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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 20 juin 2024, n° 24/02232

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Hôtel de la Nouvelle France (SAS)

Défendeur :

MZB Saint Fiacre (SAS), SCI Immobilière Ty Neve (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Bibas, Me Etevenard, Me Hattab Tayet, Me Blatter

TJ Paris, 18e ch. sect. 2, du 9 déc. 202…

9 décembre 2021

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 12 octobre 2011, la SCI Ty Neve a donné à bail commercial à la SAS Hôtel de la Nouvelle France des locaux à usage d'hôtel dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] et [Adresse 4], pour une durée de 9 ans à compter du 21 septembre 2006 jusqu'au 20 septembre 2015.

Par acte extrajudiciaire en date du 17 mars 2015, la SCI Ty Neve a signifié à sa locataire un congé à effet au 20 septembre 2015 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 150.000 € hors taxes et charges.

Par acte extrajudiciaire en date du 07 avril 2016, la SCI Ty Neve a notifié à la SAS Hôtel de la Nouvelle France l'exercice de son droit d'option, offrant le paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte extrajudiciaire du 15 septembre 2017, la SAS Hôtel de la Nouvelle France a assigné la SCI Ty Neve devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, aux fins notamment de voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle elle peut prétendre.

Par ordonnance en date du 05 février 2018, le juge de la mise en état a désigné un expert avec pour mission notamment de rechercher tout élément permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation due au bailleur à compter du 21 septembre 2015.

L'expert a déposé son rapport le 30 octobre 2019.

La SAS MZB Saint Fiacre venue au droit de la SCI Ty Neve pour avoir acquis l'immeuble loué le 20 juillet 2020 est intervenue volontairement devant le tribunal judiciaire par conclusions du 05 novembre 2020.

Par ordonnance en date du 19 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de ses demandes de réouverture des débats et de prononcé d'une nouvelle d'expertise,

- Renvoyé l'affaire à la mise en état du 30 novembre 2020 à 11h30, soit pour transmission par la SCI Ty Neve de la copie de l'acte de vente de l'immeuble, objet de la sommation de communiquer signifiée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France par RPVA le 15 octobre 2020, soit pour ses conclusions en défense sur l'incident de communication de pièces formé par la locataire aux termes de ses conclusions sur incident signifiées par RPVA le même jour,

- Dit que les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de l'instance au fond,

- Réservé les dépens,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par ordonnance en date du 25 janvier 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de sa demande de communication de pièces,

- Renvoyé l'affaire à la mise en état du 10 mai 2021 à 11h30 pour les conclusions des défendeurs en ouverture du rapport, les conclusions de la SAS Hôtel de la Nouvelle France en ouverture de rapport devant impérativement intervenir avant le 29 mars 2021,

- Condamné la SAS Hôtel de la Nouvelle France à payer à la SCI Ty Neve et à la SAS MZB Saint Fiacre la somme de 500 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Réservé les dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire.

Par jugement en date du 09 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :

- dit recevable l'intervention volontaire de la SAS MZB Saint Fiacre à la présente procédure,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France du chef de la prescription de l'action de la SCI Ty Neve en paiement d'une indemnité d'occupation,

- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par la SAS Hôtel de la Nouvelle France dans les locaux susvisés,

- fixé à la somme globale de 1.809.516 €, outre les frais de licenciement et administratifs sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la SCI Ty Neve à la SAS Hôtel de la Nouvelle France, se décomposant comme suit :

* indemnité principale : 1.626.640 €,

* indemnités accessoires : 182.876 €,

soit - 162.664 € pour les frais de remploi,

- 20.212 € pour le trouble commercial,

* frais de licenciement, de déménagement, frais administratifs : sur justificatifs,

- déclaré la SCI Ty Neve recevable en sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,

- dit que la SAS Hôtel de la Nouvelle France est redevable à l'égard de la SCI Ty Neve d'une indemnité d'occupation à compter du 21 septembre 2015,

- fixé à la somme annuelle de 59.005 €, hors charges et hors taxes, le montant de cette indemnité d'occupation à compter du 21 septembre 2015,

- dit que cette indemnité d'occupation sera indexée à compter du 21 septembre 2016, sur l'indice trimestriel des loyers commerciaux publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date du 21 septembre 2015,

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

- condamné la SCI Ty Neve à payer à la SAS Hôtel de la Nouvelle France la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Ty Neve aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- rejeté les demandes des parties plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 26 janvier 2022, enrôlée sous le n° RG 22/2132, la SAS Hôtel de la Nouvelle France a interjeté appel du jugement rendu le rendu le 09 décembre 2021, ainsi que des deux ordonnances du juge de la mise en état 19 octobre 2020 et 25 janvier 2021, des chefs de la recevabilité de l'intervention volontaire de la SAS MZB Saint Fiacre, du rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la SCI Ty Neve en paiement d'une indemnité d'occupation, du montant de l'indemnité d'éviction, du montant de l'indemnité d'occupation, de la compensation et du rejet de ses demandes de nouvelle expertise et de réouverture des débats, ainsi que de sa demande de communication de pièces et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 juillet 2022, la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre ont interjeté appel incident sur le quantum de l'indemnité d'éviction.

Un nouveau dossier RG 24/2232 a été créé le 02 février 2024, portant entre les mêmes parties et sur les mêmes décisions.

Par ordonnance du 20 mars 2024, la clôture de la procédure RG 24/2232 a été ordonnée.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 27 février 2024, par lesquelles la SAS Hôtel de la Nouvelle France, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :

IN LIMINE LITIS :

- Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS du 09 décembre 2021 (RG N° 17/13353) en ce qu'il a dit recevable l'intervention volontaire de la SAS MZB Saint Fiacre à la procédure,

Statuant à nouveau,

- Dire et juger irrecevable l'intervention volontaire de la SAS MZB Saint Fiacre en première instance ainsi que ses conclusions,

- La débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS du 09 décembre 2021 (RG N° 17/13353) en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France du chef de la prescription de l'action de la SCI Ty Neve en paiement d'une indemnité d'occupation,

Statuant à nouveau : Dire et juger irrecevable l'action de la SCI Ty Neve en paiement d'une indemnité d'occupation ;

AVANT DIRE DROIT : Réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 19 octobre 2020 (RG N° 17/13353) en ce qu'elle a débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de ses demandes de réouverture des débats et de prononcé d'une nouvelle expertise ;

- Statuant à nouveau : Désigner un nouvel expert aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction avec la mission habituelle en pareille matière,

- Ordonner cette expertise aux frais avancés de la SAS Hôtel de la Nouvelle France qui en fait la demande ;

- Réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de PARIS du 25 janvier 2021 (RG N° 17/13353) en ce qu'elle a débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de sa demande de communication de pièce et l'a condamnée à payer à la SCI Ty Neve et à la SAS MZB Saint Fiacre la somme de 500 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Statuant à nouveau : Enjoindre à la SCI Ty Neve à de communiquer dans son intégralité, incluant l'ensemble de ses annexes, l'acte de vente par la SCI Ty Neve à la SAS MZB Saint Fiacre du 20 juillet 2020 dans le délai et éventuellement sous l'astreinte qu'il lui plaira de fixer ;

SUR LE FOND :

- Sur l'indemnité d'occupation :

- A titre principal Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS du 09 décembre 2021 en ce qu'il a déclaré la SCI Ty Neve recevable en sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,

- Statuant à nouveau, Fixer l'indemnité d'occupation due par la SAS Hôtel de la Nouvelle France à la SCI Ty Neve au montant du loyer du bail commercial expiré sous réserve de l'issue de la contestation par la locataire de l'application de la clause d'indexation ;

- Subsidiairement : Réformer le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS du 09 décembre 2021(RG N° 17/13353) en ce qu'il a dit que la SAS Hôtel de la Nouvelle France est redevable à l'égard de la SCI Ty Neve d'une indemnité d'occupation à compter du 21 septembre 2015, et fixé à la somme annuelle de 59.005 €, hors charges et hors taxes, le montant de cette indemnité d'occupation à compter du 21 septembre 2015, et dit que cette indemnité d'occupation sera indexée à compter du 21 septembre 2016, sur l'indice trimestriel des loyers commerciaux publié par l'INSEE, l'indice de base étant le dernier indice paru à la date du 21 septembre 2015, et Dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

- Statuant à nouveau :

- Fixer l'indemnité d'occupation due par la SAS Hôtel de la Nouvelle France à la SCI Ty Neve à la somme de 50.789 € par an hors taxe et hors charges,

- Dire n'y avoir lieu à indexation,

- Dire n'y avoir lieu à compensation ;

- Sur l'indemnité d'éviction et les indemnités accessoires :

- Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 09 décembre 2021(RG N° 17/13353) en ce qu'il a fixé à la somme globale de 1.809.516 €, outre les frais de licenciement et administratifs sur justificatifs, le montant de l'indemnité d'éviction due par la SCI Ty Neve à la SAS Hôtel de la Nouvelle France, se décomposant comme suit :

* indemnité principale : 1.626,640 €,

* indemnités accessoires ; 182.876 €, dont 162.664 € pour les frais de remploi, et 20.212 € pour le trouble commercial,

* frais de licenciement, de déménagement, frais administratifs : sur justificatifs.

- Statuant à nouveau :

- Fixer les indemnités dues par la SCI Ty Neve à la SAS Hôtel de la Nouvelle France à raison de son éviction de la manière suivante à hauteur de 3.094.769 € :

* Indemnité principale : 2.538.800 €

* Frais de remploi : 253.880 €

* Trouble commercial : 40.423 €

* Frais de déménagement, administratifs et commerciaux et de licenciements et de réinstallation Sur Justificatifs

* Éléments non amortis 262.546 €

- La condamner au paiement de ces indemnités ;

- Dire que la SCI Ty Neve devra rembourser à la SAS Hôtel de la Nouvelle France ses Frais de déménagement, ses frais administratifs et commerciaux, de licenciement et de réinstallation sur justificatifs ;

- Débouter la SAS MZB Saint Fiacre de sa demande de dommages et intérêts pour de prétendues procédures abusives ;

- En tout état de cause :

- Débouter la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre de toutes fins, prétentions et conclusions contraires ;

- Condamner la SCI Ty Neve à payer à la société HOTEL DE LA NOUVELLE FRANCE la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens de l'appel en ce compris les frais des actes de procédure et d'expertise éventuelle dont distraction au profit de son avocat ;

Vu les conclusions déposées le 12 mars 2024, par lesquelles la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre, intimées à titre principal et appelantes à titre incident, demandent à la Cour de :

- débouter la SAS Hôtel de la Nouvelle France de son appel, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

- Confirmer en toutes leurs dispositions :

* l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 octobre 2020,

* l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 janvier 2021,

- Confirmer le jugement rendu le 09 décembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'éviction globale revenant à la SAS Hôtel de la Nouvelle France à la somme de 1.809.516 € outre les frais de licenciement, déménagement et administratif payables sur justificatifs,

- Statuant à nouveau, fixer le montant de l'indemnité d'éviction globale revenant à la SAS Hôtel de la Nouvelle France à la somme actualisée de 1.254.350,74 € outre les frais de licenciement, déménagement et administratif payables sur justificatifs,

- En tout état de cause,

* Désigner le Bâtonnier du Barreau de Paris en qualité de séquestre pour recevoir le versement de l'indemnité d'éviction,

* Condamner la SAS Hôtel de la Nouvelle France aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement contre elle par Maître ETEVENARD en application de l'article 699 du code de procédure civile,

* Condamner la SAS Hôtel de la Nouvelle France du fait de la multiplication des procédures abusives au paiement de la somme de 50.000 € à la SAS MZB Saint Fiacre à titre de dommages et intérêts,

* Condamner la SAS Hôtel de la Nouvelle France à verser à la SCI Ty Neve et à la SAS MZB Saint Fiacre 20.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction entre les procédures RG 24/02232 et RG 22/02132 sous ce dernier numéro unique.

1. Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 19 octobre 2020 ayant refusé une réouverture des débats et une nouvelle expertise

Aux termes de l'ordonnance du 19 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de sa demande de réouverture des débats et de prononcé d'une nouvelle expertise après avoir relevé que :

- si la vente de l'immeuble dont dépendent les locaux loués, survenue entre la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre est de nature à modifier les relations juridiques entre les parties dans le cadre de l'examen au fond de l'affaire, la SAS Hôtel de la Nouvelle France ne justifie cependant pas de la nécessité que les débats soient réouverts dans le cadre de l'examen de sa demande de nouvelle expertise, étant précisé au demeurant qu'en cas de nouvelle expertise, la locataire pourra attraire ultérieurement son nouveau bailleur afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise,

