Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 20 juin 2024, n° 23/06391
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 20 JUIN 2024
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06391 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIJS4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2022 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 21/07723
APPELANT :
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stanislas LAUDET, avocat plaidant, inscrit au barreau de BORDEAUX, toque : C1757 et par Me Audrey HINOUX, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMÉES :
Association 2° INVESTING INITIATIVE représentée par [O] [M], en sa qualité de Présidente, domiciliée en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Adrien THOMAS-DEREVOGE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0745
Association 2° INVESTING INITIATIVE DEUTSCHLANDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440
Société 2 DEGREES AMERICA INC société de droit américain prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Adresse 2]
Représentée par Me Serge WILINSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
L'association 2° Investing Initiative est une association loi de 1901 ayant pour objet de promouvoir la prise en compte des contraintes climatiques, écologiques et de développement durable et, plus largement, des besoins de financement à long terme de l'économie par les acteurs économiques et, notamment, le secteur financier et par le cadre réglementaire associé.
Fondée en octobre 2012, elle compte 9 salariés.
L'association fait partie d'un réseau constitué de deux autres associations : 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc : un accord de réseau a été signé en date du 05 novembre 2016 dit 2DII.
M. [E] [T] est co-fondateur et membre de l'Association 2° Investing Initiative ; l'article 5 des statuts prévoyait qu'en cette qualité il siégeait de droit à son conseil d'administration.
Selon procès-verbal du 22 janvier 2021, le conseil d'administration de l'Association 2° Investing Initiative a décidé de l'exclusion et de la radiation pour motif grave de M. [T] de sa qualité de membre de l'association et membre dudit conseil d'administration.
En juillet 2018, M. [T] a conclu une convention de rupture conventionnelle entraînant la rupture de son contrat de travail avec 2DII afin de s'installer de manière définitive à New-York aux Etats-Unis ; ayant conclu une convention de rupture conventionnelle le 22 juin 2018.
Il a bénéficié d'un contrat de prestation de service de 2018 à 2020 à tire d'indépendant à New-York.
C'est dans ce contexte que M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à la date du 20 septembre 2021 (RG n° 21/07723) de nombreuses demandes.
Par un jugement en date du 09 décembre 2022 (RG n° 21/07723), le conseil de prud'hommes de Paris n'a pas fait droit aux demandes M. [T] en :
' Déclarant son incompétence pour la société française au profit du tribunal judiciaire de Paris et invitant les parties à mieux se pourvoir pour les sociétés allemande et américaine ;
' Condamnant M. [T] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 09 octobre 2023, M. [T] a relevé appel de ce jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent pour la société française au profit du tribunal judiciaire de Paris, a invité les parties à mieux se pourvoir pour les sociétés allemande et américaine et en ce qu'il a condamné M. [T] aux entiers dépens de l'instance.
M. [T] a déposé une requête auprès du premier président la cour d'appel de Paris afin d'être autorisé à assigner l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America Inc. à jour fixe.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2023, M. [T] a été autorisé à assigner l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America Inc. à jour fixe pour l'audience du 15 février 2024 à 13 heures 30.
Les 12 et 15 janvier 2024, M. [T] a assigné l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America INC à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.
L'affaire a été renvoyée au 17 mai 2024.
PRÉTENTION DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique à la date du 16 mai 2024, M. [T] demande à la cour de :
In limine litis,
' Déclarer M. [T] recevable et bien fondé en son appel,
' Débouter l'Association 2° Investing Initiative de sa demande d'irrecevabilité des demandes de M. [T] ;
Y faisant droit,
' Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a décliné sa compétence au profit du tribunal judiciaire de Paris s'agissant de l'association française et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pourvoir s'agissant des associations allemandes et américaines ;
' Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau :
' Déclarer que le conseil de prud'hommes de Paris était matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] ;
' Renvoyer la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Inviter les parties à conclure sur le fond dans l'hypothèse où la cour souhaiterait évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
' Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
' Condamner in solidum les intimés à verser à M. [T] la somme de 50.886 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Dire que les condamnations prononcées produiront intérêts aux taux légaux avec capitalisation ;
' Condamner in solidum les intimés au paiement des entiers dépens ;
' Dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Audrey HINOUX, SELARL LX PARIS VERSAILLES REIMS conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique à la date du 31 janvier 2024, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. demande à la cour de :
' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 décembre 2022 statuant sur son incompétence territoriale pour se prononcer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pouvoir ;
' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses prétentions, fins et demandes ;
' Tirer toutes les conséquences au besoin d'office de l'omission de notification des pièces de la procédure à l'association 2° Investment Initiative Deutschland E.V. ;
Subsidiairement,
Pour le cas où la cour réformerait le jugement entrepris et jugerait le conseil de prud'hommes de Paris compétent tant territorialement que matériellement pour connaître du présent litige,
' Prononcer le renvoi devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Juger n'y avoir lieu à évoquer ;
Très subsidiairement,
Si la cour souhaite évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile,
' Inviter les parties à conclure sur le fond ;
En tout état de cause,
' Condamner M. [T] au paiement de 10.000 euros au titre de l'art. 32-1 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] au paiement de 10.000 euros au titre de dommages intérêts ;
' Condamner M. [T] au paiement de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner l'appelant au paiement des entiers dépens ;
Dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Virginie Domain, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 13 mai 2024, la Société 2 Degrees America INC demande à la cour de :
Au fond :
' Constater l'incompétence matérielle et territoriale du Conseil de prud'hommes de Paris sur les demandes formulées par M. [T] à l'encontre de 2 Degrees America, Inc ;
En conséquence,
' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
' Confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent territorialement pour se prononcer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de la Société 2 Degrees America INC et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pourvoir ;
À titre subsidiaire, pour le cas où la cour réformerait le jugement entrepris et jugerait le conseil de prud'hommes de Paris compétent tant territorialement que matériellement pour connaître du présent litige :
' Prononcer le renvoi devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Juger n'y avoir lieu à évoquer ;
Très subsidiairement,
Si la cour souhaite évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile
' Inviter les parties à conclure sur le fond ;
En tout état de cause,
' Condamner M. [T] à payer à la Société 2 Degrees America INC la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
' Condamner M. [T] à payer à la Société 2 Degrees America INC la somme de 13.020 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] au paiement des dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profil de Me Virginie Domain en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 15 mai 2024, l'Association 2 ° Investing Initiative demande à la cour de :
À titre principal :
' Prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [T] ;
À titre subsidiaire :
' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent
' Renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris ;
En tout état de cause :
' Condamner M. [T] à verser à l'Association 2° Investing Initiative la somme de 12.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] aux entiers dépens.
MOTIFS,
Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [T] :
L'Association 2° Initiative Investing fait valoir que :
' Dans le cadre des trois premiers appels qu'il a interjeté, M. [T] n'a pas remis l'assignation au greffe via le RPVA mais a envoyé un simple message avec un lien we-Transfer qui ne permet pas de garantir le contenu de l'envoi effectué.
' Dans ces conditions, les déclarations d'appel effectuées dans les affaires enregistrées sous les numéros RG n° 23/01759, 23/01761 et 23/01762 devront être considérées comme caduques.
' Or l'appelant dont l'appel est caduc ne peut à nouveau faire un appel principal dans la même affaire, dès lors qu'il n'est plus dans les délais pour le faire.
' En l'espèce, les quatre jugements rendus sont tous strictement identiques en ce qu'ils se rapportent au même litige et aux mêmes demandes, et opposent M. [T] à 2DII France. Par voie de conséquence, M. [T] devra être déclaré irrecevable en ses demandes formulées contre 2DII France dans l'affaire enregistrée sous le n° 23-06391.
M. [T] oppose que :
' L'argument d'une « identité stricte » des 4 procédures est erroné puisque, ces 4 affaires étant semblables car connexes mais pas parfaitement identiques puisque la 4ème procédure n'oppose pas les mêmes parties que celles des 3 autres procédures. La caducité éventuelle et contestée des 3 premières procédures ne rend donc pas irrecevables les demandes de M. [T] formulées dans le cadre de la 4ème procédure puisque cette dernière affaire est distincte des 3 précédentes.
' En tout état de cause, comme indiqué par M. [T] dans ses dernières écritures prises dans le cadre des trois premières procédures, les 3 premiers appels ne sont pas caducs, le précédent Conseil de M. [T] assurant la postulation ayant tenté de remettre les 3 assignations à jour fixe au greffe de la cour par RPVA, et ce n'est qu'en raison de l'impossibilité de le faire compte tenu du volume des pièces jointes, qu'une remise sous format papier a été effectuée.
Sur ce,
En l'espèce, ainsi qu'il a été retenu dans le cadre de l'arrêt rendu ce jour sous le numéro RG 23/1759 après jonction des trois premiers dossiers sous ce numéro, les assignations relatives aux trois premiers appels interjetés par M. [T] (RG n° 23/01759, 23/01761, 23/01762) ont été transmises par RPVA le 26 octobre 2023, après compression des fichiers afin de réduire leur taille pour les rendre compatible techniquement avec un envoi via le RPVA, les rendant toutefois pour partie illisibles et a été doublé dans ces conditions la transmission par RPVA d'un dépôt papier desdites assignations au greffe, tenant compte de l'impossibilité technique de transmettre les assignations complètes et lisibles par le RPVA compte tenu en particulier de leur taille, constituant une cause étrangère au sens de l'article 930-1 alinéa deux précité, autorisant ainsi la remise sur support papier, laquelle est effectivement intervenue, ce qui a justifié de rejeter la demande de l'association 2 ° Investing Initiative tendant à voir prononcer dans ces trois premiers dossiers la caducité de la déclaration d'appel de M. [T].
Au surplus, deux autres entités sont également parties à la présente procédure initiée par M. [T], soit l'association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la société 2 Degrees America Inc.
Dès lors, les demandes de M. [T] sont recevables et il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'association 2° Investing Initiative.
Sur la compétence :
M. [T] critique le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en faisant valoir que celui-ci s'est déclaré incompétent en fondant sa décision uniquement sur la dénomination donnée à l'une des conventions liant l'association et M. [T], sans discuter aucun des indices présentés par les parties.
Il indique que plusieurs conventions lient les parties ; il occupait les fonctions de CEO (Directeur Général) pour l'association et ses affiliés et était précédemment directeur général salarié de l'association ; la relation de travail sur la période litigieuse (2018-2020) était régie par plusieurs conventions, dont l'une seulement portait la dénomination de contrat de prestation ; les autres conventions affirmaient toutes que l'association était l'employeur de M. [T].
S'agissant du lien de subordination, il relève que les audits juridiques mandatés par l'association elle-même ont conclu unanimement à l'existence d'un contrat de travail.
Il excipe d'un faisceau d'indice applicable à un ex-salarié et cadre dirigeant. Il estime que du fait de son statut de directeur général et ancien salarié dans les mêmes fonctions, quelques indices clés seulement suffisent alors à établir l'existence d'un lien de subordination. Il souligne que quatre audits juridiques ont conclu à l'existence d'un lien de subordination et d'une relation de travail salarié.
