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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 18 juin 2024, n° 22/04834

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Philogeris (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Apollis, Me Barat, Me Vinckel

T. com. Béziers, du 18 juill. 2022, n° 2…

18 juillet 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS [46] exploite un EHPAD "[46]" sis à [Localité 24] (34).

La SAS Philogeris [46] a comme activité la réalisation de prestations de services à destination d'exploitants d'EHPAD et notamment des prestations de conseils spécifiques aux activités des EHPAD, la conception, fourniture et livraison de repas.

Courant 2010 et 2011, suite à une augmentation de capital de la SAS [46], celui-ci était notamment réparti entre d'une part la SAS Stratfin, associé majoritaire, et d'autre part, M. [A] [F], M. [Z] [J], Mme [L] [R], M. [D] [C], Mme [EV] [O], M. [U] [Y], M. [NJ] [B], M. [V] [H], M. [VP] [K], M. [W] [G], M. [MY] [S], M. [X] [I], M. [IR] [N], M. [T] [FG], M. [V] [JC] et M. [E] [RU], associés minoritaires.

Préalablement à leur entrée dans le capital, les associés minoritaires ont chacun conclu une promesse unilatérale de vente à la société Traffin, prévoyant en son article 3, que cette société bénéficiaire aurait la faculté de lever une option d'achat des parts sociales souscrites, sur une période déterminée en fonction de leur année d'acquisition.

Le 25 mars 2013, la SAS Philogeris Sud-Ouest a cédé 800 parts sociales qu'elle détenait au sein de la société [46] à la société Philogeris [46].

Par acte du 16 décembre 2013, la société Stratfin a cédé 13 000 parts détenues au sein de la société [46] à la société Philogeris [46].

La société Philogeris [46] est alors devenue l'associée majoritaire de la société [46] avec 13 800 parts sociales.

Par procès-verbal d'assemblée générale mixte du 18 juin 2014, l'assemblée a constaté que les capitaux propres de la société [46] étaient inférieurs à la moitié du capital social, a décidé de ne pas prononcer la dissolution anticipée de celle-ci, et d'en poursuivre l'activité.

Par lettre du 31 mai 2016, le président de la société [46], soit la société Philogerie Investissements et Conseils, représentée par M. [AF] [WM], a demandé à chaque associé minoritaire de procéder à un apport en compte courant en raison du résultat de l'exercice déficitaire, du poids des loyers versés aux propriétaires de l'immeuble où est exploité l'EHPAD et de rétablir une parité entre tous les associés dans la mesure où seul l'associé majoritaire, la société Philogeris [46], soutenait la pérennité de l'activité grâce à un compte courant d'associé.

Par procès-verbal de l'assemblée générale mixte du 23 décembre 2016, la société [46], a décidé d'affecter au compte-report, à nouveau déficitaire de 1 305 537,65 euros, la somme de 487 319,53 euros par prélèvement sur le compte primes d'émission, de fusion, d'apport, de procéder à une réduction de capital de la société d'un montant de 160 745, 47 euros et le ramener à 0 euros, sous condition suspensive de la réalisation d'une augmentation de capital, de procéder à une augmentation de capital de la société d'un montant de 1 240 160 euros par émission de 124 016 actions nouvelles d'une valeur nominale de 10 euros chacune et d'ouvrir la période de souscription jusqu'au 30 décembre 2016.

Selon procès-verbal du 30 décembre 2016, le président de la société [46] a notamment constaté qu'aucun des 16 actionnaires minoritaires n'avait exercé son droit préférentiel de souscription, que l'augmentation de capital n'était que partiellement réalisée, limité le montant de l'augmentation du capital au montant des souscriptions, soit à 1 104 000 euros, et réalisé l'augmentation de capital.

Par exploit du 6 novembre 2019, 13 associés minoritaires, M. [A] [F], M. [Z] [J], Mme [L] [R], M. [D] [C], Mme [EV] [O], M. [U] [Y], M. [NJ] [B], M. [V] [H], M. [VP] [K], M. [MY] [S], M. [X] [I], M. [IR] [N] et M. [V] [JC] ont assigné les sociétés [46] et Philogeris [46] en demandant au tribunal de commerce de Béziers, sur le fondement de la fraude, la nullité des résolutions n° 2, 3,4, 6,7 et 8 de l'assemblée générale du 23 décembre 2017 ainsi que la nullité des décisions prises par le président en lien avec cette assemblée le 30 décembre 2016, et subsidiairement afin d' obtenir la réparation de leur dommage.

