Décisions
CA Colmar, ch. 3 a, 24 juin 2024, n° 23/01880
COLMAR
Arrêt
Autre
MINUTE N° 24/327
Copie exécutoire à :
- Me Céline RICHARD
- Me Laurence FRICK
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 24 Juin 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01880 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICI6
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 février 2023 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANT :
Monsieur [X] [E]
[Adresse 1]
Représenté par Me Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉS :
Monsieur [B] [K]
[Adresse 3]
Non représenté, assigné par acte de commissaire de justice en date du 22 août 2023 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile
S.A.R.L. SUD ALSACE CONTROLE TECHNIQUE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
S.A.S.U. SWISS AUTO 2 représentée par M. [B] [K], en sa qualité de liquidateur amiable
[Adresse 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
- défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Le 7 novembre 2017, Monsieur [X] [E] a fait l'acquisition auprès de Monsieur [B] [K], Swiss Auto, d'un véhicule automobile de marque Renault Espace, mis en circulation le 15 décembre 2003 au prix de 2 300 €.
Un procès-verbal de contrôle technique dudit véhicule avait été réalisé le 19 septembre 2017 par la société Sud Alsace contrôle technique, signalant deux défauts à corriger (feux antibrouillard et jeu rotules) sans obligation d'une contre-visite.
Le 6 février 2018, Monsieur [X] [E] a fait procéder par le garage des Salines, à [Localité 5], au remplacement des rotules de direction. La facture émise signalait la nécessité de remplacer les disques et plaquettes avant et arrière.
Par courrier du 28 février 2018, Monsieur [X] [E] a sollicité de Monsieur [B] [K] la restitution du prix de vente, le remboursement du coût du remplacement des rotules ainsi que les frais de changement de carte grise.
Il a, dans le cadre d'un contrat d'assurance « protection juridique », fait procéder à une expertise privée du véhicule, l'expert commis relevant dans son rapport du 18 octobre 2018 la présence de corrosion importante sur les disques, qu'aurait dû signaler le centre de contrôle technique, et mettant en avant la responsabilité du
vendeur au titre du remplacement des disques et plaquettes avant/arrière.
Par acte du 3 juillet 2020, Monsieur [X] [E] a fait assigner la société Swiss Auto, Monsieur [B] [K] et la Sarl Sud Alsace contrôle technique devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de, dans le dernier état de la procédure, voir, au visa des articles 1240 et 1641 du code civil :
- prononcer la résolution du contrat de vente,
- lui donner acte de ce qu'il restituera le véhicule,
- déclarer la Sarl Sud Alsace contrôle technique responsable de son préjudice,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K], la société Swiss Auto, représentée par son liquidateur Monsieur [B] [K] si celle-ci devait être propriétaire du véhicule et la Sarl Sud Alsace contrôle technique à lui rembourser :
* 2 300 € correspondant au prix d'achat du véhicule
* 300,66 € correspondant aux frais d'établissement de la carte grise,
* 346 € correspondant aux frais de réparation,
* 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K], la société Swiss Auto représentée par son liquidateur si celle-ci devait être propriétaire du véhicule au moment de la vente et la Sarl Sud Alsace contrôle technique aux dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [K] et la société Swiss Auto, prise en la personne de son liquidateur, ont résisté à la demande aux motifs essentiels que le tribunal ne saurait fonder sa décision sur la seule expertise privée, non contradictoire ; que le véhicule a parcouru 7 000 km depuis son acquisition par Monsieur [X] [E] et que le défaut affectant les rotules de direction était connu de l'acheteur.
