CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 19 juin 2024, n° 22/01862
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Betcr (SARL)
Défendeur :
Ponthieu 48 (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leger
Vice-président :
Mme Legrois
Conseiller :
Mme Piedagnel
Avocats :
Me Boisseau, Me Chane-Kane
LA COUR
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, la SNC Ponthieu 48 (la SNC) a fait l'acquisition d'une pelle hydraulique sur chenilles de la marque DOOSAN type DX 235 LCR équipée de godets au prix de 133 000 euros, qu'elle a donnée en location en vertu d'un acte sous signature privée du 29 janvier 2018 pour une durée de 60 mois à la SARL Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation (BETCR).
Le matériel a été livré le 2 février 2018.
Par acte sous signature privée du même jour, M. [W] [F] [V], gérant, s'est porté caution solidaire des sommes dues par la société BETCR dans la limite de 135 287 euros, et pour 60 mois.
Dans la nuit du 19 au 20 octobre 2019, la pelle a été l'objet d'un incendie qui a entraîné sa destruction.
Se plaignant par ailleurs d'un défaut de paiement du loyer de septembre 2020, la SNC Ponthieu 48 a mis en demeure la société BETCR et M. [V] de s'en acquitter par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 septembre 2020.
Par acte du 13 novembre 2020, la SNC Ponthieu 48 a fait assigner la société BETCR et M. [V] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion en paiement des sommes dues au titre de la perte du matériel, des loyers impayés et de la résiliation du contrat de location.
Dans ses dernières conclusions, la SNC a sollicité la condamnation solidaire de la société BETCR et M. [V] à lui payer les sommes de 39 900 euros au titre de l'indemnité de sinistre contractuelle, 3 123,28 euros au titre des loyers de septembre et octobre 2020, 69,66 euros au titre d'un reliquat de TVA, 48 237,11 euros à titre d'indemnité de résiliation, 4 823,71 euros de pénalité forfaitaire et 13,34 euros de frais annexes, soit un total de 56 267,10 euros, outre 6 000 euros au titre des frais irrépétibles.
La société BETCR et M. [V] ont sollicité, à titre principal, l'annulation du contrat de location et de l'ensemble contractuel souscrit, subsidiairement, le prononcé de la fictivité de la SNC et la condamnation de celle-ci au paiement de dommages et intérêts au titre des indemnités d'assurance trop versées, et, plus subsidiairement, le débouté des prétentions de la SNC. En tout état de cause, ils ont sollicité le paiement d'une indemnité de procédure de 6 000 euros.
Par jugement contradictoire du 31 août 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :
Vu les articles 1103 et 2288 du code civil
- Débouté la société Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation de ses moyens tendant la nullité du contrat ;
- Condamné solidairement la société Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation et M. [W] [V] à payer à la SNC Ponthieu 48 la somme de 39 900 euros au titre de l'indemnité de sinistre ;
- Condamné solidairement la société Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation et M. [W] [V] à payer à la SNC Ponthieu 48 la somme de 3 206,28 euros au titre des loyers impayés et des frais ;
- Condamné solidairement la société Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation et M. [W] [V] à payer à la SNC Ponthieu 48 une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- Rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire ;
- Condamné la société Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation et M. [W] [V] aux entiers dépens. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 81,07 euros TTC, en ceux non compris les frais de signification du présent jugement et de ses suites s'il y a lieu.