- dès lors que les contestations soulevées par la société locataire sont des contestations de fond, alors que la SAS Hôtel de la Nouvelle France ne justifie pas que les opérations d'expertise se seraient déroulées en méconnaissance des articles 263 et suivants du code de procédure civile et en particulier, en méconnaissance du principe de la contradiction, et qu'en tout état de cause, il appartient aux parties de contester ou d'adopter devant la juridiction statuant au fond, les conclusions de l'expert judiciaire, qui ne lient pas le juge, ainsi que d'actualiser leur situation, le tribunal pouvant en tout état de cause solliciter des précisions complémentaires s'il s'estime insuffisamment informé, de sorte que le prononcé d'une nouvelle expertise n'apparaît pas nécessaire.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France maintient ses demandes en cause d'appel, en arguant qu'une nouvelle expertise s'imposerait dès lors que les rapports de M. [E] et Mme [O] sont « antinomiques » quant aux modalités de calcul de l'indemnité d'éviction, que la date d'évaluation de l'indemnité doit être au plus près de la date du départ de l'exploitant et qu'il n'a pu être tenu compte des chiffres d'affaires et résultats résultant des comptes sociaux régulièrement déposés au greffe du tribunal de commerce de Paris par elle pour l'exercice clos au 31 décembre 2018.

Or, le chiffre d'affaires moyen sur 3 ans est ainsi de 357.978 € et pour les exercices de 2020 à 2022, la moyenne est de 370.184 €, sans que Mme [O] n'ait pris en compte les critères relatifs aux possibilités d'exploitation du fonds et à l'évolution future prévisible du chiffre d'affaires. Elle reproche également à l'expert des « considérations générales erronées ou partisanes », l'hôtel de la nouvelle France étant en réalité adapté aux besoins du quartier et conservant son autorisation administrative d'exploitation, ainsi que des insuffisances ou des omissions quant aux indemnités accessoires, les experts s'accordant cependant sur les frais de remploi de sorte qu'ils doivent retenus.

Elle ajoute qu'au titre du trouble commercial, le calcul de l'excédent brut d'exploitation divergerait de celui de M. [R] [E], qui parait plus conforme aux pratiques habituelles, les frais de déménagement retenus par Mme [L] [O] paraissant de surcroît « dérisoires » au regard de la masse de mobilier à déménager et les frais administratifs et commerciaux devant tenir compte du montant proposé de ceux inhérents à l'exploitation par une société commerciale, la SAS Hôtel de la Nouvelle France devant être indemnisée de la valeur des éléments du fonds non amortis qu'elle abandonne sous la contrainte.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre s'opposent à cette demande et demandent la confirmation de l'ordonnance querellée de ce chef, en excipant que la SAS Hôtel de la Nouvelle France était parfaitement libre de communiquer à l'expert l'ensemble des éléments qu'elle estime nécessaires à l'appréciation de sa situation et ne saurait faire supporter à l'expert les lacunes de sa défense au cours des opérations d'expertise.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué après avoir à juste titre relevé que la vente du bien immobilier en cours de procédure ne saurait justifier une réouverture des débats, alors même que le nouveau bailleur peut être attrait à la procédure d'expertise afin de la lui rendre commune, et que l'ensemble des griefs émis à l'encontre du rapport d'expertise, portant principalement sur les divergences existant entre ce rapport et le rapport établi par M. [E] à la demande de la SAS Hôtel de la Nouvelle France, ne sauraient davantage justifier une nouvelle mesure d'expertise, dès lors que les éléments dont il est reproché à l'expert de n'avoir pas tenu compte peuvent être soumis au fond au débat devant la juridiction saisie de la demande de fixation de l'indemnité d'éviction, à charge pour la SAS Hôtel de la Nouvelle France de justifier de sa situation actualisée de manière contradictoire et qu'en outre aucun élément ne vient établir une violation par l'expert des règles auxquelles son office est soumis aux termes des articles 263 et suivants du code de procédure civile et, notamment, un quelconque manquement à son devoir d'impartialité.

Par conséquent, l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire le 19 octobre 2020 sera confirmée en l'ensemble de ses dispositions, et la SAS Hôtel de la Nouvelle France déboutée de ses demandes contraires.

2. Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 25 janvier 2021 ayant refusé une communication de pièces et fait application de l'article 700 du code de procédure civile

En vertu de l'article 788 du code de procédure civile, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production de pièces qui sont essentielles à la résolution du litige et, dès lors, peut enjoindre à une partie de communiquer des pièces.

Aux termes de l'ordonnance du 25 janvier 2021, le juge de la mise en état a débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de sa demande de communication dans son intégralité, incluant l'ensemble des annexes, d'une copie authentique de l'acte de vente par la SCI Ty Neve à la SAS MZB Saint Fiacre suivant acte reçu par Maître [G] [X], Notaire à Paris, le 20 juillet 2020 dans le délai et éventuellement sous l'astreinte qu'il lui plaira, après avoir considéré, au visa de l'article 788 du code de procédure civile, qu'elle ne justifiait pas, pour l'utilité du litige, de la nécessité de se faire communiquer cette pièce, dès lors qu'une copie de l'acte lui a déjà été effectivement adressée, lui permettant d'obtenir les coordonnées de son nouveau bailleur ainsi que de porter à sa connaissance les conditions, notamment financières, de la vente, étant en tout état de cause précisé que la vente des locaux est indifférente de la poursuite de l'instance visant à l'indemniser de son préjudice résultant de l'éviction dont elle fait l'objet, et que la société MZB SAINT FIACRE a entendu intervenir à l'instance, laissant ainsi la possibilité au preneur, le cas échéant, de formuler des demandes à son encontre.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France maintient en cause d'appel sa demande de communication de pièce, en soutenant, sur le fondement de l'article 11 du code de procédure civile, que la pièce communiquée ne serait pas conforme à la demande formée par sommation dès lors qu'elle n'est qu'une simple copie et non une copie authentique certifiée conforme par le notaire, pourvue de ses annexes, seule probante, et qu'il est renvoyé dans le corps de l'acte à de nombreuses annexes en faisant partie intégrante et qui pouvaient utilement éclairer le Tribunal (notamment les annexes 5, 6, 7 dont le contenu n'est que partiellement révélé dans l'acte de vente) qui ne sont pas comprises dans la communication.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre sollicitent la confirmation de l'ordonnance querellée de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel qu'après la sommation de communiquer régularisée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France, la SCI Ty Neve a transmis la copie de l'acte authentique de vente dans les jours suivants et qu'elles ont déféré aux deux sommations de communiquer, de sorte qu'aucune fraude ne serait caractérisée.

