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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 20 juin 2024, n° 23/06378

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MCS Automobiles (SAS)

Défendeur :

Home SL (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Michon

Avocats :

Me De La Ferte, Me Christin

TJ Versailles, du 27 juill. 2023, n° 22/…

27 juillet 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé à effet au 1er décembre 2000, Mme [B] [S] a donné à bail commercial à la société MCS Automobiles, exerçant une activité de réparation automobiles, des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 3] pour une durée de dix années entières et consécutives, se terminant le 30 novembre 2010.

Selon avenant de renouvellement du 20 juin 2019, conclu avec la société Home SL, acquéreur des locaux selon acte de vente en date du 7 décembre 2018, le bail commercial a été renouvelé à compter du 1er juin 2019, pour se terminer le 31 mai 2028.

Le bail renouvelé a été consenti et accepté moyennant un loyer annuel de 20 000 euros HT, soit 24 000 euros TTC, payable mensuellement et d'avance, outre les charges locatives prévues au bail.

A la réception de l'avis d'échéance du 15 septembre 2021, comportant la taxe foncière pour l'année 2021, la société MCS Automobiles a, selon courrier du 20 octobre 2021, contesté être redevable de la taxe foncière au regard des stipulations du bail. Elle a, en outre, sollicité le remboursement des règlements effectués par erreur à ce titre pour les années 2019 et 2020.

Après l'avoir vainement mise en demeure par courrier recommandé de son conseil du 28 janvier 2022, la société Home SL a fait délivrer à la société MCS Automobile, le 17 février 2022, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, portant sur la somme en principal de 4 701,11 euros.

Dans le seul but d'en éteindre les causes, la société MCS Automobiles a réglé la somme réclamée dans le dit commandement, puis, par acte du 4 mars 2022, elle a fait assigner la société Home SL devant le tribunal judiciaire de Versailles en opposition à ce commandement.

Par jugement contradictoire rendu le 27 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Versailles a :

débouté la société MCS Automobiles de l'intégralité de ses demandes,

condamné la société MCS Automobiles à payer à la société Home SL la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société MCS Automobiles aux dépens qui pourront être recouvrés directement par le cabinet Antoine Christin avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit par provision.

Le 7 septembre 2023, la SAS MCS Automobiles a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 23 avril 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 mai 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 27 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société MCS Automobiles, appelante, demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris du 27 juillet 2023 en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

la recevoir en ses conclusions d'appel,

juger qu'elle n'est pas soumise au paiement de la taxe foncière par l'effet du bail commercial en renouvellement du 20 juin 2019 à effet du 1er juin 2019,

condamner la SARL Home SL à lui payer le montant de la taxe foncière 2019 pour la somme de 3 193 euros, le montant de la taxe foncière 2020 pour la somme de 4 131,91 euros, le montant de la taxe foncière 2021 pour la somme de 4 701,11 euros, le montant de la taxe foncière 2022 pour la somme complémentaire de 5 298,24 euros, le montant de la taxe foncière 2022 [lire 2023] pour la somme de 5 991,40 euros, soit un montant total de 23 215,66 euros,

condamner la SARL Home SL à lui payer le montant des frais d'huissier correspondant au coût du commandement acquitté pour un montant de 155,47 euros,

condamner la SARL Home SL à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice à elle occasionné consécutivement à la délivrance de mauvaise foi d'un commandement visant la clause résolutoire du bail,

condamner la SARL Home SL à lui payer la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter la SARL Home SL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SARL Home SL aux entiers dépens, et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Antoine de la Ferté pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Visant les articles L.145-40-2 et R.145-35 3° du code de commerce, la société MCS Automobiles fait valoir que ni la rédaction du bail ni le tableau récapitulatif des charges imputables au preneur ne font mention de l'imputation à celui-ci de la taxe foncière ; que la mention 'charge de ville ou de police' ne constitue pas une catégorie de charges, claire et précise au sens de la jurisprudence, permettant de qualifier indiscutablement l'enveloppe des taxes refacturables au preneur ; qu'en application de l'article 1190 du code civil, la convention s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur ; qu'elle est dès lors fondée à obtenir le remboursement de la taxe foncière des années 2019 à 2023, qu'elle a réglée. Elle considère, par ailleurs, que la société Home SL a engagé sa responsabilité pour lui avoir fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire du bail, alors qu'elle ne pouvait se méprendre sur la portée du bail en renouvellement, ce qui caractérise la mauvaise foi. En 'forçant' l'exécution du bail pour un montant manifestement non exigible, elle lui a porté préjudice, puisqu'elle s'est trouvée dans l'obligation de procéder au règlement immédiat des causes du commandement, afin d'éviter l'acquisition de la clause résolutoire.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions remises au greffe le 18 janvier 2024 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Home SL, intimée, demande à la cour de :

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

condamner la société MCS Automobiles à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de contribution à ses frais irrépétibles,

condamner la société MCS Automobiles aux entiers dépens,

autoriser le cabinet Antoine Christin avocat à recouvrer directement les frais compris dans les dépens dont il a fait l'avance.