Par déclaration au greffe en date du 23 décembre 2022, la société BETCR a interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 27 janvier 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2024 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience collégiale du 3 avril 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2024, la société BETCR demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
.débouté la SARL BETCR de sa demande de la nullité du contrat de location ;
.condamné la SARL BETCR de la somme de 39 900 euros au titre de l'indemnité de sinistre ;
.condamné la SARL BETCR de la somme de 3 206,28 euros au titre des loyers impayés et des frais ;
.débouté la société BETCR représentée par M. [V] de ses demandes ;
.condamné la société BETCR représentée par M. [V] à payer à la SNC Ponthieu 48 une indemnité 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
.condamné la société BETCR représenté par M. [V] aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau de :
- Juger que le contrat de location de matériel est nul ;
- Juger que le versement des indemnités demandées par la SNC Ponthieu 48 au titre de la résiliation du contrat de location constitue un enrichissement sans cause de la SNC Ponthieu 48 et ses associés ;
- Juger que les indemnités demandées par la SNC Ponthieu 48 au titre de la résiliation du contrat de location ne sont pas dues en tout état de cause ;
- Condamner la SNC Ponthieu 48 à payer à la société BETCR les sommes perçues dans le cadre de l'exécution du jugement du 31 août 2022 au titre de l'exécution provisoire ;
- Condamner la SNC Ponthieu 48 à payer à la société BETCR une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite l'annulation du contrat fondée sur un vice du consentement au moyen que les conditions d'application du dispositif de défiscalisation n'ont pas été respectées à son insu en l'absence de mention du taux de rétrocession et argue du non-respect de ses obligations légales par la société Inter Invest, cabinet de défiscalisation gérant la SNC Ponthieu, laquelle aurait dû porter son attention sur le fait que le matériel acquis par le locataire n'était pas neuf alors que le contrat avait été conclu dans le cadre d'une opération de défiscalisation suivant mandat spécifique signé entre les parties.
Elle considère que la SNC Ponthieu 48 ne rapporte pas la preuve de la remise en cause de l'avantage fiscal au niveau de ses associés et que les prétentions indemnitaires sont ainsi décorrélées d'un réel préjudice et qu'il en est de même s'agissant du préjudice tiré de la destruction du matériel par incendie compte tenu de la souscription d'une assurance par la SNC Ponthieu 48.
Dans ses dernières conclusions n°2 transmises par voie électronique le 25 septembre 2023, la SNC Ponthieu 48 demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société BETCR et M. [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
- Condamner solidairement la société BETCR et M. [V] à payer à la SNC Ponthieu 48 la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Elle considère que le contrat ne saurait être annulé en raison d'un dol imputé à la société Inter Invest, tiers au contrat signé par les parties et qu'il appartenait à la société BETCR de commander un matériel neuf pour pouvoir disposer de l'avantage fiscal et qu'elle doit supporter seule les conséquences de sa propre faute. Elle estime être bien fondée à réclamer les indemnités stipulées au contrat sans qu'il puisse être allégué un enrichissement sans cause et que le locataire est le seul responsable de la perte ou du dommage causé au matériel qu'il avait sous sa garde au moment du sinistre.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire :
La cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire et juger » lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
En l'espèce, les dispositions suivantes ne sont pas discutées en cause d'appel par les intéressés en ce que le tribunal a débouté la société BETCR de sa demande de voir prononcer la fictivité de la SNC et de condamner cette dernière à lui payer des dommages-intérêts au titre du versement des indemnités d'assurance trop versées.
Par ailleurs, la cour relève que la SNC ne sollicite plus à hauteur d'appel la condamnation à lui payer les sommes de 48 237,11 euros au titre de l'indemnité de résiliation et de 4 823,71 euros au titre des pénalités.
Enfin, la cour constate que seule la société BETCR a interjeté appel.
Sur la nullité du contrat de location de matériel :
La société BETCR demande à la cour de juger que le contrat de location de matériel est nul.
A l'appui de sa demande, elle soutient que, d'une part, son consentement a été vicié dans la mesure où un élément déterminant du contrat a été sciemment occulté par la SNC Ponthieu 48 (gérée par la société Inter Invest) : à savoir le prix de la chose vendue, en ce que les contrats ne comportent aucune référence au taux de rétrocession, ni même aux éléments en permettant sa détermination. Elle estime que le contrat n'est ni clair ni compréhensible. Elle considère enfin que la SNC Ponthieu 48 a failli à ses obligations de professionnel de la défiscalisation, à savoir à son devoir d'information qui est d'ordre public, s'agissant d'une opération de défiscalisation dite « de plein droit » c'est-à-dire qui ne demande pas l'agrément préalable de l'administration fiscale.
Elle soutient encore que la société Inter Invest, qui est le véritable maître d'ouvrage du montage fiscal, ne pouvait ignorer que le matériel loué à la société BETCR n'était pas neuf, alors qu'il s'agit d'une des conditions d'application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et qu'elle a gravement manqué à son obligation d'information au sens de l'article 1112-1 du code civil ; que par voie de conséquence, il en est de même de la SNC Ponthieu 48, qui n'est qu'une structure de portage, une « coquille vide ».
