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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 20 juin 2024, n° 21/21091

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Hôtelière du Gros Caillou (SAS)

Défendeur :

Société Hôtelière du Gros Caillou (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Jeannot, Me Allerit, Me Morel

TJ Paris, du 19 mai 2021, n° 18/10993

19 mai 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 27 octobre 1994, M. et Mme [G], aux droits desquels sont venus successivement les consorts [S] et la SCI des Petits cailloux, ont donné à bail commercial à la SAS Société hôtelière du gros caillou des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3], pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1995, afin d'y exploiter un fonds de commerce d'hôtellerie. Par acte du 12 février 2002, le bail a été renouvelé de manière anticipée pour une durée de douze ans à compter du 1er février 2002, pour prendre fin le 31 janvier 2014 moyennant un loyer annuel de 38.112,25 €.

Par acte extrajudiciaire du 17 mars 2014, la SCI des Petits cailloux a donné congé à la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou avec refus de renouvellement à effet du 30 septembre 2014 et a offert le paiement d'une indemnité d'éviction pour le cas où la locataire justifierait pouvoir y prétendre. Elle l'a ensuite fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris en fixation de l'indemnité d'éviction éventuellement due.

Par décision du 13 mai 2015, le tribunal a notamment dit que le congé sans offre de renouvellement avait mis fin au bail liant les parties à compter du 30 septembre 2014, dit que la Société hôtelière du gros caillou était redevable d'une indemnité d'occupation fixée à la somme annuelle de 100.000 €, hors taxes et hors charges et, avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction, ordonné une expertise confiée à M. [O].

L'expert a déposé son rapport le 23 mars 2017.

Par acte du 04 avril 2017, la SCI des Petits cailloux a notifié à la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou l'exercice de son droit de repentir, offrant le renouvellement du bail à compter du même jour ou rétroactivement à compter du 1er avril 2017, pour neuf années moyennant un loyer de 150.000 € annuel.

Le 22 novembre 2017, la SCI des Petits cailloux a notifié à la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou un mémoire en demande sollicitant la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 04 avril 2017 à la somme de 182.000 €.

Le 06 septembre 2018, elle a fait assigner la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris en fixation du prix du bail renouvelé.

Par jugement mixte du 25 janvier 2019 auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le juge des loyers commerciaux a :

- constaté, par l'effet de l'exercice par la SCI des Petits cailloux de son droit de repentir, le principe du renouvellement du bail liant les parties à compter du 04 avril 2017 ;

- dit que les locaux sont monovalents et que le prix du bail renouvelé doit être fixé en application des critères posés par l'article R.145-10 du code de commerce ;

- pour le surplus, avant dire droit sur le fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité d'expert, M. [M] [H] avec mission notamment de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 04 avril 2017, au regard des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des dispositions des articles L. 145-33 et R. 145-10 du code de commerce,

- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance à la somme annuelle de 115.000 € outre les charges.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 19 novembre 2020.

Par jugement du 19 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé à la somme de 136.155 € HT et HC par an, le loyer du bail renouvelé à compter du 04 avril 2017 portant sur les locaux à usage d'hôtel dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 3] ;

- dit que les intérêts au taux légal sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel seront dus par la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou à compter du 06 septembre 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date ;

- partagé les dépens par moitié entre les parties, en ce inclus les coûts de l'expertise judiciaire confiée à M. [H], dont distraction au profit de Maître Viollet conformément à l'article 699 du code de procédure civile pour ceux des dépens avancés pour le compte de la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toute autre demande.

Par déclaration du 1er décembre 2021, la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou a interjeté appel partiel du jugement du chef du montant du loyer renouvelé et des dépens.