La SARL Home SL fait valoir, à l'appui de la confirmation du jugement, que la loi impose la mention dans le bail commercial non pas d'un inventaire des charges, mais des catégories de charges imputables au locataire, et soutient que les 'charges de ville ou de police' constituent précisément une catégorie de charges, qui comprennent la taxe foncière. Elle signale que l'avenant au bail où figure cette clause a été rédigé par l'avocat de la locataire, lequel ne pouvait ignorer ni les dispositions de la loi dite 'Pinel', derrière laquelle il tente de se retrancher au motif d'une imprécision qu'il aurait lui-même créée, ni que la taxe foncière constitue des 'charges municipales' ou 'des charges de ville ou de police', de sorte qu'elle est à la charge du preneur comme indiqué en annexe 3. Elle considère, par ailleurs, qu'il ne peut en toute hypothèse pas être fait droit à la demande indemnitaire adverse, faisant valoir que depuis la conclusion du bail en 2000, la société MCS Automobiles s'est toujours acquittée de la taxe foncière relative aux locaux loués et qu'elle a continué de le faire après la reconduction du bail, et que s'il existait une lecture différente de l'avenant, ce fait ne serait imputable qu'au rédacteur de l'acte, soit l'avocat de la société MCS Automobiles, qui n'a pas repris littéralement l'obligation de paiement de la taxe foncière, en sorte que s'il s'avérait que c'est à tort qu'elle en a appelé le paiement, elle l'a fait en toute bonne foi. Et accessoirement, ajoute-t-elle, la société MCS Automobiles ne justifie d'aucun préjudice.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur les demandes de la société MCS Automobiles

Aux termes de l'article L. 145-40-2 du code de commerce, résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, applicable en l'espèce compte tenu du renouvellement du bail postérieurement à son entrée en vigueur, tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, avec l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.

Si en vertu de ce texte, et de l'article R. 145-35 du code de commerce pris pour son application, certaines charges, impôts, taxes et redevance, ne peuvent, en raison de leur nature, être imputés au locataire, tel n'est pas le cas de la taxe foncière et des taxes additionnelles à la taxe foncière, expressément mentionnées comme pouvant l'être.

L'avenant de renouvellement conclu le 20 juin 2019 prévoit en un point 15 du paragraphe intitulé 'charges et conditions' que ' le preneur remboursera au bailleur les trois quarts des taxes municipales existantes actuellement ou qui viendraient à être créées en remplacement ou en supplément des taxes actuelles ; étant expressément convenu que si des modifications étaient apportées [à] l'assiette de ces taxes ou si de nouvelles lois les imputaient sans recours à la charge du bailleur, le loyer ci-après fixé serait augmenté de leur montant'.

Il stipule, au titre 'documents et diagnostics transmis par le bailleur' que 'le bailleur communique en annexe un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le preneur ( annexe 3)'.

L'annexe 3 au bail est constituée d'un 'tableau de répartition des charges', en trois colonnes intitulées ' nature des charges', ' à la charge du preneur' et 'à la charge du bailleur', et met les 'charges de ville ou de police' à la charge du preneur.

Après avoir relevé, à raison, que l'exigence d'une clause expresse mettant à la charge du preneur la taxe foncière n'impliquait pas que le terme 'taxe foncière' soit mentionné, mais qu'il suffisait que, sans ambiguïté, les termes du bail conduisent à mettre cette taxe à la charge du preneur, le tribunal a considéré que l'emploi des termes 'taxes municipales' et 'charges de ville' visait incontestablement la taxe foncière, ce dont il a déduit que la volonté des parties avaient bien été de mettre à la charge du preneur la taxe foncière.

L'appelante ne conteste pas utilement, au demeurant, que tel était le cas depuis l'origine du bail.

S'il est vrai que, comme le fait valoir l'appelante, la mention des 'taxes municipales' ne permet pas d'imputer au preneur la taxe foncière, puisque les parties ont précisé que l'inventaire figurant en annexe 3 était limitatif, les 'charges de ville ou de police' mentionnées dans la dite annexe constitue bien la catégorie dans laquelle entre la taxe foncière.

Le fait que la taxe 'ordures ménagères' fasse l'objet d'une mention spécifique dans l'annexe 3 est sans incidence, rappel étant fait que tant l'article L. 145-40-2 du code de commerce que les stipulations du bail se réfèrent aux 'catégories', et ne renvoient pas à une énumération taxe par taxe.

Quant au moyen tiré de l'article 1190 du code civil, il ne peut utilement prospérer : ce texte ne prévoit une interprétation en faveur du débiteur que 'dans le doute', or en l'espèce, la clause de répartition susvisée est claire et ne donne pas lieu à interprétation.

C'est à raison, dans ces conditions, que le tribunal, a retenu que la taxe foncière était bien à la charge du preneur, et a débouté la société MCS Automobiles de sa demande de remboursement à ce titre.

Le jugement est donc confirmé sur ce point, et la société MCS Automobiles est déboutée de sa demande, nouvelle en cause d'appel, au titre de la taxe foncière de l'année 2023, qu'au demeurant elle ne justifie pas avoir acquittée.

Confirmé s'agissant de l'imputation de la taxe foncière, le jugement déféré doit également l'être en ce qu'il a débouté la société MCS Automobiles de sa demande de dommages et intérêts, au motif qu'aucune mauvaise foi ne pouvait être reprochée au bailleur dans la délivrance du commandement de payer, et de sa demande au titre du coût du commandement de payer, puisque celui-ci n'a pas été délivré de mauvaise foi.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société MCS Automobiles doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle sera également condamnée à régler à la société Home SL une somme que l'équité commande de fixer à 3 000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort ;

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 27 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Versailles ;

Y ajoutant ;

Déboute la société MCS Automobiles

de sa demande au titre de la taxe foncière de l'année 2023,

de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MCS Automobiles à régler à la société Home SL une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MCS Automobiles aux dépens de l'appel, qui pourront être recouvrés par le conseil de la société Home SL dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.