culasse, détruit par un phénomène de dilatation thermique des pièces en contact et une accélération sporadique du moteur,

- un dysfonctionnement du boitier papillon devant réguler l'arrivée d'air dans le moteur, ce dysfonctionnement étant également à l'origine de l'accélération

- 'Le fait générateur de la destruction du moteur provient d'une destruction d'un des composants du joint de culasse engendré par un phénomène latent et présent lors de la vente du véhicule à Mme [H].'

L'expert affirme que ' le véhicule a donc été vendu à Mme [H] alors qu'il présentait un dysfonctionnement du boîtier papillon et la présence d'une destruction du joint de culasse.' et que ' le vendeur qui ne pouvait ignorer les dysfonctionnements a volontairement réalisé un nettoyage moteur et l'effacement des codes défauts au calculateur moteur afin que ni le contrôleur technique ni Mme [H] ne constatent la fuite d'huile motrice et les accélérations sporadiques du moteur '.

Il précise que l'accélération moteur non maîtrisée est dangereuse et est susceptible de provoquer une collision.

Il ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire que le vendeur professionnel avait connaissance des vices avant la vente, vices cachés rendant le véhicule impropre à son usage.

Il est établi par l'expert que M. [T] ayant effacé le codes défauts du calculateur moteur avait connaissance des vices affectant le véhicule et que le remplacement du boitier papillon n'a pas été effectué.

Cela est confirmé à l'examen de la facture produite par M.[T], laquelle ne comporte en effet aucune référence relative à la nouvelle pièce remplaçant l'ancien boitier papillon. En outre, M.[T] ne s'explique pas sur les manipulations du calculateur moteur alors qu'il est intervenu plusieurs fois sur ce véhicule automobile et notamment avant la vente.

L'expert a indiqué que le changement du joint de culasse et du boitier papillon se chiffraient à un montant de 2 800 euros.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a :

- prononcé la résolution de la vente passée le 2 jullet 2019 entre M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71, et Mme [H] concernant le véhicule d'occasion de marque Citroën, moyennant le prix de 2.990 euros, en ce pour vice caché,

- condamné, en conséquence, M. [T], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71,

payer les sommes suivantes à Mme [H] :

* 2 990 euros au titre du prix d'achat du véhicule ;

* 159 euros au titre de la facture de réparation du 31 juillet 2019,

* 138,76 euros au titre des frais de changement de carte grise,

S'agissant de l'indemnité allouée pour trouble de jouissance contestée dans son montant par l'appelant, Mme [H] indique que le véhicule étant sujet à des accélérations et décélérations incontrôlées, elle a été contrainte de limiter au plus strict nécessaire ses trajets depuis le 2 juillet 2019, date d'achat du véhicule.

L'expert a relevé que le véhicule continuait à rouler magré une accélération moteur instable et il a conseillé à Mme [H] de faire remplacer le potentiomètre, la conduite pouvant s'avérer 'dangereuse à la longue'.

Au vu de ces éléments, la somme de 3 000 euros allouée au titre de l'indemnisation du préjudice de jouissance est justifiée.

Le jugement sera en conséquence infirmé relativement au quantum de l'indemnisation versée par M.[T] [S] à Mme [H] [K], fixé par la cour à un montant de 3 000 euros.

Le jugement sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception du montant des dommages et intérêts alloués à Mme [H] au titre du trouble de jouissance ;

Statuant à nouveau :

Condamne M. [T] [S], exerçant sous l'enseigne Best Auto 71 à payer à Mme [H] [K] la somme de 3 000 euros au titre du trouble de jouissance ;

Y ajoutant :

Condamne M. [T] [S] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [T] au paiement à Mme [H] [K] de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.