Par conclusions déposées le 1er avril 2022, la SCI des petits cailloux a interjeté appel incident partiel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 1er juillet 2022, par lesquelles la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- débouter la SCI des Petits cailloux de son appel incident tendant à l'infirmation du jugement et à ce que le loyer du bail en renouvellement au 04 avril 2017 soit fixé à la somme annuelle en principal de 147.254 € HT/HC ;

- infirmer néanmoins le jugement rendu le 19 mai 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris (RG n°18/10993) en ce qu'il a fixé à la somme annuelle en principal de 136.155 € HT/HC le loyer du bail renouvelé à effet du 04 avril 2017 et dit que les différentiels de loyers porteraient intérêts au taux légal, partagé par moitié les dépens et en ce qu'il n'a pas tranché la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer le loyer du bail en renouvellement au 04 avril 2017 à la somme annuelle en principal de 107.350 € HT/HC ;

- condamner la S.C.I. des Petits cailloux aux entiers dépens de la première instance et de la présente, en ce compris les frais d'expertise dont distraction à la société LVA, Maître Laurent Viollet, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la S.C.I. des petits Cailloux au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance que de la présente.

Vu les conclusions déposées le 13 octobre 2022, par lesquelles la SCI des Petits cailloux, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

- faire application du principe constant découlant de la jurisprudence de la Cour de Cassation, y compris la plus récente, selon laquelle ne peuvent être pris en considération, pour le calcul du prix du bail renouvelé, que les éléments existants à la date du renouvellement, soit le 04 avril 2017, à l'exclusion de toute prise en considération d'éléments postérieurs, en particulier l'incidence éventuelle de la pandémie de Covid-19 à une date très postérieure à la prise d'effet du bail renouvelé, de même que les suggestions émises par certains experts qui ne concernent, à l'évidence, que les renouvellements prenant effet au cours des mesures d'urgence sanitaire, et en particulier du confinement, inhérent aux effets de la pandémie, l'évocation de ces différentes questions s'avérant totalement exclue dans le cadre de la présente fixation du prix du bail renouvelé ;

- déclarer infondée la SAS Société hôtelière du gros caillou en ses différentes demandes faisant l'objet des écritures prises au soutien de l'appel interjeté en vue de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 107.350 €, l'en débouter ;

Et faisant droit à l'appel incident formulé par la SCI des Petits cailloux au titre de la fixation du loyer du bail renouvelé après repentir à effet du 04 avril 2017 :

- infirmer la décision entreprise concernant en particulier les 2 paramètres retenus selon la méthode hôtelière afférente au taux d'occupation et au taux sur recettes, ainsi qu'au titre de l'incidence des travaux hôteliers, en fixant le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 147.254 € en principal HT/HC, et ce après repentir à effet du 4 avril 2017 ;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les intérêts au taux légal sur la différence du nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel seront dus par la SAS Société hôtelière du gros caillou à compter du 06 septembre 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date, outre la capitalisation desdits intérêts selon les modalités prévues par l'article 1154 du code civil, ou en tout état de cause les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- déclarer l'appelante infondée en ses différentes demandes de ce chef et en particulier au titre d'une indemnisation fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'en débouter ;

- condamner la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou aux entiers dépens exposés dans le cadre de la présente instance et ce, tant devant le tribunal, en ce y compris les frais d'expertise, que devant la Cour, qui seront recouvrés par Maître Eric Allerit, membre de la société TBA, suivant les dispositions de l'article 699 du CPC, outre le paiement d'une indemnité à la société intimée d'un montant de 5.000 € (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur la fixation du montant du loyer renouvelé

Le jugement mixte du 25 janvier 2019 a définitivement jugé que le loyer du bail renouvelé au 04 avril 2017 par l'effet du repentir de la SCI des Petits cailloux, devait être fixé en application de l'article R. 145-10 du code de commerce, selon lequel le loyer du bail renouvelé de locaux monovalents est déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée, avec déplafonnement.

