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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 25 juin 2024, n° 21/02203

CHAMBÉRY

Autre

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux (N)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

Me Pianta & Associes, Me Selas Agis

CA Chambéry n° 21/02203

24 juin 2024

Faits et procédure

Par acte authentique du 19 octobre 2011, M. [U] [H] a acquis un terrain cadastré section A n° [Cadastre 1], lieudit [Localité 11] à [Localité 9].

Suivant document d'arpentage du 22 octobre 2012 à la demande de M. [H], ce terrain a été divisé en trois parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

M. [H] a fait ériger une maison et un garage sur chacun des fonds section A n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5].

Par acte authentique du 6 décembre 2012, M. [H] a vendu à M. [Y] [N] et Mme [E] [T] (ci-après les époux [N]), la section A n°[Cadastre 5] avec ses bâtiments, outre la moitié indivise de la parcelle section A n°[Cadastre 6] à usage de cour commune, moyennant le prix de 637 000 euros.

M. [H] a conservé la pleine propriété de la parcelle A n°[Cadastre 4] et la moitié indivise de la parcelle A n° [Cadastre 6].

En juillet 2013, les époux [N] sont entrés dans les lieux et se sont plaints de divers désordres affectant leur bien immobilier.

En mai 2015, une expertise privée amiable a été réalisée au contradictoire des époux [N] et de M. [H].

Par ordonnance du 30 mai 2016, le président du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, sur saisine des époux [N], a ordonné une expertise judiciaire et commis M. [M] [X] pour y procéder.

L'expert a déposé son rapport définitif en août 2017.

Par acte d'huissier du 1er septembre 2017, les époux [N] ont fait assigner M. [H] devant le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains aux fins, notamment de le faire condamner à leur payer la somme de 98 000 euros.

Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains, devenu le tribunal judiciaire, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action au titre des vices cachés ;

- Débouté les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamné les époux [N] à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné les époux [N] aux dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et de l'expertise judiciaire ;

- Accordé le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à Me Bigre, avocat ;

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, comprenant les demandes plus amples et contraires.

Au visa principalement des motifs suivants :

M. [H] a vendu aux époux [N], après achèvement, l'ouvrage qu'il a fait construire quand bien même n'a-t-il pas lui-même réalisé matériellement tout ou partie des travaux il en est réputé constructeur et est tenu à ce titre des garanties légales décennale et biennale ;

L'ensemble des demandes formées pour tous les désordres au titre de la garantie légale décennale et biennale seront rejetées faute d'apporter la preuve d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'une impropriété à sa destination et à défaut de justification que le fonctionnement des éléments d'équipement est atteint par les désordres soulevés ;

La responsabilité de droit commun pour faute prouvée sera également rejetée en l'absence de caractérisation de la faute du vendeur réputé constructeur ;

Il ne s'est pas écoulé plus de deux ans entre la constatation des vices en janvier 2015 et l'assignation en référé du 26 février 2016, l'action des époux [N] n'est pas prescrite ;

Sans même avoir à déterminer si la clause exonératoire de garantie insérée dans l'acte authentique de vente doit être écartée en raison de la qualité de professionnel de la construction de M. [H], il convient de constater qu'aucun des vices invoqués ne rend le bien acquis impropre à son usage ou diminue notablement celui-ci.

Par déclaration au greffe du 10 novembre 2021, les époux [N] ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action au titre des vices cachés.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 27 juillet 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les époux [N] sollicitent l'infirmation des seuls chefs critiqués de la décision et demandent à la cour de :

Statuant à nouveau,

- Condamner M. [H] à leur payer la somme de 71 884 16 euros TTC, avec intérêts au taux légal, à compter du dépôt du rapport d'expertise et courant jusqu'à complet paiement, correspondant au montant des travaux de reprise des désordres, tels qu'ils ont effectués ;

- Condamner M. [H] à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- Condamner M. [H] à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de référé ;

- Condamner M. [H] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

Et, y ajoutant,

- Condamner M. [H] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au stade de la procédure d'appel ;