Par jugement contradictoire du 3 mai 2021, le tribunal de commerce de Béziers, avant-dire droit, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et désigné M. [U] [UH], expert-comptable, aux fins de dire si la stratégie mise en 'uvre à l'issue de la dernière assemblée générale de la société Philogeris (sic) [46] avait nuit aux intérêts de la société [46] et, et si cette stratégie s'analysait comme nuisible aux intérêts de la société [46] et des associés minoritaires, en chiffrer le préjudice.

Par jugement contradictoire du 18 juillet 2022, le tribunal de commerce de Béziers a :

- homologué le rapport d'expertise de M. [U] [UH], expert judiciaire en date du 7 février 2022 ;

- dit qu'aucune fraude n'est caractérisée en l'espèce ;

- débouté les demandeurs de leurs prétentions ;

- les a condamnés solidairement reconventionnellement à payer aux défenderesses la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément à l'article 514 du code de procédure civile ;

- les a condamnés solidairement à payer aux défenderesses la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;

- et rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 21 septembre 2022, M. [A] [F], M. [D] [C], M. [NJ] [B], M. [V] [H], M. [VP] [K], M. [X] [I], M. [IR] [N] et M. [V] [JC], 8 des associés minoritaires (ci-après MM. [F] et autres), ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 27 mars 2024, ils demandent à la cour, au visa des articles L. 225-248 et L. 235-1 du code de commerce :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- de juger que la société [46] et son associé majoritaire, la société Philogeris [46] ont commis une fraude à leurs droits d'associés minoritaires de la société [46] ;

- de déclarer nulles les résolutions n°2, 3, 4, 6, 7 et 8 approuvées lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société [46] du 23 décembre 2016, ainsi que la décision du président de la société [46] du 30 décembre 2016 constatant la réalisation de l'augmentation de capital ;

- de condamner la société [46] à régulariser les formalités liées à l'annulation, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir, et à régulariser les registres légaux, et ce sous la même astreinte, jusqu'à ce qu'elle en justifie ;

- de condamner in solidum la société [46] et la société Philogeris [46] à payer aux 8 matinées les sommes suivantes :

10 000 euros aux fins d'indemnisation du préjudice subi consistant en la perte de chance de pouvoir se faire racheter leurs titres à un prix déterminé ;

10 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice moral ;

- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il les a condamnés pour procédure abusive ;

- et en tout état de cause, de rejeter l'ensemble des demandes de la société [46] et la société Philogeris [46] ;

- et de les condamner in solidum à payer à chacun des appelants la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 14 février 2023, les SAS [46] et Philogeris [46] demandent à la cour, au visa de l'article L. 235-1 du code de commerce, et des articles 32-1, 514 et 700 du code de procédure civile :

- de débouter les appelants de l'intégralité' de leurs demandes et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé ;

- y ajoutant, de condamner solidairement les appelants à leur payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- et en tout état de cause, de les condamner solidairement à leur payer la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Mme [L] [R], autre intimée, assignée le 16 novembre 2022 à l'étude de l'huissier instrumentaire, n'a pas constitué avocat.

M. [MY] [S], autre intimé, assigné à l'étude le 21 novembre 2022, n'a pas constitué avocat.

M. [U] [Y], assigné à domicile le 16 novembre 2022, n'a pas constitué avocat.

M. et Mme [O], assignés à domicile le 17 novembre 2022, n'ont pas constitué avocat.

M. [Z] [J], assigné le 25 novembre 2022, selon procès-verbal de recherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture est datée du 16 avril 2024.

MOTIFS

M. [F] et 7 autres associés minoritaires appelants font valoir en substance les moyens suivants :

- Les associés minoritaires ont acquis leurs titres en 2010 et 2011 en souscrivant à des augmentations de capital réalisés par la société [46] qui était alors majoritairement détenue par la société Statfin. Préalablement à la souscription, ils ont consenti des promesses unilatérales de vente de ces titres au bénéfice de cette société [46]. En 2012-2013 la société a fait l'objet d'un changement de contrôle par augmentation de capital réservé à la société Philogeris [46] puis par la cession par la société 35 de sa participation majoritaire à la société Philogeris [46] gérée par M. [WM], financé par un fonds d'investissement, de sorte que celle-ci est venue aux droits de la société Strafin dans le bénéfice des promesses de vente.

