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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 20 juin 2024, n° 21/05865

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Civile Immobilière Helige (SCI)

Défendeur :

Pharmacie des Archives (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Bellichach, Me Cavarroc, Me Lallement

TJ Paris, du 25 févr. 2021, n° 18/01450

25 février 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 13 décembre 2006, la SCI Helige a consenti à la société Pharmacie [7], aux droits de laquelle se présente désormais la société Pharmacie des Archives, un bail commercial portant sur les locaux suivants situés [Adresse 5] et [Adresse 3] à [Localité 9] : « au rez-de-chaussée : une boutique sur la [Adresse 10], au numéro [Adresse 1], et une arrière-boutique ; un sous-sol ».

Le bail a été conclu pour une durée de neuf années commençant à courir le 13 décembre 2006 pour se terminer le 12 décembre 2015, moyennant un loyer principal de 77.000 euros par an en principal.

La destination des lieux loués est « pharmacie-laboratoire et droguerie ».

Le 12 mai 2015, la SCI Helige a fait signifier à la société Pharmacie des Archives un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 13 décembre 2015, moyennant un loyer porté à la somme de 150.000 euros HT et HC.

Après un échange de mémoires, la SCI Helige a fait assigner la société Pharmacie des Archives devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, par acte du 30 janvier 2018.

Par jugement mixte du 1er juin 2018, le juge a, en substance, constaté, par l'effet du congé délivré le 12 mai 2015, le principe du renouvellement du bail à compter du 13 décembre 2015, avant dire droit, désigné M. [D] [L] en qualité d'expert judiciaire avec mission de donner son avis sur la modification des caractéristiques du local et des facteurs locaux de commercialité et de rechercher la valeur locative des lieux loués et fixé le loyer provisionnel, pour la durée de l'instance, au montant du loyer contractuel indexé, outre les charges.

L'expert a déposé son rapport le 25 février 2020.

Par jugement du 25 février 2021, le juge a fixé à la somme de 87.844,84 euros HT et HC par an le loyer du bail renouvelé à compter du 13 décembre 2015, partagé les dépens par moitié entre les parties, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire de la décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 26 mars 2021, la SCI Helige a interjeté appel partiel du jugement.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses conclusions notifiées le 10 décembre 2021, la SCI Helige, appelante, demande, à la cour de :

- déclarer la SCI Helige recevable et bien-fondé en son appel ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a conclu au plafonnement du loyer et fixé le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 13 décembre 2015 à la somme de 87.844,84 € en principal par an ;

- juger qu'une modification notable des caractéristiques des locaux loués est intervenue au cours du bail expiré ;

- juger qu'une modification notable des facteurs locaux de commercialité est intervenue au cours du bail expiré ;

En conséquence,

- fixer le loyer du bail renouvelé à la somme annuel en principal de 149.000 € pour un nouveau bail de neuf ans à compter du 13 décembre 2015, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, à l'exception du montant du dépôt de garantie ;

- juger que les intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû à compter du 30 janvier 2018 pour les loyers avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date ;

Y ajoutant,

- condamner la société Pharmacie des Archives à payer à la SCI Helige une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la SCI Hélgie expose :

- sur la description des locaux, que les locaux loués bénéficient d'un « excellent » emplacement pour l'activité exercée en ce qu'ils sont situés au c'ur d'un environnement de très bonne commercialité ; qu'ils sont très bien adaptés à l'activité commerciale exercée et bénéficient d'un aménagement intérieur optimal avec une grande surface de vente en rez-de-chaussée et une très importante réserve en sous-sol ;