- Condamner M. [H] aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Au soutien de leurs prétentions, les époux [N] font valoir notamment que :

Il ressort du rapport d'expertise que les désordres affectent l'ouvrage dans ses éléments constitutifs, ou ses éléments d'équipement, et sont donc bien de nature à affecter sa solidité ;

Pour le cas où il serait admis que les conditions d'application des articles 1792 et suivants du code civil ne seraient pas remplies il conviendrait, en toute hypothèse, de retenir l'application de la garantie des vices cachés dès lors que selon l'expert les désordres évoqués n'étaient sans doute pas apparents au moment de l'achat ;

M. [H] a agi en qualité de constructeur puisqu'il a réalisé en son nom personnel une opération de promotion immobilière, consistant en l'acquisition et la division d'une parcelle de terrain, et en la réalisation de plusieurs immeubles.

Par dernières écritures du 29 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [H] demande à la cour de :

- Confirmer le Jugement rendu le 27 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains en ce qu'il a déboute les époux [N] de l'ensemble de leurs demandes ;

Y ajoutant,

- Condamner les époux [N] à la somme de 4 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, M. [H] fait valoir notamment que :

Il n'est pas constructeur de la villa vendue aux époux [N] et n'a fait aucun travaux nécessaires à l'achèvement de la maison qui a été vendue en l'état aux époux [N], qui ont fait les travaux ;

Les désordres dénoncés par les époux [N] n'atteignant ni la solidité de l'ouvrage, ni le rendant impropre à l'ouvrage, la garantie décennale ne pouvait être mobilisée ;

Les conditions légales de la garantie des vices cachés ne sont pas démontrées.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 12 février 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 19 mars 2024.

MOTIFS ET DECISION

I- Sur la qualité de constructeur de M. [H]

L'article 1792-1 du code civil dispose 'Est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire;

3° toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.'

L'article 1792-6 alinéa 1 du code civil dispose 'la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.'

Cet article n'exclut pas la possibilité d'une réception tacite, qui se présume lorsque deux éléments sont réunis : la prise de possession par le maître d'ouvrage sans protestations, caractérisant la volonté non-équivoque d'accepter les travaux et le paiement intégral de l'entreprise (3e Civ. 30 janvier 2019, pourvoi n°18-01.197, 3e Civ. 18 avril 2019, pourvoi n°18-13.734, 3e Civ. 1er avril 2021, pourvoi n°19-25.563).

C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu :

- que l'article 1792-2 du code civil, qui étend la garantie décennale aux éléments d'équipements faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert, permet de retenir que la livraison d'un bien immobilier, relié aux VRD, clos et couvert, constitue une ouvrage achevé au sens de l'article 1792-1 2° ;

- que le compromis de vente du 6 septembre 2012 signé entre les parties portait sur un bien décrit comme 'une maison à usage d'habitation, livrée achevée au sens de la règlementation d'urbanisme, close et couverte, extérieur fini selon aménagements ci-après désignés mais aménagements intérieurs à terminer à charge de l'acquéreur',

- que ce compromis détaillait 'la maison sera en ossature bois livrée avec dossier technique certifié MITEK basse consommation, sur vide sanitaire isolé, finie extérieurement en enduit couleur grès, tuile H10 couleur gris ardoise, centrale photovoltaïque 3kw posée, murs extérieurs avec 150 mm isolation polystyrène graphité, intérieur 100mm laine de roche enfermée sous bâche pare-vapeur, menuiserie blanche triple vitrage avec encadrement couleur gris foncé et volets roulants aluminium blanc, porte extérieure en 2 volets, un fixe vitré 40cm et une partie ouvrante de 100 cm grise avec insertions métalliques en façade, blindée avec serrure de haute sécurité, gardes corps du balcon extérieur posés, la propriété sera raccordée en eau, égoût et électricité. Le garage sera fini extérieurement, le réseau électrique sera posé ainsi que les portes télécommandées. L'allée sera finie selon plan de masse en gravier brut prêt pour matières, mais sans bordures ni aménagements', de sorte que les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature et de clos et couvert étaient bien achevés ;