La cour adopte les motifs pertinents du premier juge lequel, pour débouter la SAS Hôtel de la Nouvelle France de cette demande, a relevé à bon droit que la communication d'une copie authentique de l'acte de vente intervenu entre la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre n'était pas essentielle à la résolution du litige, alors même que la SAS Hôtel de la Nouvelle France s'est vue communiquer, suite à sa sommation de communiquer, une copie dudit acte lui permettant d'obtenir les éléments d'identité de son nouveau bailleur, ainsi que les conditions notamment financières de la vente, dont la réalisation en cours d'instance n'a en l'état aucune incidence sur le litige, dès lors que la SAS MZB Saint Fiacre est intervenue volontairement à l'instance, laissant ainsi la possibilité à la SAS Hôtel de la Nouvelle France, le cas échéant, de formuler des demandes à son encontre.

L'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 25 janvier 2021 sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de communication de pièce de la SAS Hôtel de la Nouvelle France, qui sera déboutée de ses demandes contraires.

3. Sur l'intervention volontaire de la SAS MZB Saint Fiacre

Aux termes des articles 760 et 765 du code de procédure civile, obligatoire devant le tribunal judiciaire, la constitution d'avocat par le défendeur ou toute personne qui devient partie en cours d'instance doit indiquer, si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente.

En vertu des articles 328 à 330 du code de procédure civile, l'intervention volontaire est principale ou accessoire.

Elle est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est dans ce cas recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Elle est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et n'est recevable dans ce cas que si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.

Aux termes du jugement du 09 décembre 2021 querellé, le premier juge a déclaré la SAS MZB Saint Fiacre recevable en son intervention volontaire, après avoir considéré que :

- nonobstant des conclusions aux fins d'intervention volontaire notifiées par voie électronique le 5 novembre 2020 pour la « société MZB SAINT FIACRE, société par actions simplifiée, ayant son siège social à [Adresse 3] », comportant constitution d'avocat, puisqu'il est admis que la constitution peut ressortir de l'existence de conclusions que l'avocat a déposées sous son nom alors qu'il n'était pas préalablement constitué, la société civile professionnelle Blatter Seynaeve & Associés a signifié sa constitution d'avocat dans l'intérêt de la société Saint-Fiacre le 26 avril 2021, l'acte indiquant constituer pour la « société MZB SAINT FIACRE, société par actions simplifiée ayant son siège social [Adresse 3] représentée par son président », cette constitution, qui précise de manière exacte et suffisamment complète la dénomination de la société, l'adresse de son siège social et l'organe qui la représente légalement, revêtant donc les mentions requises par les articles 760 et 765 du code de procédure civile,

- la SAS MZB Saint Fiacre, propriétaire de l'immeuble donné à bail à la SAS Hôtel de la Nouvelle France, vient aux droits de son vendeur, la SCI Ty Neve, qui est assignée dans la présente instance en fixation du montant de l'indemnité d'éviction à verser à la SAS Hôtel de la Nouvelle France et de l'indemnité d'occupation due par cette dernière ; Or, l'acte de vente stipulant expressément que l'acquéreur reprendra les procédures en cours tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction et prévoyant que celle-ci, éventuellement due au locataire après compensation avec l'indemnité d'occupation, restera à la charge du vendeur à l'issue de la procédure et ce dans la limite du montant fixé par l'expert judiciaire dans son rapport, le surplus étant à la charge de l'acquéreur, et la SAS MZB Saint Fiacre étant en outre créancière, à compter du 20 juillet 2020, date d'acquisition de l'immeuble, d'une indemnité d'occupation, cette dernière a donc un intérêt à agir à son profit à la fois à titre principal et à l'appui des prétentions de la SCI Ty Neve, en sorte que son intervention volontaire est recevable.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France, laquelle sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, soutient pour l'essentiel qu'aucune constitution d'avocat n'aurait été réalisée par la SAS MZB Saint Fiacre conformément à l'article 760 du code de procédure civile et dénoncée en vertu de celles de l'article 765, et ce, nonobstant la défense de la société concernée.

Elle ajoute que la dénomination sociale de la concluante est incomplète tout comme l'adresse de son siège social, étant précisé qu'aucune indication ne figure quant à l'organe qui la représente légalement, de sorte que la constitution et les écritures de la société dénommée « MZB Saint Fiacre » doivent être déclarées irrecevables comme prises en violation des dispositions des articles 760, 765 et 766 du code de procédure civile.

Elle souligne par ailleurs que l'irrégularité tirée de l'article 1842 alinéa 1 du code civil, qui impose l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, constitue une nullité de fond qui ne peut pas être régularisée, ce d'autant que le fondement de l'intervention volontaire est erroné dès lors qu'aux termes de l'acte authentique du 20 juillet 2020, lequel prévoit la subrogation de la SAS MZB Saint Fiacre dans tous les droits de la SCI Ty Neve, la SAS MZB Saint Fiacre ne pourrait qu'intervenir sur le fondement de l'article 329 du code de procédure civile et non sur celui des articles 328 et 330 du même code.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre sollicitent la confirmation du jugement querellé de ce chef en faisant valoir pour l'essentiel que la société civile professionnelle Blatter Seynaeve & Associés a signifié sa constitution d'avocat dans l'intérêt de la SAS MZB Saint Fiacre le 26 avril 2021, alors même que ses premières conclusions régularisées le 5 novembre 2020 comportaient déjà cette constitution de sorte que par ses conclusions régularisées en cours d'instance, la SAS MZB Saint Fiacre a entendu renouveler son intervention volontaire à la procédure entre la SCI Ty Neve et la SAS Hôtel de la Nouvelle France.

Elles relèvent que les mentions de la constitution sont conformes aux articles 760 et 765 du code de procédure civile, étant précisé que l'alinéa 4 de l'article 648 du code de procédure civile n'exige pas la mention du nom du représentant de la personne morale destinataire et que l'adresse du siège social est suffisante pour permettre la signification à personne d'un acte comme le démontre la pièce 35 de l'appelante.

Elles soulignent enfin, sur le fondement des articles 31, 328 et 330 du code de procédure civile, que la SAS MZB Saint Fiacre justifie d'un intérêt à agir à son profit à la fois à titre principal, étant débitrice de l'indemnité d'éviction qui doit être fixée si celle-ci était supérieure à l'estimation de l'expert conformément à l'acte d'acquisition de l'immeuble, et à titre accessoire, à l'appui des prétentions de la SCI Ty Neve en fixation de l'indemnité d'occupation, dont elle est créancière à compter du 20 juillet 2020.

Au cas d'espèce, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

Le jugement déféré reposant cependant sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

4. Sur l'indemnité d'éviction

Le congé avec refus de renouvellement délivré par la bailleresse le 17 mars 2015 a mis fin au bail liant les parties à compter du 20 septembre 2015 et a ouvert droit à la SAS Hôtel de la Nouvelle France au maintien dans les lieux dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction.