- La société Philogeris [46] désignée présidente de la société [46] a fait part de difficultés financières auprès des associés minoritaires et elle a formulé un curieux « appel en compte courant d'associé », en sollicitant de chacun des associés minoritaires que ceux-ci apportent une somme en compte-courant proportionnellement au compte-courant de la société Philogeris [46] et à sa détention.

- Or la demande était d'autant plus malvenue de la part de l'associée majoritaire que le montant de son propre compte-courant résultait pour une part importante de ce qu'il avait dû rembourser à la société Stratfin compte-courant que celle-ci détenait, ce qui ne correspondait pas à un effort financier de sa part qu'il aurait eu à faire après son acquisition. Il ne pouvait comparer la situation d'un associé archi majoritaire adossé à l'investissement, à la situation de minoritaires ayant réalisé un investissement défiscalisé.

- Au prétexte de l'obligation légale de reconstituer ses capitaux propres, la société [46] a procédé à un "coup d'accordéon", en pleine période de Noël réduisant à néant la participation des minoritaires.

- Les résultats déficitaires successifs tiennent en réalité pour une large part à l'impossibilité pour la société [46] de faire face aux charges dues au titre de conventions intra groupe conclues avec le groupe Philogeris.

- L'opération dite de "coup d'accordéon" a été approuvée lors de l'assemblée générale extraordinaire du 23 décembre 2016. Étant précisé que les voix des associés minoritaires ayant adressé des procurations votant "contre", sans désigner de mandataire n'ont pas été prises en compte et n'ont pas fait l'objet d'une convention.

- La société Philogeris [46] n'a pas eu à verser une quelconque somme pour souscrire à l'augmentation de capital puisqu'elle y a souscrit par voie de compensation avec la créance de compte-courant. La société n'a donc pas bénéficié de liquidités supplémentaires, ce qui était pourtant présenté comme nécessaire dans le rapport du président. À l'issue, Philogeris [46] y a trouvé un intérêt, dans la mesure où elle s'est retrouvée associée unique de la société sans avoir eu à racheter les titres des minoritaires en exerçant les promesses unilatérales dont elle avait récupéré le bénéfice.

- En ce qui concerne la mission confiée à l'expert et le rapport d'expertise, la formulation du chef de mission est confuse et implique nécessairement que l'expert se prononce sur le bien-fondé de la demande de minoritaires, alors que l'article 238 du code de procédure civile prohibe que les techniciens portent une appréciation juridique sur le bien-fondé de la demande ; l'expert s'est permis d'émettre des réflexions sur l'intérêt porté par les minoritaires sur leur investissement et sur la procédure, pour conclure qu'il s'en désintéressaient, ce qui a été repris par le tribunal dans ses motifs ; que dans ces conditions, la cour n'a pas à se référer au rapport d'expertise pour trancher le litige ;

- L'opération d'accordéon n'était pas obligatoire : si la société [46] était en cessation des paiements comme l'a considéré le tribunal de commerce, elle pouvait bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire conséquence de l'état de cessation de paiement, et alors la reconstitution des capitaux propres n'aurait plus été obligatoire en application de l'article L.225-248 alinéa 5 du code de commerce (l'obligation légale de reconstituer les capitaux propres «ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire qui bénéficient d'un plan de sauvegarde de redressement judiciaire »).

- De plus, ce n'est que dans l'hypothèse très rare en pratique où un créancier sollicite la dissolution de la société, que la reconstitution des capitaux propres devient nécessaire pour poursuivre l'activité, étant observé que dans cette hypothèse, le tribunal peut octroyer des délais de paiement pour cette reconstitution.

Or il ressort des comptes de la société [46] que ses créanciers les plus importants sont les sociétés du groupe Philogeris et les bailleurs, créanciers qui, pour des raisons propres n'ont pas intérêt à solliciter la dissolution de la société [46].

- L'obligation de reconstituer les capitaux propres doit être relativisée, l'absence de recapitalisation effective des capitaux propres dans le délai de deux ans ne constituant pas en soi une faute de gestion (Cass com. 13 octobre 2015 n° 14-15. 755 ).

- Moins d'un an après le coup d'accordéon en novembre 2017, le fonds d'investissement a cédé sa participation dans le groupe Philogeris, dont celle a priori dans la société Philogeris [46], au dirigeant fondateur du groupe, M. [WM]. Le fonds d'investissement a communiqué sur la réalisation d'un multiple global de 1,6 par rapport à l'investissement initial ce qui démontre la forte rentabilité du groupe. Contrairement à ce qu'écrit l'expert, la valeur des titres qui auraient pu être conservés par les minoritaires s'il n'avaient pas été évincés, n'aurait pas été nulle.