Il indique que l'association affirme elle-même dans ses conclusions que M. [T] travaillait pour l'association en contrat à durée indéterminée en qualité de directeur exécutif jusqu'au 31 juillet 2018 puis comme directeur exécutif du réseau 2° Investing Initiative qui est le poste de direction le plus élevé du réseau. Il fait valoir que sa rémunération était assumée à 100% par 2DII France, qui en refacturait une partie aux entités du réseau et était régulière, qu'il était placé sous contrôle du conseil d'administration et devait compléter des feuilles de temps, qu'il faisait partie de l'équipe dirigeante, que l'association avait sollicité l'avis d'un cabinet d'avocats concernant le risque de requalification du contrat de prestation en contrat de travail, dont les consultations avaient conclu à l'existence d'un risque de requalification, de même de d'autres consultations sur le sujet, que dans leurs audits, les avocats de l'association ont conclu à l'existence d'un contrat de travail, qu'enfin, dans son rapport, l'experte auprès de la cour d'appel de Paris mandaté par le demandeur a confirmé une quatrième fois ce constat, qu'en outre, dans son enquête, le cabinet AFIP confirme ces constats et relève que les dix mois d'arriérés de paiement de l'association accentuaient l'état de dépendance de M. [T] et rendait impossible la fourniture d'un consentement libre concernant le nouveau contrat qui lui était proposé.
Il fait aussi valoir :
En ce qui concerne les horaires de travail, que le contrat prévoit un temps de travail journalier de 8 heures, 217 jours de travail annuel et M. [T] remplit des feuilles de temps ; son temps de travail était donc contrôlé ; de plus, en tant que cadre dirigeant, il était normal que ce dernier dispose d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.
En ce qui concerne l'initiative du changement de contrat de 2018, que l'association a été à l'initiative du changement de contrat en 2018.
S'agissant de l'absence de présomption de non-salariat, que l'association et le rapport d'enquête AFIP mettent en évidence que M. [T] n'a inscrit son activité de travailleur indépendant à aucun registre commercial ou social aux Etats-Unis des travailleurs indépendant de sorte de 2II ne peut bénéficier de la présomption légale de non-salariat.
En ce qui concerne l'absence de mandat d'administrateur, que M. [T] n'était pas administrateur en 2020 et sa rémunération n'était pas comptabilisé dans les rémunérations versées aux dirigeants.
En ce qui concerne le lien de subordination inscrit dans les termes du contrat, que les avocats ont conclu qu'il existait un lien de subordination.
En ce qui concerne le rôle de coordination de M. [T], il demande le rejet de l'attestation de M. [R] et soutient qu'elle est sans pertinence car elle porte sur une période pendant laquelle la qualité de salarié de M. [T] n'était pas contestée compte tenu de la formalisation d'un contrat de travail.
En ce qui concerne l'exercice effectif du pouvoir de contrôle, que M. [T] a un statut d'ancien directeur général salarié et était rattaché hiérarchiquement au conseil d'administration comme directeur général/CEO.
Il conclut à l'existence d'une relation de travail salarié entre les parties et l'application du droit du travail jusqu'à la rupture de cette relation de travail.
Il soutient par ailleurs que la convention de rupture conventionnelle est équivoque et à titre subsidiaire qu'elle est caduque.
Sur la compétence du conseil de prud'hommes vis-à-vis des entités étrangères, il fait à nouveau valoir que le conseil de prud'hommes n'a considéré que la dénomination donnée à la convention liant les parties, sans analyser ni son contenu, ni la relation de travail. Il fait aussi valoir que le jugement fondé sur trois faits matériellement inexacts, en invoquant plus précisément :
- Une erreur sur le domicile : lorsque M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, il était domicilié en France et non aux Etats-Unis, où il ne disposait pas d'autorisation de résidence du fait de l'expiration de son visa de travail pour l'association.
- Une pièce sans rapport avec l'affirmation : la pièce versée au dossier par l'entité allemande sur laquelle s'appuie le jugement est en réalité le contrat de travail entre l'entité allemande et son directeur général M. [B], sans aucun rapport avec l'affaire de M. [T] et l'affirmation que la pièce est sensée prouver. M. [T] avait bien signé un contrat avec les entités allemande et française, en septembre 2018, mais en tant que salarié détaché par l'entité française, cette dernière affirmant à cette occasion le maintien du lien de subordination.
- Une affirmation incohérente avec les faits : l'affirmation selon laquelle les entités n'auraient aucun lien entre elles est selon lui contraire à la réalité des faits car les entités sont affiliées, avec un conseil d'administration commun, et que c'est sur la base de cette affiliation que M. [T] occupait le poste de CEO du groupe, avec un statut légal de salarié détaché à l'Allemagne et de « cadre transféré intra-groupe » obtenu par les associations française et américaine.
Il estime que les trois entités forment un groupe dont M. [T] est le directeur général : le groupe est doté d'un conseil d'administration, il existe une gestion centralisée des ressources humaines et financières du groupe et la fonction de CEO/Directeur Général est exercée formellement pour le compte du groupe.
Il se réfère à la convention d'affiliation, signée par chacune des parties et soutient qu'elle tient lieu de contrat de travail entre M. [T] et les trois entités. Selon lui, cette convention réunie toutes les caractéristiques d'un contrat de travail : définition du titre, des fonctions, des responsabilités, du rattachement hiérarchique, date de début, mode de rémunération, etc. ; le conseil d'administration du groupe détermine annuellement sa rémunération.). Il ajoute que l'employeur de M. [T] dispose d'une autorité hiérarchique, d'un pouvoir de supervision et d'un pouvoir de sanction.
S'agissant du choix de la juridiction, il invoque le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, permettant à un demandeur de nationalité française de traduire un défendeur de nationalité étrangère devant une juridiction française. Il ajoute que de plus, au visa de l'article 42 du code de procédure civile, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit à son choix la juridiction où demeure l'un deux, relevant que l'association a son siège à Paris.
L'association 2° Investing Initiative oppose que :
L'association 2° Investing Initiative soutient le caractère indépendant de l'activité de M. [T].
Elle invoque le caractère définitif de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [T]. Elle fait valoir qu'au début de l'année 2018, M. [T] a engagé des démarches pour aller vivre aux Etats-Unis, qu'il souhaitait prendre du recul et travailler de manière plus flexible pour l'association avec un rôle de coordination du Réseau 2DII, qu'il a été à l'initiative de ce projet et de l'évolution de sa situation contractuelle ; elle soutient que le choix de la rupture de son contrat de travail provenait ainsi de M. [T], qui a seulement fait valider la décision qu'il avait prise par le conseil d'administration et ajoute que cette rupture n'est selon elle par ailleurs aujourd'hui plus contestable compte tenu de l'expiration du délai de prescription de 12 mois de l'article L. 1237-14 du code du travail, et son contrat ayant été définitivement rompu, après expiration du délai d'homologation, le 1er août 2018.
Elle ajoute, sur le choix du statut de travailleur indépendant, que pour pouvoir concrétiser son projet d'installation à New-York, M. [T] a fait le choix de signer un contrat de prestation de services avec l'association 2DII France, renouvelable à chaque fin d'année civile pour une durée d'un an ; que tout comme la rupture conventionnelle, le choix du statut indépendant procède d'une décision de M. [T], qui avait déjà effectué plusieurs changements de statut précédemment et qui avait élaboré différents scénarios avec l'assistance d'un cabinet d'avocat spécialisé, qu' il avait fait avaliser son changement de statut par le conseil d'administration, composé de bénévoles qui lui laissaient une grande latitude dans la gestion de l'association, qu'il émettait des factures détaillant les prestations accomplies pour 2DII sur la base de son taux journalier, qu'il était par ailleurs associé de plusieurs sociétés commerciales. Elle invoque ainsi une présomption de non-salariat découlant de l'exercice d'une activité de travailleur indépendant.
Elle fait état de la rupture du contrat de prestation par M. [T] et du lancement par celui-ci d'une activité concurrente et déloyale, indiquant qu' après avoir suspendu ses services, M. [T] a notifié la rupture de son contrat, qu'elle a dans un premier temps mis en demeure M. [T] d'exécuter son contrat et de poursuivre le traitement des tâches en cours puis pris acte de la rupture du contrat et que c'est dans ce contexte que dès novembre 2020 M. [T] a lancé une activité concurrente à celle de l'association à travers un site internet dans des circonstances relevant manifestement de la concurrence déloyale.
Elle conteste tout lien de subordination.
S'agissant du niveau d'autonomie et de responsabilité de M. [T] au sein de l'association, elle souligne que M. [T] se trouvait dans une situation parfaitement singulière vis-à-vis de l'association 2DII compte tenu à la fois de sa qualité de membre fondateur siégeant de droit au conseil d'administration, des fonctions de direction qu'il avait exercé de manière continue sous différents statuts jusqu'à son départ aux Etats-Unis, successivement en tant que président, consultant ou encore salarié en CDD puis CDI, de sa qualité de dépositaire de la marque utilisée depuis l'origine par l'association et de son rôle prépondérant au sein du réseau 2DII qu'il avait structuré.
Elle estime que de ce fait, M. [T] occupait depuis l'origine une situation prédominante au sein de l'association, ajoutant que jusqu'à sa révocation le 22 janvier 2021, il siégeait au conseil d'administration de l'association et faisait ainsi partie de l'équipe dirigeante.
Elle soutient aussi l'absence de direction et de contrôle effectif de l'activité de M. [T] par l'association : elle indique que l'activité de M. [T] était sous le seul contrôle des autres membres du conseil d'administration, que dans ce contexte, M. [T] rendait compte de son activité lors des conseils d'administration qui devaient avoir lieu trois fois par an selon les statuts, que M. [T] se montre ainsi incapable de fournir une preuve d'instructions qui lui auraient été données, et souligne son niveau de responsabilité et d'autonomie, ainsi que de son éloignement géographique, ajoutant que le conseil d'administration bénévole n'était pas en mesure de diriger, ni de contrôler de manière suivie l'activité de M. [T].
Elle invoque la mauvaise foi de M. [T] dans se demande de requalification en contrat de travail : elle rappelle encore que M. [T] a travaillé pour 2DII France sous différents statuts qu'il avait successivement choisis, qu'au cours du processus, plusieurs cabinets d'avocats avaient été consultés concernant le risque de requalification de son contrat de prestation en contrat de travail, y compris l'avocat personnel de M. [T], que les demandes de M. [T] s'appuient principalement sur ces consultations, qui avaient conclu à l'existence d'un risque de requalification, et qu'il instrumentalise comme une forme de preuve alors qu'elles étaient censées rester confidentielles, alors qu'au moment de son changement de statut, M. [T] s'était opposé aux recommandations contenues dans ces consultations considérées à chaque fois comme trop prudentes et déconnectées de la réalité, alors que l'analyse de sa situation nécessitait non pas un examen purement juridique, mais in concreto, en examinant dans le détail la nature atypique de ses liens avec l'association. Elle ajoute que M. [T] n'hésite pas à produire en cause d'appel de nouvelles consultations juridiques, dont un avis d'un expert qu'il a mandaté et un rapport d'enquête d'un cabinet de détective privé, qui arrivent aux mêmes constatations qu'il contredisait précédemment. Elle ajoute que l'action de M. [T] se caractérise également par le caractère manifestement déraisonnable de ses demandes financières.