- que l'acte authentique de vente du 6 décembre 2012 stipulait également qu'était vendue 'une maison à usage d'habitation close et couverte, les aménagements intérieurs restant à terminer par l'acquéreur à ses frais et sous sa seule responsabilité', et que, si l'acte mentionnait que 'l'acquéreur s'engageait à réaliser les travaux nécessaires à l'obtention de la déclaration d'achèvement des travaux ainsi qu'au certificat de conformité', le bien vendu était utilisable dès cette date et propre à remplir sa fonction caractérisant par là son achèvement (3e Civ. 19 janvier 2017, pourvoi n°15-27.068) ;

- qu'il n'est pas nécessaire que le vendeur ait lui-même et personnellement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise dont il est gérant, réalisé des travaux de construction et ait fait construire pour son compte personnel ou dans l'intention de vendre (3e Civ. 12 mars 1997, pourvoi n°95-12.727), et que la présomption de responsabilité s'applique également au maître d'ouvrage qui a conclu des contrats de louage d'ouvrage, comme en l'espèce, pour faire construire un ouvrage qu'il a ensuite vendu ;

- qu'enfin, la mise en cause des locateurs d'ouvrage par le maître d'ouvrage, nouvel acquéreur, n'est pas une condition nécessaire à la mise en oeuvre de l'article 1792-1 2° du code civil contre le maître d'ouvrage vendeur, ce dernier gardant la possibilité d'appeler ou non en garantie les entreprises ayant participé à l'oeuvre de construction.

La réception est l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter les travaux réalisés par les entreprises, elle a lieu contradictoirement entre ces parties. M. [H] conteste qu'une réception soit intervenue, néanmoins, il doit être retenu qu'il a vendu le bien le 6 décembre 2012, en état de clos et couvert, qu'aucune mention concernant des litiges avec les locateurs d'ouvrage n'a été inscrite dans l'acte authentique, et que le vendeur ne conteste pas avoir payé les différents devis présentés, de sorte que les lots principaux achevés à la date de la vente, ont fait l'objet d'une réception tacite, qui peut être fixée au 6 décembre 2012.

M. [U] [H] disposant bien de la qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1 2° du code civil peut être tenu de garantir les désordres de nature décennale, si leur existence est démontrée, ou les désordres dit intermédiaires, qui présentent une certaine gravité et relèvent d'une faute du constructeur.

II- Sur la mise en oeuvre de la garantie décennale due par le constructeur

L'article 1792 du code civil dispose 'Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'

M.et Mme [N] poursuivent l'indemnisation de trois types de désordres portant sur les balcons, la façade, et sur les encadrements de fenêtres. Les demandes qui portaient sur les chenaux, les volets roulants et le garage sont abandonnées.

L'expert judiciaire désigné, M. [X], a relevé dans son rapport d'août 2017, concernant ces trois points :

- 'encadrement des fenêtres : apparitions de tâches de rouille et moisissures sour la peinture des encadrements métalliques des fenêtres : nettoyage avec application anti-rouille et peinture' ;

- 'balcon nord et sud : infiltrations d'eau aux joints du carrelage : le carrelage est à refaire après mise en oeuvre d'une étanchéité, dégradations de peinture des poutres support, décollement de l'encadrement porte d'entrée, coulure sur garde-corps à partir de la couverture du garde-corps pour le balcon nord' ;

- 'côté ouest : décollement du crépi base façade ouest dû au mauvais drainage des murs enterrés. (...) Le crépi de cette façade est à refaire ainsi que la disposition de la partie enterrée : étanchéité et delta MS.'

Il en conclut que 'les désordres évoqués ci-dessus n'affectent pas la solidité de l'ouvrage, ils n'étaient sans doute pas apparents au moment de l'achat (bien qu'il n'y ait pas eu de réception). Ils proviennent d'erreurs de conception ou d'exécution.'