- Il faut distinguer l'abus de majorité et la fraude aux droits des associés.

- La période de souscription prévue du 23 décembre 2016 au 31 décembre 2017 caractérise davantage encore la mise à l'écart des associés minoritaires.

- Le tribunal de commerce a considéré que les minoritaires n'avaient pas été mis à l'écart en ce qu'ils avaient été, préalablement à l'assemblée, plusieurs mois auparavant, sollicités pour participer à un appel de fonds, cette sollicitation informelle ne pouvant pas se substituer à l'assemblée générale devant statuer sur l'opération dont les conséquences potentielles sont la perte de la qualité d'associé.

- L'absence de justification du coup d'accordéon au regard de l'intérêt social procède de ce que d'une part la reconstitution des capitaux propres de la société avant le 31 décembre 2017 n'était manifestement pas obligatoire, d'autre part la réalisation de ce coup d'accordéon n'a pas amélioré la situation financière de la société, de sorte que la survie de la société [46] n'étaient pas en jeu.

- Les associés minoritaires ne sont plus "protégés" par le prix fixé par les promesses. Il subisse donc la perte d'une chance de pouvoir se faire racheter à un prix déterminé à l'avance correspondant au montant de l'investissement initial. Il en résulte un préjudice qui devra être évalué forfaitairement à la somme de 10 000 € par appelant (à noter : dispositif des conclusions non conforme)

- Il est en outre sollicité la réparation d'un préjudice moral pour chacun des demandeurs à hauteur de 10 000 € chacun.

Les sociétés [46] et Philogeris [46], intimées, ont répondu :

- La société Philogeris [46] est devenu associée majoritaire de la société [46] en décembre 2013 suite à l'acquisition de 13 000 actions que la société Stratfin détenait au sein du capital de la société [46].

- Lors de cette acquisition de titres, la société Philogeris [46] a fait également l'acquisition du compte courant d'associé d'un montant de 959 376,50 € que l'associé majoritaire cédant Stratfin détenait dans les comptes de la société [46]. Et elle est venue aux droits de celle-ci dans le bénéfice de promesse unilatérale de vente conclue avec les associés minoritaires en 2010.

- À ce jour, la société Philogeris [46] est l'associée unique de la société [46]. Le président de la société [46] étant la société Philogeris Conseil patrimoine.

- Après son acquisition, la société Philogeris [46] a découvert une situation déficitaire notamment en raison du poids des loyers versés aux propriétaires. Malgré des investissements importants en compte courant d'associé (75 350,92 €) la société [46] a été assignée pour non-paiement de loyers au premier trimestre 2016 ayant donné lieu à des saisies conservatoires, puis à une ordonnance de référé du 22 novembre 2016 ayant condamné la société à payer la somme de 225 000 € au titre de dettes de loyers.

- Par lettres du 31 mai 2016, les associés minoritaires ont été sollicités pour apporter un soutien financier. Ils ont refusé notamment la possibilité d'une augmentation de capital qui aurait nécessité un investissement personnel proportionnel à leur détention.

- Par jugement en date du 12 octobre 2016, le tribunal de commerce de Béziers a rejeté la requête de la société [46] demandant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire visant à lui laisser le temps de reconstituer sa trésorerie dans les conditions plus sereines, au motif que la société devait d'ores et déjà être regardée comme étant en cessation des paiements.

- Le président de la société a convoqué l'ensemble des associés dont les appelants et le commissaire aux comptes de la société [46] à une assemblée générale du 23 décembre 2016.

- Il a pris soin de rappeler que l'augmentation de capital envisagée devait être suivie d'un apport en compte courant d'associé pour assurer à la société la pérennité de sa trésorerie.

- Par décision du 30 décembre 2016, suite à la délégation qui lui avait été donnée, le président a constaté qu'aucun des 16 associés minoritaires n'avait exercé son droit préférentiel de souscription et que seulement 110 400 actions nouvelles d'un montant de 10 € chacune avait été souscrite et libérée par la société Philogeris [46] à hauteur de 1 104 000 € par conversion de son compte courant, et le président a décidé ainsi de libérer le montant de l'augmentation de capital au montant de cette souscription.

- L'objectif de ces opérations était de reconstituer les capitaux propres de la société [46] avant la fin de l'exercice conformément aux dispositions de l'article L.245-248 du code de commerce, compte tenu de l'existence de capitaux propres négatifs de plus de deux exercices. À défaut d'une telle assemblée, tout intéressé aurait pu demander la dissolution de la société en vertu des dispositions de cet article L.245-248.

- Les capitaux propres de la société ont été reconstitués puisque d'un montant négatif de 597 262 €, le montant des capitaux propres à la clôture de l'exercice au 31 décembre 2016 soit une semaine après l'assemblée, atteignait 336 100€.

- De nouveaux apports en compte courant d'associé ont été effectués par la société Philogeris [46] à hauteur de 395 805,95 € sur l'année 2017 lesquels ont permis de solder les dettes de loyers dès le premier trimestre 2017, de sorte que les créanciers se sont désistés de leur demande d'ouverture d'une procédure judiciaire (vu exact pièce n° 14).

- Pour répondre aux moyens tirés par les associés minoritaires de la forte valorisation du groupe lui-même, la société Philogeris [46] n'a pas fait partie des participations concernées par cette opération de cession de novembre 2017, précisément en raison de sa situation financière dégradée.

- Il a déjà été jugé qu'une opération de coup d'accordéon, où l'actionnaire majoritaire avait souscrit à l'augmentation de capital par intégration de son compte courant, avait pour objectif de satisfaire l'obligation légale de recapitaliser la société, et que si l'opération n'avait pas eu pour résultat d'améliorer la situation financière de la société, elle avait eu pour effet de renforcer la responsabilité des actionnaires vis-à-vis des créanciers. La circonstance qu'il n'y ait pas eu d'apport d'argent frais ne constitue donc en rien l'indice d'un détournement de l'opération au détriment de l'actionnaire majoritaire qui dans le même temps avait renoncé à son droit de souscription. La renonciation à la souscription était impropre à établir un abus de majorité alors que l'actionnaire minoritaire ne contestait pas la réalité de la renonciation sur laquelle de surcroît il ne s'expliquait pas mais dont on peut relever qu'elle dispensait d'apporter de l'argent frais dans une société rencontrant de graves difficultés financières.

- En l'espèce, l'information relative à la situation financière de la société a été communiquée aux associés minoritaires avec les convocations, les appelants avaient au même titre que les autres associés, la possibilité de souscrire à l'opération, puisque cette dernière était prévue avec maintien du droit préférentiel de souscription, et celle-ci était nécessaire à l'amélioration de la situation de la société, et à faire face aux risques de dissolution de la société [46] laquelle a amélioré sa réputation auprès de ses clients.

- Si l'opération a été réalisée avant le 31 décembre 2017, c'est pour reconstituer les fonds propres pour se conformer à la législation et éviter une mise en redressement judiciaire.

- Enfin, sur le moyen tiré de ce que la société avait la possibilité d'éviter l'obligation de constituer ses fonds propres en se mettant en redressement judiciaire, comme les appelants l'indiquaient dans un dire à l'expert, ce moyen montre que les appelants préfèraient prendre le risque d'un redressement judiciaire, plutôt que de fournir des efforts financiers pour la sauver, alors que le redressement judiciaire est souvent pour l'associé minoritaire le meilleur moyen de voir ses titres dépréciés.

SUR CE, la cour relève que le tribunal a exactement retenu les motifs développés qui suivent :

« - Les demandeurs ont eu la possibilité de souscrire à l'augmentation de capital litigieuse, puisque cette dernière était prévue avec maintien du droit préférentiel de souscription, ce qui exclut la caractérisation d'une fraude ;

Au contraire, il eût été bienvenu qu'ils participassent, en leur qualité d'associés, à l'effort de guerre pour redresser financièrement la société et valoriser leur patrimoine commun.

- Les associés minoritaires ont été appelés à participer à un appel de fonds en compte courant d'associés début 2016 suivi d'une augmentation de capital par incorporation partielle de ces mêmes comptes courants.

- Les associés minoritaires ont refusé l'offre, alors même que cette opération leur aurait permis de maintenir leur pourcentage de participation dans le capital.

- Sur le moyen tiré de l'absence de justification du procédé au regard de l'intérêt de la société dont l'objectif exclusif est de profiter à l`associé majoritaire, l'opération a été réalisée avant le 31 décembre 2016 afin de reconstituer ses fonds propres pour se conformer à la législation et par ailleurs, éviter une mise en redressement judiciaire.

- Rien n'obligeait la société la SAS Philogeris [46] à faire l'acquisition des titres minoritaires dans la mesure où il s'agissait en l'espèce de promesses unilatérales de vente engageant ces associés, et non de promesses unilatérales d'acquisition des titres.

- Les difficultés financières et pertes accumulées par cette société étaient bien réelles.

En témoignent particulièrement :

- Une situation structurellement déficitaire et liée notamment au poids des loyers versés aux propriétaires de l'immeuble au sein duquel le fonds de commerce est exploité : étant précisé que pour l'exercice 2010, la société [46] affichait d'ores et déjà une perte de 73 380 €, qui a atteint pas moins de 330 777 € pour l'exercice clos le 31/12/2012, soit avant que Philogeris [46] ne devienne, en décembre 2013, associée majoritaire de la société [46].

- L'existence en 2016 de capitaux propres toujours négatifs depuis plus de deux exercices, raison pour laquelle le président de la société [46] (Philogéris [46]), qui jusqu'alors avait contribué seule à 1a survie de la société par ses investissements en compte courant d'associés extrêmement conséquents, sollicitait alors légitimement des autres associés de la société qu'ils viennent également au soutien financier de cette société, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2016, cependant sans succès puisqu'il s'est opposé à un refus catégorique de 1a part des Demandeurs qui refusaient notamment la possibilité d'une augmentation de capital lequel nécessitait de leur part un investissement proportionnel à leur détention.

- Ce refus a conduit la société la SAS [46] à devoir faire face à des saisies sur comptes bancaires pratiquées à son encontre, en raison de son incapacité financière à acquitter également les loyers du second semestre 2017, et était condamnée, par le Juge des Référés, en vertu d'une ordonnance du 22 novembre 2016, à près de 225 000 € au titre des dettes de loyers, alors qu'elle avait déjà dû subir des saisies conservatoires du fait du non-paiement des loyers du premier trimestre 2016.

- L'existence d'un état de cessation de paiement de la société [46] relevée par le tribunal de commerce de Béziers lui-même par jugement du 12 octobre 2016, suite à 1a requête en ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire, que la société les SAS [46] était d'ores et déjà en état de cessation de paiements, considérant ce faisant que la procédure de redressement judiciaire était une solution plus adaptée pour surmonter ces difficultés financières.

- Les opérations d'augmentation de capital et de réduction de capital proposées au vote des associés de la société [46], lors de l'assemblée générale litigieuse du 23 décembre 2016, étaient donc indispensables au redressement de cette société et à la recapitalisation de ses capitaux propres, comme expliqué par le dirigeant aux associés minoritaires dans le rapport à ladite assemblée,

- Les opérations querellées ont permis d'assainir la situation financière de la SAS [46] et, plus encore, satisfait à l'obligation légale de reconstituer ses capitaux propres devenus inférieurs à la moitié du capital social, puisque d'un montant négatif de 597 262 € pour l'exercice clos le 31 décembre 2015, le montant des capitaux propres enregistré à la clôture de l'exercice 2016 (au 31 décembre), soit une semaine après l'assemblée litigieuse, atteignait 336000€.

- Elles sont conformes à l'intérêt social, et ne ressortissent pas d'une quelconque fraude imputable à l'actionnaire majoritaire.

- Si l'option de mise en situation de redressement judiciaire avait été retenue, les minoritaires eussent certes conservé leurs titres, mais pour une valeur nulle. (') »

En définitive, les associés minoritaires appelants ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'une stratégie qui aurait été mise en place par la société Philogeris [46] afin de nuire aux intérêts de la société [46] et aux leurs.

L'opération capitalistique était en effet urgente et nécessaire afin d'éviter une mise en redressement judiciaire avant le 31 décembre 2016, suite aux voies d'exécution engagées par les propriétaires immobiliers contre la société [46] pour son retard dans le paiement des loyers.

Faute d'abus de majorité, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté toutes les demandes, notamment indemnitaires des appelants.

En revanche, le tribunal ne pouvait pas faire droit à la demande reconventionnelle présentée par les SAS [46] et Philogeris [46], en condamnant solidairement les demandeurs à l'action à leur verser une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucune faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice ne pouvant être retenue.

Il en va de même s'agissant de l'exercice de la présente voie de recours, d'où il suit le rejet en cause d'appel de cette prétention.

Le jugement critiqué sera partiellement réformé en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement les demandeurs à payer aux défenderesses la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant,

Déboute les sociétés les SAS [46] et Philogeris [46] de leurs demandes tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive présentées tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Dit n'y avoir lieu de faire application au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens d'appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.