Elle estime, à la lumière de l'ensemble de ces éléments, qu'il apparaît que compte tenu du statut de travailleur indépendant de M. [T] aux Etats-Unis et de l'absence de lien de subordination entre lui et l'association, l'existence d'un contrat de travail ne peut être établi, considérant que le contrat conclu entre M. [T] et 2DII France reflète bien la nature de la relation ayant existé entre elles.
Sur le rôle de supervision du réseau 2DII de M. [T] aux Etats-Unis , elle fait valoir que M. [T] se trouvait dans une situation parfaitement singulière vis-à-vis de l'Association 2DII compte tenu à la fois de sa qualité de membre fondateur siégeant de droit au conseil d'administration, des fonctions de direction qu'il avait exercé de manière continue sous différents statuts jusqu'à son départ aux Etats-Unis, successivement en tant que président, consultant ou encore salarié en CDD puis CDI, de sa qualité de dépositaire de la marque utilisée depuis l'origine par l'Association et de son rôle prépondérant au sein du réseau 2DII qu'il avait structuré. De ce fait, M. [T] occupait depuis l'origine une situation prédominante au sein de l'association. Jusqu'à sa révocation le 22 janvier 2021, il siégeait au conseil d'administration de l'association et faisait ainsi partie de l'équipe dirigeante.
Elle estime, à la lumière de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un contrat de travail ne peut être établie, que si le juge n'est pas tenu par la qualification donnée au contrat de prestation par les parties, le contrat conclu entre M. [T] et 2DII France reflète bien la nature de la relation ayant existé entre elles et conclut en conséquence à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui s'est déclaré incompétent.
La Société 2 Degrees America Inc. oppose que :
' Sur l'accord du réseau qui fonderait la compétence du conseil de prud'hommes de Paris : l'accord de réseau ne contient aucune clause de loi applicable ni attributive de compétence, ce qui n'est guère étonnant, l'accord s'entendant plutôt comme un instrument de coopération plutôt que créateur d'une norme créatrice d'obligations.
' Sur l'incompétence matérielle : en l'espèce, l'accord de réseau ne recouvre aucune des caractéristiques du contrat de travail. Il ne crée pas de lien de subordination entre ses membres et M. [T] mais bien le contraire. C'est M. [T] qui donne des directives aux affiliés et non l'inverse. Par ailleurs, M. [T] n'accomplit aucun travail pour les entités membres du réseau, il se contente d'assurer une coordination. Enfin, M. [T] n'a jamais perçu la moindre rémunération du réseau, lequel est dénué de personnalité morale, de ressources propres et de compte bancaire. Il en va de même pour 2 Degrees America qui n'a jamais versé le moindre salaire à M. [T]. En tout état de cause, il apparaît que les fonctions exercées par M. [T] auprès du réseau ou de l'entité 2 Degrees France relèvent d'un mandat social plutôt que d'un contrat de travail. Il estime que s'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes de Paris a retenu qu'il ne possédait pas la compétence matérielle pour connaître du litige.
' Sur l'incompétence territoriale, il n'existe aucun lien de rattachement possible avec le conseil de prud'hommes de Paris au regard de l'article R. 1412-1 du code du travail, alors que M. [T] résidait à New-York (Etats Unis d'Amérique) et que 2 Degrees America possède son siège à New York, où il travaillait.
L'Association 2° Investing Initiative Deutschland oppose :
Sur l'incompétence matérielle :
une absence de lien entre l'Association 2° Investing Initiative Deutschland et M. [T] : dans ses conclusions devant la cour l'appelant ne s'explique pas sur la relation de travail avec 2II Deutschland et ne fait aucune demande spécifique à l'encontre de l'association à Berlin.
Une indépendance des associations et accord de réseau : les associations intimées qui fonctionnent toutes à but non-lucratif ne forment pas un groupe ; chaque association a sa personnalité juridique et ses responsabilités juridiques et fiscales et financières distinctes. En ce qui concerne 2II Deutschland, elle n'est pas partie au contrat de prestation de service signé entre M. [T] et 2II France.
- Sur l'incompétence territoriale :
l'association 2II Deutschland a son siège en Allemagne, elle est régie par le § 26 du code civil allemand (BGB) et de ce fait est une association à but strictement non-lucratif ; un contrat de consultant a existé entre l'appelant et 2II Deutschland le 5 septembre 2019 pour une période déterminée allant du 1er septembre au 31 décembre 2019, sans avoir été reconduit ; dans le cadre de ce contrat M. [T] n'a signé aucune activité auprès de l'association allemande, par conséquent aucune facture n'a été émise par lui dans ce cadre ; le contrat était régi par la loi allemande, cela n'est pas contesté par l'appelant ; par ailleurs, notamment en raison de la totale indépendance juridique et de l'autonomie économique des structures, l'association se gère elle-même et contrôle ses effectifs en Allemagne seule. M. [T] n'a jamais signé aucun contrat de travail avec 2II Deutschland. Elle conclut que le jugement dont appel relève très justement que l'accord de réseau n'est pas un contrat de travail, qu'en absence de tout contrat de travail entre Monsieur [T] et l'association 2II Deutschland il doit être constaté que M. [T] vit et travaille aux Etats Unis d'Amérique depuis de longues années. Et qu'en l'absence de lien de travail, de contrat signé entre l'association allemande avec siège à Berlin et l'appelant, qui vit et travaille à New York, le conseil de prud'hommes de Paris est territorialement incompétent.
Sur ce,
L'article L.1411-1 alinéa premier du code du travail prévoit que :
"Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient."
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les sociétés intimées invoquent la présomption de non-salariat visée par l'article L. 8221-6 du code du travail.
A la différence d'un précédent contrat de prestation de conseil du 25 août 2014 avec l'association 2DII, qui s'est exécuté courant 2014 et 2015, qui mentionnait une société Beyond Financial, et qui a précédé la signature par M. [T] de son contrat de travail, le contrat de prestation de service concernant la période de 2018 à 2020 visait une exercice à titre d'indépendant à New-York.
Si M. [T] est parti vivre et travailler aux Etas-Unis et qu'il n'est pas contesté que sa situation était conforme aux règles locales, qu'il a émis des factures en lien avec ses prestations accomplies pour 2DII, il n'est pas démontré, comme l'avait d'ailleurs relevé l'audit juridique mandaté par l'association, que M. [T] ait inscrit son activité en qualité de "travailleur indépendant" correspondant à la période litigieuse à un registre commercial ou social aux Etats-Unis, ni en Allemagne ni en France.
Il s'ensuit que les conditions d'application de la présomption de non-salariat prévues par l'article L. 8221-6 ne sont pas caractérisées.
M. [T] est membre-fondateur de l'association D2II, fondée en octobre 2012 ; l'article 5 des statuts prévoyait qu'en cette qualité il siégeait de droit à son conseil d'administration.
L'association indique que M. [T] a travaillé :
- Du 4 mars 2013 au 31 août 2014 pour l'association en contrat à durée déterminée en qualité de " directeur général " ;
- Du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2015 un contrat de prestation de conseil prévoyait une facturation de l'association sur la base d'un taux journalier de 625 euros ;
- Du 2 mars 2015 au 31 juillet 2018 M. [T] a travaillé pour l'association en contrat à durée indéterminée en qualité de " directeur exécutif - Monde ".
Le litige porte sur le "contrat de prestation de service" à tire d'indépendant à New-York qui s'est exécuté courant 2018 à 2020.
L'association produit et se réfère dans ses écritures à ce contrat, signé, qu'elle produit uniquement en langue anglaise et qui porte la date du 30 mars 2018, dénommé "Independent contractor contract".
M. [T] produit une version en langue française du document daté du 30 mars 2018. ("Contrat de contactant indépendant").
Le contrat prévoit que M. [T] "exercera les fonctions de "chef de l'exécution" [" Chief Executing Officer" dans la version en langue anglaise, pouvant correspondre à "Directeur exécutif" ] du 2° réseau d'initiatives d'investissement (composé des différents affiliés), qui est le poste de direction le plus élevé du réseau".
Si cette rupture conventionnelle a été signée le 22 juin 2018 et homologuée, et que le délai d'homologation a expiré le 1er août 2018, il est aussi observé que le nouveau contrat du 30 mars 2018 est antérieur à cette rupture conventionnelle du contrat de travail.
Par ailleurs, une clause de retour était prévue à l'article 2 de l'avenant à la convention de rupture conventionnelle signé le 22 juin 2018 en ce termes : " Si l'expatriation de M [E] [T] venait à prendre fin, par exemple pour des raisons professionnelles, administratives, ou personnelles, l'Association s'engage à réembaucher M [E] [T] au poste équivalent à celui qu'il occupait au moment de la rupture conventionnelle (') "
Le contrat de prestation de service signé entre les parties prévoyait notamment que "le contractant accepte une rémunération basée sur les tarifs et conditions précisées en Annexe 2" (article 4.1), soit "sur la base d'un tarif journalier de 1 150 euros, pour une journée de travail moyenne de 8 heures", et ceci "sur la base de 217 jours de travail par an", représentant un "coût estimé" de "118 000 euros".
Il ressort de cette succession de contrats, non seulement la "singularité" de la situation de M. [T] vis-à-vis de l'association, telle que cette dernière la qualifie dans ses écritures, mais aussi et surtout une relation de travail continue de fin 2012 jusqu'à la fin de l'année 2020.
Il apparaît également que M. [T] a consacré son temps de travail professionnel à l'association en particulier durant la période en litige.
En juin 2019 le cabinet INCE & CO, mandaté par l'association, observait que les éléments relatifs au temps de travail "sont très semblables au régime français de temps de travail en forfait jours auquel sont soumis un certain nombre de cadres. Un rapprochement avec le salariat est donc prégnant " ; il observait aussi que la rémunération prévue "est très comparable à celle que [M. [T]] recevait dans le cadre des fonctions salariées" ; il concluait plus généralement en "alert[ant] sur le risque élevé de requalification du contrat de prestation de service de M. [T] en contrat de travail".
L'article 1.4 du contrat de prestation de service régularisé entre les parties stipulait que " la relation de contractant avec le cleint sera celle d'un contractant indépendant, basé dans l'Etat de New York", tout en ajoutant que "le Client a le droit de contrôler ou de donner des directives concernant le résultat du travail, mais pas sur ce qui sera fait" et l'article 1.2 que "le contractant rend compte exclusivement au conseil d'administration du client".
