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Décisions

CA Nîmes, ch. des référés, 19 juin 2024, n° 24/00036

NÎMES

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Époux, Accueil et Partage (Assoc)

Défendeur :

Argikinat (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dodivers

Avocats :

Me Lamy, Me Villand, Me Guillon

CA Nîmes n° 24/00036

18 juin 2024

CCOUR D'APPEL

DE NÎMES

REFERES

ORDONNANCE N°

AFFAIRE : N° RG 24/00036 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JDI2

AFFAIRE : [N], [X], Association ACCUEIL ET PARTAGE C/ [K], S.C.I. ARGIKINAT

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 19 Juin 2024

A l'audience publique des RÉFÉRÉS de la COUR D'APPEL DE NÎMES du 24 Mai 2024,

Nous, Sylvie DODIVERS, Présidente de Chambre à la Cour d'Appel de NÎMES, spécialement désignée pour suppléer le Premier Président dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, lors des débats et lors du prononcé,

Après avoir entendu en leurs conclusions et plaidoiries les représentants des parties, dans la procédure introduite

PAR :

Monsieur [M] [L] [Y] [N]

né le 25 Décembre 1962 à [Localité 5]

Lieudit [Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Madame [R] [X]

née le 09 Mai 1960 à [Localité 4]

Lieudit [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Association ACCUEIL ET PARTAGE

association déclarée inscrite sous le n° W07300678,

inscrite sous le SIREN 490850294

Lieudit [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES,

représenté par Me Géraldine VILLAND, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DEMANDEURS

Madame [S] [F], [E] [K]

née le 03 Juin 1961

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

S.C.I. ARGIKINAT

inscrite au RCS d'AUBENAS sous le n° 443 280 276

prise en la personne de son représentant légal en exercice, Mme [S] [K]

Lieudit [Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Emilie GUILLON de la SELARL BANCEL GUILLON, avocat au barreau d'ARDECHE

DÉFENDERESSES

Avons fixé le prononcé au 14 Juin 2024, prorogé au 19 juin 2024, et en avons ensuite délibéré conformément à la loi ;

A l'audience du 24 Mai 2024, les conseils des parties ont été avisés que l'ordonnance sera rendue par sa mise à disposition au Greffe de la Cour le 14 Juin 2024, prorogée au 19 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 5 décembre 2023, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Privas a, entre autres dispositions,

dit que le congé délivré le 29 juin 2017 par la SCI Argikinat à l'association Accueil et Partage a produit ses effets le 1er janvier 2018 ;

Constaté l'occupation illicite du bien immobilier lieudit [Adresse 1] (07) et prononcé l'expulsion de l'association Accueil et Partage et celle de tous occupants de son chef des lieux loués, M. [M] [N] et Mme [R] [X], au besoin avec l'assistance de la force publique ;

Fixé à la charge de l'association Accueil et Partage le paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 1 000 euros à compter du 1er janvier 2018 jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés des locaux ;

prononcé contre l'association Accueil et Partage condamnation en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes possiblement versées depuis le 1er janvier 2018 ;

Déboute la SCI Argikinat de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation à la charge in solidum de M. [M] [N], de Mme [R] [X] et de l'association Accueil et Partage à compter du 4 février 2018 ;

Réputé non écrite la clause du bail qui fixe à la charge du bailleur en cas de rupture du bail à son initiative une indemnité d'éviction égale à deux fois le montant du bilan annuel de l'association Accueil et Partage ;

débouté l'association Accueil et Partage de sa demande en paiement de la somme de 329 171,24 euros à titre d'indemnité d'éviction ;

Déboute Mme [S] [K] de sa demande de dommages-intérêts présentée contre M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage pour trouble de jouissance ;

dit que le tribunal n'est pas saisi de la demande de M.' [M] [N] afin de révocation de Mme [S] [K] de ses fonctions de gérante dc la SCI Argikinat ;

débouté M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

condamné M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage aux dépens de l'instance,

les a débouté de leur demande en paiement au titre des frais irrépétibles

condamné M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'association Accueil et Partage à payer à Mme [S] [K] et à la SCI Argikinat la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage, ont interjeté appel de ces dispositions par déclaration en date du 28 décembre 2023.

Par exploits délivrés le 20 février 2024, arguant de l'existence de moyens sérieux de réformation soumis à la cour d'appel au fond et d'un risque de conséquences manifestement excessives causé par l'exécution provisoire de la décision contestée, M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage ont saisi le premier président, sur le fondement des articles 514-3 et suivants du code de procédure civile, afin de voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire assortissant la décision dont appel, subsidiairement, et condamner qui de droit aux dépens.