Par jugement en date du 24 février 2023, le tribunal judiciaire de Mulhouse a débouté Monsieur [X] [E] de ses demandes formées tant à l'égard de Monsieur [B] [K] et de la société Swiss Auto, que de la Sarl Sud Alsace contrôle technique et a condamné le demandeur aux dépens, déboutant les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- sur la demande au titre des vices cachés contre le vendeur : que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies faute de preuve de la gravité des défauts, de leur caractère antérieur à la vente, de leur caractère décelable ou pas et de leurs conséquences sur l'utilisation du véhicule, lequel avait été mis en circulation en décembre 2003 et affichait lors de la vente 234 176 km au compteur et avait parcouru plus de 7 000 km au 6 février 2018 ; que le juge ne saurait prendre en compte le seul rapport d'expertise non contradictoire qui n'est pas corroboré par un ou plusieurs autres éléments de preuve,
- sur la responsabilité délictuelle de la Sarl Sud Alsace contrôle technique : que les défauts affectant les rotules étaient connus de l'acheteur ; que l'expert amiable n'a pas fait ressortir d'inadéquation entre l'état des rotules et les mentions du procès-verbal de contrôle technique ; que s'agissant de la corrosion des disques, le demandeur n'établit pas leur dangerosité ; que Monsieur [X] [E] a roulé plus de 6 000 km entre le 6 février 2018 et le 4 septembre 2018 ; qu'il n'est pas caractérisé l'existence d'une faute imputable à la défenderesse ni celle d'un préjudice.
Monsieur [X] [E] a interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 6 mai 2023.
Par ordonnance du 12 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Sarl Sud Alsace contrôle technique.
Par écritures uniques notifiées le 5 août 2023, Monsieur [X] [E] conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- prononcer sur le fondement de l'article 1641 du code civil la résolution du contrat de vente conclu avec Monsieur [B] [K] le 7 novembre 2017,
- lui donner acte de ce qu'il restituera le véhicule aux frais de Monsieur [B] [K],
- déclarer la société Sud Alsace contrôle technique responsable du préjudice subi s'agissant des mentions figurant dans le contrôle technique annexé au contrat de vente du véhicule,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K] et la société Sud Alsace contrôle technique à lui rembourser les montants suivants :
* 2 300 € correspondant au prix d'achat du véhicule
* 300,66 € correspondant frais d'établissement de la carte grise,
* 346 € correspondant frais de réparation,
* 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K] et la société Sud Alsace contrôle technique aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la présente procédure outre un montant de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, Monsieur [X] [E] fait valoir :
- sur l'action en garantie des vices cachés à l'encontre du vendeur : que le premier juge disposait, pour statuer utilement, de deux éléments concordants, à savoir le rapport d'expertise ainsi que la facture de la société le Garage des Salines concluant de façon unanime à la détérioration des disques de freins ; que cette forte corrosion ne pouvait correspondre à une usure normale d'un véhicule d'occasion et, affectant l'un des éléments de sécurité du véhicule, rendait celui-ci impropre à sa destination ; que le fait qu'il ait « roulé » le véhicule après la vente n'est pas de nature à permettre d'écarter sa demande de résolution dans la mesure où le caractère dangereux du véhicule en question n'est apparu qu'au jour de l'expertise,
- sur la responsabilité du contrôleur technique : que l'expert a relevé que le contrôleur technique a commis une faute en ne mentionnant pas dans son procès-verbal la corrosion importante touchant un élément de sécurité, à savoir les freins, et qu'il n'aurait pas acquis le véhicule s'il avait connu l'état de dangerosité l'affectant touchant tant à la corrosion des disques avant et arrière que des problèmes de rotules.
Par écritures notifiées le 9 janvier 2024, la Sarl Sud Alsace contrôle technique a conclu à la confirmation de la décision entreprise et a sollicité la condamnation de Monsieur [X] [E] aux dépens de la procédure d'appel et à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien, l'intimée fait valoir que les instructions officielles et réglementaires données aux centres de contrôle technique concernant la manière de contrôler les véhicules relativement au système de freinage, n'exigent pas du contrôleur de mentionner une éventuelle corrosion des disques de freins ; que le rapport d'expertise non contradictoire n'est pas suffisamment précis s'agissant de la localisation de la corrosion sur le disque de frein ; que treize mois et une période d'hiver se sont écoulés entre le contrôle technique et l'expertise alors que les conditions de stationnement du véhicule sont importantes au regard d'une éventuelle corrosion des disques de freins pour leurs parties extérieures, non en contact avec les plaquettes de freins ; qu'il
n'est pas établi que la corrosion des disques existait au moment du contrôle alors que le véhicule a depuis et jusqu'à l'expertise parcouru 13 500 kilomètres ; qu'en tout état de cause, l'expert n'a pas relevé que la présence de corrosion sur les disques de freins présente un élément de dangerosité ; qu'aucun reproche ne lui est adressé par l'expert du chef du changement des rotules de direction et de suspension ; que la faute alléguée non plus que le préjudice ne sont établis.