L'article 2.4 prévoyait aussi que "le contractant [M. [T]] se conformera à toutes les demandes et instructions du client concernant les Services fournis" et l'article 2.3 que'il " tiendra le client informé de l'état d'avancement des prestations fournies".
L'audit juridique mandaté par l'association observait que M. [T] devant se conformer aux demandes et directives de 2° II France, devant tenir 2° II France informée du progrès des services rendus et que l'association pouvant rompre le contrat en cas de manquement de M. [T] à ses obligations, en sorte que les conditions classiques du lien de subordination salarie' lui semblaient être ici remplies.
Les missions de M. [T] comprenaient, notamment celles de :
- "Construire un plan annuel en coordination avec les directeurs et les équipes locales.
- Ajuster les budgets globaux et locaux sur une base continue
(...)
- Superviser l'élaboration des propositions de levée de fonds
- Représenter le Réseau dans les événements internationaux, les consultations et les médias
- Déléguer le pouvoir aux directeurs locaux et aux autres cadres supérieurs sur les points énumérés ci-dessus, le cas échéant
- Animer des réunions de direction
- Agir en tant que directeur exécutif pour les affiliés nouvellement créés
(...)
- Déléguer le pouvoir à d'autres responsables du réseau ou d'autres cadres supérieurs sur les points énumérés ci-dessus, le cas échéant et avec l'autorisation des conseils ".
Si M. [T] admet qu'il disposait d'une autonomie dans l'organisation de son travail, il est aussi constant qu'il devait compléter périodiquement une feuille de temps ("timesheet") , ce qui fait ressortir le contrôle de son temps de travail, nonobstant par ailleurs le souci de justification par l'association du temps consacré à ses travaux par ses participants vis-à-vis de ses financeurs extérieurs.
Au surplus, l'appelant fait justement observer que la grande indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps est en phase avec la qualité de cadre dirigeant.
Si M. [T] a émis le souhait en mars 2018 de voir "sa situation contractuelle évoluer", qu'il a fait part de plusieurs "scénario" alternatifs et a participé aux échanges avec des conseils consultés dans ce cadre, il demeure que la responsable administrative et financière de l'association a participé aux échanges avec ces conseils avec lesquels elle a été en contact directement, y compris en relayant les questions de M. [T], avant de se référer à "la solution que nous avons choisie", et que selon la déclaration de l'association aux autorités européennes du 8 juillet 2020 "dans le contexte de l'expatriation de M. [T], le Conseil d'Administration a décidé de mettre fin à son contrat de travail et de passer à un contrat de prestation de conseil. (...) ".
Au demeurant, comme le relève l'appelant, M. [T] n'est pas responsable de la conformité légale des décisions de l'association, ni juriste, et son interprétation juridique passée du lien de subordination peut être remise en cause, étant rappelé à nouveau que l'existence d'une relation de travail ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
M. [T] avait d'ailleurs émis des commentaires variables, soulignant certes en août 2019 sa très large autonomie fonctionnelle mais aussi, par exemple dans un courriel en septembre 2019 que " (...) si l'analyse conclut que mon contrat doit être requalifié, il me paraît judicieux de régulariser la situation avec l'URSAFF proactivement (...)".
Il est avéré en effet que plusieurs consultations juridiques mandatées par l'association elle-même ont souligné les difficultés juridiques soulevées par les conditions d'exécution de l'activité professionnelle de M. [T] et alerté sur le risque de requalification de celle-ci en contrat de travail, ce que ne font que corroborer par ailleurs le rapport d'expert et le rapport d'enquête mandatés par M. [T].
Il ressort en outre des pièces versées aux débats que M. [T] a conduit les appréciations annuelles de sa collaboratrice, Madame [K], salariée de l'association.
Par ailleurs, le rapport annuel 2020 de l'association ne liste pas M. [T] comme administrateur et ne comptabilise pas sa rémunération dans les rémunérations versées aux " dirigeants ".
Ce rapport mentionne aussi que le conseil d'administration s'est réuni 14 fois en 2020 et non seulement 3 fois.
M. [T] rendait compte de son activité lors des conseils d'administration, lequel l'a finalement révoqué.
Alors que le contrat qualifié par les parties de prestation de services avait été tacitement renouvelé en 2019 et 2020, l'association rappelle que par courrier du 31 août 2020 elle a mis un terme aux négociations du nouveau contrat. Les parties, qui ont successivement indiqué à leur cocontractant le résilier, s'opposent sur les raisons et l'imputabilité de la fin de leur collaboration.
Selon procès-verbal du 22 janvier 2021, le conseil d'administration de l'association 2° Investing Initiative a décidé de l'exclusion et de la radiation pour "motif grave" de M. [T] de sa qualité de membre de l'association et membre dudit conseil d'administration.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que ne suffisent pas à contredire les attestations de l'ancien directeur de l'association en 2016-2018, soit au demeurant comme le relève l'appelant au cours d'une période précédant celle en litige, ni de membres du conseil d'administration, qui ne sauraient utilement arguer du caractère "formel" des réunions du conseil d'administration, l'existence d'une relation de travail marquée par un lien de subordination, caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, est établie.
Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] et de renvoyer la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuivre l'instance.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent, au profit du tribunal judiciaire de Paris, pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative et sur les dépens. Il y a lieu de retenir que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de ladite association française.
Chacune des trois entités parties au litige a sa personnalité juridique, avec des responsabilités juridiques et fiscales et financières distinctes.
Elles sont régies par les législations des différents pays où elles sont implantées.
Ni la société 2 Degrees America ni l'association 2II Deutschland ne sont parties au contrat de "prestation de service" qui a été régularisé entre M. [T] d'une part et l'association française 2° Investing Initiative, domiciliée à Paris, d'autre part.
Elles ne peuvent intervenir ni dans la conclusion ni dans l'exercice des contrats, même requalifiés, de l'association française.
Un "accord de réseau" a été signé entre l'association française 2° II, 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc en date du 5 novembre 2016.
L'accord prévoit notamment que les organisations affiliées à but non lucratif partagent un objectif commun, un programme de travail, un budget et une gouvernance des principes et qu'il a pour objet de favoriser l'alignement du secteur financier sur les objectifs climatiques et environnementaux ainsi que plus largement sur les besoins de financement à long terme de l'économie. Un budget international est supervisé par l'affilié avec lequel le directeur mondial a une relation contractuelle. Le conseil d'administration de chaque affilié peut nommer un représentant qui rejoint le "comité de pilotage" . Le plan annuel doit être ratifié par chaque conseil local des affiliés ou assemblée générale, en fonction de la réglementation et des statuts locaux. Un affilié du réseau peut en sortir. Le directeur mondial "coordonne" le réseau.
Les statuts de l'association 2II Deutschland précisent qu'elle "peut être membre de 2° Investing Initiative, une fédération d'organisations indépendantes (...)".
Il n'est pas établi que le réseau dispose de la personnalité morale.
L'accord de réseau ne contient aucune clause de loi applicable ni attributive de compétence.
Compte tenu de ces éléments, il n'est pas démontré l'appartenance des trois entités à un groupe et l'accord s'analyse en un simple partenariat ou instrument de coopération.
Il n'est pas non plus démontré de lien de subordination entre M. [T] et la société 2 Degrees America ni l'association 2II Deutschland.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l'incompétence du conseil de prud'hommes de Paris et l'invitation des parties à mieux se pourvoir s'agissant de la société 2 Degrees America Inc. et de l'association 2° Investing Initiative Deutschland,
Sur l'indemnisation du préjudice pour procédure abusive et sur l'amende civile :
La société 2 Degrees America Inc. soutient que compte tenu de la légèreté des arguments développés par M. [T] pour attraire 2 Degrees America dans la cause et de la multiplication des écritures successives traduisant des changements d'argumentation et de demandes, du foisonnement inutile de documents communiqués qui ont contraint l'Intimée à exposer une défense couteuse, il est justifié de condamner M. [T] à lui verser une amende civile assortie de dommages intérêts à hauteur d'une somme de 10.000 euros pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
L'Association 2° Investing Initiative Deutschland fait aussi valoir que sachant son action en garantie contre 2II Deutschland d'emblée vouée à l'échec, M. [T] a engagé sa responsabilité en raison de l'abus du droit d'ester en justice par application des articles 1240 et 1241 du code civil, ce qui justifie qu'il soit condamné à verser à 2II Deuschtland la somme de 10.000 euros de dommages intérêts par application des articles 1240 et 1241 du code civil.
Sur ce,
Il résulte des motifs précités qu'il a été reconnu une relation de travail marquée par un lien de subordination de M. [T] avec l'association française 2° Investing Initiative et que celle-ci fait partie par ailleurs partie d'un réseau constitué des deux autres associations 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc.
S'il a été retenu que le conseil de prud'hommes de Paris n'est compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] qu'à l'encontre de l'association française, il demeure que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient de débouter la société 2 Degrees America Inc. et l'association 2° Investing Initiative Deutschland de leurs demandes de dommages et intérêts.
De même, il n'est pas justifié de prononcer d'amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera partiellement infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'association l'association 2° Investing Initiative.
La demande formée par M. [T] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à l'encontre de cette dernière association à hauteur de 3.000 euros ; la demande de frais irrépétibles formée par l'association 2 ° Investing Initiative sera rejetée.
M. [T] sera en revanche condamné à verser la somme de 1.500 euros d'une part à la société 2 Degrees America Inc. et d'autre part à l'association 2° Investing Initiative Deutschland.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l'association 2° Investing Initiative,
CONFIRME l'incompétence du conseil de prud'hommes de Paris et l'invitation des parties à mieux se pourvoir s'agissant de la société 2 Degrees America Inc. et de l'association 2° Investing Initiative Deutschland,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent, au profit du tribunal judiciaire de Paris, pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative et sur les dépens,
Statuant de nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,,
DÉCLARE que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative,
RENVOIE la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance,
REJETTE les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d' amende civile, ainsi que la demande de frais irrépétibles formée par l'association 2 ° Investing Initiative,
CONDAMNE l'association 2 ° Investing Initiative à payer à M. [E] [T] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [E] [T] à payer la même somme de 1.500 euros à la société 2 Degrees America Inc. et à l'association 2° Investing Initiative Deutschland, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l'association 2 ° Investing Initiative aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière Le Président
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 20 JUIN 2024
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06391 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIJS4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2022 -Conseil de Prud'hommes de PARIS 10 - RG n° F 21/07723
APPELANT :
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Stanislas LAUDET, avocat plaidant, inscrit au barreau de BORDEAUX, toque : C1757 et par Me Audrey HINOUX, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : C2477
INTIMÉES :
Association 2° INVESTING INITIATIVE représentée par [O] [M], en sa qualité de Présidente, domiciliée en cette qualité audit siège,
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Adrien THOMAS-DEREVOGE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0745
Association 2° INVESTING INITIATIVE DEUTSCHLANDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440
Société 2 DEGREES AMERICA INC société de droit américain prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Adresse 2]
Représentée par Me Serge WILINSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0346
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
L'association 2° Investing Initiative est une association loi de 1901 ayant pour objet de promouvoir la prise en compte des contraintes climatiques, écologiques et de développement durable et, plus largement, des besoins de financement à long terme de l'économie par les acteurs économiques et, notamment, le secteur financier et par le cadre réglementaire associé.