- sur le déplafonnement du loyer,

sur la modification notable des caractéristiques des locaux loués, que sur le fondement de l'article R. 145-3 du code de commerce, les travaux réalisés par la société Pharmacie des Archives constituent des travaux de modification des caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé lors du premier renouvellement ; qu'en déplaçant la trémie, la preneuse a pu rendre accessible l'arrière-boutique à la clientèle, en transférant, au surplus, la mezzanine sous laquelle étaient stockés les médicaments, ce qui a doublé la surface de vente ;

sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité, que sur le fondement de l'article R. 145-6 du code de commerce, les loyers de pharmacies peuvent être déplafonnés ; que la preneuse n'exploite pas une pharmacie de quartier vendant majoritairement des médicaments, mais un important magasin de produits parapharmaceutiques et de beauté qui est nécessairement influencé par l'évolution de la commercialité du secteur ; que le secteur litigieux a connu une importante évolution commerciale avec l'amélioration « sensible » de la commercialité du 1er tronçon de la [Adresse 10] en faveur des commerces de prêt-à-porter de faut de gamme pour hommes ; que cette mutation est caractérisée par la création de la Zone touristique internationale et de la piétonisation le dimanche des rues de ce quartier qui sont deux indices démontrant l'attractivité de ce quartier qui se positionne désormais comme un ensemble commercial cohérent ; que cette modification a eu un impact favorable et notable pour le commerce loué qui bénéficie d'une augmentation du nombre de piétons et qui s'est positionné commercialement comme un magasin proposant une large gamme de produits de beauté à la différence d'une pharmacie traditionnelle ; que la restructuration du BHV et son repositionnement comme un grand magasin de prêt-à-porter pour homme et pour femme apporte une nouvelle clientèle, ce qui bénéficie au commerce de la locataire qui se situe en face du bâtiment historique ; que l'augmentation des logements de type Airbnb a eu un impact positif sur le commerce exercé

- sur la surface pondérée, que la zone [Adresse 1] est de 51,75 m² et la zone 3 de 45,45 m² dès lors que la nouvelle méthode de pondération indique que la zone [Adresse 1] doit être de 5 mètres de profondeur ; qu'un coefficient de 0,90 est plus représentatif de la commercialité de la zone [Adresse 1] ; qu'au titre de la réserve, le coefficient de 0,40 doit être privilégié dès lors qu'il ne s'agit que d'une zone où se trouvent les médicaments sur ordonnance distribués dans la pharmacie ; que le dégagement et le bureau doivent être fixés à 0,25 compte tenu de la configuration des locaux ce qui aboutit à une surface pondérée globale arrondie de 157 m²B ;

- sur le prix unitaire des locaux commerciaux, que des références doivent être ajoutées, lesquelles justifient une valeur locative de 1.000 euros /m²B ; que les juridictions des loyers, en ce compris la cour d'appel, appliquent des correctifs au titre des transferts des travaux de mise en conformité, de l'ordre de 3 %.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 26 février 2024, la société Pharmacie des Archives, intimée, demande à la cour de :

- constater qu'il n'existe aucun motif de déplafonnement de loyer ;

- dire et juger que le prix du bail renouvelé doit être fixé à la somme de 87.844,84 € hors taxes par an, en principal et hors charges, à effet du 13 décembre 2015 ;

- en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 25 février 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris ;

- à titre subsidiaire, pour le cas où la cour infirmerait le jugement dont appel et écarterait la règle du plafonnement, fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 110.000 € hors taxes par an, en principal et hors charges, à effet du 13 décembre 2015 ;

- dire qu'il sera fait application des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du code de commerce dans le cas où le loyer de renouvellement excédait de plus de 10 % celui qui a été acquitté au cours de l'année précédant la prise d'effet du bail renouvelé ;

En tout état de cause :

- débouter la SCI Helige de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

- condamner la SCI Helige à payer à la société Pharmacie des Archives une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner la SCI Helige aux entiers dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise.