À défaut de meilleur accord des parties, il est d'usage, pour la fixation du prix du bail d'un hôtel dont le bail est renouvelé après octobre 2016, de se référer à la nouvelle méthode hôtelière dont l'expert judiciaire, en préambule du calcul de la valeur locative, a rappelé les principes :

1.Détermination de la recette théorique globale maximum hors-taxes sur la base des prix affichés dans le hall de l'hôtel à la date du renouvellement

2.Abattement pour remises à la clientèle

3.Détermination du taux d'occupation prenant en compte la catégorie de l'établissement, son implantation, les statistiques relevées concernant des établissements de même catégorie

4.Détermination d'un pourcentage sur recettes représentant la part admissible de loyers, tenant principalement compte de la catégorie de l'établissement

5.Ajout du montant de la valeur locative des locaux affectés à une autre activité

6.Application d'un abattement pour conditions aux charges exorbitantes, et pour les travaux n'ayant pas fait accession au bailleur

Ainsi, pour déterminer la valeur locative du bail en renouvellement au 04 avril 2017, l'expert judiciaire, M. [M] [H], a appliqué la nouvelle méthode hôtelière, en calculant la valeur locative en déterminant en premier lieu un chiffre d'affaires réalisable de l'activité 'hébergement' par transposition d'éléments connus du marché à paramètres comparables et en tenant compte, par ailleurs, des commissions prélevées par les OTA, puis en appliquant à cette recette théorique un taux de prélèvement fixé en fonction des caractéristiques de l'établissement, le chiffre alors obtenu pouvant faire l'objet d'abattements en cas notamment de stipulation dans le bail de clauses exorbitantes du droit de commun.

Il convient de reprendre la description des locaux et de leur situation résultant du rapport d'expertise, reprise par le jugement déféré et non contestée par les parties.

Il est constant et d'ailleurs relevé par l'expert judiciaire que les locaux loués, se trouvent « dans une rue anonyme, mais dans un quartier central à proximité de lieux touristiques (Invalides, Tour Eiffel) », l'expert portant l'appréciation générale suivante :

'Éléments positifs :

- Secteur central à proximité de sites touristiques

- Hôtel entièrement climatisé

- Prestations intérieures soignées

- Gros 'uvre et façade en bon état apparent

Éléments négatifs

- Artère très secondaire

- Trame de façade étroite

- Nombre de chambre limité (23), salles de bains petites

- Absence de bagagerie /pas de bureau administratif ni de local poubelles

- Locaux non accessibles aux personnes à mobilité réduite

- Ascenseur desservant les étages par paliers intermédiaires

- Salle petit déjeuner comptant seulement 16places assises pour une capacité d'hébergement de 44 personnes

- Faible coefficient de capacité (44 personnes /23 chambres = 1,91)

Il est classé dans la catégorie des hôtels de tourisme 3 étoiles depuis le 28 juin 2012 et dispose de 23 chambres, dont 5 simples, 15 doubles et 3 triples, pour une capacité d'accueil de 44 personnes.

a. La détermination de la recette théorique annuelle maximum hors-taxes

L'expert a retenu la valeur des prix par chambre affichée en 2015, 2016 et 2017, compris entre 114 et 157 € dans la zone Tour Eiffel, Trocadéro et Invalides, soit un prix moyen affiché de 137 € sur le secteur et de 138 € pour l'établissement compte tenu de ses caractéristiques, et une recette théorique maximum de 1.158.510 € HT par an (138 € x 365 jours x 23).

Le tribunal a retenu cette évaluation, aux motifs que le prix moyen ainsi préconisé est conforme aux références issues de la base Olakala Marketshare et de la base de données de l'expert et correspond également au prix issu de six références de ces bases afférentes à des établissements classés trois étoiles, comme l'hôtel sous expertise, et situés dans un rayon relativement proche de ce dernier (de 270 mètres à 750 mètres), le premier juge relevant par ailleurs que la critique tenant à l'absence de pertinence des références utilisées par l'expert ne serait pas efficiente, dès lors que l'expert a pu indiquer qu'il «s'agit d'hôtels situés dans le même arrondissement et dont les aménagements et le confort sont relativement comparables, et constituent à ce titre de bons éléments de comparaisons. Par ailleurs si la capacité (mesurée en nombre de chambre), diffère en effet entre les différents hôtels, comme souligné à juste titre par le preneur, ce paramètre n'entre toutefois guère en considération quant au prix praticable sur le marché de l'hôtellerie. Ce sont plus les questions d'emplacement et de confort qui vont influer sur les pratiques tarifaires. La faible capacité aura des impacts sur la rentabilité de l'exploitation, ce dont il a été tenu compte, non pas dans le prix praticable, mais dans le pourcentage sur recette ».