La société BETCR fait valoir, d'autre part, que le contenu du contrat n'est pas licite au regard de la loi fiscale (article 199 undecies B du CGI) dont les dispositions s'imposent de plein droit : la nature et le caractère neuf du bien sont des éléments imposés par la règle fiscale qui s'impose et qui est d'ordre public. Elle estime qu'il appartient à la SNC Ponthieu 48 et au cabinet de défiscalisation de vérifier si les conditions de défiscalisation sont remplies, à savoir que l'investissement productif doit être neuf. Elle argue encore que le contrat de location n'a pas pour objet de donner en location un matériel mais de lui permettre d'en devenir propriétaire et de bénéficier de l'avantage fiscal issu de l'opération de défiscalisation. Elle considère que sans cette réduction de prix issue de l'opération de défiscalisation, elle n'aurait jamais signé les contrats proposés par les sociétés SNC Ponthieu 48 et Inter Invest.
En réponse, la SNC Ponthieu 48 fait valoir que le dol doit émaner du contractant et non de la société Inter Invest qualifiée de cabinet de défiscalisation qui gère la SNC et fait remarquer que le vice du consentement ne peut pas reposer sur « le prix de la chose vendue » car aucun contrat de vente n'a été conclu. Elle argue que l'article 199 undecies du CGI ne rend pas obligatoire la communication du taux de rétrocession, ni même l'avantage fiscal rétrocédé aux associés investisseurs, ou les honoraires du cabinet de défiscalisation : seule l'administration est en droit de demander la communication du taux de rétrocession afin de contrôler que les avantages rétrocédés sont en conformité avec la réglementation, ce qui est effectué par la société de portage via le formulaire 2083-SD.
Concernant le choix du matériel, elle rappelle que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude : la société BETCR a elle-même choisi son matériel et son fournisseur et elle a commandé et pris livraison d'un matériel d'occasion alors qu'elle avait reçu mandat, avec obligation de résultat, de choisir un matériel neuf : elle doit en supporter toutes les conséquences. Elle ajoute que la défiscalisation n'a été remise en cause pour aucun motif allégué par la société BETCR mais en raison de la destruction totale du matériel par incendie alors que ce dernier était placé sous la garde du locataire.
Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public.
L'article 1130 du même code dispose que :
L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Conformément aux dispositions de l'article 1131 du même code, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.
Aux termes de l'article 1137, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Ainsi, la nullité pour dol suppose que les man'uvres utilisées aient déterminé le consentement de la victime.
Le dol est également constitué s'il émane du représentant, gérant d'affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l'est encore lorsqu'il émane d'un tiers de connivence (article 1138).
Le dol ne pourra être cause de nullité du contrat que dans la mesure où il est constaté, outre l'existence de man'uvres émanant du cocontractant, l'intention dolosive de ce dernier.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1112-1, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Ainsi, l'obligation d'information est une expression du devoir de loyauté. Pour autant, le seul manquement à une obligation légale d'information ne suffit pas à démontrer l'intention dolosive.
Il résulte des articles 1162 et suivants du code civil que le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.
En l'espèce, la société BETCR, qui invoque en premier lieu la nullité pour dol du contrat de location conclu avec la SNC Ponthieu 48, n'établit pas l'existence de man'uvres frauduleuses de la part de son cocontractant. Elle se contente d'affirmer que celle-ci aurait sciemment occulté un élément déterminant du contrat, à savoir le prix de la chose vendue, étant relevé que le contrat litigieux est un contrat de location et non un contrat de vente. Elle ajoute que « les contrats » ne comportent aucune référence au taux de rétrocession, ni même aux éléments en permettant sa détermination. Toutefois, et comme le relèvent à juste titre les premiers juges, aucune disposition n'impose au loueur de préciser le montant de la rétrocession procurée au locataire. En tout état de cause, la société BETCR n'établit pas que l'absence de mention de ce taux aurait constitué pour elle un élément déterminant de son consentement, outre, l'intention dolosive de la SNC Ponthieu 48. Enfin, l'appelante n'établit pas davantage l'existence de man'uvres émanant de la société Inter Invest, qui n'est d'ailleurs pas dans la cause, ni une quelconque connivence entre celle-ci et la SNC.