Sur l'indemnité principale

Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l'indemnité d'éviction étant destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Il est par ailleurs usuel de mesurer les conséquences de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.

Il est admis que l'indemnité d'éviction s'évalue à la date la plus proche de l'éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse.

Les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.

Cette appréciation implique dans un premier temps d'étudier les caractéristiques du bail s'agissant de sa destination, des clauses usuelles ou exorbitantes de droit commun y incluses, et des locaux s'agissant de leur implantation, de leur emplacement, de leur aménagement, et de leur commercialité, ce que le tribunal a opéré par motifs détaillés que la cour adopte et auxquels il est renvoyé.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une indemnité principale de 1.626.640 €, après avoir considéré que :

' l'éviction entraînera la perte du fonds dont la valeur est au moins égale à la valeur du droit au bail,

' l'expert a calculé l'indemnité d'éviction suivant la méthode des usages professionnels en retenant un multiplicateur de 5 du chiffre d'affaires moyen HT de 303.541 €, déterminé selon la branche d'activité en cause, soit celle d'hôtel non classé à vocation sociale,

' si la SAS Hôtel de la Nouvelle France critique le calcul ainsi réalisé par l'expert aux motifs que doivent être pris en considération le chiffre d'affaires TTC et non HT, les possibilités d'exploitation du fonds et l'évolution future de son chiffre d'affaires au regard du projet de restructuration de l'hôtel notifié par la locataire au bailleur le 30 mars 2015, l'exercice clos au 31 décembre 2018 afin d'actualiser la situation de la locataire quant à l'évolution de son chiffre d'affaires sur la base des exercices 2017, 2018 et 2019, il résulte des usages de la profession qu'un fonds de commerce d'hôtel meublé classique peut être évalué sur la base de 3,5 à 4,5, voire 5 fois le chiffre d'affaires annuel moyen TTC des trois derniers exercices, en fonction des caractéristiques de l'établissement, de ses possibilités d'exploitation, de son emplacement, des charges imposées au preneur et de la capacité du fonds à dégager des bénéfices de façon récurrente et en fonction de l'évolution passée et future prévisible du chiffre d'affaires,

' il convient néanmoins d'adopter la base de calcul de l'expert d'un chiffre d'affaires moyen HT au lieu de TTC, dès lors qu'il n'est justifié des montants du chiffre d'affaires et de la TVA que pour les exercices 2018 et 2019, à l'exclusion de l'exercice 2017. Le chiffre d'affaires moyen annuel HT sur les exercices 2017, 2018 et 2019 est donc de 325.328 € auquel il convient d'appliquer, pour tenir compte du fait que le chiffre d'affaires retenu est hors taxes, un coefficient de 5, en ce qu'il permet de tenir compte des caractéristiques de l'établissement, de son emplacement, des charges imposées au preneur et de la capacité du fonds à dégager des bénéfices de façon récurrente et, en particulier, de ses possibilités d'exploitation et de l'évolution passée et future prévisible du chiffre d'affaires, s'agissant d'un établissement hôtelier non classé à caractère social, à un emplacement devenu principalement résidentiel qui n'est plus réellement adapté à cette activité et dont la « clientèle » des organismes sociaux et des associations lui garantit la plus grande partie de son chiffre d'affaires, en hausse constante sur la période étudiée par l'expert (2015, 2016, 2017) ou par le tribunal (2017, 2018, 2019),

' il en résulte, en appliquant la méthode des usages professionnels, laquelle n'est pas contestée par les parties, une indemnité principale d'un montant de 1.626.640 €.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France sollicite l'infirmation du jugement de ce chef et la fixation d'une indemnité principale de 2.538.800 € en arguant que le chiffre d'affaires annuel TTC susceptible d'être atteint sans transformation lourde est de 506.160 €, soit 2.538.800 € après application d'un coefficient multiplicateur de 5 (506.160 x 5).

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre concluent également à l'infirmation du jugement querellé et à la fixation d'une indemnité d'éviction globale de 1.254.350,74 €, en faisant valoir pour l'essentiel que le coefficient sur le chiffre d'affaires moyen hors taxes retenu apparaît trop élevé par rapport à la moyenne des coefficients retenus dans les jurisprudences évoquées par Mme [O] dans son rapport et qu'il convient d'affecter à la moyenne retenue des chiffres d'affaires des trois dernières années, un coefficient qui ne saurait être supérieur à la moyenne de l'ensemble des références mentionnées tant dans le rapport de Mme [O] que dans les jurisprudences rapportées par la société bailleresse, la moyenne des coefficients appliqués aux fixations judiciaires et celle des coefficients appliqués aux cessions de fonds de commerce d'hôtel ressortant à 3,42.

Au cas d'espèce, l'expert relève que le transfert du fonds de commerce est impossible, ce point n'est pas discuté par les parties, et a utilisé la méthode de valorisation par le chiffre d'affaires, méthode contestée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France qui demande de tenir compte du projet de restructuration de l'hôtel envisagé par elle et du chiffre d'affaires prévisible après réalisation des travaux, les parties s'opposant également sur le chiffre d'affaires moyen à retenir et sur le coefficient multiplicateur à lui appliquer.

Si la SAS Hôtel de la Nouvelle France conteste la méthode employée par l'expert, en invoquant la méthode de M. [R] [E], la cour rappelle que l'expert judiciaire, Mme [O], a appliqué la méthode hôtelière usuelle en la matière, de sorte que conformément aux dispositions précitées, il convient d'approuver le premier juge de l'avoir retenue.

L'estimation par le chiffre d'affaires s'effectue en affectant un coefficient ou un taux à la moyenne des chiffres d'affaires des trois dernières années. Ce taux varie en fonction des caractéristiques propres du fonds et notamment de la ou des activités contractuellement admises qui y sont effectivement exercées.

L'expert judiciaire retient que le chiffre d'affaire moyen des exercices de 2015 à 2017 était de 303.541 € HT, faute pour la SAS Hôtel de la Nouvelle France de justifier de son chiffre d'affaires TTC et de pouvoir déterminer si le taux réduit de TVA applicable à l'hôtellerie l'est également à l'hébergement social.

Le tribunal retient quant à lui un chiffre d'affaires HT moyen pour les exercices 2017 à 2019 de 325.328 €.

Néanmoins, il appartient à la cour de statuer en tenant compte des chiffres d'affaires des exercices les plus récents, soit les exercices 2020, 2021 et 2022.