***
Monsieur [B] [K], à qui, la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées le 22 août 2023 par procès-verbal de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
La société Swiss Auto n'a pas été assignée.
MOTIFS
Sur la demande en garantie des vices cachés
Aux termes des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'ils les avait connus.
L'acquéreur supporte la charge de la preuve et, comme fort justement rappelé par le tribunal, le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur un rapport d'expertise amiable qu'il incombe au demandeur de corroborer par un ou plusieurs autres éléments.
En l'espèce, il y a lieu, avec le premier juge, de constater au vu de la déclaration de cession d'un véhicule en date du 7 novembre 2017 comme de la facture établie à la même date et des pièces régulièrement versées aux débats, que Monsieur [B] [K] a vendu à Monsieur [X] [E], un véhicule Renault Espace de près de quatorze ans d'âge, avec plus de 230 000 kilomètres au compteur, au prix de 2 300 €.
À hauteur d'appel, Monsieur [X] [E] ne retient plus, au titre d'un vice caché, le dysfonctionnement des rotules de direction, dont le premier juge a pu justement estimer qu'il en avait été informé avant la vente.
L'appelant se prévaut du rapport d'expertise amiable, mise en 'uvre par sa compagnie d'assurances, en date du 18 octobre 2018, faisant état de la présence de corrosion importante sur les disques de freins avant et arrière au niveau des faces d'appui des plaquettes de freins et précisant qu'un devis de remise en état avait été réalisé par un garagiste à hauteur de la somme de 878 € toutes taxes comprises.
Monsieur [X] [E] prétend que la mention : « ATTENTION DISQUES ET PLAQUETTES AVANT ET ARRIÈRE À REMPLACER » figurant sur la facture établie le 6 février 2018, émise en paiement du remplacement des deux rotules de direction, viendrait corroborer les constatations de l'expert amiable.
Cependant, force est de constater que le garagiste ne mentionne pas la cause de la nécessité du remplacement des disques de freins ni le délai dans lequel il doit s'exécuter et ne se prononce encore moins sur la dangerosité éventuelle du véhicule.
Force est également de constater que Monsieur [X] [E] n'a jamais spontanément signalé une défaillance quelconque au niveau du système de freinage et qu'il a conduit près de 6 000 km depuis le 6 février 2018, date à laquelle il a été averti d'avoir à remplacer disques et plaquettes et jusqu'au mois de juillet 2018, date des premières constatations de l'expert, et, au total plus de 12 000 km entre la vente et la date de la seconde visite de l'expert en septembre 2018, sans se plaindre d'un éventuel défaut de freinage.
Dans ces conditions, il convient de constater que Monsieur [X] [E] ne rapporte pas la preuve de l'existence au jour de la vente d'un vice caché antérieur à celle-ci rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné de sorte que c'est à bon escient que le premier juge a rejeté sa demande rédhibitoire.
La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.
Sur la demande en dommages intérêts articulée à l'encontre du contrôleur technique
Contrairement à ce que soutient l'appelant, les modalités du contrôle technique étant strictement réglementées, ne permettent pas au contrôleur, qui n'est tenu ni d'une obligation de sécurité de résultat ni d'un devoir de conseil, d'effectuer un véritable diagnostic sur la dangerosité du véhicule, la mission du contrôleur étant circonscrite à la vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points considérés comme prioritaires et limitativement énumérés par l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique,
comportant en son annexe I la liste détaillée des points de contrôle et les éléments devant être relevés par le contrôleur, avec ou sans contre visite.