Fondée en octobre 2012, elle compte 9 salariés.
L'association fait partie d'un réseau constitué de deux autres associations : 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc : un accord de réseau a été signé en date du 05 novembre 2016 dit 2DII.
M. [E] [T] est co-fondateur et membre de l'Association 2° Investing Initiative ; l'article 5 des statuts prévoyait qu'en cette qualité il siégeait de droit à son conseil d'administration.
Selon procès-verbal du 22 janvier 2021, le conseil d'administration de l'Association 2° Investing Initiative a décidé de l'exclusion et de la radiation pour motif grave de M. [T] de sa qualité de membre de l'association et membre dudit conseil d'administration.
En juillet 2018, M. [T] a conclu une convention de rupture conventionnelle entraînant la rupture de son contrat de travail avec 2DII afin de s'installer de manière définitive à New-York aux Etats-Unis ; ayant conclu une convention de rupture conventionnelle le 22 juin 2018.
Il a bénéficié d'un contrat de prestation de service de 2018 à 2020 à tire d'indépendant à New-York.
C'est dans ce contexte que M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à la date du 20 septembre 2021 (RG n° 21/07723) de nombreuses demandes.
Par un jugement en date du 09 décembre 2022 (RG n° 21/07723), le conseil de prud'hommes de Paris n'a pas fait droit aux demandes M. [T] en :
' Déclarant son incompétence pour la société française au profit du tribunal judiciaire de Paris et invitant les parties à mieux se pourvoir pour les sociétés allemande et américaine ;
' Condamnant M. [T] au paiement des entiers dépens.
Par déclaration du 09 octobre 2023, M. [T] a relevé appel de ce jugement en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent pour la société française au profit du tribunal judiciaire de Paris, a invité les parties à mieux se pourvoir pour les sociétés allemande et américaine et en ce qu'il a condamné M. [T] aux entiers dépens de l'instance.
M. [T] a déposé une requête auprès du premier président la cour d'appel de Paris afin d'être autorisé à assigner l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America Inc. à jour fixe.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2023, M. [T] a été autorisé à assigner l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America Inc. à jour fixe pour l'audience du 15 février 2024 à 13 heures 30.
Les 12 et 15 janvier 2024, M. [T] a assigné l'Association 2° Investing Initiative, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la Société 2 Degrees America INC à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.
L'affaire a été renvoyée au 17 mai 2024.
PRÉTENTION DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique à la date du 16 mai 2024, M. [T] demande à la cour de :
In limine litis,
' Déclarer M. [T] recevable et bien fondé en son appel,
' Débouter l'Association 2° Investing Initiative de sa demande d'irrecevabilité des demandes de M. [T] ;
Y faisant droit,
' Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a décliné sa compétence au profit du tribunal judiciaire de Paris s'agissant de l'association française et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pourvoir s'agissant des associations allemandes et américaines ;
' Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau :
' Déclarer que le conseil de prud'hommes de Paris était matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] ;
' Renvoyer la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Inviter les parties à conclure sur le fond dans l'hypothèse où la cour souhaiterait évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
' Débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
' Condamner in solidum les intimés à verser à M. [T] la somme de 50.886 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Dire que les condamnations prononcées produiront intérêts aux taux légaux avec capitalisation ;
' Condamner in solidum les intimés au paiement des entiers dépens ;
' Dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Audrey HINOUX, SELARL LX PARIS VERSAILLES REIMS conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique à la date du 31 janvier 2024, l'Association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. demande à la cour de :
' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 9 décembre 2022 statuant sur son incompétence territoriale pour se prononcer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pouvoir ;
' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses prétentions, fins et demandes ;
' Tirer toutes les conséquences au besoin d'office de l'omission de notification des pièces de la procédure à l'association 2° Investment Initiative Deutschland E.V. ;
Subsidiairement,
Pour le cas où la cour réformerait le jugement entrepris et jugerait le conseil de prud'hommes de Paris compétent tant territorialement que matériellement pour connaître du présent litige,
' Prononcer le renvoi devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Juger n'y avoir lieu à évoquer ;
Très subsidiairement,
Si la cour souhaite évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile,
' Inviter les parties à conclure sur le fond ;
En tout état de cause,
' Condamner M. [T] au paiement de 10.000 euros au titre de l'art. 32-1 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] au paiement de 10.000 euros au titre de dommages intérêts ;
' Condamner M. [T] au paiement de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner l'appelant au paiement des entiers dépens ;
Dire que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Virginie Domain, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 13 mai 2024, la Société 2 Degrees America INC demande à la cour de :
Au fond :
' Constater l'incompétence matérielle et territoriale du Conseil de prud'hommes de Paris sur les demandes formulées par M. [T] à l'encontre de 2 Degrees America, Inc ;
En conséquence,
' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
' Confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent territorialement pour se prononcer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de la Société 2 Degrees America INC et en ce qu'il a invité les parties à mieux se pourvoir ;
À titre subsidiaire, pour le cas où la cour réformerait le jugement entrepris et jugerait le conseil de prud'hommes de Paris compétent tant territorialement que matériellement pour connaître du présent litige :
' Prononcer le renvoi devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance à la diligence de cette juridiction ;
' Juger n'y avoir lieu à évoquer ;
Très subsidiairement,
Si la cour souhaite évoquer le litige conformément aux dispositions de l'article 88 du code de procédure civile
' Inviter les parties à conclure sur le fond ;
En tout état de cause,
' Condamner M. [T] à payer à la Société 2 Degrees America INC la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
' Condamner M. [T] à payer à la Société 2 Degrees America INC la somme de 13.020 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] au paiement des dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profil de Me Virginie Domain en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 15 mai 2024, l'Association 2 ° Investing Initiative demande à la cour de :
À titre principal :
' Prononcer l'irrecevabilité des demandes de M. [T] ;
À titre subsidiaire :
' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il s'est déclaré incompétent
' Renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris ;
En tout état de cause :
' Condamner M. [T] à verser à l'Association 2° Investing Initiative la somme de 12.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner M. [T] aux entiers dépens.
MOTIFS,
Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [T] :
L'Association 2° Initiative Investing fait valoir que :
' Dans le cadre des trois premiers appels qu'il a interjeté, M. [T] n'a pas remis l'assignation au greffe via le RPVA mais a envoyé un simple message avec un lien we-Transfer qui ne permet pas de garantir le contenu de l'envoi effectué.
' Dans ces conditions, les déclarations d'appel effectuées dans les affaires enregistrées sous les numéros RG n° 23/01759, 23/01761 et 23/01762 devront être considérées comme caduques.
' Or l'appelant dont l'appel est caduc ne peut à nouveau faire un appel principal dans la même affaire, dès lors qu'il n'est plus dans les délais pour le faire.
' En l'espèce, les quatre jugements rendus sont tous strictement identiques en ce qu'ils se rapportent au même litige et aux mêmes demandes, et opposent M. [T] à 2DII France. Par voie de conséquence, M. [T] devra être déclaré irrecevable en ses demandes formulées contre 2DII France dans l'affaire enregistrée sous le n° 23-06391.
M. [T] oppose que :
' L'argument d'une « identité stricte » des 4 procédures est erroné puisque, ces 4 affaires étant semblables car connexes mais pas parfaitement identiques puisque la 4ème procédure n'oppose pas les mêmes parties que celles des 3 autres procédures. La caducité éventuelle et contestée des 3 premières procédures ne rend donc pas irrecevables les demandes de M. [T] formulées dans le cadre de la 4ème procédure puisque cette dernière affaire est distincte des 3 précédentes.
' En tout état de cause, comme indiqué par M. [T] dans ses dernières écritures prises dans le cadre des trois premières procédures, les 3 premiers appels ne sont pas caducs, le précédent Conseil de M. [T] assurant la postulation ayant tenté de remettre les 3 assignations à jour fixe au greffe de la cour par RPVA, et ce n'est qu'en raison de l'impossibilité de le faire compte tenu du volume des pièces jointes, qu'une remise sous format papier a été effectuée.
Sur ce,
En l'espèce, ainsi qu'il a été retenu dans le cadre de l'arrêt rendu ce jour sous le numéro RG 23/1759 après jonction des trois premiers dossiers sous ce numéro, les assignations relatives aux trois premiers appels interjetés par M. [T] (RG n° 23/01759, 23/01761, 23/01762) ont été transmises par RPVA le 26 octobre 2023, après compression des fichiers afin de réduire leur taille pour les rendre compatible techniquement avec un envoi via le RPVA, les rendant toutefois pour partie illisibles et a été doublé dans ces conditions la transmission par RPVA d'un dépôt papier desdites assignations au greffe, tenant compte de l'impossibilité technique de transmettre les assignations complètes et lisibles par le RPVA compte tenu en particulier de leur taille, constituant une cause étrangère au sens de l'article 930-1 alinéa deux précité, autorisant ainsi la remise sur support papier, laquelle est effectivement intervenue, ce qui a justifié de rejeter la demande de l'association 2 ° Investing Initiative tendant à voir prononcer dans ces trois premiers dossiers la caducité de la déclaration d'appel de M. [T].
Au surplus, deux autres entités sont également parties à la présente procédure initiée par M. [T], soit l'association 2° Investing Initiative Deutschland E.V. et la société 2 Degrees America Inc.
Dès lors, les demandes de M. [T] sont recevables et il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'association 2° Investing Initiative.
Sur la compétence :
M. [T] critique le jugement du conseil des prud'hommes de Paris en faisant valoir que celui-ci s'est déclaré incompétent en fondant sa décision uniquement sur la dénomination donnée à l'une des conventions liant l'association et M. [T], sans discuter aucun des indices présentés par les parties.
Il indique que plusieurs conventions lient les parties ; il occupait les fonctions de CEO (Directeur Général) pour l'association et ses affiliés et était précédemment directeur général salarié de l'association ; la relation de travail sur la période litigieuse (2018-2020) était régie par plusieurs conventions, dont l'une seulement portait la dénomination de contrat de prestation ; les autres conventions affirmaient toutes que l'association était l'employeur de M. [T].
S'agissant du lien de subordination, il relève que les audits juridiques mandatés par l'association elle-même ont conclu unanimement à l'existence d'un contrat de travail.