Le preneur fournit ses derniers chiffres d'affaires des exercices 2020 à 2022 desquels il ressort un chiffre d'affaires moyen HT de 322.834 €.

Si la SAS Hôtel de la Nouvelle France soutient qu'il conviendrait de tenir compte du chiffre d'affaires TTC, il sera rappelé, à l'instar du premier juge, qu'aucun élément n'est fourni en cause d'appel pour justifier si le taux réduit de TVA applicable à l'hôtellerie l'est également à l'hébergement à vocation sociale comme le fonds de commerce litigieux, de sorte qu'il ne sera tenu compte que des chiffres d'affaires HT.

Enfin, s'agissant du coefficient multiplicateur applicable, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a retenu un coefficient de 5, préconisé par l'expert, dès lors que ce coefficient, correspondant certes au taux maximum pour les fonds de commerce d'hôtel meublé classique, tient néanmoins compte des caractéristiques de l'établissement, de son emplacement, des charges imposées au preneur et de la capacité du fonds à dégager des bénéfices de façon récurrente et, en particulier, de ses possibilités d'exploitation et de l'évolution passée et future prévisible du chiffre d'affaires, s'agissant d'un établissement hôtelier non classé à caractère social, à un emplacement devenu principalement résidentiel qui n'est plus réellement adapté à cette activité et dont la « clientèle » des organismes sociaux et des associations lui garantit la plus grande partie de son chiffre d'affaires, en hausse constante sur la période étudiée par l'expert (2015, 2016, 2017) par le tribunal (2017, 2018, 2019) ou par la cour (2020, 2021, 2022).

En outre, si le coefficient proposé par la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre, de 3,42, est fondé sur la moyenne de références issues de fixations judiciaires et de cessions de fonds de commerce, la cour relève que ces références invoquées par les bailleresses successives sont issues de trois décisions du Tribunal judiciaire de Paris du 30 juin 2015, 29 mai 2012 et 04 mai 2017, qui ne sauraient sérieusement servir plusieurs années après pour remettre en cause la valorisation du fonds litigieux, qui s'apprécie au plus près de l'éviction et en fonction de ses caractéristiques propres.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a retenu le coefficient multiplicateur de 5, et de considérer dès lors que l'indemnité principale d'éviction s'élève à 1.614.170 €.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il l'a fixée à 1.626.640 €.

Sur les frais de remploi

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a fixé au bénéfice de la SAS Hôtel de la Nouvelle France une indemnité de remploi de 162.664 € correspondant à une base forfaitaire de 10 % de l'indemnité principale, et ce conformément aux usages.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France d'une part et la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre d'autre part s'accordent en cause d'appel sur une indemnité pour frais de remploi correspondant à 10 % de l'indemnité d'éviction principale, conformément aux usages, mais sollicitent cependant toutes deux l'infirmation du jugement querellé de ce chef, chacune se fondant sur une indemnité d'éviction principale au montant différent, de sorte que la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre sollicitent la fixation desdits frais à 112.568 €, tandis que la SAS Hôtel de la Nouvelle France sollicite de porter ces frais à 253.880 €.

Néanmoins, l'indemnité d'éviction principale étant fixée par la cour à 1.614.170 €, le montant des frais de remploi, correspondant à 10 % de ladite indemnité, conformément aux usages, sera dès lors fixé à 161.417 €.

Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour trouble commercial

Cette indemnité compense le moindre investissement dans l'activité commerciale à raison de l'éviction et le temps qui sera nécessaire pour la recherche d'un nouvel emplacement à l'exclusion des autres postes de préjudices allégués par la preneuse qui n'entrent pas dans le cadre de l'indemnité pour trouble de jouissance.

Pour fixer au profit de la SAS Hôtel de la Nouvelle France une indemnité pour trouble commercial d'un montant de 20.212 €, le premier juge a retenu dans le jugement attaqué une indemnisation comme proposée par l'expert, sur une base de trois mois de l'E.B.E. moyen retraité, qu'il a actualisé sur les trois exercices 2017, 2018 et 2019, pour un montant de 80.847 €/4, soit la somme arrondie de 20.212 €.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France, laquelle sollicite l'infirmation du jugement querellé et la fixation à son bénéfice d'une indemnité pour trouble commercial de 40.423 € équivalente à 6 mois d'EBE, fait valoir pour l'essentiel que les trois mois retenus par les experts sont insuffisants afin de permettre une réinstallation de la société évincée compte tenu de la spécificité de l'activité et de la rareté des produits sur le marché, de sorte que la somme sera de 40.423 €.

Au cas d'espèce, il échet de relever, à la lecture des liasses fiscales de la SAS Hôtel de la Nouvelle France un EBE moyen de 80.847 €, non contesté par les intimés.

En conséquence, en l'absence d'éléments justifiant d'indemniser la SAS Hôtel de la Nouvelle France au delà de l'indemnisation usuelle équivalente à 3 mois d'EBE, l'indemnité pour trouble commercial sera fixée à la somme de 20.212 €, représentant 3 mois d'EBE, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les éléments non amortis

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a refusé de prendre en compte les éléments non amortis dans la mesure où ils étaient déjà pris en compte dans l'évaluation de la valeur du fonds de commerce.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France conteste ce chef du jugement et sollicite à ce titre une indemnité d'un montant de 262.546 €, en arguant qu'elle doit être indemnisée de la valeur des éléments du fonds non amortis qu'elle abandonne sous la contrainte, qui s'élèvent à la somme de 262.546 €.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France ne fait cependant que reprendre devant la cour ses prétentions et moyens de première instance.

Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte et, en l'absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé.

Sur les frais de déménagement, frais administratifs et commerciaux et de licenciement

L'indemnité pour frais de déménagement a pour objet d'indemniser le preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont il est évincé.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France demande que les frais de déménagement, frais administratifs et commerciaux soient remboursés sur justificatifs.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre n'ont émis aucun développement sur ce point, se bornant à solliciter une indemnité d'éviction globale de 1.254.350,74 € correspondant à l'addition suivante (112.568 + 11.600 + 2.000 + 2.500 + 1.125.682,74) sans permettre à la cour de déterminer à quelles indemnités correspondent lesdits montants, à l'exception de l'indemnité principale invoquée par les intimées à hauteur de 1.125.682,74 €.

En conséquence, il échet de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement des frais de déménagement, frais administratifs et commerciaux et de licenciement sur justificatifs.

Sur les frais de réinstallation

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a écarté ce chef d'indemnisation après avoir considéré que ces frais sont ceux nécessaires à la reprise de l'activité du locataire dans de nouveaux locaux, que ce soit des travaux d'aménagement ou d'équipement, de mise aux normes.