L'appelante excipe d'un vice du consentement au moyen du manquement par la SNC Ponthieu 48 à son obligation précontractuelle d'information, considérant qu'il lui appartenait, dans le cadre du mandat confié, de s'assurer de ce que le matériel loué était neuf.
Il est vrai qu'en vertu du « mandat d'étude d'investissement et de montage d'opération » qui lui a été confié, l'intimée devait s'assurer que les conditions tenant notamment à la nature et aux caractéristiques du matériel loué étaient remplies pour bénéficier du dispositif de défiscalisation.
Néanmoins, le contrat de location en date du 29 janvier 2018, qui porte sur « une pelle hydraulique sur chenilles neuve (...) », stipule à l'article 3 « mise à disposition du matériel » des conditions particulières (A) que le locataire reconnaît et déclare expressément qu'il a lui-même choisi le fournisseur et la date de livraison du matériel et qu'en conséquence, le loueur ne supportera aucune responsabilité quant à ces choix.
Selon l'article A des conditions générales du contrat, il est indiqué que le locataire, mandataire du loueur, choisit le matériel, neuf de la marque, du type et auprès du ou des fournisseurs qui lui conviennent, pour sa compétence et solvabilité, en négociant le prix, les conditions de paiement, les lieux et conditions de livraison et garanties conventionnelles et qu'en tant que mandataire agissant dans l'exécution de son mandat en toute liberté et se déterminant en considération des seuls impératifs économiques qui lui sont propres, sans aucune intervention du loueur mandant, les parties conviennent expressément que l'obligation du mandataire n'est pas une obligation de moyen mais une obligation de résultat.
Il appartenait donc à la société BETCR de choisir un matériel dont les caractéristiques ouvrent droit au bénéfice de la défiscalisation, et en particulier un bien neuf. Ainsi, s'il s'avère que la pelle hydraulique objet du contrat n'est pas neuve, ce qu'affirme l'appelante, ce manquement lui incombe exclusivement, sans qu'elle puisse se dédouaner de sa responsabilité sur ce point par référence à la clause contractuelle précitée.
A cela, s'ajoutent les références aux articles du code général des impôts à propos duquel la société BETCR, locataire, a déclaré, s'agissant du matériel loué, « connaître parfaitement toutes les conditions d'utilisation et de territorialité édictées par ces textes », s'engageant en outre « à en respecter scrupuleusement les termes de telle façon que, de son fait, la défiscalisation réalisée par le loueur ne puisse être remise en cause » (article 3 B), et au caractère neuf que doit revêtir le matériel loué figurant clairement dans le contrat (exposé et article 1 B).
Au surplus, si l'appelante fait valoir, au vu du rapport d'expertise, que la pelle hydraulique n'était pas neuve, elle ne démontre pas, au vu des éléments portés à la connaissance de la SNC Ponthieu 48 que celle-ci en était informée.
Les documents qu'elle produit sont les suivants :
Le bon de commande de matériel du 22 décembre 2017 qui ne comporte aucune précision quant au caractère neuf ou d'occasion du bien, l'indication sur la déclaration de conformité y annexée « année de fabrication : 2016 », en dehors de toute autre précision, ne renseigne pas davantage sur ce point ;
Le « rapport de livraison » du matériel daté et signé le 26 janvier 2018 par la société BETCR et le concessionnaire, qui indique seulement le numéro de série et le modèle, sans autre précision ;
L'attestation de non-fraude et de régularité ainsi que l'attestation de programme unique d'investissement signées par la société BETCR les 29 et 31 janvier 2018 qui mentionnent expressément que l'investissement financé par la SNC Ponthieu 48 est une « pelle hydraulique sur chenilles neuve (...) » ;
La facture pro forma afférente à la vente de la pelle qui ne précise pas qu'il s'agirait d'un matériel d'occasion, l'indication « compteur : 209 » ne pouvant être considérée comme une indication suffisamment explicite, contrairement à ce que soutient l'appelante.