Il excipe d'un faisceau d'indice applicable à un ex-salarié et cadre dirigeant. Il estime que du fait de son statut de directeur général et ancien salarié dans les mêmes fonctions, quelques indices clés seulement suffisent alors à établir l'existence d'un lien de subordination. Il souligne que quatre audits juridiques ont conclu à l'existence d'un lien de subordination et d'une relation de travail salarié.
Il indique que l'association affirme elle-même dans ses conclusions que M. [T] travaillait pour l'association en contrat à durée indéterminée en qualité de directeur exécutif jusqu'au 31 juillet 2018 puis comme directeur exécutif du réseau 2° Investing Initiative qui est le poste de direction le plus élevé du réseau. Il fait valoir que sa rémunération était assumée à 100% par 2DII France, qui en refacturait une partie aux entités du réseau et était régulière, qu'il était placé sous contrôle du conseil d'administration et devait compléter des feuilles de temps, qu'il faisait partie de l'équipe dirigeante, que l'association avait sollicité l'avis d'un cabinet d'avocats concernant le risque de requalification du contrat de prestation en contrat de travail, dont les consultations avaient conclu à l'existence d'un risque de requalification, de même de d'autres consultations sur le sujet, que dans leurs audits, les avocats de l'association ont conclu à l'existence d'un contrat de travail, qu'enfin, dans son rapport, l'experte auprès de la cour d'appel de Paris mandaté par le demandeur a confirmé une quatrième fois ce constat, qu'en outre, dans son enquête, le cabinet AFIP confirme ces constats et relève que les dix mois d'arriérés de paiement de l'association accentuaient l'état de dépendance de M. [T] et rendait impossible la fourniture d'un consentement libre concernant le nouveau contrat qui lui était proposé.
Il fait aussi valoir :
En ce qui concerne les horaires de travail, que le contrat prévoit un temps de travail journalier de 8 heures, 217 jours de travail annuel et M. [T] remplit des feuilles de temps ; son temps de travail était donc contrôlé ; de plus, en tant que cadre dirigeant, il était normal que ce dernier dispose d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps.
En ce qui concerne l'initiative du changement de contrat de 2018, que l'association a été à l'initiative du changement de contrat en 2018.
S'agissant de l'absence de présomption de non-salariat, que l'association et le rapport d'enquête AFIP mettent en évidence que M. [T] n'a inscrit son activité de travailleur indépendant à aucun registre commercial ou social aux Etats-Unis des travailleurs indépendant de sorte de 2II ne peut bénéficier de la présomption légale de non-salariat.
En ce qui concerne l'absence de mandat d'administrateur, que M. [T] n'était pas administrateur en 2020 et sa rémunération n'était pas comptabilisé dans les rémunérations versées aux dirigeants.
En ce qui concerne le lien de subordination inscrit dans les termes du contrat, que les avocats ont conclu qu'il existait un lien de subordination.
En ce qui concerne le rôle de coordination de M. [T], il demande le rejet de l'attestation de M. [R] et soutient qu'elle est sans pertinence car elle porte sur une période pendant laquelle la qualité de salarié de M. [T] n'était pas contestée compte tenu de la formalisation d'un contrat de travail.
En ce qui concerne l'exercice effectif du pouvoir de contrôle, que M. [T] a un statut d'ancien directeur général salarié et était rattaché hiérarchiquement au conseil d'administration comme directeur général/CEO.
Il conclut à l'existence d'une relation de travail salarié entre les parties et l'application du droit du travail jusqu'à la rupture de cette relation de travail.
Il soutient par ailleurs que la convention de rupture conventionnelle est équivoque et à titre subsidiaire qu'elle est caduque.
Sur la compétence du conseil de prud'hommes vis-à-vis des entités étrangères, il fait à nouveau valoir que le conseil de prud'hommes n'a considéré que la dénomination donnée à la convention liant les parties, sans analyser ni son contenu, ni la relation de travail. Il fait aussi valoir que le jugement fondé sur trois faits matériellement inexacts, en invoquant plus précisément :
- Une erreur sur le domicile : lorsque M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, il était domicilié en France et non aux Etats-Unis, où il ne disposait pas d'autorisation de résidence du fait de l'expiration de son visa de travail pour l'association.
- Une pièce sans rapport avec l'affirmation : la pièce versée au dossier par l'entité allemande sur laquelle s'appuie le jugement est en réalité le contrat de travail entre l'entité allemande et son directeur général M. [B], sans aucun rapport avec l'affaire de M. [T] et l'affirmation que la pièce est sensée prouver. M. [T] avait bien signé un contrat avec les entités allemande et française, en septembre 2018, mais en tant que salarié détaché par l'entité française, cette dernière affirmant à cette occasion le maintien du lien de subordination.
- Une affirmation incohérente avec les faits : l'affirmation selon laquelle les entités n'auraient aucun lien entre elles est selon lui contraire à la réalité des faits car les entités sont affiliées, avec un conseil d'administration commun, et que c'est sur la base de cette affiliation que M. [T] occupait le poste de CEO du groupe, avec un statut légal de salarié détaché à l'Allemagne et de « cadre transféré intra-groupe » obtenu par les associations française et américaine.
Il estime que les trois entités forment un groupe dont M. [T] est le directeur général : le groupe est doté d'un conseil d'administration, il existe une gestion centralisée des ressources humaines et financières du groupe et la fonction de CEO/Directeur Général est exercée formellement pour le compte du groupe.
Il se réfère à la convention d'affiliation, signée par chacune des parties et soutient qu'elle tient lieu de contrat de travail entre M. [T] et les trois entités. Selon lui, cette convention réunie toutes les caractéristiques d'un contrat de travail : définition du titre, des fonctions, des responsabilités, du rattachement hiérarchique, date de début, mode de rémunération, etc. ; le conseil d'administration du groupe détermine annuellement sa rémunération.). Il ajoute que l'employeur de M. [T] dispose d'une autorité hiérarchique, d'un pouvoir de supervision et d'un pouvoir de sanction.
S'agissant du choix de la juridiction, il invoque le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, permettant à un demandeur de nationalité française de traduire un défendeur de nationalité étrangère devant une juridiction française. Il ajoute que de plus, au visa de l'article 42 du code de procédure civile, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit à son choix la juridiction où demeure l'un deux, relevant que l'association a son siège à Paris.
L'association 2° Investing Initiative oppose que :
L'association 2° Investing Initiative soutient le caractère indépendant de l'activité de M. [T].
Elle invoque le caractère définitif de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [T]. Elle fait valoir qu'au début de l'année 2018, M. [T] a engagé des démarches pour aller vivre aux Etats-Unis, qu'il souhaitait prendre du recul et travailler de manière plus flexible pour l'association avec un rôle de coordination du Réseau 2DII, qu'il a été à l'initiative de ce projet et de l'évolution de sa situation contractuelle ; elle soutient que le choix de la rupture de son contrat de travail provenait ainsi de M. [T], qui a seulement fait valider la décision qu'il avait prise par le conseil d'administration et ajoute que cette rupture n'est selon elle par ailleurs aujourd'hui plus contestable compte tenu de l'expiration du délai de prescription de 12 mois de l'article L. 1237-14 du code du travail, et son contrat ayant été définitivement rompu, après expiration du délai d'homologation, le 1er août 2018.
Elle ajoute, sur le choix du statut de travailleur indépendant, que pour pouvoir concrétiser son projet d'installation à New-York, M. [T] a fait le choix de signer un contrat de prestation de services avec l'association 2DII France, renouvelable à chaque fin d'année civile pour une durée d'un an ; que tout comme la rupture conventionnelle, le choix du statut indépendant procède d'une décision de M. [T], qui avait déjà effectué plusieurs changements de statut précédemment et qui avait élaboré différents scénarios avec l'assistance d'un cabinet d'avocat spécialisé, qu' il avait fait avaliser son changement de statut par le conseil d'administration, composé de bénévoles qui lui laissaient une grande latitude dans la gestion de l'association, qu'il émettait des factures détaillant les prestations accomplies pour 2DII sur la base de son taux journalier, qu'il était par ailleurs associé de plusieurs sociétés commerciales. Elle invoque ainsi une présomption de non-salariat découlant de l'exercice d'une activité de travailleur indépendant.
Elle fait état de la rupture du contrat de prestation par M. [T] et du lancement par celui-ci d'une activité concurrente et déloyale, indiquant qu' après avoir suspendu ses services, M. [T] a notifié la rupture de son contrat, qu'elle a dans un premier temps mis en demeure M. [T] d'exécuter son contrat et de poursuivre le traitement des tâches en cours puis pris acte de la rupture du contrat et que c'est dans ce contexte que dès novembre 2020 M. [T] a lancé une activité concurrente à celle de l'association à travers un site internet dans des circonstances relevant manifestement de la concurrence déloyale.
Elle conteste tout lien de subordination.
S'agissant du niveau d'autonomie et de responsabilité de M. [T] au sein de l'association, elle souligne que M. [T] se trouvait dans une situation parfaitement singulière vis-à-vis de l'association 2DII compte tenu à la fois de sa qualité de membre fondateur siégeant de droit au conseil d'administration, des fonctions de direction qu'il avait exercé de manière continue sous différents statuts jusqu'à son départ aux Etats-Unis, successivement en tant que président, consultant ou encore salarié en CDD puis CDI, de sa qualité de dépositaire de la marque utilisée depuis l'origine par l'association et de son rôle prépondérant au sein du réseau 2DII qu'il avait structuré.
Elle estime que de ce fait, M. [T] occupait depuis l'origine une situation prédominante au sein de l'association, ajoutant que jusqu'à sa révocation le 22 janvier 2021, il siégeait au conseil d'administration de l'association et faisait ainsi partie de l'équipe dirigeante.
Elle soutient aussi l'absence de direction et de contrôle effectif de l'activité de M. [T] par l'association : elle indique que l'activité de M. [T] était sous le seul contrôle des autres membres du conseil d'administration, que dans ce contexte, M. [T] rendait compte de son activité lors des conseils d'administration qui devaient avoir lieu trois fois par an selon les statuts, que M. [T] se montre ainsi incapable de fournir une preuve d'instructions qui lui auraient été données, et souligne son niveau de responsabilité et d'autonomie, ainsi que de son éloignement géographique, ajoutant que le conseil d'administration bénévole n'était pas en mesure de diriger, ni de contrôler de manière suivie l'activité de M. [T].