Il est exact, ainsi que le souligne M. [H], que l'expertise de M. [X] ne comporte aucune analyse technique sur la cause des désordres, et que la qualification d'erreurs de conception ou d'exécution ne repose sur aucune discussion et aucune référence à des règles de construction, pour autant, il doit être observé :

- que les écrits de M. [H], courriels ou courriers, ne démontrent pas une quelconque difficulté de maîtrise du français ;

- que malgré sa naïveté, invoquée par M. [H], de ce que 'ses explications seraient de nature à convaincre l'expert de sa bonne foi', il avait la possibilité, en cas d'absence pour les opérations d'expertise, de s'y faire représenter par un conseil ;

- qu'en l'espèce, une seconde réunion sur les lieux s'est tenue, en présence de l'intimé, le 13 janvier 2017, et l'expert a en partie répondu sur les dires des parties et les a annexés de sorte qu'un défaut de contradictoire ne peut être retenu ;

- qu'un défaut d'impartialité de l'expert ne peut être pris en compte sur le seul motif que le coût des travaux de réfection paraîtrait exhorbitant à M. [H], alors qu'en outre, rien ne permet d'affirmer que les devis fournis étaient de complaisance ;

- qu'enfin, le temps ayant passé, les parties fournissent des avis techniques, constatations d'huissier de justice et des factures, qui peuvent compléter les constatations réalisées par l'expert judiciaire.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter l'expertise de M. [X] pour partialité, d'autant que ses constatations sont corroborées par de nombreux autres éléments, constats d'huissier de justice et avis techniques d'autres professionnels de la construction.

* s'agissant des balcons

Il résulte des constatations faites par Mme [K] [R], clerc habilité de l'étude d'huissiers de justice Malgrand-Delpy du 18 février 2021 que 'je constate la présence de coulures de couleur noire en quantité importante sur la face avant du balcon. Le linteau situé sous la face avant du balcon présente des marques de rouille, ainsi que des tâches de couleur noire et blanche. La peinture est écaillée, notamment sur les arrêtes du linteau. Le long du poteau situé à droite de l'entrée présente d'importantes coulures de couleur jaunâtre, et plus particulièrement en son sommet. Le pied du poteau est intégré à un petit muret. Le chaperon du muret est recouvert par de l'eau, autour du pied du poteau. (..) J'observe la sous-face du balcon, un lame présente un trou. Mme [N] me précise que celui-ci a été fait par un artisan aux fins de sonder l'étanchéité du balcon. Des gouttes d'eau s'écoulent depuis ce trou. Sous ce dernier, une importante flaque d'eau est visible au sol.' ces constatations étaient similaires à celles du balcon sud.

Un avis technique non contradictoire a été réalisé le 9 avril 2022 par M. [B], à la demande des consorts [N]. Celui-ci a repris le rapport de son confrère, M. [X], et a fourni une analyse technique concernant les balcons nord et sud. Il en résulte que les désordres portaient atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendaient impropre à sa destination 'les problèmes sus-décrits résultaient d'un défaut d'étanchéité du sol du balcon considéré. En effet, un revêtement de sol carrelé n'est pas un revêtement étanche. Il convenait de réaliser, sous le revêtement carrelé, une étanchéité', ce qui a eu les effets suivants : 'les bois des poteaux et poutres de la structure porteuse du balcon nord, tels qu'encoffrés par des parements en OSB, étaient totalement attaqués par la pourriture. En leur état, les bois de la structure (..) Faisaient courir un risque sécuritaire majeur d'effondrement. (...) En l'état des défauts d'étanchéité qui l'affectaient, le balcon nord de la maison de M.et Mme [N] n'assurait plus la protection à l'eau des résidents, au niveau du porche d'entrée de ladite maison.'

Cet expert amiable, M. [Z] [B], également inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel, a considéré qu'il y avait lieu de procéder à la réfection intégrale du balcon.

Cet avis est parfaitement corroboré par le constat d'huissier précité qui a retenu que le sol du balcon nord, carrelé, portait des traces verdâtres et que de l'humidité stagnait sur le balcon. Les photographies font apparaître, de façon assez visible, même pour un non-professionnel, que l'étanchéité du balcon n'a pas été réalisée et que celui-ci se dégrade de façon accélérée, tant en dessus qu'en sous-face.