En cause d'appel, la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou maintient son argumentaire tendant à critiquer la recette théorique retenue par l'expert, en arguant en substance que les chambres de l'établissement se déclinent en 5 chambres « single », 15 chambres « double » et 3 chambres « double » pouvant accueillir une troisième personne et que 5 des 6 références ayant guidé l'expert lors de la détermination du prix moyen praticable s'avéreraient peu propices à une comparaison avec l'Hôtel de la paix, la référence Duquesne Eiffel, établissement trois étoiles de 40 chambres, pour lequel le prix moyen est de 114 €, correspondant davantage à la politique tarifaire réelle et théorique de l'hôtel expertisé, conduisant ainsi à une recette théorique maximale s'élevant ainsi à la somme annuelle arrondie de 1.052.061 € HT.

Elle souligne également que le loyer de 136.155 €, rapporté à la chambre s'élèverait à 5.919,78 €, montant particulièrement conséquent eu égard aux aptitudes de l'établissement, et de sa capacité d'accueil, de seulement 23 chambres, de sorte que le loyer brut devrait être de 6.020,22 € ce d'autant que les experts M. [R] [L] et Mme [V] [U], inviteraient les juridictions à prendre en considération la dégradation des performances hôtelières du fait de la crise sanitaire et proposeraient de lisser ladite dégradation sur la durée du bail, l'approche faite de la valeur locative devant ainsi être « affinée ».

La SCI des Petits cailloux fait valoir quant à elle que c'est à la date de l'exercice du droit de repentir le 04 avril 2017, soit plus de trois années avant les premières manifestations de la pandémie, que la valeur locative des lieux loués doit être appréciée et que selon la nouvelle méthode hôtelière évolutive, la recette théorique annuelle ne procéderait pas des prix affichés, dont le preneur devait justifier à la date de la prise d'effet du bail renouvelé, mais du prix unitaire à la chambre qui constitue un prix praticable repris, compte tenu du nombre de chambres sur 365 jours.

Elle observe à ce titre qu'après avoir successivement souhaité bénéficier d'un prix unitaire à la chambre de 121,50 € HT, puis 135 € TTC, le preneur a pris acte du prix praticable retenu par l'expert, soit 138 €, d'où une recette théorique annuelle de 138 € x 23 chambres x 365 jours = 1.158.510 €.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, en tenant compte du prix praticable dans le secteur d'activité hôtelier et le secteur géographique à proximité immédiate de l'hôtel en comparaison avec des établissements de même catégorie et de standing relativement comparables, la pertinence de ces éléments de comparaison n'étant pas sérieusement combattue par la seule différence de capacité des hôtels évoqués par l'expert, cet élément n'entrant pas en considération dans la fixation du prix praticable, mais dans l'appréciation de la rentabilité de l'établissement et la fixation d'un pourcentage sur recette.

De même, si la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou invoque la dégradation des performances hôtelières du fait de la crise sanitaire, la cour devant fixer le montant du loyer renouvelé au 04 avril 2017, ne peut donc prendre en considération la survenance d'éléments postérieurs pour trancher ce point.

Le jugement sera donc approuvé de ce chef, en ce qu'il a retenu une recette théorique maximum de 1.158.510 € HT par an.

b. L'abattement pour les remises à la clientèle

L'expert a retenu un abattement de 10 %, en le justifiant par le fait que 'deux systèmes coexistent sur ce marché de l'intermédiation des OTA : soit la plateforme internet facture directement le client et reverse à l'hôtel le tarif de la nuitée commissions décomptées, soit le client paye directement à l'hôtel, lequel reverse ensuite la commission à la plateforme. Lorsque les plateformes internet facturent directement le client, les commissions sont donc déjà prises en compte dans les statistiques des prix moyens pratiqués et il ne peut donc pas être retenu un taux de 15,47 %, mais un taux inférieur, tenant compte de cette pratique. ".