Au soutien de ses prétentions, la société Pharmacie des Archives oppose :

- sur le plafonnement,

sur les travaux, qu'aux termes de l'article R.145-8 du code de commerce, les travaux réalisés ne constituent que des améliorations ; que lors de la conclusion du bail du 13 décembre 2006, les locaux situés au rez-de-chaussée étaient d'un seul tenant, étant précisé qu'il n'existait aucune cloison séparant la boutique d'une arrière-boutique ; qu'il était donc question d'une grande boutique, ce que reconnaissait la SCI Helige dans son mémoire du 7 décembre 2017 ; que cette reconnaissance constitue un aveu judiciaire au sens de l'article 1383-[Adresse 1] du code civil ; que des comptoirs, éléments mobiliers, ne constituent pas, à la différence de cloisons, une caractéristique des lieux loués ; que le déplacement de l'escalier et du monte-charge constitue une simple amélioration en ce qu'il a permis d'en interdire définitivement tout accès à la clientèle sans entraver pour autant la circulation des pharmaciens et employés de l'officine ; que la suppression de la mezzanine, laquelle n'est pas une caractéristique des locaux, a permis d'assurer l'éclairage naturel de l'aire de vente grâce à la verrière ; que la transformation du préparatoire en cabine d'essayage n'est qu'un changement d'affectation du local considéré ; que le simple aménagement d'un bureau ne saurait être considéré comme emportant une modification des caractéristiques des locaux situés au sous-sol ;

- sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité, que la loi interdit l'ouverture du capital des pharmacies aux non-pharmaciens, empêchant ainsi la consolidation du secteur ; que les articles R. 5125-3-2, R. 5125-8 et R. 5125-9 du code de la santé publique imposent de nombreuses obligations aux pharmaciens, de sorte que la surface accessible à la clientèle est nécessairement plus restreinte que pour les autres commerces ; qu'aucun des éléments invoqués par le bailleur ne permet de caractériser une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ; que la mutation [Localité 8] n'a pas d'impact sur le commerce loué ; que l'ouverture d'annexes du BHV ne peut également pas avoir un impact favorable ; que les locations de type Airbnb ne sont pas une particularité du [Localité 9] de [Localité 9] ; que la création de la Zone Touristique Internationale [Localité 8] n'a réellement pu avoir une influence notable sur la commercialité du quartier dont dépendent les lieux loués qu'à compter des années 2016 et 2017, soit postérieurement à la date d'effet du bail renouvelé ;

- sur le loyer du bail renouvelé, à titre principal, que le loyer s'élève à la somme de 87.844,84 euros ; à titre subsidiaire, que la surface pondérée est de 149 m² ; que la valeur locative annuelle ne saurait être déterminée sur la base d'un prix supérieur à 800,00 € par m² ; que les charges supportées par la concluante sont incontestablement exorbitantes, lesquelles justifient un abattement de 7 %.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'donner acte' ou de 'constater', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.

Sur la plafonnement

Sur la modification notable des caractéristiques des locaux

Aux termes de l'article R. 145-3 du code de commerce, « Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

[Adresse 1]° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'article R. 145-8 du même code prévoit, notamment, que les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

L'article R. 15125-8 du code de la santé publique prévoit en son alinéa 6 que « le mobilier pharmaceutique est disposé de telle sorte que le public n'ait accès ni aux médicaments, ni aux produits de la vente réservé aux officines ».

L'article R. 15125-9, I, [Adresse 1]° du même code dispose que, pour les activités d'optique-lunetterie, d'audioprothèse et d'orthopédie, l'officine peut comprendre « un espace permettant au patient d'essayer les produits dans des conditions répondant aux dispositions du présente code ».

Aux termes du bail signé entre les parties le 13 décembre 2006, les locaux sont ainsi désignés :

- au rez-de-chaussée : une boutique sur la [Adresse 10] au numéro [Adresse 1], une arrière-boutique ;

- un sous-sol.

Il est constant que le preneur a réalisé des travaux en début de bail ayant modifié l'organisation interne de l'espace loué sans toutefois modifier l'assiette du bail. Il n'est, en outre, pas contesté que les travaux ont été pris en charge dans leur intégralité par la Pharmacie des Archives.

Le point discuté concerne l'impact des travaux en termes de modifications notables des caractéristiques des locaux loués et/ou en termes d'améliorations apportées aux lieux loués.