Or, le locataire ne justifiant pas d'aménagements spécifiques dans son hôtel, susceptibles d'être réinstallés dans les locaux de remplacement et en tout état de cause, l'indemnité principale ayant été évaluée pour un local équivalent à celui dont le locataire a été évincé, muni des mêmes équipements et agencements, il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'allouer une indemnité de réinstallation.

Si la SAS Hôtel de la Nouvelle France maintient sa demande en cause d'appel et sollicite le remboursement des frais de réinstallation sur présentation de justificatifs, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

5. Sur l'indemnité d'occupation

- Sur la recevabilité de la demande de fixation d'une indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application des articles L. 145-14, L. 145-28, L. 145-57 et L. 145-59 du code de commerce, lorsque le bailleur exerce son droit d'option en refusant le renouvellement du bail qu'il avait proposé et en offrant le paiement d'une indemnité d'éviction, celui-ci agit rétroactivement à la date d'expiration du bail par l'effet du congé initial, date à compter de laquelle le preneur devient débiteur d'une indemnité d'occupation de nature statutaire correspondant à la valeur locative évaluée conformément à l'article L. 145-28 du code de commerce. L'action du bailleur en fixation de cette indemnité d'occupation relevant ainsi du statut des baux commerciaux et doit donc être exercée, à peine de prescription, dans le délai de deux ans fixé par l'article L. 145-60 du code de commerce, commençant à courir, dans cette hypothèse, à compter de la notification du droit d'option.

Aux termes du jugement entrepris, le premier juge a déclaré la SCI Ty Neve recevable en sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation et débouté la SAS Hôtel de la Nouvelle France de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action à ce titre, après avoir considéré que :

- la SCI Ty Neve a délivré à la SAS Hôtel de la Nouvelle France, le 17 mars 2015, un congé avec offre de renouvellement à effet du 20 septembre 2015, puis lui a notifié le 7 avril 2016 l'exercice de son droit d'option et offert une indemnité d'éviction, la SAS Hôtel de la Nouvelle France assignant de son côté le 15 septembre 2017 en fixation d'une indemnité d'éviction la SCI Ty Neve, qui par conclusions notifiées au greffe par la voie électronique le 14 décembre 2017, a demandé la condamnation de sa locataire évincée à lui payer une indemnité d'occupation,

- il s'évince de ces éléments, d'une part, que la SCI Ty Neve devait, à peine de prescription, exercer son action en paiement d'une indemnité d'occupation dans les deux ans de la notification de son droit d'option, soit au plus tard le 7 avril 2018 et, d'autre part, qu'elle a formulé cette demande, pour la première fois, dans des conclusions notifiées avant cette date, le 14 décembre 2017, en sorte qu'il convient de rejeter la fin de non-recevoir.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel qu'aux termes de l'article L. 145-60 du code de commerce, la SAS Hôtel de la Nouvelle France n'a pas assigné sa bailleresse « notamment » mais uniquement aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction, interrompant ainsi à son seul bénéfice et sur ce seul point le délai de prescription.

Or, le bail a pris fin le 20 septembre 2015 et ce n'est que par des conclusions d'incident devant le juge de la mise en état notifiées le 14 décembre 2017, après l'expiration du délai de prescription biennale, que la SCI Ty Neve a sollicité une expertise aux fins notamment de fixation de l'indemnité d'occupation.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre sollicitent quant à elles la confirmation du jugement attaqué de ce chef, en arguant que le délai de prescription de deux années pour engager une action en fixation des indemnités d'éviction et d'occupation ne commence à courir qu'au jour de l'exercice par le bailleur de son droit d'option, soit le 7 avril 2016, par lequel il refuse le renouvellement et reconnaît au preneur le droit au versement d'une indemnité d'éviction de sorte que c'est au moment du refus de renouvellement et par ce refus que naît le droit du locataire au paiement de l'indemnité d'éviction.

C'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

- Sur le fond

Il résulte de l'article L. 145-28 et R. 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a fixé à la charge de la SAS Hôtel de la Nouvelle France une indemnité d'occupation d'un montant annuel de 59.004,90 € HT/HC à compter du 21 septembre 2015, avec indexation à compter du 21 septembre 2016, après avoir considéré que :

- l'expert a évalué l'indemnité d'occupation à compter du 21 septembre 2015 à la somme annuelle de 67.840 €, sur laquelle il a appliqué un coefficient de précarité de 10 %, ce qui aboutit à une somme annuelle de 61.056 € hors charges et hors taxes, en appliquant la méthode hôtelière en prenant pour base de calcul la recette annuelle maximale théorique correspondant à la facturation mensuelle de 48 chambres selon la grille tarifaire de juillet 2014, pour un montant de 34.800 € par mois, soit 417.600 € par an, dont il a été déduit la TVA de 10% ce qui aboutit à une somme de 375.840 € HT,

- le critère de la recette annuelle maximale théorique préconisé par l'expert est conforme aux usages s'agissant de la méthode hôtelière applicable à l'estimation de la valeur locative au 21 septembre 2015, en sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la locataire sur ce point,

- en revanche, la contenance globale de l'hôtel retenue à hauteur de 48 chambres par l'expert sur la base de la désignation des locaux stipulée au contrat de bail du 12 octobre 2011 paraît devoir être fixée à 49 chambres, ainsi qu'en justifie la locataire par le récépissé de déclaration préfectorale en date du 10 octobre 2014 : ainsi, et en l'absence de plus amples éléments sur le tarif de la chambre 49, que l'on retiendra à hauteur de 700 € mensuels, soit le tarif qui s'applique à 41 des 49 chambres de l'établissement, il convient de prendre en compte une recette maximale théorique de 35.500 € par mois (x 12), soit 426.000 € annuels, de laquelle il convient de déduire la TVA de 10 %, ce qui aboutit à la recette théorique annuelle de 383.400 € hors taxes,

- sur cette somme, l'expert a appliqué, en page 34 de son rapport, un taux d'occupation de 95 %, ce qui apparaît légèrement excessif au regard d'une part, de ses constatations selon lesquelles environ 80 % de la clientèle de l'établissement est adressée par les services sociaux ou des associations qui supportent le coût de l'hébergement et d'autre part, des éléments de comparaison produits en pages 32 et 33 du rapport faisant ressortir, pour les hôtels dont la typologie sociale de la clientèle est mentionnée, un taux moyen de 90 % qu'il convient donc d'appliquer,

