CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 25 juin 2024, n° 20/08839
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Academic Golf (SAS)
Défendeur :
Le Roc (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brue
Conseillers :
Mme Ouvrel, Mme Allard
Avocats :
Hawadier, Hawadier, Joly, Lapp, Pouget
La SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] étaient propriétaires de terrains dans le périmètre de la ZAC Le [Adresse 4] à [Localité 6] (Var), pour lesquels elles ont obtenu d'une part, le 1er juin 2011 un permis d'aménager pour un terrain de golf et d'autre part, un permis de construire, pour la réalisation d'un complexe hôtelier avec des constructions à usage d'habitation, le 20 octobre 2011.
Elles ont signé les 22 décembre 2016, une promesse de vente au profit de la SARLSolaia Developpement, pour le terrain de golf, au prix de 500'000 €. Le délai de validité expirait le 31 décembre 2017.
Exploitant un golf déjà existant sur le même secteur, la SAS Academic golf de [Localité 6] a contesté devant les juridictions administratives le permis de construire et le permis d'aménager.
Un protocole d'accord a été signé le 28 novembre 2017 entre la SAS Academic golf de [Localité 6] et ses partenaires M. [W] [C]-[P] et la société Golf [8], d'une part et la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5], d'autre part, prévoyant notamment :
- la renonciation au recours à l'encontre des décisions d'urbanisme en contrepartie du versement au profit de la SAS Academic golf de [Localité 6] de la somme de 500'000 €, somme à restituer en cas d'introduction de recours contre les autorisations administratives ou de contestation du projet d'aménagement au plan administratif ou civil.
- sous réserve de la levée de la condition suspensive liée à la renonciation par la commune de l'acquisition du terrain de golf de quatre trous, la cession par La SA Le Roc, de l'assiette immobilière du terrain de golf de neuf trous à une société civile immobilière à constituer entre la SAS Academic golf de [Localité 6] et la SARL Solaia, pour le prix de un euro.
Par courrier du 29 novembre 2017 se référant au protocole, la SA le Roc s'est engagée à céder, si la cession n'était pas réalisée avec la société Solaia Developpement, l'assiette immobilière du terrain de golf de neuf trous à la SAS Academic golf de [Localité 6] Developpement, pour la somme de un euro.
Les désistements ont été régularisés, de sorte que le Tribunal administratif de Toulon n'a pas été saisi de recours contentieux.
Par avenant à la promesse de vente du 22 décembre 2016, daté du 20 décembre 2017, modifiant les parcelles concernées, la société [Adresse 4] a été substituée dans le cadre de la promesse de vente, à la société Solaia Developpement et le délai de réalisation de l'acte de vente a été reporté au 31 janvier 2018.
La SAS Academic golf de [Localité 6] expose que ses demandes écrites relatives à la réalisation des conditions suspensives, ainsi qu'à la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse de vente à l'échéance du 31 janvier 2018 sont demeurées sans réponse.
Par courrier du 21 mai 2018 la SAS Academic golf de [Localité 6] a invité en vain la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] à se présenter le 6 juin 2018 devant le notaire.
Par acte authentique du 12 juillet 2018, la vente des parcelles destinées au terrain de golf a été conclue entre la SA le Roc et la société [Adresse 4].
Par assignations des 20 et 21 juin 2018 , publiées les12 et 27 juillet 2018, la SAS Academic golf de [Localité 6] a fait citer la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5], devant le tribunal de grande instance de Draguignan en, déclaration de vente parfaite.
Par jugement rendu le 3 septembre 2020, cette juridiction a:
-débouté la SAS Academic golf de [Localité 6] de l'ensemble de ses demandes,
-débouté la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] de leurs demandes reconventionnelles.
- condamné la SAS Academic golf de [Localité 6] à payer à la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] la somme de 3000 € chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné la SAS Academic golf de [Localité 6] aux dépens.
Le tribunal a considéré que :
- la publication de l'assignation en déclaration vente parfaite n'avait pas d'incidence, dès lors que l'appelante avait connaissance de l'existence de la promesse de vente, visée dans le protocole.
- la déclaration de vente parfaite n'avait plus d'objet, puisque le bien était détenu par une société tierce, qui n'est pas partie à la procédure.
- la société civile immobilière devant réunir la société Solaia Développement et la SAS Académic golf de [Localité 6] n'a jamais été créée.
- le courrier du 29 novembre 2017 n'étant signé que par l'une parties au protocole conclu la veille ne peut être opposable aux autres.
- les prorogations du délai de la promesse de vente liée à la production de toutes les pièces nécessaires étaient opposables à l'appelante, étant précisé que la mainlevée de toutes les hypothèques n'est intervenue que le 5 juillet 2018, ouvrant un nouveau délai de 30 jours.
- l'action en déclaration de vente parfaite n'a pas pour objet de remettre en cause les engagements de désistement des actions administratives visées par le protocole, d'où le rejet de la demande reconventionnelle en remboursement de la somme de 500'000 €.
Par déclaration transmise au greffe le 15 septembre 2020, la SAS Academic golf de [Localité 6] a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions transmises le 15 février 2024, par l'appelante.
Elle affirme que la vente est parfaite, en application des articles 1582 et 1583 du Code civil dès lors que :
- le bien à vendre est identifié.
- le prix a été fixé.
- les recours sont abandonnés.
- le bénéficiaire de la promesse de vente n'a pas exercé l'option d'achat.
La SAS Academic golf de [Localité 6] fait valoir que selon la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, lorsqu'un immeuble est vendu deux fois de suite par le même vendeur, doit l'emporter dans le conflit le second acquéreur qui a publié le premier sa vente, même si celui-ci est de mauvaise foi, c'est-à-dire même s'il a connu l'existence de la première vente et la volonté du premier acheteur de s'en prévaloir.Cass. 3e civ., 10 févr. 2010, n° 08-21.656
Elle précise qu'en l'espèce la seconde vente est intervenue postérieurement à la publication de son assignation en déclaration de la vente parfaite.
Selon l'appelante le courrier du 29 novembre 2017 établi au nom de la SA le Roc, signé par le dirigeant des deux sociétés venderesses et en qualité de mandataire apparent de la SAS Golf Resort les [5] n'est pas un complément, mais une alternative au protocole et la constitution d'une société civile immobilière figurant dans le protocole d'accord ne concernait que l'hypothèse d'une association entre elle même et la société Solaia Développement qui ne s'est pas réalisée. Elle souligne qu'il ressort de cette correspondance que l'option pouvait encore être levée jusqu'au 31 janvier 2018, mais que le délai ne serait pas prorogé.
Vu les conclusions transmises le 22 avril 2024, par la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5].
Elles exposent que :
- la société [C] Resort détenue par M. [W] [C] [P], dont l'épouse est la présidente de la SAS Academic golf de [Localité 6] était l'une des actionnaires de la SAS Golf Resort les [5] lorsque la promesse de vente du golf de la ZAC du [Adresse 4] a été signée et qu'ils savaient que cette dernière devait vendre d'urgence les terrains litigieux pour éviter la faillite.
- la société Solaia Développement a refusé de s'associer avec la SAS Academic golf de [Localité 6].
Les sociétés intimées soutiennent que :
- la vente ne peut être regardée comme étant parfaite, lorsque le bien n'est détenu par aucune des parties, mais par une personne tierce, ce qui est le cas depuis la vente au profit de la société Solaia Développement.
- la publication de son assignation par l'appelante avant la vente du 12 juillet 2018 à la conservation des hypothèques est inopérante, dès lors qu'elle avait connaissance de l'existence de la promesse de vente conclue entre la société Solaia Developpement et les sociétés Le Roc et Golf resort les [5].
- selon un arrêt rendu le 28 mai 1979 par la Cour de cassation, la priorité accordée au second acquéreur sur le premier acquéreur lorsque seul celui-là a publié son titre ou lorsqu'il l'a publié antérieurement, tombe s' il est prouvé que le second acquéreur avait eu connaissance de la première aliénation.
- le bénéficiaire de l'engagement de cession n'a aucune existence juridique, dès lors qu'aucune SCI n'a été créée rendant ainsi impossible la conclusion d'une vente.
- les termes du courrier du 29 novembre 2017, signé par une seule partie confirment l'engagement figurant dans le protocole du 28 novembre 2017.