En l'espèce, les travaux ont consisté en :

- la suppression de la mezzanine et de son escalier arrière ;

- le déplacement des accès au sous-sol (escalier et monte-charge) situés au centre des locaux vers le fond du magasin ;

- l'aménagement de l'ancien laboratoire en zone accessible à la clientèle pour certaines activités spécialisées, telle l'orthopédie ;

- au sous-sol la redistribution des réserves, l'aménagement d'une cuisine et d'un bureau pour les pharmaciens.

Sur ces travaux, l'expert judiciaire, M. [L], constate que :

- le déplacement de l'escalier du monte-charge a, notamment, permis de sécuriser l'accès au sous-sol, de faciliter la circulation de la clientèle et du personnel au sein de l'aire de vente et d'accroître la surface d'exposition des marchandises en libre accès ;

- la suppression de la mezzanine et la création du bureau en sous-sol ont permis de rationaliser l'exploitation sur deux niveaux au lieu de trois et d'accroître l'attractivité de la zone de vente arrière du magasin.

Il considère, en conséquence, que ces travaux ont été « à l'origine d'une optimisation des conditions de réception de la clientèle en zone arrière des locaux [et] constituent à notre avis une modification notable des caractéristiques des lieux loués, au sens de l'article R. 145-3 du code de commerce. »

L'expert de partie, M. [J], n'aborde pas le point des travaux réalisés dans son rapport.

Il ressort des plans versés aux débats par la bailleresse et le descriptif des travaux joint qu'ils sont ainsi décrits :

- « dépose de l'ensemble du mobilier existant y compris mezzanine au fond sur colonne tiroirs

- dépose du carrelage et de la moquette pour faire réapparaître sur toute la surface la mosaïque existante

- habillage de tous les murs en BA 13 + peinture blanche pose d'un faux plafond placo sur partie avant ' sur l'arrière sous terrasse avec pavés de verre : nettoyage + mise en peinture de la verrière

- dépose façade existante

- création d'une trémie de 86*86 pour pose d'un monte-charge et création d'un nouvel escalier

- aménagement de caves existantes, mis en peinture de l'ensemble

- création d'une partie kitchenette au sous-sol et d'un grand bureau

- dépose vieil escalier bois + vieux monte-charge bouchage trémie. »

Il ne ressort ni des plans, ni de la description des travaux ci-dessus qu'une cloison de séparation en dur entre la partie avant de la boutique et l'arrière-boutique ait existé et qu'elle ait été abattue pendant ces travaux, de sorte que la modification de l'aire de vente par la réunification des surfaces de l'avant et de l'arrière de l'officine relève de travaux d'amélioration et d'optimisation de l'aire de vente.

Il n'est pas contestable que la suppression de la trémie et du monte-charge anciennement situés au milieu de l'aire de vente et leur déplacement en arrière-boutique a répondu à des impératifs réglementaires de sécurité sanitaire et a constitué une modification des caractéristiques des locaux.

La suppression de la mezzanine, bien que constituée par de simples éléments mobiliers tel que décrit par le maître d''uvre des travaux, a modifié les caractéristiques des locaux sans toutefois, contrairement à ce que soutient le bailleur, augmenter la surface de vente. En effet, ces travaux ont modifié le volume de la zone en augmentant la hauteur sous plafond, rendant « plus attractive pour la clientèle la zone de vente arrière » grâce à l'entrée de lumière naturelle et facilitant la circulation de la clientèle entre l'avant et l'arrière de l'officine. Ils ont surtout permis de regrouper l'exploitation de l'officine sur deux niveaux au lieu de trois niveaux, autant d'éléments caractérisent une amélioration notable des lieux loués.

Enfin, la transformation du laboratoire en cabine accessible au public pour diverses activités, telles que l'audioprothèse ou l'orthopédie, était réglementairement nécessaire et a permis de rationaliser l'espace de vente selon la nature des produits vendue, ce sans augmenter la surface de vente, ce qui constitue là encore une amélioration.