Les constatations de M. [P], architecte DPLG, réalisées à la demande de M. [H] et sans constat visuel, dans son rapport du 22 décembre 2012, ne peuvent être prises en compte, en ce qu'il affirme qu'une 'étanchéité multicouche a été posée sur les panneaux formant le plancher des balcons, avec des relevés règlementaires recouverts par la suite par les panneaux bois formant la vêture des façades (selon infos de M. [U] [H]). L'étanchéité a été protégée par un carrelage collé sur l'étanchéité.'

Le jugement sera réformé sur ce point, les désordres touchant les balcons sont bien de nature décennale, et doivent ouvrir droit à réparation pour les maîtres d'ouvrage. M.et Mme [N] peuvent ainsi prétendre à remboursement de la facture de la société Fillon Ferronnerie d'art du 11 août 2021 (création d'un cadre en profil porteur rectangulaire) : 5 786 euros TTC et d'une partie de la facture Verclair du 23 novembre 2021 (rhabillage de la dalle du balcon et garde-corps) à hauteur de 7 531,37 euros TTC. Il doit être ajouté à ces deux sommes les frais de dépose et de fourniture et pose de tranche de dalle alu prélaqué figurant sur la facture Baratay déco, pour un total de 1 428,50 euros TTC.

* s'agissant des dégradations de l'enduit de façade

Il résulte des constatations faites par Mme [K] [R], clerc habilité de l'étude d'huissiers de justice Malgrand-Delpy du 18 février 2021 qu'à l'ouest 'le crépi appliqué sur la façade est gondolé et présente des cloques sur la partie du mur située entre les ouvertures vitrées du rez-de-chaussée et celle du premier étage. En partie inférieure, le crépi s'est écaillé de manière conséquente. Certaines zones du mur bétonné sont brutes.'

L'avis technique non contradictoire réalisé le 9 avril 2022 par M. [B], à la demande des consorts [N], contredit également sur ce point le rapport de son confrère, M. [X], et M. [B] a fourni une analyse technique concernant cet enduit de façade, retenant comme cause un 'défaut d'exécution de l'ITE (isolation par l'extérieur) relativement à l'absence de disjonction entre la base du complexe de façade et sol fini extérieur, d'où des effets indûs de remontées d'humidité dans le complexe de façade. (...) Le complexe de façade aurait dû être arrêté à 15 cm au-dessus du sol fini extérieur, avec appui sur un rail de départ ventilé. Ce n'a pas été réalisé ainsi.', les désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage puisque 'le complexe de façade est destiné à protéger la structure en bois (ossature bois) des agents atmosphériques extérieurs. En l'espèce, la façade ouest n'était plus en mesure d'assurer cette protection structurelle du fait de l'importance des surfaces d'enduits décollés et/ou enlevés. D'où une atteinte immédiate et à terme de la solidité de l'ouvrage (par effet d'altération évolutive de la structure en bois de la maison).'

Les travaux de réfection sont décrits par M. [B] 'réfection générale des enduits de façade de la maison considérée, en ce compris : la fourniture et pose d'une couche d'isolation complémentaire, à effet de préparation de support, avant application du nouvel enduit de façade, ainsi que la réalisation d'un trottoir périphérique en béton, pour isoler la base de l'ossature bois porteuse de la maison du sol extérieur.'

Le rapport de M. [P] de 2017 produit par M. [H] ne comporte sur ce sujet que des hypothèses, se contentant de rappeler qu'il n'avait pu obtenir le descriptif technique lié à la vente, et qu'un drainage est nécessaire, notamment un 'drainage vertical, type delta MS, qui doit dépasser le niveau du sol fini extérieur de 10 cm au moins et être couronné par une bande de serrage étanchée', faisant le reproche à l'expert judiciaire M. [X] de ne pas avoir vérifié la présence de ce drainage par des sondages ponctuels.