- la promesse de vente était automatiquement prorogée de 30 jours tant que tous les documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction et que les mainlevées des hypothèques sont intervenues le 5 juillet 2018.
- la SAS Academic golf de [Localité 6] ne peut arguer de l'inopposabilité des termes de la promesse de vente qui est visée dans le protocole qu'elle a signé.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 avril 2024.
Motivation
SUR CE
L'article 1101 du code civil, édicte que le contrat porte sur des obligations selon l'accord des volontés des parties.
L'article 1199 rappelle le principe de la relativité des contrats.
Se fondant sur les dispositionsde des articles 1582 et suivants du code civil, la SAS Academic golf de [Localité 6] réclame que soient déclarées parfaites les ventes à son profit, de deux parcelles par la SA Le Roc et de trois parcelles, par la société Golf Resort Les [5].
Aux termes de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé.
Le consentement des parties n'est soumis à aucune condition de forme.
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'appelante invoque les stipulations du point IVdu protocole transactionnel conclu le 28 novembre 2017 entre la SAS Academic golf de [Localité 6] et ses partenaires d'une part et la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] , d'autre part, prévoyant la cession par la seule SA Le Roc des parcelles constituant l'assiette foncière de l'aménagement futur du golf de neuf trous dans les termes suivants :
« Parallèlement, la SA le Roc s'engage à signer sous réserve de la levée d'une condition suspensive définie ci-après, avec la société Solaia développement, société à responsabilité au capital de 5000 €, dont le siège est à [Adresse 3] identifiée sous numéro 79 33 29 111 RCS Paris un avenant à la promesse en date du 22 décembre 2016 aux termes duquel il est expressément convenu que les parcelles constituant l'assiette foncière de l'aménagement futur du golf de neuf trous objet du permis d'aménager portant le numéro PA 083 107 11 S0004 du 1er juin 2011, sont cédées pour le prix de un euro à la société civile immobilière dont la constitution serait convenue entre la société Académic golf de [Localité 6] et la société Solaia Developpement, société à responsabilité limitée au capital de 5000 € , dont le siège est à [Adresse 3].sous numéro 79 33 29 111 RCS Paris.
La condition suspensive précitée implique la renonciation par la commune de [Localité 6] à acquérir l'assiette foncière réservée au terrain de golf de quatre trous dont la cession était prévue par l'article 12.2.2 de la convention de développement mise en place entre la commune aménageur dans le cadre d'un protocole d'accord relatif à la gestion, animation et la promotion du complexe touristique du [Adresse 4]. » .
La SAS Academic golf de [Localité 6] produit la copie d'un courrier daté du 29 novembre 2017, établi à l'en-tête de la SA le Roc, au nom de Mr [R] [I], ne comportant pas de signature, portant le texte suivant :
« Nous faisons référence au protocole d'accord transactionnel de ce jour entre votre société, la SCI [8], Monsieur [W] [C] [P] et la SAS Golf Resort les [5] et notre société de l'autre part.
En complément du protocole signé entre nous le 28 novembre 2017, nous tenons à vous confirmer que dans le cas où la société Solaia Développement n'aurait pas levé avant le 31 janvier 2018, délai que nous ne prorogerons pas à son profit, l'option d'achat résulte de la promesse unilatérale de vente que nous avons signée avec elle, nous nous engageons irrévocablement à vous céder pour 1€ les parcelles constituant l'assiette foncière de l'aménagement du site au golf de neuf trous objet du permis d'aménager portant le numéro PA 083 107 11 S0004 du 1er juin 2011 ».
Il apparaît ainsi qu'aucun document ne justifie de l'engagement la SAS Golf Resort les [5] de céder les parcelles dont elle est propiétaire à la SAS Academic golf de [Localité 6], alors que l'existence d'un mandat apparent de la SA le Roc, pour représenter l'autre société propiétaire de l'emprise du Golf de neuf trous n'est pas démontrée. Le fait que les deux socétés venderesses étaient représentées par la même personne dans le cadre du protocole n'apparaît pas suffisant de ce chef.
La correspondance non signée datée du 29 novembre 2017, établie au nom d'une seule des parties au protocole ne peut avoir modifié ses termes et conditions.
Il y a lieu d'observer qu'il n'est pas justifié de la création d'une société civile immobilière distincte par la SARL Solaia Développement, telle qu'elle est mentionnée dans le protocole.
Le permis d'aménager du 1er juin 2011 versé aux débats ne mentionne pas les parcelles concernées.
La copie partielle de la promesse de vente communiquée par les intimées ne comporte pas la désignation, ni les références cadastrales des terrains objet de la cession.
Il en résulte que l'objet de la vente dont il est demandé le caractère parfait n'est pas défini et que l'accord des deux sociétés propriétaires de l'assiette immobilière du futur golf de neuf trous n'est pas établi alors même que leur dirigeant serait commun.
Si la prorogation de plein droit, en cas de recours contre les autorisations administratives prévue par la promesse de vente ne pouvait jouer en l'état du désistement définitif des procédures contentieuses lancées à ce titre, la prorogation conventionnelle demeurait toujours possible.
Le fait que le courrier non signé daté du 29 novembre 2017, annonce que le délai de validité de la promesse de vente ne sera pas prorogé au profit de la société Solaia ne pouvait empêcher la SA le Roc d'accepter ultérieurement une nouvelle prorogation conventionnelle, comme le prévoyait la promesse de vente du 22 décembre 2016 au bénéfice de cette dernière.
Cet accord du vendeur pour la levée d'option partielle est mentionné dans la rubrique correspondante figurant en page 7 de l'acte authentique de vente du 12 juillet 2018, précisant que la promesse de vente reste applicable pour les autres parcelles non comprises aux présentes.
L'article 8.1.1. de la promesse de vente stipule par ailleurs que si à la date d'expiration du délai les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé de 30 jours calendaires après réception par le notaire de la dernière des pièces indispensables.
L'acte authentique de vente par la SA le Roc établi le 12 juillet 2018 mentionne la radiation d'une inscription hypothécaire intervenue les 22 juin 2018 et 5 juillet 2018.
Dès lors que l'engagement inscrit dans le courrier daté du 29 novembre 2017 ne peut être considéré comme valable et que la société civile immobilière commune à la SAS Academic golf de [Localité 6] et la SARL Solaia prévue par le protocole transactionnel du 28 novembre 2017, n'apparaît pas avoir été créée, aucun obstacle ne s'opposait à l'établissement d'un acte authentique de vente le 12 juillet 2018 par la SA le Roc de deux parcelles lui appartenant, à la SAS [Adresse 4] qui s'est substituée à la SARL Solaia par l'avenant à la promesse de vente signé le 20 décembre 2017.
Il en est de même pour la société Golf resort les [5] qui a vendu ses propres parcelles le même jour.
Il convient de constater que l'assignation en déclaration de vente parfaite délivrée le 21 juin 2018 à la SA le Roc n'a été enregistrée au service de la publicité foncière que le 27 juillet 2018 et que l'assignation délivrée à la SAS Golf Resort les [5] a été enregistrée au service de publicité foncière le 12 juillet 2018.
Dès lors que la SAS Academic golf de [Localité 6] avait connaissance de l'existence de la promesse de vente au bénéfice de la SARL Soleia, le fait que l'acte authentique de vente du 12 juillet 2018 ait été publié postérieurement à l'assignation en déclaration de vente parfaite n'a pas d'incidence sur la demande déclaration de vente parfaite.
Il convient en effet de distinguer la valeur de la publication d'un acte authentique de vente par rapport à un autre acte de même nature de celle d'une assignation en déclaration de vente parfaite, non visée par l'article 28 du décret du 4 janvier 1955, elle-même distincte d'une assignation en nullité de vente.
Par ailleurs, la SAS [Adresse 4], acquéreur du bien litigieux n'a pas été appelée en la cause.
Au vu de l'ensemble de ces éléments il ne peut être fait droit aux demandes de déclaration de ventes parfaites formées par la SAS Academic golf de [Localité 6].
Le jugement est confirmé.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au seul profit des sociétés intimées.
La partie perdante est condamnée aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Academic golf de [Localité 6] à payer à la SA le Roc et la SAS Golf Resort les [5] ensemble, la somme de 3 000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Academic golf de [Localité 6] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.