L'expert souligne par ailleurs que l'abattement de 10 % retenu par lui, représentant 115.851 € serait « très proche des commissions effectivement versées par le locataire » « pour les années 2015 à 2017 » qui ressort sur cette période à 99.740 €/an à la lecture des comptes de résultat de la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou.

Le premier juge a retenu cet abattement de 10 % sur la recette théorique après avoir considéré que ce taux était cohérent à la lumière des explications fournies par l'expert.

La SAS Société hôtelière du gros caillou sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, et qu'il soit retenu un taux d'abattement de 18 %, en faisant valoir principalement que les intermédiaires de type Booking ou Expedia se rémunèrent à concurrence de 18 % sur le montant des réservations hôtelières effectuées via leur entremise et qu'il serait usuel de d'abord déterminer le taux de recours, ou pourcentage de chiffre d'affaires généré par les « online travel agencies » (OTA), et d'appliquer le taux de commissionnement à la fraction du chiffre d'affaires réalisé grâce à ces intermédiaires induisant ainsi une recette idéale dégradée arrondie de 879.733 € HT /an.

La SCI des Petits cailloux soutient quant à elle que la décision entreprise aurait fait une juste application des critères normatifs applicables dans le cadre de la nouvelle méthode d'évaluation, en retenant un abattement de 10 %, ramenant l'assiette de calcul à 1.042.659 €.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, en tenant compte de la pratique suivie par l'intermédiation des OTA et de la très grande proximité entre le taux ainsi issu de l'analyse de la pratique des OTA avec les chiffres issus de la propre comptabilité de la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou, rendant le taux d'abattement cohérent.

Le jugement sera par conséquent confirmé de ce chef.

c. Détermination du taux d'occupation prenant en compte la catégorie de l'établissement, son implantation, les statistiques relevées concernant des établissements de même catégorie

L'expert a également tenu compte des statistiques pour les années 2015 à 2017 dans la zone Tour Eiffel-Trocadéro-Invalide pour des hôtels de moyenne gamme classés 3 étoiles dont il ressort un taux d'occupation moyen de 84 %, que l'expert ramène à 83 % pour l'hôtel en cause, compte-tenu de ses caractéristiques.

L'expert souligne que le taux d'occupation de l'hôtel dont s'agit présentait un taux d'occupation de 88 % en 2015, 89 % en 2016 et 92 % en 2017.

Le tribunal a finalement retenu ce taux d'occupation de 83 %, après avoir relevé que ce taux correspond à une moyenne issue des références incluses dans la base de données Olakala Marketshare et celle de l'expert, et recoupe par ailleurs le revenu moyen par chambre disponible « REVPAR », aboutissant ainsi à un résultat cohérent au regard des caractéristiques de l'hôtel, le bailleur ne démontrant pas que ce taux serait insuffisant au regard des caractéristiques de l'hôtel et des différents « éléments négatifs » constatés par l'expert et de la taille relativement réduite des chambres.

La SAS Société Hôtelière du Gros Caillou ne conteste pas en cause d'appel le taux d'occupation ainsi retenu, tandis que la SCI des Petits cailloux sollicite l'application d'un taux de 84 %, eu égard à la qualité de l'exploitant et l'excellence des éléments de confort mis à la disposition de la clientèle qui situeraient ce petit établissement à un niveau plus élevé que d'autres éléments de recoupement justifiant un taux de remplissage plus élevé.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi fixé le taux d'occupation à 83 %, conformément au taux d'occupation moyen sur le secteur immédiat de l'hôtel litigieux pour des hôtels de même catégorie au jour du renouvellement, en cohérence avec le taux d'occupation réel sur la période pour l'hôtel et tenant compte également du bon emplacement de l'hôtel, qui est néanmoins à relativiser en l'état de la capacité réduite de l'hôtel et de la taille des chambres qu'il propose en comparaison avec les hôtels 3 étoiles à proximité.