- les parties ne critiquant pas le taux sur recettes de 20 % retenu par l'expert, il apparaît que la valeur locative annuelle, après application des taux d'occupation et de recette, s'élève à la somme de 69.012 €,

- la société locataire propose d'appliquer un abattement de 10 % pour travaux sans autres justifications, en sorte que la proposition de l'expert de fixer ce taux à 5 % compte tenu de l'état correct des locaux paraît devoir être retenue. La valeur locative annuelle est ainsi après abattement de 5 % de 65.561,40 €, arrondie à 65.561 €, sur laquelle il y a lieu d'appliquer un abattement pour précarité de 10 % que les parties ne critiquent pas, ce qui aboutit à une indemnité d'occupation annuelle d'un montant de 59.004,90 €, arrondi à 59.005 €.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef, et la fixation à sa charge d'une indemnité d'occupation de 50.789 € HT/HC sans indexation, après application d'un abattement pour précarité de 10 %, l'indexation retenue par le premier juge ne pouvant par ailleurs pas être retenue conformément aux articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce.

La SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre ne contestent pas l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge, en faisant valoir pour l'essentiel que Mme [O] a pratiqué un abattement pour précarité de 10 %, de sorte que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la somme de 61.056 € HT/HC par an à compter du 21 septembre 2015 jusqu'à la date de libération effective des lieux, ajoutant que compte tenu de l'ancienneté de la demande de fixation de l'indemnité d'occupation et du maintien dans les lieux de la SAS Hôtel de la Nouvelle France depuis le 21 septembre 2015, la SCI Ty Neve est bien fondée à demander l'indexation de l'indemnité d'occupation, l'indexation judiciaire étant autorisée conformément aux dispositions des articles L. 145-15 et L. 145-29 du code de commerce.

Au cas d'espèce, les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer sans justification complémentaire utile ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, la méthode employée par l'expert étant usuelle en la matière et la contestation de ladite méthode par la SAS Hôtel de la Nouvelle France, à l'aide de la même argumentation que celle développée devant le premier juge, étant inopérante.

Par ailleurs, l'indexation étant autorisée par les dispositions des articles L. 145-15 et L. 145-29 du code de commerce, et eu égard au temps écoulé depuis la fin du contrat de bail intervenue le 21 septembre 2015, il convient également de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a ordonnée

Le jugement sera par conséquent confirmé sur l'ensemble des chefs relatifs à l'indemnité d'occupation.

6. Sur la compensation

En ce qui concerne la demande de compensation entre l'indemnite' d'e'viction et l'indemnite' d'occupation, le bailleur bénéficiant d'un droit de repentir, l'indemnité d'éviction n'est pas à ce jour certaine ni exigible et il n'y a donc pas lieu d'ordonner la compensation.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a ordonnée.

7. Sur la demande de constitution d'un séquestre en la personne du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris

Aux termes de l'article L. 145-29 du code de commerce, en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la date du versement de l'indemnité d'éviction au locataire lui-même ou de la notification à celui-ci du versement de l'indemnité à un séquestre. A défaut d'accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête.

L'indemnité est versée par le séquestre au locataire sur sa seule quittance, s'il n'y a pas d'opposition des créanciers et contre remise des clés du local vide, sur justification du paiement des impôts, des loyers et sous réserve des réparations locatives.

Au cas d'espèce, la SCI Ty Neve et la SAS MZB Saint Fiacre sollicitent la désignation du Bâtonnier de Paris en qualité de séquestre pour recevoir le versement de l'indemnité d'éviction.

Eu égard à la durée écoulée depuis la résiliation du bail, à savoir le 20 septembre 2015, il convient, afin de s'assurer de l'exécution de la décision dans un délai raisonnable, d'ordonner le séquestre de l'indemnité d'éviction principale et de ses accessoires, et ce, quand bien même l'activité de la SAS Hôtel de la Nouvelle France serait une activité d'hôtellerie à vocation sociale.

En revanche, il convient de confier ce séquestre à la caisse des dépôts et consignation et non au Bâtonnier de Paris, dont ce n'est pas la mission.

8. Sur la demande d'indemnisation de la SAS MZB Saint Fiacre pour procédure abusive

L'exercice d'une action, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise-foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La SAS MZB Saint Fiacre sollicite la condamnation de la SAS Hôtel de la Nouvelle France à lui verser 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédures abusives, en soutenant, le fondement de l'article 1240 du code civil, subir, de par l'écoulement du temps qui passe depuis l'appel interjeté par la SAS Hôtel de la Nouvelle France en janvier 2022, un important préjudice financier alors que la société Hôtel de la nouvelle France a multiplié les procédures, a changé plusieurs fois d'avocats et a multiplié les incidents de procédure.

La SAS Hôtel de la Nouvelle France s'oppose à cette demande aux motifs qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'impéritie de la SAS MZB Saint Fiacre quant au choix des modalités de financement d'un investissement qui se révèle lourd à supporter pour cette dernière.

Au cas d'espèce, aucun abus ou intention de nuire de la SAS Hôtel de la Nouvelle France n'est établi, pas plus que le préjudice financier invoqué par la SAS MZB Saint Fiacre, alors que cette dernière continue à percevoir une indemnité d'occupation versée par la SAS Hôtel de la Nouvelle France et ne saurait être tenue pour responsable des conditions financières dans lesquelles la SAS MZB Saint Fiacre a souscrit son prêt pour l'acquisition de l'immeuble.

En conséquence, la SAS MZB Saint Fiacre sera déboutée de ce chef de demande.

9. Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera ses dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Ordonne la jonction entre les procédures RG n° 24/02232 et RG n° 22/02132 sous le n° RG 22/02132 unique ;

Confirme l'ordonnance rendue le 19 octobre 2020 par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 17/13353 (N° minute 1) ;

Confirme l'ordonnance rendue le 25 janvier 2021 par le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 17/13353 (N° minute 1) ;

Infirme le jugement rendu le 09 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 17/13353 sur le montant de l'indemnité d'éviction principale et l'indemnité pour frais de remploi et sur la compensation ;

Confirme pour le surplus le jugement rendu le par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI Ty Neve à verser à la SAS Hôtel de la Nouvelle France la somme de :

- 1.614.170 € à titre d'indemnité d'éviction principale ;

- 161.417 € à titre d'indemnité pour frais de remploi ;

Dit n'y avoir lieu à compensation ;

Y ajoutant,

Ordonne la séquestration de l'indemnité d'éviction globale (principale et accessoires) auprès de la Caisse des dépôts et consignation ;

Déboute la SAS MZB Saint Fiacre de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.