Par conclusions responsives et reconventionnelles notifiées par RPVA le 7 mai 2024, M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage sollicitent du premier président, au visa des articles 514 et suivants du code de procédure civile, de :

Constater qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives pour les requérants

Arrêter l'exécution provisoire dont a été assorti le jugement rendu le 5 décembre 2023 par le Tribunal Judiciaire de PRIVAS en ce qui a

« -Dit que le congé délivré le 29 juin 2017 par la Sté ARGIKINAT à l'Association Accueil et Partage a produit ses effets le 1er janvier 2018

- Constater l'occupation illicite du bien immobilier lieudit [Adresse 1] et prononcer l'expulsion de l'Association Accueil et Partage et celle de tous occupants de son chef des lieux loués M. [M] [N] et Mme [R] [X] au besoin avec l'assistance de la force publique ».

Condamner qui de droit aux dépens.

Ils soutiennent notamment :

que le congé délivré le 29 juin 2017 est manifestement nul et de nul effet pour être contraire à l'intérêt social de l'Association,

que le bail professionnel liant la SCI Argikinat à l'Association Accueil et Partage est parfaitement valide,

que lorsqu'une décision, quelle qu'elle soit, a été prise et se retrouve être contraire à l'intérêt social de la société, cette décision et tous les actes qui en découlent doivent être annulés comme étant contraires à cet intérêt social,

que la demande de nullité a été présentée en première instance et que les prétentions tendant à faire écarter les prétentions adverses sont toujours recevables en appel,

que le premier juge a méconnu les dispositions de l'article L.145-28 du code de commerce qui a vocation à s'appliquer au cas d'espèce,

qu'il est constant et établi qu'un accord était intervenu par protocole d'accord de décembre 2018 sur la cession de M. [N] à Mme [K] pour un prix de

100 000 €,

que M. [N] est en droit d'exiger la concrétisation de la vente conformément au protocole d'accord synallagmatique intervenu entre les parties le 19 décembre 2018, lequel est parfait sur la chose et le prix,

qu'il est bien évident que, du simple fait de la vente de ses parts sociales, Mme [K] était de fait désolidarisée de ce prêt dont elle n'était tenue pour responsable qu'en sa qualité de porteuse de parts de la SCI, et qu'une désolidarisation en amont était donc impossible,

que l'exécution provisoire de la décision querellée est susceptible d'entrainer des conséquences manifestement excessives et irréversibles dans la mesure où la fermeture du lieu de vie conduirait à la fin de l'accueil des jeunes confiés par le Conseil Départemental, et que les salariés de l'association verraient leur contrat de travail prendre fin,

que le caractère manifestement excessif de l'exécution ne réside pas seulement dans la mesure d'expulsion, mais dans les conséquences de cette mesure d'expulsion,

que la reprise des lieux serait impossible en cas d'infirmation du jugement contesté par la Cour d'appel,

que la demande de radiation est sans intérêt, dans la mesure où des procès-verbaux de saisie attribution ont été délivrés tant à l'Association Accueil et Partage qu'à M. [N] et Mme [K] et que les sommes dues en application du jugement de décembre 2023 ont été réglées.

Par conclusions responsives et reconventionnelles notifiées par RPVA le 17 mai 2024, Mme [S] [K] et la SCI Argikinat sollicitent du premier président, au visa des articles 514-3 et 524 du code de procédure civile, de :

débouter M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage Partage de l'intégralité de leurs demandes,

Radier du rôle l'affaire opposant M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage à Mme [S] [K] et la SCI Argikinat, enregistrée sous le numéro RG n°24/00031, faute pour les appelants d'avoir exécuté le jugement du tribunal judiciaire de Privas en date du 5 décembre 2023,

Condamner M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage à payer à Mme [K] et à la SCI Argikinat la somme de 1 000 euros chacune, soit la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner les même aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de leurs prétentions, la SCI Argikinat et Mme [S] [K] soutiennent l'absence de moyens sérieux de réformation du jugement déféré puisque ceux invoqués par les appelants ne sont aucunement pertinents, de sorte qu'ils ne constituent aucunement des moyens sérieux de réformation du jugement et ne sauraient justifier l'arrêt de l'exécution provisoire dudit jugement.

Elles expliquent notamment que toute demande en nullité et annulation du congé pour non-renouvellement est manifestement prescrite et que le bail qui les liait avec l'association Accueil et Partage était un bail professionnel et non un bail commercial. Elle rappelle à ce titre qu'en application de l'article 768 du code de procédure civile, la juridiction n'est saisie que des prétentions énoncées au dispositif, étant observé que les appelants qui n'ont formulé aucune demande relative à la nullité du congé, en première instance, ne peuvent, en cause d'appel, former une telle demande à ce stade de la procédure.

Elles ajoutent qu'ils ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article 1185 du code civil, lequel ne s'applique pas aux actes de commissaire de justice dont la nullité est régie par les articles 112 et suivants du code de procédure civile, et qu'en l'espèce, aucune des trois conditions nécessaires pour constater l'existence d'un vice de forme est remplie.

Rappelant qu'une mesure d'expulsion ne saurait caractériser des conséquences manifestement excessives puisqu'elle constitue l'exécution de la décision attaquée, la SCI Argikinat et Mme [K] concluent que les appelants sont totalement défaillants dans l'administration de la preuve des conditions prévues par l'article 514-3 du Code de Procédure Civile, à savoir l'existence de moyens sérieux de réformation du Jugement déféré et l'existence de conséquences manifestement excessives.

A titre reconventionnel, elles sollicitent la radiation du rôle de la présente affaire étant donné que la décision déférée n'a pas été exécutée par M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage, en ce qu'ils n'ont pas libéré les lieux alors que leur expulsion a été ordonnée et qu'ils n'ont pas réglé les sommes dont ils sont redevables au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 08 mars 2024 puis renvoyée par débat contradictoire au 26 avril 2024 à la demande des défenderesses.

Par référence aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour le surplus de l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience, Mme [S] [K] et la SCI Argikinat ont indiqué à l'audience abandonner leur demande de radiation de l'affaire au répertoire général de la Cour.

SUR CE :

- Sur les dispositions applicables :

L'exécution provisoire des décisions judiciaires a été notablement réformée par un décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à compter du 1er janvier 2020. Les articles 514-1 et suivants se sont ainsi substitués à l'ancien article 524 du code de procédure civile pour traiter de l'arrêt de l'exécution provisoire, dans l'hypothèse où un appel a été interjeté à l'encontre de la décision rendue par une juridiction judiciaire.

Cependant, l'article 55 du décret susvisé, qui organise l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles, mentionne : « Par dérogation au I, les dispositions des articles 3 s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020. »

Il en résulte que la demande présentée en la cause est régie par les nouvelles dispositions, l'assignation devant le tribunal judiciaire de Privas ayant été délivrée le 22 juin 2020.

- Sur l'arrêt de l'exécution provisoire :

En l'espèce, le jugement du 5 décembre 2023 dont appel est assorti de l'exécution provisoire de droit. A ce titre, l'article 514-3 du code de procédure civile dispose :

'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin de d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

Ainsi, pour obtenir gain de cause devant le premier président, les appelants doivent rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives du premier alinéa de l'article précité sont réunies. Ayant fait valoir devant les premiers juges des observations relatives à l'exécution provisoire de la décision à intervenir, la demande présentée par M. [M] [N], Mme [R] [X] et l'Association Accueil et Partage est recevable.

M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage font valoir la nullité du congé délivré, demande qui outre des fondements juridiques non définis n'a jamais été formulée devant le juge de première instance, mais aussi de l'application d'une partie du statut des baux commerciaux, les arguments développés sur ce point qui ne diffèrent pas de ceux soutenu devant la première juridiction ne sont pas dirimants, et enfin du caractère prégnant du protocole intervenu entre les parties et non exécuté, sans que ne soit développé des moyens autres que ceux auxquels a déjà répondu le juge de première instance.

Il n'existe pas à la lumière des écritures déposées dans la présente procédure de moyens sérieux d'annulation ou de réformation ayant des chances suffisamment raisonnables de succès.

La première condition posée par les dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile n'étant pas remplie, il n'y a pas lieu d'envisager les éventuelles conséquences manifestement excessives qui pourraient être attachées à l'exécution provisoire de la décision, les conditions posées par la loi étant cumulatives.

La demande visant à voir suspendre l'exécution provisoire de la décision déférée est rejetée.

Sur les frais irrépétibles et la charge des dépens

Il n'est pas inéquitable de condamner par M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage à payer à la SCI Argikinat et Mme [K] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage succombant seront tenus de supporter la charge des entiers dépens de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

Nous S. Dodivers statuant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Nîmes, en référé, par ordonnance contradictoire, en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

DEBOUTONS M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage de leur demande,

CONDAMNONS M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage à payer à la SCI Argikinat et Mme [K] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS M. [N], Mme [X] et l'Association Accueil et Partage aux dépens de la présente procédure.

Ordonnance signée par Madame [R] DODIVERS, Présidente de Chambre, et par Madame Véronique PELLISSIER, Greffière, présente lors du prononcé.

LA GREFFIERE

LA PRÉSIDENTE