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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. B, 25 juin 2024, n° 22/00467

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Imax Auto (SAS)

Défendeur :

Auto European Cars BV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goursaud

Conseillers :

Mme Lemoine, Mme Lecharny

Avocats :

Me Djebari, Me Bernasconi, Me Werquin

TJ Bourg-en-Bresse, du 06 déc. 2021, n° …

6 décembre 2021

Par un acte sous seing privé du 27 septembre 2018, la société Auto european cars BV a vendu à la société Imax auto un véhicule BMW de type 33SI Xdrive portant le numéro de série WBAWC71060E061670/B-XI335, affichant 149 876 kilomètres, pour la somme de 13 429 euros.

Le 29 mars 2019, M. [X] et la société Imax auto ont signé un bon de commande portant sur la vente du même véhicule, assorti du numéro d'immatriculation [Immatriculation 8], au kilométrage de 150 000 kilomètres, pour la somme de 18 990 euros.

L'acquéreur a réglé la somme par un premier acompte de 1 500 euros le jour de la vente, puis il a payé le solde par chèque du 2 avril 2019. La date de livraison a été contractuellement fixée au 6 avril 2019. Le 4 avril 2019, la société Imax auto a signé une déclaration de cession du véhicule à M. [X].

Juste après la livraison du véhicule, à l'occasion du trajet de retour de M. [X] à son domicile dans les Landes, celui-ci a subi une panne du moteur.

Le 6 juin 2019, une expertise amiable a été réalisée à l'initiative de l'assureur de M. [X] et confiée à M. [R]. L'acquéreur s'est présenté, accompagné de son père, ainsi que M. [J], expert automobile représentant la société Imax auto et M. [U], représentant la société Auto europeean cars BV.

M. [R] a déposé son rapport le 7 juin 2019, dans lequel il relève des non-conformités du véhicule en lien avec la panne du moteur.

Suite à une lettre de mise en demeure restée vaine, M. [X] a fait assigner son vendeur devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse par acte d'huissier de justice du 17 septembre 2019, aux fins d'obtenir la résolution de la vente et l'indemnisation de ses préjudices.

La société Imax auto a fait assigner en intervention forcée la société Auto european cars BV.

La jonction des procédures a été ordonnée et par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 29 mars 2019 entre la société Imax auto et M. [X],

- ordonné la restitution du prix de vente, soit 18 990 euros par la société Imax auto à M. [X],

- ordonné la restitution du véhicule, ainsi que les clés et la carte grise du véhicule dans un délai de 3 mois à compter de la restitution du prix de vente, la société Imax auto ayant la charge, à ses frais, de récupérer le véhicule, à défaut de quoi M. [X] pourra en disposer comme bon lui semble,

- condamné la société Imax auto à verser à M. [X] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

- débouté la société Imax auto de ses demandes formulées à l'encontre de la société Auto european cars BV,

- condamné la société Imax auto à payer à M. [X] la somme de 1500 euros et à la société Auto european cars BV celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par déclaration du 13 janvier 2022, la société Imax auto a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 5 avril 2023, la société Imax auto demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse du 6 décembre 2021,

Par conséquent,

A titre principal,

- rejeter l'intégralité des demandes de M. [X],

- condamner M. [X] au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

- prononcer la résolution de la vente intervenue entre les sociétés Imax auto et Auto european cars.

- condamner la société Auto european cars à lui rembourser la somme de 13.429 € correspondant au prix de vente du véhicule.

- condamner la société Auto european cars à lui régler la somme de 5.561 € au titre de son préjudice économique.

- condamner la société Auto european cars à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

- condamner la société Auto european cars au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouter la société Auto european cars de l'intégralité de ses demandes.

- condamner la société Auto european cars aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 12 février 2023, la société Auto european cars demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris ;

- déclarer irrecevable subsidiairement mal fondée la société Imax auto en son appel;

- condamner la société Imax auto à lui payer la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles ;

- condamner toute partie succombant aux entiers dépens, distraits au profit de la sas Tudela Werquin et associés sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 24 janvier 2023, M. [X] demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 6 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,

en cause d'appel :

- condamner la société Imax auto à lui payer :

- une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- les entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 février 2024.