Ainsi, le taux de 83 % fixé par le premier juge doit être appliqué, conduisant à un chiffre d'affaire net théorique de 1.042.659 € x 0,83 = 865.407 € HT.

d. Détermination d'un pourcentage sur recettes représentant la part admissible de loyers, tenant principalement compte de la catégorie de l'établissement

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu un taux de 16 % sur les recettes, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, et ce, eu égard à la nouvelle méthode hôtelière prévoyant un pourcentage sur recette compris entre 15 et 18 % pour les hôtels 3 et 4 étoiles en centre-ville, et aux caractéristiques de l'hôtel, et notamment au nombre de chambres restreint ne permettant pas d'amortir les charges fixes sur un important volume d'affaires, à l'étroitesse des chambres et notamment des salles de bain, à la configuration des locaux ne permettant pas d'aménager de local bagages ni de bureaux administratifs et à la présence d'un ascenseur desservant uniquement les paliers intermédiaires, le premier juge soulignant que les parties ne démontrent pas que le taux ainsi préconisé serait inadapté en l'état de ces caractéristiques.

La SAS Société Hôtelière du Gros Caillou demande l'application d'un taux sur recettes de 15 %, en arguant pour l'essentiel que le taux de prélèvement sur recette, dit taux d'effort, ayant pour vocation la rémunération du bailleur à concurrence de la participation du bâti dans la réalisation de la recette hôtelière, il serait dès lors nécessaire d'abaisser légèrement le taux de 16 % contrastant avec les observations expertales et de retenir un taux minimal d'effort à hauteur de 15 %.

La SCI des Petits cailloux sollicite quant à elle l'application d'un pourcentage de 17 % en raison tant de « l'excellente » situation de l'exploitation hôtelière que de la qualité de ses prestations, et ce conformément à la nouvelle méthode hôtelière.

Au cas d'espèce, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a retenu un pourcentage sur recettes de 16 %, qui apparaît conforme aux critères d'évaluation retenus par la nouvelle méthode hôtelière, en tenant compte tant de l'emplacement de l'hôtel que des prestations qu'il offre et de ses caractéristiques, notamment le nombre restreint de chambre et leur étroitesse et la configuration des locaux ne permettant pas de procéder à des aménagements de nature à améliorer le confort de la clientèle, notamment un ascenseur desservant l'ensemble de paliers et une bagagerie.

Il convient dès lors d'approuver le tribunal ayant retenu un taux de 16 %.

Il s'en infère une valeur locative de renouvellement brute pour la partie hébergement de 138.465 € HT/HC par an (865.407 € HT x 0,16).

e. Application d'un abattement pour la taxe foncière

Aux termes de l'article R. 145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a déduit de la valeur locative le montant de la taxe foncière prise en charge par le preneur à hauteur de la somme de 1.626 €.

Aucune des parties en cause d'appel ne conteste cette disposition du jugement qui sera donc confirmée.

f. Sur l'application d'un abattement pour travaux

Aux termes de l'article L. 311-1 du code du tourisme, 1e preneur peut réaliser à ses frais et sous sa responsabilité dans l'immeuble dans lequel est exploité un hôtel sans que le bailleur puisse s'y opposer une liste des travaux d'équipement et d'amé1ioration incluse dans cet article.

L'article L. 311-2 dispose toutefois que le preneur est tenu, avant de procéder à ces travaux, de notifier son intention au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception, à laquelle doivent être joints un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux.

