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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 21 juin 2024, n° 23/19824

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

La Boulangerie des Petits Chéris (SASU)

Défendeur :

Aestiam Pierre Rendement (SCPI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseiller :

Mme Le Cotty

Avocats :

Me Vicencio, Me De Meaux

TJ Bobigny, du 7 sept. 2023, n° 23/00839

7 septembre 2023

Par acte en date du 20 décembre 2018, la société MBS Investissements a donné à bail commercial à M. [F] [T] un bail commercial portant sur un local sis [Adresse 1]).

La société La Boulangerie des Petits Chéris s'est substituée à M. [F] [T]. Par acte en date du 26 février 2020, la société Aestiam Pierre Rendement a fait l'acquisition du local.

Par acte du 24 avril 2023, la société Aestiam Pierre Rendement a fait assigner la société La Boulangerie des Petits Chéris devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, notamment, de constater l'acquisition de la clause résolutoire, ordonner son expulsion et la voir condamnée au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation équivalente à 1,5 fois le montant du dernier loyer, augmentée des charges et accessoires. et de l'arriéré locatif pour la somme de 86.664,99 euros à valoir sur les loyers impayés, terme du deuxième trimestre de 2023 inclus, et de 17.333 euros au titre de la clause pénale.

Par ordonnance contradictoire rendue le 7 septembre 2023, le juge des référés a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail liant les parties et la résolution du bail à compter du 17 janvier 2023 ;

- ordonné, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion de la société La Boulangerie des Petits Chéris ou de tous occupants de son chef des locaux situés au [Adresse 1]) ;

- dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société La Boulangerie des Petits Chéris au paiement d'une indemnité d'occupation et ce, jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant du loyer, augmenté des charges et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié ;

- condamné la société La Boulangerie des Petits Chéris à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme provisionnelle de 86.664,99 euros correspondant aux loyers impayés au 5 avril 2023, second trimestre 2023 inclus ;

- dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes relatives à la majoration de l'indemnité d'occupation, à la clause pénale et à la conservation du dépôt de garantie ;

- condamné la société La Boulangerie des Petits Chéris à payer à la société Aestiam Pierre Rendement la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 8 décembre 2023, la société La Boulangerie des Petits Chéris a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs du dispositif.

Par jugement du 13 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société La Boulangerie des Petits Chéris en redressement judiciaire et a désigné la SELARL Asteren ès-qualités de mandataire judiciaire.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 24 février 2024, la société La Boulangerie des Petits Chéris et la SELARL Asteren prise en la personne de Maître [G] [D], en sa qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

- déclarer la société La Boulangerie des Petits Chéris recevable et bien fondée en son appel ;

- prendre acte de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice par jugement du 13 décembre 2023 ;

- prendre acte de l'intervention volontaire de Maître [G] [D] ès-qualités de mandataire judiciaire de la société La Boulangerie des Petits Chéris ;

- dire que le jugement d'ouverture interrompt et interdit toute action en justice ;

- dire qu'à la date du jugement d'ouverture, l'acquisition de la clause résolutoire n'avait pas encore été constatée par une décision passée en force de chose jugée ;

- dire que la société Aestiam Pierre Rendement ne peut poursuivre sa procédure en résiliation du bail et acquisition de la clause résolutoire ;

- dire que la créance de la société Aestiam Pierre Rendement ne peut faire l'objet d'une fixation au passif dans le cadre de la présente procédure ;

- dire que la société Aestiam Pierre Rendement devra suivre la procédure de vérification des créances devant le juge commissaire ;

- en conséquence, infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- dire que chaque partie conservera à sa charge les frais de procédure.

La société Aestiam Pierre Rendement a constitué avocat mais n'a pas conclu. Par courrier remis par le RPVA le 19 mars 2023, elle indique que, compte-tenu du placement de la société appelante en redressement judiciaire, ses demandes tendant à l'expulsion de la locataire et à sa condamnation provisionnelle sont devenues sans objet, et s'en rapporte à la décision de la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Par jugement rendu le 13 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société La Boulangerie des Petits Chéris et a désigné la SELARL Asteren en qualité de mandataire judiciaire.

Par conclusions signifiées le 14 février 2024, la SELARL Asteren, prise en la personne de Maître [G] [D], en sa qualités de mandataire judiciaire de la société La Boulangerie des Petits Chéris est intervenue volontairement à la procédure d'appel introduite par cette société. Il convient de la recevoir en son intervention volontaire.

La société La Boulangerie des Petits Chéris et la SELARL Asteren ès-qualités se prévalent des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce qui dispose :

'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.

En application de ce texte, l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société La Boulangerie des Petits Chéris a été rendu le 13 décembre 2023, au cours de l'instance d'appel. Il en résulte que la décision entreprise n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture de la procédure collective et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers et charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.

En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant dans le cadre d'une instance en référé qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, ne peut rendre une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance, la créance invoquée par la bailleresse devant être soumise à la procédure normale de vérification et à la décision du juge-commissaire.

La cour dira donc n'y avoir lieu à référé en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce, l'ordonnance entreprise étant dès lors infirmée.

L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

Reçoit l'intervention volontaire de la SELARL Asteren prise en la personne de Maître [G] [D] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société La Boulangerie des Petits Chéris ;

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.