MOTIFS

1. Sur le défaut de conformité du véhicule vendu à M. [X]

La société Imax auto soutient que M. [X] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un défaut de conformité ou d'un vice caché affectant le véhicule. Elle fait notamment valoir que:

- il ne peut se fonder exclusivement sur le rapport d'expertise amiable réalisé à la requête de son assureur,

- à titre subsidiaire, il résulte de ce rapport que le véhicule de M. [X] a subi un choc, sans qu'il ne soit démontré que ce choc est intervenu avant la vente du véhicule,

- la panne qu'il a subie pourrait être en lien avec ce choc,

- le contrôle technique qui a été réalisé juste avant la vente en aurait fait état,

- il n'est pas non plus établi que la modification de la gestion moteur relevée par l'expert afin d'augmenter la puissance du moteur soit intervenue avant la vente, M. [X] ayant pu procéder à cette opération.

M. [X] fait valoir qu'indépendamment de la panne intervenue, le vendeur est responsable du défaut de conformité sur le fondement de l'article L. 217-9 du code de la consommation et qu'à défaut d'avoir pu apporter une solution suite à la réclamation qui lui a été adressée, le contrat doit être résolu.

A titre subsidiaire, la résolution de la vente doit être prononcée sur le fondement des vices cachés. Il fait notamment valoir que:

- le contrôle technique a été réalisé près de 6 mois avant la vente,

- le vendeur a parcouru 700 km avant la vente,

- l'expert a retenu que le véhicule a été modifié avant la vente et qu'il n'est plus homologué pour rouler,

- l'expert de la société Imax auto a retenu que le véhicule n'est pas conforme aux caractéristiques décrites sur le certificat du constructeur, que les vices cachés étaient présents au moment de la vente et que la responsabilité de la société Imax auto est engagée,

- deux rapports d'expertise ont été réalisés, à la requête de son assureur et à la requête de l'assureur de la société Imax auto et les conclusions sont identiques.

Réponse de la cour

C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de articles L 217-4, L 217-7, L 217-9 et L 217-10 du code de la consommation, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 29 septembre 2021 ont retenu que:

- la déclaration de cession du véhicule signée par les parties le 4 avril 2019 mentionne que le véhicule n'a pas subi de transformation susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou le certificat d'immatriculation,

- l'expertise non judiciaire réalisée par M. [R] retient que les amortisseurs et les ressorts sont non-conformes, que l'échangeur d'air est plus gros que celui d'origine, qu'il existe un bruit de grippage du piston résultant de l'augmentation de la puissance du moteur, de sorte que le véhicule, qui n'est pas conforme au cahier des charges du constructeur et au certificat d'immatriculation du véhicule, n'est plus homologué pour rouler et a subi une panne en lien avec cette non-conformité,

- la panne a eu lieu quelques heures après la livraison du véhicule, soit dans le délai de 6 mois, ce qui résulte du rapport d'expertise non judiciaire qui est daté du 7 juin 2019,

- en conséquence, à défaut pour la société Imax auto de rapporter la preuve que les défauts sont postérieurs à la livraison, ils sont considérés comme existants au moment de la vente,

- le contrôle technique du 7 novembre 2018 réalisé plusieurs mois avant la vente ne justifie pas de l'état du véhicule au moment de sa vente,

- la société Imax auto n'a pas réparé le véhicule suite à la réclamation que lui a adressé M. [X] par lettre du 22 juillet 2019.

La cour ajoute que le rapport d'expertise non judiciaire réalisé par M. [R], à la requête de l'assureur de M. [X] est corroboré par le rapport d'expertise réalisé le 1er juillet 2019 par M. [J], à la requête de l'assureur de la société Imax auto, qui conclut que « le véhicule présente une panne moteur importante et qu'il est équipé de pièces non d'origine modifiant ses caractéristiques », qu'il « ne peut être utilisé dans des conditions normales de sécurité », à défaut d'être en conformité avec les caractéristiques techniques décrites dans le certificat de conformité du constructeur.

En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de prononcer la résolution du contrat de vente conclu le 29 mars 2019 entre la société Imax auto et M. [X], portant sur l'achat du véhicule BMW de type 33 SI Xdrive, et de condamner la société Imax auto à restituer le prix de vente à M. [X], soit la somme de 18 990 euros, ce dernier devant restituer le véhicule et les clés dans les trois mois suivant la restitution du prix de vente, à charge pour la société Imax auto de le récupérer à ses frais.