Il est à relever sur ce point que M. [P] est en accord avec M. [B] sur la question de l'origine des désordres touchant l'enduit de façade ouest, dégradé et décollé en pied de mur, et qui relèvent de l'absence de mise en oeuvre d'un dispositif de drainage.

Il convient de faire droit à la demande d'indemnisation de M.et Mme [N] à hauteur de la facture de septembre 2021 de la société Salève, qui a réalisé un puits perdu pour le drainage des eaux pluviales, (réalisation jugée nécessaire par l'expert judiciaire [X]) pour un total de 5 812,59 euros, ainsi qu'à hauteur de 29 879,60 euros HT, soit 32 867,56 euros TTC pour la facture du 30 avril 2021 de la société Baratay déco (en excluant les travaux qui ne sont pas en rapport avec la reprise des désordres, tels que la modification de lampe et sonnette, sonde de chauffage, interrupteur à clef de piscine, et les travaux déjà exclus comme le remplacement d'une porte-fenêtre et d'un volet roulant). La mise en place d'un trottoir périphérique, qui n'est retenue que par l'avis technique de M. [B], non contradictoire, sera rejetée, n'apparaissant pas nécessaire au vu des autres travaux mis en oeuvre.

* s'agissant des encadrement de fenêtres

M. [B] a retenu sur ce point que les désordres des encadrements des fenêtres -tâches de rouille résultant de l'oxydation des baguettes métalliques assurant la protection des angles périphériques, tâches et auréoles blanchâtres au droit des parements enduits, et tâches de micromoisissures en sous-face des encadrements de fenêtres, en partie horizontales, ne portaient pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendaient pas impropre à sa destination.

La responsabilité de M. [H] est également recherchée sur ce point au titre des désordres intermédiaires, ne compromettant la solidité de l'ouvrage ou n'entraînant pas l'impropriété à sa destination nécessitant qu'une faute en lien avec le dommage soit démontrée. Ces dommages ne peuvent être appliqués qu'aux éléments d'équipement indissociables de l'ouvrage, dans la mesure où les éléments d'équipement dissociables relèvent quant à eux de la garantie biennale.

Les encadrements des fenêtres peuvent bien être qualifiés d'éléments d'équipements indissociables, et relèvent des désordres intermédiaires si une faute de M. [U] [H] peut être prouvée.

Or, l'en l'espèce, le dommage provient soit de l'emploi d'un matériau inadapté, selon le rapport de M. [P] 'les cornières métalliques, type acier galvanisées utilisées s'apparentent à des profilés mis en oeuvre à l'intérieur avec les cloisons et doublages en placo ou carreaux de plâtre. Les cornières auraient dû être en acier inox', soit à une 'absence de traitement d'étanchéité des parements correspondants (saillants par rapport au nu des façades courantes)' selon M. [B], mais en tout état de cause, d'une faute contractuelle de l'entreprise ayant réalisé ses parements, et non une faute imputable à M. [H].

III- Sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.', l'article 1643 suivant énonçant une exception 'Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.'

La recevabilité de l'action de M.et Mme [N] sur le fondement de la garantie des vices cachés n'est pas contestée, mais M. [H] oppose l'existence d'une clause d'exclusion de garantie.

L'expert judiciaire désigné, M. [X], a relevé sur ces points en août 2017 'apparition de tâches de rouille et moisissures sous la peinture des encadrements métalliques des fenêtres : nettoyage avec application anti-rouille et peinture', ainsi que 'les désordres n'étaient sans doute pas apparents au moment de l'achat (bien qu'il n'y ait pas eu de réception). Ils proviennent d'erreurs de conception ou d'exécution.'

L'acte authentique du 6 décembre 2012 stipule une clause particulière en page 9 excluant la garantie des vices cachés du vendeur sauf 's'il a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction ou s'il s'est comporté comme tel sans en avoir les compétences professionnelles ou encore s'il est prouvé qu'il n'a pas révélé des vices connus de lui.'

L'application de cette clause d'exclusion de la garantie du vendeur peut donc être écartée, s'il est démontré que M. [H] est un professionnel de la construction qui ne pouvait ignorer les vices du bien vendu. Il appartient aux appelants de rapporter la preuve que leur vendeur disposait bien de qualifications lui permettant de déceler les difficultés survenues sur les encadrements de fenêtre.