Il appartient donc à celui qui engage la responsabilité quasi délictuelle du contrôleur technique de rapporter la preuve d'une faute dans l'exécution de sa mission, strictement réglementée, d'un préjudice et d'un lien de causalité et non pas au contrôleur technique de rapporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute.
En l'espèce, Monsieur [X] [E] se prévaut encore une fois d'une part du rapport d'expertise amiable selon lequel le contrôleur technique aurait dû signaler dans son rapport la détérioration importante des disques de freins et, d'autre part, de la mention portée sur la facture du 6 février 2018 signalant la nécessité du remplacement des disques et des plaquettes.
Or, aucun élément du dossier ne permet de caractériser que le contrôle technique réalisé par l'intimée le 19 septembre 2017 ne l'a pas été suivant les normes de vérification alors en vigueur, que l'expert amiable n'énonce au demeurant pas, étant précisé que la preuve n'est pas rapportée de ce que l'état des disques à cette date présentait un état de détérioration ou d'usure tel qu'il nécessitait une mention au procès-verbal de contrôle technique avec ou sans contre-visite, alors encore une fois que le véhicule a roulé 7 000 kilomètres entre le 19 septembre 2017 et le 6 février 2018 et plus de 12 000 km entre le 19 septembre 2017 et le 20 juillet 2018, date de la première visite de l'expert amiable.
Il résulte de ces énonciations que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en dommages intérêts présentée par Monsieur [X] [E].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Partie perdante à hauteur d'appel, Monsieur [X] [E] sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il sera fait droit à la demande formée par la Sarl Sud Alsace contrôle technique au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la limite de la somme de 1 200 €.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
REJETTE la demande de Monsieur [X] [E] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [X] [E] à payer à la Sarl Sud Alsace contrôle technique la somme de 1200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [X] [E] aux dépens d'appel.
Le Greffier La Présidente
Copie exécutoire à :
- Me Céline RICHARD
- Me Laurence FRICK
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 24 Juin 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/01880 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ICI6
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 février 2023 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE
APPELANT :
Monsieur [X] [E]
[Adresse 1]
Représenté par Me Céline RICHARD, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉS :
Monsieur [B] [K]
[Adresse 3]
Non représenté, assigné par acte de commissaire de justice en date du 22 août 2023 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile
S.A.R.L. SUD ALSACE CONTROLE TECHNIQUE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR
S.A.S.U. SWISS AUTO 2 représentée par M. [B] [K], en sa qualité de liquidateur amiable
[Adresse 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme FABREGUETTES, présidente de chambre, et Mme DESHAYES, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
Mme MARTINO, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
- défaut
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Le 7 novembre 2017, Monsieur [X] [E] a fait l'acquisition auprès de Monsieur [B] [K], Swiss Auto, d'un véhicule automobile de marque Renault Espace, mis en circulation le 15 décembre 2003 au prix de 2 300 €.
Un procès-verbal de contrôle technique dudit véhicule avait été réalisé le 19 septembre 2017 par la société Sud Alsace contrôle technique, signalant deux défauts à corriger (feux antibrouillard et jeu rotules) sans obligation d'une contre-visite.
Le 6 février 2018, Monsieur [X] [E] a fait procéder par le garage des Salines, à [Localité 5], au remplacement des rotules de direction. La facture émise signalait la nécessité de remplacer les disques et plaquettes avant et arrière.
Par courrier du 28 février 2018, Monsieur [X] [E] a sollicité de Monsieur [B] [K] la restitution du prix de vente, le remboursement du coût du remplacement des rotules ainsi que les frais de changement de carte grise.
Il a, dans le cadre d'un contrat d'assurance « protection juridique », fait procéder à une expertise privée du véhicule, l'expert commis relevant dans son rapport du 18 octobre 2018 la présence de corrosion importante sur les disques, qu'aurait dû signaler le centre de contrôle technique, et mettant en avant la responsabilité du
vendeur au titre du remplacement des disques et plaquettes avant/arrière.
Par acte du 3 juillet 2020, Monsieur [X] [E] a fait assigner la société Swiss Auto, Monsieur [B] [K] et la Sarl Sud Alsace contrôle technique devant le tribunal judiciaire de Mulhouse, aux fins de, dans le dernier état de la procédure, voir, au visa des articles 1240 et 1641 du code civil :
- prononcer la résolution du contrat de vente,
- lui donner acte de ce qu'il restituera le véhicule,
- déclarer la Sarl Sud Alsace contrôle technique responsable de son préjudice,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K], la société Swiss Auto, représentée par son liquidateur Monsieur [B] [K] si celle-ci devait être propriétaire du véhicule et la Sarl Sud Alsace contrôle technique à lui rembourser :
* 2 300 € correspondant au prix d'achat du véhicule
* 300,66 € correspondant aux frais d'établissement de la carte grise,
* 346 € correspondant aux frais de réparation,
* 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K], la société Swiss Auto représentée par son liquidateur si celle-ci devait être propriétaire du véhicule au moment de la vente et la Sarl Sud Alsace contrôle technique aux dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [B] [K] et la société Swiss Auto, prise en la personne de son liquidateur, ont résisté à la demande aux motifs essentiels que le tribunal ne saurait fonder sa décision sur la seule expertise privée, non contradictoire ; que le véhicule a parcouru 7 000 km depuis son acquisition par Monsieur [X] [E] et que le défaut affectant les rotules de direction était connu de l'acheteur.
Par jugement en date du 24 février 2023, le tribunal judiciaire de Mulhouse a débouté Monsieur [X] [E] de ses demandes formées tant à l'égard de Monsieur [B] [K] et de la société Swiss Auto, que de la Sarl Sud Alsace contrôle technique et a condamné le demandeur aux dépens, déboutant les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu :
- sur la demande au titre des vices cachés contre le vendeur : que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies faute de preuve de la gravité des défauts, de leur caractère antérieur à la vente, de leur caractère décelable ou pas et de leurs conséquences sur l'utilisation du véhicule, lequel avait été mis en circulation en décembre 2003 et affichait lors de la vente 234 176 km au compteur et avait parcouru plus de 7 000 km au 6 février 2018 ; que le juge ne saurait prendre en compte le seul rapport d'expertise non contradictoire qui n'est pas corroboré par un ou plusieurs autres éléments de preuve,
- sur la responsabilité délictuelle de la Sarl Sud Alsace contrôle technique : que les défauts affectant les rotules étaient connus de l'acheteur ; que l'expert amiable n'a pas fait ressortir d'inadéquation entre l'état des rotules et les mentions du procès-verbal de contrôle technique ; que s'agissant de la corrosion des disques, le demandeur n'établit pas leur dangerosité ; que Monsieur [X] [E] a roulé plus de 6 000 km entre le 6 février 2018 et le 4 septembre 2018 ; qu'il n'est pas caractérisé l'existence d'une faute imputable à la défenderesse ni celle d'un préjudice.
Monsieur [X] [E] a interjeté appel à l'encontre de cette décision suivant déclaration en date du 6 mai 2023.
Par ordonnance du 12 décembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Sarl Sud Alsace contrôle technique.
Par écritures uniques notifiées le 5 août 2023, Monsieur [X] [E] conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- prononcer sur le fondement de l'article 1641 du code civil la résolution du contrat de vente conclu avec Monsieur [B] [K] le 7 novembre 2017,
- lui donner acte de ce qu'il restituera le véhicule aux frais de Monsieur [B] [K],
- déclarer la société Sud Alsace contrôle technique responsable du préjudice subi s'agissant des mentions figurant dans le contrôle technique annexé au contrat de vente du véhicule,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K] et la société Sud Alsace contrôle technique à lui rembourser les montants suivants :
* 2 300 € correspondant au prix d'achat du véhicule
* 300,66 € correspondant frais d'établissement de la carte grise,
* 346 € correspondant frais de réparation,
* 2 000 € au titre du préjudice de jouissance,
- condamner solidairement ou in solidum Monsieur [B] [K] et la société Sud Alsace contrôle technique aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la présente procédure outre un montant de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, Monsieur [X] [E] fait valoir :
- sur l'action en garantie des vices cachés à l'encontre du vendeur : que le premier juge disposait, pour statuer utilement, de deux éléments concordants, à savoir le rapport d'expertise ainsi que la facture de la société le Garage des Salines concluant de façon unanime à la détérioration des disques de freins ; que cette forte corrosion ne pouvait correspondre à une usure normale d'un véhicule d'occasion et, affectant l'un des éléments de sécurité du véhicule, rendait celui-ci impropre à sa destination ; que le fait qu'il ait « roulé » le véhicule après la vente n'est pas de nature à permettre d'écarter sa demande de résolution dans la mesure où le caractère dangereux du véhicule en question n'est apparu qu'au jour de l'expertise,
- sur la responsabilité du contrôleur technique : que l'expert a relevé que le contrôleur technique a commis une faute en ne mentionnant pas dans son procès-verbal la corrosion importante touchant un élément de sécurité, à savoir les freins, et qu'il n'aurait pas acquis le véhicule s'il avait connu l'état de dangerosité l'affectant touchant tant à la corrosion des disques avant et arrière que des problèmes de rotules.
Par écritures notifiées le 9 janvier 2024, la Sarl Sud Alsace contrôle technique a conclu à la confirmation de la décision entreprise et a sollicité la condamnation de Monsieur [X] [E] aux dépens de la procédure d'appel et à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien, l'intimée fait valoir que les instructions officielles et réglementaires données aux centres de contrôle technique concernant la manière de contrôler les véhicules relativement au système de freinage, n'exigent pas du contrôleur de mentionner une éventuelle corrosion des disques de freins ; que le rapport d'expertise non contradictoire n'est pas suffisamment précis s'agissant de la localisation de la corrosion sur le disque de frein ; que treize mois et une période d'hiver se sont écoulés entre le contrôle technique et l'expertise alors que les conditions de stationnement du véhicule sont importantes au regard d'une éventuelle corrosion des disques de freins pour leurs parties extérieures, non en contact avec les plaquettes de freins ; qu'il
n'est pas établi que la corrosion des disques existait au moment du contrôle alors que le véhicule a depuis et jusqu'à l'expertise parcouru 13 500 kilomètres ; qu'en tout état de cause, l'expert n'a pas relevé que la présence de corrosion sur les disques de freins présente un élément de dangerosité ; qu'aucun reproche ne lui est adressé par l'expert du chef du changement des rotules de direction et de suspension ; que la faute alléguée non plus que le préjudice ne sont établis.
***
Monsieur [B] [K], à qui, la déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées le 22 août 2023 par procès-verbal de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.
La société Swiss Auto n'a pas été assignée.
MOTIFS
Sur la demande en garantie des vices cachés
Aux termes des articles 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'ils les avait connus.
L'acquéreur supporte la charge de la preuve et, comme fort justement rappelé par le tribunal, le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur un rapport d'expertise amiable qu'il incombe au demandeur de corroborer par un ou plusieurs autres éléments.
En l'espèce, il y a lieu, avec le premier juge, de constater au vu de la déclaration de cession d'un véhicule en date du 7 novembre 2017 comme de la facture établie à la même date et des pièces régulièrement versées aux débats, que Monsieur [B] [K] a vendu à Monsieur [X] [E], un véhicule Renault Espace de près de quatorze ans d'âge, avec plus de 230 000 kilomètres au compteur, au prix de 2 300 €.
À hauteur d'appel, Monsieur [X] [E] ne retient plus, au titre d'un vice caché, le dysfonctionnement des rotules de direction, dont le premier juge a pu justement estimer qu'il en avait été informé avant la vente.
L'appelant se prévaut du rapport d'expertise amiable, mise en 'uvre par sa compagnie d'assurances, en date du 18 octobre 2018, faisant état de la présence de corrosion importante sur les disques de freins avant et arrière au niveau des faces d'appui des plaquettes de freins et précisant qu'un devis de remise en état avait été réalisé par un garagiste à hauteur de la somme de 878 € toutes taxes comprises.
Monsieur [X] [E] prétend que la mention : « ATTENTION DISQUES ET PLAQUETTES AVANT ET ARRIÈRE À REMPLACER » figurant sur la facture établie le 6 février 2018, émise en paiement du remplacement des deux rotules de direction, viendrait corroborer les constatations de l'expert amiable.
Cependant, force est de constater que le garagiste ne mentionne pas la cause de la nécessité du remplacement des disques de freins ni le délai dans lequel il doit s'exécuter et ne se prononce encore moins sur la dangerosité éventuelle du véhicule.
Force est également de constater que Monsieur [X] [E] n'a jamais spontanément signalé une défaillance quelconque au niveau du système de freinage et qu'il a conduit près de 6 000 km depuis le 6 février 2018, date à laquelle il a été averti d'avoir à remplacer disques et plaquettes et jusqu'au mois de juillet 2018, date des premières constatations de l'expert, et, au total plus de 12 000 km entre la vente et la date de la seconde visite de l'expert en septembre 2018, sans se plaindre d'un éventuel défaut de freinage.
Dans ces conditions, il convient de constater que Monsieur [X] [E] ne rapporte pas la preuve de l'existence au jour de la vente d'un vice caché antérieur à celle-ci rendant le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné de sorte que c'est à bon escient que le premier juge a rejeté sa demande rédhibitoire.
La décision déférée sera donc confirmée sur ce point.
Sur la demande en dommages intérêts articulée à l'encontre du contrôleur technique
Contrairement à ce que soutient l'appelant, les modalités du contrôle technique étant strictement réglementées, ne permettent pas au contrôleur, qui n'est tenu ni d'une obligation de sécurité de résultat ni d'un devoir de conseil, d'effectuer un véritable diagnostic sur la dangerosité du véhicule, la mission du contrôleur étant circonscrite à la vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points considérés comme prioritaires et limitativement énumérés par l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique,
comportant en son annexe I la liste détaillée des points de contrôle et les éléments devant être relevés par le contrôleur, avec ou sans contre visite.
Il appartient donc à celui qui engage la responsabilité quasi délictuelle du contrôleur technique de rapporter la preuve d'une faute dans l'exécution de sa mission, strictement réglementée, d'un préjudice et d'un lien de causalité et non pas au contrôleur technique de rapporter la preuve qu'il n'a pas commis de faute.
En l'espèce, Monsieur [X] [E] se prévaut encore une fois d'une part du rapport d'expertise amiable selon lequel le contrôleur technique aurait dû signaler dans son rapport la détérioration importante des disques de freins et, d'autre part, de la mention portée sur la facture du 6 février 2018 signalant la nécessité du remplacement des disques et des plaquettes.
Or, aucun élément du dossier ne permet de caractériser que le contrôle technique réalisé par l'intimée le 19 septembre 2017 ne l'a pas été suivant les normes de vérification alors en vigueur, que l'expert amiable n'énonce au demeurant pas, étant précisé que la preuve n'est pas rapportée de ce que l'état des disques à cette date présentait un état de détérioration ou d'usure tel qu'il nécessitait une mention au procès-verbal de contrôle technique avec ou sans contre-visite, alors encore une fois que le véhicule a roulé 7 000 kilomètres entre le 19 septembre 2017 et le 6 février 2018 et plus de 12 000 km entre le 19 septembre 2017 et le 20 juillet 2018, date de la première visite de l'expert amiable.
Il résulte de ces énonciations que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en dommages intérêts présentée par Monsieur [X] [E].
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
Partie perdante à hauteur d'appel, Monsieur [X] [E] sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il sera fait droit à la demande formée par la Sarl Sud Alsace contrôle technique au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la limite de la somme de 1 200 €.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut,
CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
REJETTE la demande de Monsieur [X] [E] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [X] [E] à payer à la Sarl Sud Alsace contrôle technique la somme de 1200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [X] [E] aux dépens d'appel.
Le Greffier La Présidente