2. Sur les demandes indemnitaires de M. [X]

M. [X] demandant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, il y a lieu de retenir qu'il sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, qui lui a été accordée en première instance.

La société Imax auto fait valoir que M. [X] ne justifie pas de la réalité de son préjudice de jouissance, la durée d'immobilisation du véhicule ayant duré 4 mois et non deux ans ainsi qu'il le soutient.

Réponse de la cour

Les experts ayant retenu que le véhicule n'était plus homologué pour rouler, M. [X] justifie d'un préjudice de jouissance certain que les premiers juges ont justement évalué à la somme de 5 000 euros.

Le jugement est confirmé de ce chef.

3. Sur les demandes formées à l'encontre de la société Auto european cars BV

La société Imax auto soutient que son propre vendeur, la société Auto european cars BV, a engagé sa responsabilité sur le fondement de la garantie des vices cachés et demande que soit prononcée la résolution de la vente. Elle fait notamment valoir que:

- la société Auto european cars BV avait garanti la conformité du véhicule au certificat d'homologation,

- le vice du véhicule était caché,

- pour déceler l'origine de la panne moteur, elle aurait dû démonter le véhicule, de sorte que le vice n'était pas décelable, même pour un acheteur professionnel.

La société Auto european cars BV soutient à titre principal que l'action de la société Imax auto est prescrite et à titre subsidiaire qu'elle n'est pas fondée. Elle fait notamment valoir que:

- cette vente est intervenue entre professionnels de l'automobile, de sorte que les conditions générales de vente sont applicables,

- le droit allemand applicable précise que les conditions générales de vente sont opposables dès lors que le marchand y a accès, sans que le vendeur n'ait à rapporter la preuve de leur acceptation,

- la société Imax n'a émis aucune réserve lors de la prise de possession du véhicule,

- il est stipulé que toute réclamation pour défaut de qualité est exclue,

- les réclamations se prescrivent dans le délai d'un an à compter de la remise du véhicule au concessionnaire,

- le concessionnaire n'est pas en droit de se prévaloir d'un vice apparent présent au moment de la livraison et si un défaut n'était pas perceptible le concessionnaire doit en informer le vendeur dans le délai d'un jour ouvrable après sa découverte;

- l'action a été initiée 23 mois après la vente initiale et aucune réclamation n'a été faite au moment des opérations d'expertise,

- la vente a eu lieu en l'état,

- l'annonce indiquait que le véhicule avait été accidenté, qu'il ne disposait ni du carnet d'entretien ni du certificat de conformité, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une non-conformité;

- le véhicule a parcouru 1224 km entre ses mains.

Réponse de la cour

Si la vente du véhicule litigieux intervenue le 27 septembre 2018 entre la société Auto european cars BV et la société Imax auto concerne deux professionnels de l'automobile, cela ne dispense pas la première d'établir que les conditions générales de vente dont elle se prévaut sont opposables à la seconde.

Or, la société Auto european cars BV ne produit aucun élément de nature à établir que

la société Imax auto aurait accepté les conditions qu'elle produits ou même qu'elle en aurait eu connaissance, ces faits ne pouvant se déduire de la vente, ainsi que se borne à l'affirmer la société venderesse.

En conséquence, à défaut pour la société Auto european cars BV de pouvoir se prévaloir du délai de prescription d'un an prévu dans les conditions générales de vente, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et de la déclarer recevable.

Sur le fond, il y a lieu de retenir, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, qu'à défaut pour la société Imax auto de rapporter la preuve que le vice affectant le véhicule, à l'origine de la casse du moteur ou les non-conformités du véhicule, étaient présents au moment de la vente du 27 septembre 2018 conclue avec elle, elle doit être déboutée de ses demandes en résolution de la vente et de dommages-intérêts. De même, la société Imax auto est déboutée de sa demande tendant à être garantie par la société venderesse des condamnations prononcées contre elle.

Le jugement est donc confirmé.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [X] et la société Auto european cars BV, en appel. La société Imax auto est condamnée à leur payer, à chacun, à ce titre la somme de 2.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de la société Imax auto qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare l'action formée par la société Imax auto à l'encontre de la société European cars recevable,

Condamne la société Imax auto à payer à M. [Y] [X], la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Imax auto à payer à la société European cars, la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Condamne la société Imax auto aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.