Les actes de vente attribuent à M. [U] [H] le métier d'ingénieur, celui-ci ayant précisé dans ses conclusions être ingénieur en physique. Il admet dans ses écritures avoir des liens avec l'entreprise Netron, spécialisée dans le photovoltaïque et l'isolation extérieure, dont il ne serait devenu gérant qu'en 2012, soit après la vente du bien immobilier. L'extrait du BODACC versé aux débats fait état de la modification de la dénomination sociale en Maison Sunnyswiss le 5 juin 2012, et également du fait que M. [U] [H] était gérant à compter de cette date, sans qu'il soit possible de déterminer à quelle date il a été nommé dans cette fonction, la société existant depuis le 14 mai 2009 et ayant fait l'objet d'un transfert de son siège social le 1er janvier 2012. Dans un courrier du 12 juillet 2016 adressé à M. [X], expert judiciaire, il admet 'je suis une personne physique ayant un terrain à [Localité 9] et ayant ensuite financé la construction de ma maison et d'une 2ème pour la vente du surplus, maison construite par 6 sociétés différentes dont une seule était sous ma gérance.'

Enfin, l'extrait Kbis de la société Maison Soleil, qui utilise le nom commercial Maison Sunnyswiss datant de 2018 énonce que M. [H] est le gérant de cette société qui a pour objet social 'toutes activités du bâtiment, construction, rénovation équipement du bâtiment construction en ossature bois importation, conception, commercialisation systèmes de production d'énergie, portes fenêtres isolation systèmes de chauffage domotique matériaux de construction'. Outre le fait que l'objet social de la société Netron est bien plus large dans le domaine de la construction que celui admis par M. [H], il y a lieu de relever qu'il a fourni, tout au long de l'expertise judiciaire, des écrits détaillés et prolifiques dénotant une connaissance certaine des termes employés dans le domaine de la construction : 'le drainage se fait seulement pour un terrain en pente (logique de la physique des fluides). (...) Les 2 maisons ont trois couches de haute performance d'étanchéité à l'eau et thermique dans les nouveaux normes BBC pour l'ossature bois (...)'.

Il résulte de ces éléments que M. [H] était bien un professionnel du bâtiment et que la clause d'exclusion de garantie des vices cachés doit être écartée. Les travaux de réparation des encadrements de fenêtres doivent donc être pris en charge par M. [H] à hauteur de 8 525 euros TCC, ainsi que cela ressort de la facture de l'entreprise Baratay déco.

IV- Sur la demande de dommages et intérêts

M.et Mme [N] ont subi un trouble de jouissance principalement esthétique concernant les désordres des fenêtres et de la façade, leur maison achetée neuve ayant présenté assez rapidement des dégradations d'enduit et d'encadrement des fenêtres, ainsi qu'un trouble de jouissance direct des deux balcons agrémentant leur bien. En effet, il ne peut qu'être retenu que le décollement des carrelages et la persistance d'eau stagnante sur le sol du balcon rendait son utilisation impossible.

Une somme de 2 000 euros sera accordée au regard d'un préjudice global évalué à 250 euros par an.

V- Sur les demandes accessoires

Succombant au fond, M. [H] supportera les dépens de l'instance d'appel, de référé, ainsi qu'une indemnité procédurale de 3 000 euros, en cause d'appel et première instance confondues, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes les dispositions frappées d'appel,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [U] [H] à payer à M. [Y] [N] et Mme [E] [T] épouse [N] la somme de 61 951,02 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du mois d'août 2017, dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. [X],

Condamne M. [U] [H] à payer à M. [Y] [N] et Mme [E] [T] épouse [N] la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts,

Condamne M. [U] [H] aux dépens de première instance et d'appel, et les frais d'expertise judiciaire,

Condamne M. [U] [H] à payer à M. [Y] [N] et Mme [E] [T] épouse [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les causes d'appel et de première instance confondues.