Elle invoque la mauvaise foi de M. [T] dans se demande de requalification en contrat de travail : elle rappelle encore que M. [T] a travaillé pour 2DII France sous différents statuts qu'il avait successivement choisis, qu'au cours du processus, plusieurs cabinets d'avocats avaient été consultés concernant le risque de requalification de son contrat de prestation en contrat de travail, y compris l'avocat personnel de M. [T], que les demandes de M. [T] s'appuient principalement sur ces consultations, qui avaient conclu à l'existence d'un risque de requalification, et qu'il instrumentalise comme une forme de preuve alors qu'elles étaient censées rester confidentielles, alors qu'au moment de son changement de statut, M. [T] s'était opposé aux recommandations contenues dans ces consultations considérées à chaque fois comme trop prudentes et déconnectées de la réalité, alors que l'analyse de sa situation nécessitait non pas un examen purement juridique, mais in concreto, en examinant dans le détail la nature atypique de ses liens avec l'association. Elle ajoute que M. [T] n'hésite pas à produire en cause d'appel de nouvelles consultations juridiques, dont un avis d'un expert qu'il a mandaté et un rapport d'enquête d'un cabinet de détective privé, qui arrivent aux mêmes constatations qu'il contredisait précédemment. Elle ajoute que l'action de M. [T] se caractérise également par le caractère manifestement déraisonnable de ses demandes financières.
Elle estime, à la lumière de l'ensemble de ces éléments, qu'il apparaît que compte tenu du statut de travailleur indépendant de M. [T] aux Etats-Unis et de l'absence de lien de subordination entre lui et l'association, l'existence d'un contrat de travail ne peut être établi, considérant que le contrat conclu entre M. [T] et 2DII France reflète bien la nature de la relation ayant existé entre elles.
Sur le rôle de supervision du réseau 2DII de M. [T] aux Etats-Unis , elle fait valoir que M. [T] se trouvait dans une situation parfaitement singulière vis-à-vis de l'Association 2DII compte tenu à la fois de sa qualité de membre fondateur siégeant de droit au conseil d'administration, des fonctions de direction qu'il avait exercé de manière continue sous différents statuts jusqu'à son départ aux Etats-Unis, successivement en tant que président, consultant ou encore salarié en CDD puis CDI, de sa qualité de dépositaire de la marque utilisée depuis l'origine par l'Association et de son rôle prépondérant au sein du réseau 2DII qu'il avait structuré. De ce fait, M. [T] occupait depuis l'origine une situation prédominante au sein de l'association. Jusqu'à sa révocation le 22 janvier 2021, il siégeait au conseil d'administration de l'association et faisait ainsi partie de l'équipe dirigeante.
Elle estime, à la lumière de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'un contrat de travail ne peut être établie, que si le juge n'est pas tenu par la qualification donnée au contrat de prestation par les parties, le contrat conclu entre M. [T] et 2DII France reflète bien la nature de la relation ayant existé entre elles et conclut en conséquence à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Paris qui s'est déclaré incompétent.
La Société 2 Degrees America Inc. oppose que :
' Sur l'accord du réseau qui fonderait la compétence du conseil de prud'hommes de Paris : l'accord de réseau ne contient aucune clause de loi applicable ni attributive de compétence, ce qui n'est guère étonnant, l'accord s'entendant plutôt comme un instrument de coopération plutôt que créateur d'une norme créatrice d'obligations.
' Sur l'incompétence matérielle : en l'espèce, l'accord de réseau ne recouvre aucune des caractéristiques du contrat de travail. Il ne crée pas de lien de subordination entre ses membres et M. [T] mais bien le contraire. C'est M. [T] qui donne des directives aux affiliés et non l'inverse. Par ailleurs, M. [T] n'accomplit aucun travail pour les entités membres du réseau, il se contente d'assurer une coordination. Enfin, M. [T] n'a jamais perçu la moindre rémunération du réseau, lequel est dénué de personnalité morale, de ressources propres et de compte bancaire. Il en va de même pour 2 Degrees America qui n'a jamais versé le moindre salaire à M. [T]. En tout état de cause, il apparaît que les fonctions exercées par M. [T] auprès du réseau ou de l'entité 2 Degrees France relèvent d'un mandat social plutôt que d'un contrat de travail. Il estime que s'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes de Paris a retenu qu'il ne possédait pas la compétence matérielle pour connaître du litige.
' Sur l'incompétence territoriale, il n'existe aucun lien de rattachement possible avec le conseil de prud'hommes de Paris au regard de l'article R. 1412-1 du code du travail, alors que M. [T] résidait à New-York (Etats Unis d'Amérique) et que 2 Degrees America possède son siège à New York, où il travaillait.
L'Association 2° Investing Initiative Deutschland oppose :
Sur l'incompétence matérielle :
une absence de lien entre l'Association 2° Investing Initiative Deutschland et M. [T] : dans ses conclusions devant la cour l'appelant ne s'explique pas sur la relation de travail avec 2II Deutschland et ne fait aucune demande spécifique à l'encontre de l'association à Berlin.
Une indépendance des associations et accord de réseau : les associations intimées qui fonctionnent toutes à but non-lucratif ne forment pas un groupe ; chaque association a sa personnalité juridique et ses responsabilités juridiques et fiscales et financières distinctes. En ce qui concerne 2II Deutschland, elle n'est pas partie au contrat de prestation de service signé entre M. [T] et 2II France.
- Sur l'incompétence territoriale :
l'association 2II Deutschland a son siège en Allemagne, elle est régie par le § 26 du code civil allemand (BGB) et de ce fait est une association à but strictement non-lucratif ; un contrat de consultant a existé entre l'appelant et 2II Deutschland le 5 septembre 2019 pour une période déterminée allant du 1er septembre au 31 décembre 2019, sans avoir été reconduit ; dans le cadre de ce contrat M. [T] n'a signé aucune activité auprès de l'association allemande, par conséquent aucune facture n'a été émise par lui dans ce cadre ; le contrat était régi par la loi allemande, cela n'est pas contesté par l'appelant ; par ailleurs, notamment en raison de la totale indépendance juridique et de l'autonomie économique des structures, l'association se gère elle-même et contrôle ses effectifs en Allemagne seule. M. [T] n'a jamais signé aucun contrat de travail avec 2II Deutschland. Elle conclut que le jugement dont appel relève très justement que l'accord de réseau n'est pas un contrat de travail, qu'en absence de tout contrat de travail entre Monsieur [T] et l'association 2II Deutschland il doit être constaté que M. [T] vit et travaille aux Etats Unis d'Amérique depuis de longues années. Et qu'en l'absence de lien de travail, de contrat signé entre l'association allemande avec siège à Berlin et l'appelant, qui vit et travaille à New York, le conseil de prud'hommes de Paris est territorialement incompétent.
Sur ce,
L'article L.1411-1 alinéa premier du code du travail prévoit que :
"Le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient."
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les sociétés intimées invoquent la présomption de non-salariat visée par l'article L. 8221-6 du code du travail.
A la différence d'un précédent contrat de prestation de conseil du 25 août 2014 avec l'association 2DII, qui s'est exécuté courant 2014 et 2015, qui mentionnait une société Beyond Financial, et qui a précédé la signature par M. [T] de son contrat de travail, le contrat de prestation de service concernant la période de 2018 à 2020 visait une exercice à titre d'indépendant à New-York.
Si M. [T] est parti vivre et travailler aux Etas-Unis et qu'il n'est pas contesté que sa situation était conforme aux règles locales, qu'il a émis des factures en lien avec ses prestations accomplies pour 2DII, il n'est pas démontré, comme l'avait d'ailleurs relevé l'audit juridique mandaté par l'association, que M. [T] ait inscrit son activité en qualité de "travailleur indépendant" correspondant à la période litigieuse à un registre commercial ou social aux Etats-Unis, ni en Allemagne ni en France.
Il s'ensuit que les conditions d'application de la présomption de non-salariat prévues par l'article L. 8221-6 ne sont pas caractérisées.
M. [T] est membre-fondateur de l'association D2II, fondée en octobre 2012 ; l'article 5 des statuts prévoyait qu'en cette qualité il siégeait de droit à son conseil d'administration.
L'association indique que M. [T] a travaillé :
- Du 4 mars 2013 au 31 août 2014 pour l'association en contrat à durée déterminée en qualité de " directeur général " ;
- Du 1er septembre 2014 au 1er septembre 2015 un contrat de prestation de conseil prévoyait une facturation de l'association sur la base d'un taux journalier de 625 euros ;
- Du 2 mars 2015 au 31 juillet 2018 M. [T] a travaillé pour l'association en contrat à durée indéterminée en qualité de " directeur exécutif - Monde ".
Le litige porte sur le "contrat de prestation de service" à tire d'indépendant à New-York qui s'est exécuté courant 2018 à 2020.
L'association produit et se réfère dans ses écritures à ce contrat, signé, qu'elle produit uniquement en langue anglaise et qui porte la date du 30 mars 2018, dénommé "Independent contractor contract".
M. [T] produit une version en langue française du document daté du 30 mars 2018. ("Contrat de contactant indépendant").
Le contrat prévoit que M. [T] "exercera les fonctions de "chef de l'exécution" [" Chief Executing Officer" dans la version en langue anglaise, pouvant correspondre à "Directeur exécutif" ] du 2° réseau d'initiatives d'investissement (composé des différents affiliés), qui est le poste de direction le plus élevé du réseau".
Si cette rupture conventionnelle a été signée le 22 juin 2018 et homologuée, et que le délai d'homologation a expiré le 1er août 2018, il est aussi observé que le nouveau contrat du 30 mars 2018 est antérieur à cette rupture conventionnelle du contrat de travail.
Par ailleurs, une clause de retour était prévue à l'article 2 de l'avenant à la convention de rupture conventionnelle signé le 22 juin 2018 en ce termes : " Si l'expatriation de M [E] [T] venait à prendre fin, par exemple pour des raisons professionnelles, administratives, ou personnelles, l'Association s'engage à réembaucher M [E] [T] au poste équivalent à celui qu'il occupait au moment de la rupture conventionnelle (') "
Le contrat de prestation de service signé entre les parties prévoyait notamment que "le contractant accepte une rémunération basée sur les tarifs et conditions précisées en Annexe 2" (article 4.1), soit "sur la base d'un tarif journalier de 1 150 euros, pour une journée de travail moyenne de 8 heures", et ceci "sur la base de 217 jours de travail par an", représentant un "coût estimé" de "118 000 euros".
Il ressort de cette succession de contrats, non seulement la "singularité" de la situation de M. [T] vis-à-vis de l'association, telle que cette dernière la qualifie dans ses écritures, mais aussi et surtout une relation de travail continue de fin 2012 jusqu'à la fin de l'année 2020.
Il apparaît également que M. [T] a consacré son temps de travail professionnel à l'association en particulier durant la période en litige.
En juin 2019 le cabinet INCE & CO, mandaté par l'association, observait que les éléments relatifs au temps de travail "sont très semblables au régime français de temps de travail en forfait jours auquel sont soumis un certain nombre de cadres. Un rapprochement avec le salariat est donc prégnant " ; il observait aussi que la rémunération prévue "est très comparable à celle que [M. [T]] recevait dans le cadre des fonctions salariées" ; il concluait plus généralement en "alert[ant] sur le risque élevé de requalification du contrat de prestation de service de M. [T] en contrat de travail".