Il se déduit de ces éléments que, comme retenu par le premier juge par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte, les travaux ont au un double impact en ce qu'ils ont, d'une part, modifié les caractéristiques des locaux, d'autre part, amélioré notablement l'utilisation des lieux en facilitant la circulation de la clientèle et du personnel au sein des locaux, optimisé et rationalisé l'espace dédié à la vente, accru la surface d'exposition des marchandises.

Or, contrairement à ce que soutient le bailleur, les travaux constituant cumulativement une modification notable des caractéristiques des lieux loués et une amélioration notable des conditions d'exploitation du commerce, le régime des améliorations prévaut sur celui des modifications des caractéristiques des locaux de sorte que c'est à bon droit que le premier juge en a déduit qu'il n'y avait pas motif à déplafonnement.

Sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité

L'article R. 145-6 du code de commerce prévoit que « Les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire. »

La preuve de la modification notable des facteurs de commercialité incombe au bailleur et ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer que si elle a une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur qui doit être démontrée.

En cause d'appel, la SCI Hélige reprend les moyens développés devant le premier juge afférents à la spécialisation de la Pharmacie des Archives dans la vente de produits cosmétiques et de parapharmacie, l'ouverture du BHV Homme qui a enrichi l'offre commerciale et fait du magasin BHV Marais une locomotive pour tout le secteur, la mutation de la déambulation des piétons dans le secteur [Localité 8] profitable au commerce considéré, le développement des locations temporaires de courte durée à hauteur de 9,71 % du nombre total de logements de l'arrondissement.

Cependant, c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge, reprenant de façon détaillée, les observations de l'expert sur ces points en a déduit que la preuve n'était pas rapportée de l'impact réel de ces modifications sur le commerce considéré.

Le bailleur ne démontre pas davantage en cause d'appel que l'activité de parapharmacie fasse une concurrence importante aux stands de produits cosmétiques du BHV Marais dont le rayonnement est supérieur en ce domaine à celui de la pharmacie, ni que ces gammes de produits attirent la clientèle étrangère de passage. Il ne démontre pas plus que la visibilité de la pharmacie soit suffisante depuis le BHV Homme pour bénéficier de l'augmentation de la fréquentation de l'enseigne alors qu'une pharmacie de quartier prospère davantage avec une clientèle fidélisée et que, sur ce point, comme le relève le preneur, le quartier dénombre neuf officines, certaines distantes de moins de 50 mètres, constituant ainsi une concurrence non négligeable.

Enfin, l'évolution du chiffre d'affaires sur la période considérée, dans un secteur d'activité particulièrement réglementé tant pour l'organisation et la vente des médicaments que pour les prix auxquels ils peuvent être vendus, n'est pas en soi révélatrice d'un impact de l'évolution des facteurs locaux de commercialité sur le commerce considéré mais révèle d'avantage, comme souligné par l'expert, de la pertinence des choix de gestion et d'évolution de la stratégie commerciale de l'officine qui a su, en réorganisant son espace de vente, s'adapter aux besoins de la clientèle et se rendre plus attractive que ses concurrents directs.

Aussi c'est à bon droit que le premier a rejeté l'hypothèse non démontrée d'une évolution des facteurs locaux de commercialité favorable au commerce considéré.

Sur le montant du loyer renouvelé

Il résulte de ce qui précède qu'en absence de motifs de déplafonnement c'est par motifs pertinents auxquels la cour renvoie et qu'elle adopte que le premier juge a fixé le loyer du bail renouvelé au 13 décembre 2015 à la somme de 87.844,84 € en faisant application du taux de variation de l'indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE et a constaté que, ce montant étant inférieur au loyer résultant de l'avenant de révision du 13 décembre 2012, la demande du bailleur de condamnation du preneur au paiement des intérêts au taux légal sur les arriérés de loyer est sans objet.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant en cause d'appel, le bailleur sera condamné à supporter la charge des dépens et à payer à la société Pharmacie des Archives la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire le 25 février 2021, sous le numéro de RG 18/1450, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Hélige à payer à la société Pharmacie des Archives la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Hélige à supporter la charge des dépens d'appel.