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Décisions

Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-22.823

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Le Pont Thomas (SCI), Modulobox (SARL)

Défendeur :

Le Pont Thomas (SCI), Modulobox (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Aldigé

Avocat général :

Mme Compagnie

Avocats :

Me Le Bret-Desaché, Me Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Cass. 3e civ. n° 22-22.823

26 juin 2024

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 octobre 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-19.631), le 27 juillet 2006, la société civile immobilière Le Pont Thomas (la bailleresse) a donné en location à la société Modulobox (la locataire) des locaux à usage commercial.

3. La locataire a conclu avec des tiers des contrats intitulés « prestations de services et mises à dispositions de bureaux ».

4. Alléguant de sous-locations irrégulières, la bailleresse a assigné la locataire en réajustement du loyer principal.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi n° S 22-24.046

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du même pourvoi

Enoncé du moyen

6. La locataire fait grief à l'arrêt de constater l'existence de contrats de sous-locations et, en conséquence, d'accueillir l'action en réajustement du loyer de la bailleresse, alors « que seul un contrat de location peut justifier un réajustement du loyer entre le bailleur et son preneur ; que pour qu'il y ait sous-location, le contrat doit remplir deux conditions cumulatives, à savoir d'une part qu'il ne doit porter que sur la mise à disposition des locaux ou, à tout le moins, cette mise à disposition ne doit pas s'accompagner d'importantes prestations complémentaires et d'autre part qu'il doit assurer au cocontractant du locataire principal une jouissance continue des lieux ; qu'une convention de mise à disposition d'espaces consentie à un tiers par un preneur à bail commercial, distincte d'une sous-location, prévoyant le paiement d'un prix correspondant à une jouissance limitée dans le temps et à des prestations assurées par le locataire principal, relatives à l'équipement, à l'entretien des locaux et au contrôle de l'accueil et de la sécurité ne peut être qualifié de sous-location permettant au bailleur de demander le réajustement du loyer principal sur le fondement de l'article L. 145-31 du code de commerce ; qu'en l'espèce, la société Modulobox avait fait valoir dans ses conclusions, preuves à l'appui que la mise à disposition de locaux équipés assortie de nombreuses prestations de services comprises dans le prix des bureaux en fonction de leur surface, telles qu'ameublement et entretien des locaux, chauffage, accès internet, téléphone, assurance, accès à des espaces partagés (réfectoire, kitchenette, salle de réunion, salle de détente, machine à café en libre-service gratuit, sanitaires), service d'accueil, surveillance et sécurisation des bâtiments ne pouvaient être qualifiés de sous location ; qu'en énonçant néanmoins que la prestation essentielle du contrat passé avec la société Modulobox est bien la mise à disposition de bureaux et non la fourniture de prestations comme l'entretien, l'accueil et la sécurité, l'assurance et la wifi, lesquelles ne sont que des prestations accessoires à la fourniture de bureaux, quand, au contraire les nombreuses prestations relatives à l'équipement et à l'entretien des locaux assurés par la société Modulobox ainsi que le contrôle de l'accueil et de la sécurité conservée par cette dernière en constituaient la condition nécessaire et indispensable et étaient de nature à démontrer que les contrats de mise à disposition passés par celle-ci ne pouvaient être requalifiés de sous-location permettant un réajustement du loyer, la cour d'appel a violé l'article 1709 du code civil, ensemble L. 145-31 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1709 du code civil et L. 145-31, alinéa 3, du code de commerce :

7. Aux termes du premier de ces textes, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

8. Aux termes du second, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation du loyer de la location principale, dont le montant, à défaut d'accord entre les parties, est déterminé selon une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 145-56 du code du commerce.

9. La qualification de sous-location, au sens de l'article L. 145-31 du code de commerce, est exclue lorsque le locataire met à disposition de tiers les locaux loués moyennant un prix fixé globalement, qui rémunère indissociablement tant la mise à disposition des locaux que des prestations de service spécifiques recherchées par les clients.

10. Pour retenir la qualification de sous-location et faire droit à la demande de réajustement de loyers, l'arrêt relève que les contrats de mise à disposition d'un bureau aux entreprises mentionnent précisément le numéro de bureau ainsi que sa surface, qu'ils prévoient une contrepartie financière fixée notamment en fonction de la superficie du bureau et pas seulement par la prestation de services, que les entreprises ont un accès permanent à leur bureau, qu'elles s'engagent à le maintenir dans un bon état d'entretien et en assurent la fermeture et que la durée des contrats est fixée à un mois mais renouvelable par tacite reconduction.

11. Il en déduit que la prestation essentielle du contrat est la mise à disposition de bureaux à des tiers, de manière exclusive et sans limitation dans le temps, dès lors que les prestations fournies comme l'entretien, l'accueil, la sécurité, l'assurance et la wifi ne sont qu'accessoires à la fourniture de bureaux équipés.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la redevance fixée globalement rémunérait indissociablement tant la mise à disposition de bureaux équipés que les prestations de service spécifiques recherchées par les clients, la cour d'appel, par des motifs impropres à caractériser des contrats de sous-location au sens de l'article L. 145-31 du code de commerce, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi

Enoncé du moyen

13. La locataire fait grief à l'arrêt de faire droit à la demande de réajustement du loyer principal et de fixer le montant du loyer réajusté à une certaine somme et pour une certaine période, alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation ayant constaté l'existence de contrats de sous-location portant sur le bien immobilier loué par la SCI Le Pont Thomas à la société Modulobox sis zone d'activités des basses forges à Noyal-sur-Vilaine entrainera par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile les chefs de l'arrêt ayant en conséquence fait droit à la demande de réajustement du loyer principal engagée par la SCI Pont Thomas et d'avoir en conséquence fixé le montant du loyer réajusté à la somme de 94 018,15 euros HT par an pour la période du 19 juin 2013 au 31 décembre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

14. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

15. La cassation du chef de dispositif constatant l'existence de contrats de sous-location portant sur les locaux loués s'étend aux chefs de dispositif faisant droit à la demande en réajustement du loyer principal et fixant le montant du loyer réajusté à une certaine somme, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

16. Cette cassation rend sans objet l'examen du pourvoi en cassation n° N 22-22.823 formé par la bailleresse qui fait grief à l'arrêt de fixer le montant du loyer réajusté à une certaine somme.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° S 22-24.046, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réajustement de loyers et déclare recevable cette action, l'arrêt rendu le 12 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société civile immobilière Le Pont Thomas aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société civile immobilière Le Pont Thomas et la condamne à payer à la société Modulobox la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.