L'article L. 311-3 précise que pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l'expiration du délai d'exécution mentionné à l'article L. 311-2, le propriétaire ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant de l'exécution des travaux mentionnés à 1'article L. 311-1.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a appliqué un abattement de 0,5 % préconisé par l'expert, au visa des article L. 311-1, L. 311-2 et L. 311-3 du code du tourisme, après avoir considéré que :

- l'expert a préconisé ce taux après que la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou ait communiqué en cours d'expertise trois factures de travaux émises sur une période courant du 21 novembre 2016 au 31 mars 2017, d'un montant total de 14.295 € HT, pour une prestation de rénovation de salles de bains (fourniture et pose de mobilier et équipement de douche, carrelage et démontage, rebouchage et remise en place de 1'existant),

- la SCI des Petits cailloux ne démontre pas que les travaux objet des factures précitées relèveraient du simple entretien et n'entreraient pas dans le cadre de l'article L. 31 1-1 du code du tourisme, ainsi qu'elle le soutient,

- au vu de la date des factures susvisées, les travaux correspondant ont été réalisés avant la date de prise d'effet du bail renouvelé, le 4 avril 2017, et le seul fait que l'une des trois factures, d'un montant relativement faible de 2.340 € HT, soit antérieure au courrier de notification du preneur date du 5 janvier 2017, est insuffisant à priver le preneur du bénéfice de l'abattement proposé par l'expert, qui sera donc retenu.

Pour critiquer ce chef du jugement et solliciter le débouté de la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou en sa demande d'abattement au titre de travaux hôteliers, la SCI des Petits cailloux expose que les travaux litigieux concerneraient une rénovation de salles de bains, faisant l'objet de factures échelonnées entre novembre 2016, janvier et mars 2017, pour un montant très peu élevé (14.295 € HT), et ont fait l'objet d'une notification à la requête du preneur qui s'avère très postérieure à l'échéance du bail à la suite du refus de renouvellement initial à effet du 30 septembre 2014, tandis que la notification du preneur du 05 janvier 2017 est elle-même postérieure à l'une des factures émises après travaux.

La SAS Société Hôtelière du Gros Caillou s'oppose à ce chef de demande et acquiesce au jugement querellé sur ce point, en faisant valoir pour l'essentiel que l'expert n'aurait pas outrepassé sa mission au titre des travaux hôteliers conformément aux articles L. 311-1 et suivants du code de tourisme.

Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué, dès lors qu'il est justifié par la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou d'une notification le 04 janvier 2017 dans les formes de l'article L. 311-2 du code du tourisme pour les travaux d'aménagement et que les factures litigieuses sont afférentes à des travaux qui ont été réalisés avant la date de prise d'effet du bail renouvelé, le 4 avril 2017, la seule circonstance qu'une des factures soit antérieure au courrier de notification du preneur date du 5 janvier 2017 étant insuffisante à priver le preneur du bénéfice de l'abattement proposé par l'expert.

Cette position du premier juge doit être approuvée et le jugement confirmé de ce chef.

i. Récapitulatif

Il résulte des constatations et appréciations qui précèdent que la valeur locative au 04 avril 2017, selon la nouvelle méthode hôtelière, s'établit comme suit :

- recette théorique annuelle hors-taxes : 1.158.510 €

- abattement pour remises : 10 %

- taux d'occupation : 83 %

- pourcentage sur recettes : 16 %

Soit une valeur locative brute de 138.465 €HT/HC à laquelle on applique un abattement lié à la taxe foncière de 1.626 €, et un abattement lié aux travaux de 0,5 %

Total : 136.155 € par an HT/HC

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a fixé le loyer annuel du bail renouvelé à compter du 04 avril 2017 à la somme de 136.155 € /an HT/HC, et les parties seront donc déboutées de leurs demandes contraires.

2) Sur la capitalisation des intérêts

Si la SAS Société Hôtelière du Gros Caillou sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que le différentiel de loyers porterait intérêts au taux légal à compter du 06 septembre 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date, la cour ne peut cependant que confirmer le jugement sur ce point, en l'absence de toute argumentation juridique développée par l'appelante à l'appui de sa contestation de la décision querellée de ce chef.

Si la SCI des Petits cailloux sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle aurait ordonné la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année, force est cependant de relever que le premier juge n'a nullement ordonné une telle mesure, qui n'était en tout état de cause pas demandée par les parties devant lui.

La cour déboutera en conséquence la SCI des Petits cailloux de cette demande.

2) Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera ses dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.

En outre, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 19 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 18/10993 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI des Petits cailloux de sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il aurait ordonné la capitalisation des intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.