L'intimée produit pour sa part le procès-verbal de livraison du matériel daté du 2 février 2018, signé par BETCR (le locataire) et la société DMP (le fournisseur), qui désigne expressément une « pelle hydraulique sur chenilles neuve ».
Il apparait ainsi, à la lecture des éléments qui lui ont été transmis, que la SNC Ponthieu 48 était fondée à considérer que le matériel choisi par le locataire et objet du contrat de location était un bien neuf, répondant aux critères posés par le code général des impôts pour permettre de bénéficier de la défiscalisation. L'appelante ne peut dès lors lui reprocher de ne pas avoir vérifié que les conditions de défiscalisation étaient remplies, ni d'avoir manqué à son devoir d'information.
Au regard de tout ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société BETCR de ses moyens tendant à la nullité du contrat.
Sur les demandes en paiement formées par la SNC Ponthieu 48 à l'encontre de la société BETCR :
Le tribunal a accueilli les demandes en paiement formées par la SNC à l'encontre de la société BETCR, à savoir : 39 900 euros au titre de l'indemnité de sinistre et 3 206,28 euros au titre des loyers impayés et des frais (3 123,28 loyers de septembre et octobre 2020 + 69,66 euros reliquat de TVA + 13,34 euros frais annexes).
La SNC ne sollicite plus la condamnation de la société BETCR à lui verser les sommes de 48 237,11 euros au titre de l'indemnité de résiliation et de 4 823,71 euros au titre des pénalités puisqu'elle se contente de solliciter la confirmation du jugement déféré.
Il s'en déduit que ne sont plus discutées que les condamnations au titre de l'indemnité de sinistre, les loyers impayés, le reliquat de TVA et les frais annexes.
La société BETCR soutient en substance que la SNC n'apporte pas la preuve que les indemnités seraient fondées au titre d'un véritable préjudice économique et financier et en déduit qu'il s'agit là d'un enrichissement sans cause.
La SNC fait valoir pour l'essentiel que le contrat indique avec précision les obligations du locataire en cas de sinistre total du matériel loué et que l'indemnité réclamée résulte de l'application du contrat de location et fait force de loi entre les parties.
Conformément aux dispositions des articles 1303 et suivants du code civil, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.
L'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni de son intention libérale.
L'enrichissement a une cause légitime quand il trouve sa source dans un acte juridique, même passé entre l'enrichi et un tiers.
En tout état de cause, les règles de l'enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties, ce qui est le cas en l'espèce : le matériel appartenant à la SNC a été détruit du fait d'un incendie, entraînant la résiliation de la convention.
La cour relève que la société BETCR ne conteste pas devoir deux mois de loyer, un reliquat de TVA et des frais annexes.
Il s'en déduit que seule l'indemnité de sinistre est en réalité discutée.
Il n'est pas davantage remis en question la destruction totale du matériel loué du fait d'un incendie.
En l'espèce, l'article 8 des conditions générales du contrat de location stipule que : « En cas de sinistre total, à savoir la perte ou l'impossibilité de réparer un MATERIEL, le LOCATAIRE devra verser au LOUEUR une indemnité forfaitaire et définitive égale à 30% de la valeur neuve d'acquisition hors taxe dudit MATERIEL ».
Il s'ensuit que l'indemnité de sinistre prévue au contrat de location, dont les termes sont parfaitement clairs et précis et dont le quantum n'est pas contesté, doit trouver application, en vertu de la force obligatoire des contrats.
La décision querellée sera par conséquent confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société BETCR succombant, il convient de :
- la condamner aux dépens d'appel ;
- la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance ;
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SNC, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 3 000 euros pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué à ce titre la somme de 2 000 euros.
Sur la demande relative à l'exécution provisoire :
La société BETCR sollicite la condamnation de la SNC Ponthieu 48 à lui payer les sommes perçues dans le cadre de l'exécution du jugement du 31 août 2022 au titre de l'exécution provisoire.
La présente décision étant en dernier ressort, cette demande est sans objet.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation aux dépens d'appel ;
Condamne la SARL Bureau d'Études Techniques Conception et Réalisation à payer à la SNC Ponthieu 48 la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE