Livv
Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 20 juin 2024, n° 23/01982

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Z

Défendeur :

AJC (SELARL), SPFPL NTAJ (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Poupet

Vice-président :

M. Vitse

Conseiller :

Mme Miller

Avocats :

Me Laforce, Me Morel, Me Nef Naf

TJ Lille, du 7 mars 2023, n° 22/01496

7 mars 2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 23/01982 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U34V

Ordonnance de référé (N° 22/01496)

rendue le 07 mars 2023 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [V] [Z]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Charles Morel, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

La SELARL AJC représentée par son gérant Maître [C] [Y]

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 5]

La SAS SPFPL NTAJ représentée par son président Monsieur [C] [Y]

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 3]

représentées par Me Nicolas Nef Naf, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 11 décembre 2023, tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 après prorogation du délibéré en date du 14 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 09 octobre 2023

****

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée AJC (la société AJC), qui a pour objet l'exercice de la profession d'administrateur judiciaire, était composée de trois associés à parts égales : MM. [X] [O], [C] [Y] et [V] [Z].

Par acte sous seing privé du 1er décembre 2021, M. [Z] a cédé ses parts sociales à la société de participations financières de profession libérale NTAJ (la société NTAJ), créée par M. [Y], moyennant la somme de 50 000 euros outre un complément de prix constitué de rémunérations à percevoir.

M. [Z] a continué d'exercer une activité salariée au sein de la société AJC jusqu'au 28 février 2022.

Soutenant que ce dernier avait, à leur détriment, omis de restituer l'ensemble des identifiants et codes d'accès du compte administrateur professionnel du domaine [010], les sociétés AJC et NTAJ ont, par acte du 21 décembre 2022, assigné en référé M. [Z] aux fins de voir ordonner une expertise au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 7 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré recevable l'action en référé ;

- désigné un expert avec pour mission de :

' procéder à l'examen du nom de domaine informatique [010] et déterminer l'historique des actions menées par M. [Z] ;

' réaliser un audit complet du nom de domaine Google mail professionnel [010] ;

' présenter un historique complet des actions menées par le/les administrateurs du nom de domaine [010] de la création jusqu'au 5 décembre 2022 ;

' établir un rapport des actions menées par M. [Z] et lister les actions de suppression des courriels, le blocage d'accès ou de connexion, le(s) opposition(s) faite(s) aux services de Google du 1er décembre 2020 jusqu'au 5 décembre 2022 ;

' fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels, résultant des actions menées sur le domaine [010] ;

' dire qui dispose de l'administration du nom de domaine professionnel [010] depuis le 5 décembre 2022 ;

' fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu'ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;

' faire toutes observations qui pourraient être utiles à la solution du litige.

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par M. [Z] ;

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens de l'instance à la charge des sociétés AJC et NTAJ.

M. [Z] a interjeté appel de cette décision et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 octobre 2023, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de prononcer l'irrecevabilité de l'action, subsidiairement, de rejeter la demande d'expertise, en tout état de cause, de condamner in solidum les intimées aux entiers dépens et à lui payer la somme totale de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs conclusions remises le 16 juillet 2023, les sociétés NTAJ et AJC demandent à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et, en conséquence, de débouter M. [Z] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les moyens ou éléments de fait repris dans le dispositif des conclusions des parties ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte qu'ils n'appellent aucun chef de décision dans le dispositif du présent arrêt.

Il convient également de relever que la déclaration d'appel critique la décision entreprise en ce qu'elle rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. [Z] pour procédure abusive, sans toutefois que ce dernier réitère une telle demande en cause d'appel, de sorte que la décision entreprise ne peut qu'être confirmée de ce chef.

1- Sur les fins de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Au cas présent, M. [Z] invoque l'irrecevabilité des demandes de la société AJC (1-1) et de la société NTAJ (1-2).

1-1 Sur la recevabilité des demandes de la société AJC

M. [Z] soutient que la société AJC est irrecevable en ses demandes au double motif qu'elle se serait précédemment désistée de la même action et qu'elle serait dépourvue de qualité à agir.

' Sur la fin de non-recevoir tirée du désistement d'action

Aux termes de l'article 384 du code de procédure civile, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie.

Il est constant que, si la partie qui s'est désistée de son action ne peut plus engager une nouvelle instance fondée sur le droit qu'elle a abandonné, rien ne lui interdit cependant de former une nouvelle demande ayant un objet différent, même si elle se prévaut de faits identiques (2e Civ., 10 mai 1972, pourvoi n° 71-11.863, publié).

En l'espèce, M. [Z] soutient que la société AJC est irrecevable à agir en raison de son précédent désistement d'instance et d'action devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole.

Pour la bonne compréhension du litige, il convient d'indiquer que, par acte du 14 novembre 2022, la société AJC a assigné en référé d'heure à heure M. [Z] devant le président du tribunal de commerce de Lille Métropole, avant de se désister de son instance et de son action quelques jours plus tard.

Ainsi qu'il a été dit, un tel désistement d'action interdisait à la société AJC d'engager une nouvelle instance fondée sur le droit qu'elle a abandonné mais pas de former une nouvelle demande ayant un objet différent, d'où la nécessité de confronter l'objet des deux actions successives pour apprécier la pertinence de la fin de non-recevoir invoquée.

L'assignation en référé d'heure à heure délivrée le 14 novembre 2022 tendait à voir ordonner à M. [Z], sous astreinte et dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la décision à intervenir, de :

- donner son accord exprès à la société Google permettant le changement d'administrateur et/ou de super-administrateur du compte professionnel Google attaché au nom de domaine [010] ;

- communiquer à Maître [C] [Y], président de la société NTAJ et seul gérant de la société AJC, tous les codes d'accès à la plate-forme back office du nom de domaine [010], en particulier les accès à l'adresse électronique [Courriel 7] et plus généralement tout autre accès (adresses mails de connexion, adresses mails de secours, identifiants ou mots de passe) qu'il détiendrait à l'insu des sociétés NTAJ et AJC.

L'assignation en référé délivrée le 21 décembre 2022 devant le président du tribunal judiciaire de Lille tendait pour sa part à voir :

- désigner un expert choisi parmi les experts judiciaires inscrits près la cour d'appel de Douai dans la section E-01 - Electronique et informatique et notamment parmi les sections E-01.03 - Logiciels et matériels et/ou E-01.04 - Systèmes d'information (mise en oeuvre), avec pour mission de :

' se faire communiquer tous documents, accès et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, entendre les parties et leurs conseils ainsi que tout sachant si nécessaire ;

' Et, au besoin sur place dans les locaux de la SELARL AJC sise [Adresse 9], ou ayant préalablement désigné le lieu de réunion de manière à pouvoir procéder à l'examen du nom de domaine informatique litigieux ([010]) et déterminer l'historique des actions menées par M. [V] [Z] ;

' réaliser un audit complet du nom de domaine Google mail professionnel [010] (création, propriété, configuration, mode de fonctionnement, mode d'accès, nombre et identification par adresse IP, nom et prénom du/des utilisateur(s), nombre et identification par adresse IP, nom et prénom du/des administrateur(s), présentation d'un historique complet des actions menées par le/les administrateurs du nom de domaine de la création jusqu'au 5 décembre 2022) ;

' rechercher les conditions d'utilisation ou les actions menées par l'administrateur M. [V] [Z] sur le nom de domaine depuis sa création et vérifier si son utilisation était habituelle, normale ou anormale et notamment, pour la période allant du 1er décembre 2020, soit l'année précédant la cession des parts sociales ayant eu lieu le 1er décembre 2021 et ce, jusqu'au 5 décembre 2022 ;

' établir un rapport des actions menées par M. [V] [Z], notamment pour la période allant du 1er décembre 2020, soit l'année précédant la cession des parts sociales ayant eu lieu le 1er décembre 2021 et ce, jusqu'au 5 décembre 2022 ;

' dater la genèse et l'apparition de tous les éventuels désordres (suppression des courriels, blocage d'accès ou de connexion, opposition(s) faite(s) aux services de Google) apparus avant et après la cession des titres de la SELARL AJC et notamment, pour la période allant du 1er décembre 2020, soit l'année précédant la cession des parts sociales ayant eu lieu le 1er décembre 2021 et ce, jusqu'au 5 décembre 2022 ;

' dire si l'administration du nom du domaine professionnel [010] est aujourd'hui pleinement et uniquement exclusive à Maître [C] [Y], seul gérant de la SELARL AJC ;

' donner son avis sur les préjudices subis par la SPFPL NTAJ et la SELARL AJC du fait des agissements de M. [V] [Z] et sur leur évolution ;

' faire toutes observations qui pourraient être utiles à la solution du litige ;

' du tout, communiquer un pré-rapport et laisser un délai raisonnable aux parties pour formuler d'éventuels dires ;

' établir un rapport reprenant l'ensemble de ses investigations et conclusions qui devra être déposé au greffe du tribunal judiciaire de Lille.

Si, comme le soutient l'appelant, les deux assignations procèdent des mêmes faits litigieux et se prévalent chacune pour partie de la garantie d'éviction due par le vendeur, leur objet est toutefois différent.