L'article 1.4 du contrat de prestation de service régularisé entre les parties stipulait que " la relation de contractant avec le cleint sera celle d'un contractant indépendant, basé dans l'Etat de New York", tout en ajoutant que "le Client a le droit de contrôler ou de donner des directives concernant le résultat du travail, mais pas sur ce qui sera fait" et l'article 1.2 que "le contractant rend compte exclusivement au conseil d'administration du client".
L'article 2.4 prévoyait aussi que "le contractant [M. [T]] se conformera à toutes les demandes et instructions du client concernant les Services fournis" et l'article 2.3 que'il " tiendra le client informé de l'état d'avancement des prestations fournies".
L'audit juridique mandaté par l'association observait que M. [T] devant se conformer aux demandes et directives de 2° II France, devant tenir 2° II France informée du progrès des services rendus et que l'association pouvant rompre le contrat en cas de manquement de M. [T] à ses obligations, en sorte que les conditions classiques du lien de subordination salarie' lui semblaient être ici remplies.
Les missions de M. [T] comprenaient, notamment celles de :
- "Construire un plan annuel en coordination avec les directeurs et les équipes locales.
- Ajuster les budgets globaux et locaux sur une base continue
(...)
- Superviser l'élaboration des propositions de levée de fonds
- Représenter le Réseau dans les événements internationaux, les consultations et les médias
- Déléguer le pouvoir aux directeurs locaux et aux autres cadres supérieurs sur les points énumérés ci-dessus, le cas échéant
- Animer des réunions de direction
- Agir en tant que directeur exécutif pour les affiliés nouvellement créés
(...)
- Déléguer le pouvoir à d'autres responsables du réseau ou d'autres cadres supérieurs sur les points énumérés ci-dessus, le cas échéant et avec l'autorisation des conseils ".
Si M. [T] admet qu'il disposait d'une autonomie dans l'organisation de son travail, il est aussi constant qu'il devait compléter périodiquement une feuille de temps ("timesheet") , ce qui fait ressortir le contrôle de son temps de travail, nonobstant par ailleurs le souci de justification par l'association du temps consacré à ses travaux par ses participants vis-à-vis de ses financeurs extérieurs.
Au surplus, l'appelant fait justement observer que la grande indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps est en phase avec la qualité de cadre dirigeant.
Si M. [T] a émis le souhait en mars 2018 de voir "sa situation contractuelle évoluer", qu'il a fait part de plusieurs "scénario" alternatifs et a participé aux échanges avec des conseils consultés dans ce cadre, il demeure que la responsable administrative et financière de l'association a participé aux échanges avec ces conseils avec lesquels elle a été en contact directement, y compris en relayant les questions de M. [T], avant de se référer à "la solution que nous avons choisie", et que selon la déclaration de l'association aux autorités européennes du 8 juillet 2020 "dans le contexte de l'expatriation de M. [T], le Conseil d'Administration a décidé de mettre fin à son contrat de travail et de passer à un contrat de prestation de conseil. (...) ".
Au demeurant, comme le relève l'appelant, M. [T] n'est pas responsable de la conformité légale des décisions de l'association, ni juriste, et son interprétation juridique passée du lien de subordination peut être remise en cause, étant rappelé à nouveau que l'existence d'une relation de travail ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
M. [T] avait d'ailleurs émis des commentaires variables, soulignant certes en août 2019 sa très large autonomie fonctionnelle mais aussi, par exemple dans un courriel en septembre 2019 que " (...) si l'analyse conclut que mon contrat doit être requalifié, il me paraît judicieux de régulariser la situation avec l'URSAFF proactivement (...)".
Il est avéré en effet que plusieurs consultations juridiques mandatées par l'association elle-même ont souligné les difficultés juridiques soulevées par les conditions d'exécution de l'activité professionnelle de M. [T] et alerté sur le risque de requalification de celle-ci en contrat de travail, ce que ne font que corroborer par ailleurs le rapport d'expert et le rapport d'enquête mandatés par M. [T].
Il ressort en outre des pièces versées aux débats que M. [T] a conduit les appréciations annuelles de sa collaboratrice, Madame [K], salariée de l'association.
Par ailleurs, le rapport annuel 2020 de l'association ne liste pas M. [T] comme administrateur et ne comptabilise pas sa rémunération dans les rémunérations versées aux " dirigeants ".
Ce rapport mentionne aussi que le conseil d'administration s'est réuni 14 fois en 2020 et non seulement 3 fois.
M. [T] rendait compte de son activité lors des conseils d'administration, lequel l'a finalement révoqué.
Alors que le contrat qualifié par les parties de prestation de services avait été tacitement renouvelé en 2019 et 2020, l'association rappelle que par courrier du 31 août 2020 elle a mis un terme aux négociations du nouveau contrat. Les parties, qui ont successivement indiqué à leur cocontractant le résilier, s'opposent sur les raisons et l'imputabilité de la fin de leur collaboration.
Selon procès-verbal du 22 janvier 2021, le conseil d'administration de l'association 2° Investing Initiative a décidé de l'exclusion et de la radiation pour "motif grave" de M. [T] de sa qualité de membre de l'association et membre dudit conseil d'administration.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que ne suffisent pas à contredire les attestations de l'ancien directeur de l'association en 2016-2018, soit au demeurant comme le relève l'appelant au cours d'une période précédant celle en litige, ni de membres du conseil d'administration, qui ne sauraient utilement arguer du caractère "formel" des réunions du conseil d'administration, l'existence d'une relation de travail marquée par un lien de subordination, caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, est établie.
Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] et de renvoyer la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuivre l'instance.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent, au profit du tribunal judiciaire de Paris, pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative et sur les dépens. Il y a lieu de retenir que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de ladite association française.
Chacune des trois entités parties au litige a sa personnalité juridique, avec des responsabilités juridiques et fiscales et financières distinctes.
Elles sont régies par les législations des différents pays où elles sont implantées.
Ni la société 2 Degrees America ni l'association 2II Deutschland ne sont parties au contrat de "prestation de service" qui a été régularisé entre M. [T] d'une part et l'association française 2° Investing Initiative, domiciliée à Paris, d'autre part.
Elles ne peuvent intervenir ni dans la conclusion ni dans l'exercice des contrats, même requalifiés, de l'association française.
Un "accord de réseau" a été signé entre l'association française 2° II, 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc en date du 5 novembre 2016.
L'accord prévoit notamment que les organisations affiliées à but non lucratif partagent un objectif commun, un programme de travail, un budget et une gouvernance des principes et qu'il a pour objet de favoriser l'alignement du secteur financier sur les objectifs climatiques et environnementaux ainsi que plus largement sur les besoins de financement à long terme de l'économie. Un budget international est supervisé par l'affilié avec lequel le directeur mondial a une relation contractuelle. Le conseil d'administration de chaque affilié peut nommer un représentant qui rejoint le "comité de pilotage" . Le plan annuel doit être ratifié par chaque conseil local des affiliés ou assemblée générale, en fonction de la réglementation et des statuts locaux. Un affilié du réseau peut en sortir. Le directeur mondial "coordonne" le réseau.
Les statuts de l'association 2II Deutschland précisent qu'elle "peut être membre de 2° Investing Initiative, une fédération d'organisations indépendantes (...)".
Il n'est pas établi que le réseau dispose de la personnalité morale.
L'accord de réseau ne contient aucune clause de loi applicable ni attributive de compétence.
Compte tenu de ces éléments, il n'est pas démontré l'appartenance des trois entités à un groupe et l'accord s'analyse en un simple partenariat ou instrument de coopération.
Il n'est pas non plus démontré de lien de subordination entre M. [T] et la société 2 Degrees America ni l'association 2II Deutschland.
En conséquence, il y a lieu de confirmer l'incompétence du conseil de prud'hommes de Paris et l'invitation des parties à mieux se pourvoir s'agissant de la société 2 Degrees America Inc. et de l'association 2° Investing Initiative Deutschland,
Sur l'indemnisation du préjudice pour procédure abusive et sur l'amende civile :
La société 2 Degrees America Inc. soutient que compte tenu de la légèreté des arguments développés par M. [T] pour attraire 2 Degrees America dans la cause et de la multiplication des écritures successives traduisant des changements d'argumentation et de demandes, du foisonnement inutile de documents communiqués qui ont contraint l'Intimée à exposer une défense couteuse, il est justifié de condamner M. [T] à lui verser une amende civile assortie de dommages intérêts à hauteur d'une somme de 10.000 euros pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
L'Association 2° Investing Initiative Deutschland fait aussi valoir que sachant son action en garantie contre 2II Deutschland d'emblée vouée à l'échec, M. [T] a engagé sa responsabilité en raison de l'abus du droit d'ester en justice par application des articles 1240 et 1241 du code civil, ce qui justifie qu'il soit condamné à verser à 2II Deuschtland la somme de 10.000 euros de dommages intérêts par application des articles 1240 et 1241 du code civil.
Sur ce,
Il résulte des motifs précités qu'il a été reconnu une relation de travail marquée par un lien de subordination de M. [T] avec l'association française 2° Investing Initiative et que celle-ci fait partie par ailleurs partie d'un réseau constitué des deux autres associations 2° Investing Initiative Deutschland et 2° America Inc.
S'il a été retenu que le conseil de prud'hommes de Paris n'est compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] qu'à l'encontre de l'association française, il demeure que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive et il convient de débouter la société 2 Degrees America Inc. et l'association 2° Investing Initiative Deutschland de leurs demandes de dommages et intérêts.
De même, il n'est pas justifié de prononcer d'amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera partiellement infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'association l'association 2° Investing Initiative.
La demande formée par M. [T] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à l'encontre de cette dernière association à hauteur de 3.000 euros ; la demande de frais irrépétibles formée par l'association 2 ° Investing Initiative sera rejetée.
M. [T] sera en revanche condamné à verser la somme de 1.500 euros d'une part à la société 2 Degrees America Inc. et d'autre part à l'association 2° Investing Initiative Deutschland.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par l'association 2° Investing Initiative,
CONFIRME l'incompétence du conseil de prud'hommes de Paris et l'invitation des parties à mieux se pourvoir s'agissant de la société 2 Degrees America Inc. et de l'association 2° Investing Initiative Deutschland,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent, au profit du tribunal judiciaire de Paris, pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative et sur les dépens,
Statuant de nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,,
DÉCLARE que le conseil de prud'hommes de Paris est matériellement et territorialement compétent pour statuer sur les demandes de M. [T] à l'encontre de l'association française 2 ° Investing Initiative,
RENVOIE la présente affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de poursuite de l'instance,
REJETTE les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d' amende civile, ainsi que la demande de frais irrépétibles formée par l'association 2 ° Investing Initiative,
CONDAMNE l'association 2 ° Investing Initiative à payer à M. [E] [T] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [E] [T] à payer la même somme de 1.500 euros à la société 2 Degrees America Inc. et à l'association 2° Investing Initiative Deutschland, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l'association 2 ° Investing Initiative aux dépens de première instance et d'appel.
La Greffière Le Président