En effet, l'assignation délivrée devant le président du tribunal de commerce tend, au visa de l'article 873 du code de procédure civile, à obtenir sous astreinte de M. [Z] la reprise en mains du compte professionnel attaché au domaine [010], tandis que l'assignation délivrée devant le président du tribunal judiciaire tend, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, à voir ordonner une expertise destinée à préciser les actions menées par M. [Z] sur ce domaine et à en mesurer les conséquences.

La fin de non-recevoir tirée du désistement d'action de la société AJC n'est donc pas fondée, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef.

' Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 32 de même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En l'espèce, M. [Z] soutient que la société AJC n'a pas qualité à agir dès lors qu'elle n'est pas cessionnaire des parts sociales et n'est donc pas bénéficiaire de la garantie d'éviction due par le vendeur.

Il est toutefois constant que le tiers au contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, publié).

Or la société AJC considère à juste titre que les faits dont la mesure d'instruction est destinée à conserver ou établir la preuve sont susceptibles de lui avoir causé un dommage en tant que tiers victime du défaut de transmission de l'ensemble des identifiants et codes d'accès du compte administrateur professionnel du domaine [010], en ce que l'accès prolongé de M. [Z] à l'administration de ce compte a pu contrarier son activité professionnelle et nuire à la confidentialité des informations qu'elle détient.

La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société AJC n'est donc pas fondée, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef.

1-2 Sur la recevabilité des demandes de la société NTAJ

M. [Z] soutient que la société NTAJ est irrecevable en ses demandes au double motif qu'elle n'aurait pas observé une phase de conciliation préalable et méconnu son engagement de renoncer à former toute demande au titre du dénouement de l'association.

' Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable

Il résulte de l'article 814-3 du code de commerce que le Conseil national des administrateurs et des mandataires judiciaires établit un ensemble de règles professionnelles soumis à l'approbation du garde des sceaux, ministre de la justice.

L'arrêté du 18 juillet 2018 portant approbation de ces règles comporte leur contenu en annexe.

Le § 243 de ces règles professionnelles énonce que les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires tentent de régler amiablement leurs litiges que ce soit à l'occasion de leurs relations professionnelles ou de leurs relations d'associés. La saisine d'un juge ou d'un arbitre est précédée d'une tentative de conciliation devant le président du Conseil national ou son délégué.

En l'espèce, M. [Z] se prévaut d'une telle règle professionnelle pour opposer l'irrecevabilité des demandes de la société NTAJ au motif que la saisine du juge des référés n'aurait pas été précédée d'une tentative de conciliation devant le président du Conseil national ou son délégué.

S'il apparaît que le litige procède de la cession de parts sociales intervenue entre associés d'une société d'exercice libéral ayant pour activité la profession d'administrateur judiciaire, la société NTAJ, cessionnaire des parts, n'était toutefois pas tenue de faire précéder la saisine du juge des référés de la phase de conciliation prévue au § 243 des règles professionnelles précitées.

En effet, le Préambule de ces règles précise que celles-ci régissent les missions des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires définies par les articles L. 811-1 et L. 812-1 du code de commerce (soulignement par la cour).

Or l'article 811-1 du code de commerce dispose que les administrateurs judiciaires sont les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer les fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens, tandis que l'article 812-1 du même code énonce que les mandataires judiciaires sont les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice de représenter les créanciers et de procéder éventuellement à la liquidation d'une entreprise dans les conditions définies par le titre II du livre VI.

Il s'ensuit que le litige opposant M. [Z] à la société NTAJ ne participe pas des missions d'administration, d'assistance ou de surveillance prévues à l'article 811-1 précité, de sorte que sa résolution n'est pas soumise à la tentative de conciliation préalable prévue au § 243 des règles professionnelles précitées.

Il est au surplus constant qu'une clause de conciliation préalable, à laquelle s'apparente la phase de conciliation préalable imposée par des règles professionnelles, n'est pas applicable à l'action exercée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile (3e Civ., 28 mars 2007, pourvoi n° 06-13.209, publié), sauf l'obligation pour les parties au litige de se soumettre à une conciliation préalable avant l'éventuelle saisine ultérieure au fond.

La fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation n'est donc pas fondée, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef.

' Sur la fin de non-recevoir tirée de la renonciation à former toute demande au titre du dénouement de l'association

Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Selon l'article 2048 du même code, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

L'article 2049 dispose pour sa part que les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

Enfin, l'article 2052 précise que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, M. [Z] se prévaut implicitement mais nécessairement de ce dernier texte lorsqu'il expose que, dans un accord conclu le 26 novembre 2021 entre les parties, figurait une renonciation à toute autre demande des uns envers les autres, ou envers la société AJC, au titre du dénouement de l'association.

A supposer qu'un tel accord, qui n'est pas produit, vaille transaction, les différends qu'il tranchait ne pouvaient à l'évidence comprendre celui procédant du défaut de restitution de l'ensemble des identifiants et codes d'accès du compte administrateur professionnel de la société AJC, ce point litigieux étant né postérieurement à la cession des parts sociales et donc à la transaction dont se prévaut l'appelant.

La fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une transaction n'est donc pas fondée.

***

L'ordonnance entreprise est donc confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable l'action en référé engagée par les sociétés AJC et NTAJ.

2- Sur le bien-fondé de la mesure d'instruction

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il est constant que la mesure d'instruction sollicitée sur le fondement du texte précité ne peut porter que sur des faits précis et susceptibles de servir un potentiel procès (2e Civ., 10 décembre 2020, pourvoi n° 19-22.619, publié), la prétention à émettre au fond ne devant toutefois pas apparaître manifestement vouée à l'échec (Com., 18 janvier 2023, pourvoi n° 22-19.539, publié).

En l'espèce, les sociétés AJC et NTAJ font valoir que la mesure d'instruction sollicitée serait de nature à servir une action au fond ayant de sérieuses chances de prospérer. Elles soutiennent plus précisément qu'en omettant de restituer à bref délai les identifiants et codes d'accès du compte administrateur professionnel de la société dont relèvent les parts sociales cédées, M. [Z] aurait manqué à son obligation de délivrance conforme au sens de l'article 1604 du code civil et à son obligation de garantir l'acquéreur contre toute éviction au sens de l'article 1626 du même code, outre qu'il aurait causé un dommage à un tiers propre à engager sa responsabilité délictuelle.

Contrairement à ce que soutient M. [Z], il résulte des pièces produites, notamment des échanges de courriels intervenus entre M. [Y], président de la société NTAJ et gérant de la société AJC, et le service d'assistance Google Workspace, que l'appelant est susceptible d'avoir conservé la gestion du compte administrateur de la société AJC après la cession des parts sociales litigieuses (pièces n° 12 et 14 des intimées), cette potentielle maîtrise prolongée se déduisant également d'un autre échange de courriel intervenu entre le service précité et l'adresse électronique [Courriel 7] dont M. [Z] pourrait être le titulaire (pièce n° 13 des intimées), de même que d'un procès-verbal de constat établi le 16 novembre 2022 par Maître [J] [F], commissaire de justice (pièce n° 21 des intimées). Une telle situation est susceptible d'être à l'origine des difficultés de connexion rencontrées par la société AJC, dont la réalité s'infère d'un second procès-verbal de constat établi le 23 novembre 2022 par Maître [N] [E], commissaire de justice (pièce n° 25 des intimées).

Les éléments versés au débat rendent ainsi vraisemblables les faits allégués par les intimées, lesquels sont de nature à avoir causé un trouble dans la jouissance des parts acquises par la société NTAJ et provoqué la désorganisation de la société AJC, ce dont il résulte un motif légitime propre à justifier la mesure d'instruction sollicitée, sans qu'il puisse raisonnablement être soutenu que l'intervention d'un expert ne serait pas nécessaire pour conserver ou établir la preuve des faits allégués, compte tenu de la technicité des investigations à mener dans le compte administrateur litigieux.

La mesure d'instruction ordonnée doit toutefois être strictement nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 20-14.309, publié).

Aussi convient-il de circonscrire les opérations d'expertise à la période postérieure à la cession dont procède le présent litige, la reprise en main du compte administrateur par M. [Y] constituant le terme d'une telle période.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer les termes de la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge, sauf à cantonner la mission de l'expert à la période courant du 1er décembre 2021 au 5 décembre 2022 inclus.

3- Sur les dépens et les frais irrépétibles

C'est à bon droit que le premier juge a retenu que les sociétés AJC et NTAJ, dans l'intérêt et à la demande desquelles la mesure d'instruction était ordonnée, devaient en avancer les frais et supporter les dépens de première instance. Les mêmes considérations justifient de laisser à leur charge les dépens d'appel.

De même est-ce à bon droit que le premier juge a retenu que l'équité commandait de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles de première instance. La même considération justifie de laisser à chacune d'entre elles la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle dit que la mission de l'expert portera sur la période antérieure au 1er décembre 2021 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Cantonne la mission de l'expert à la période courant du 1er décembre 2021 au 5 décembre 2022 inclus ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société d'exercice libéral à responsabilité limitée AJC et la société de participations financières de profession libérale NTAJ aux dépens d'appel.