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Décisions

CA Colmar, 2e ch. A, 27 juin 2024, n° 21/04297

COLMAR

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Diepenbroek

Vice-président :

M. Laethier

Conseiller :

Mme Robert-Nicoud

Avocats :

Me Cahn, Me Heichelbech

CA Colmar n° 21/04297

26 juin 2024

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [Y] [H] et Mme [V] [E] épouse [H] (les époux [H]) sont propriétaires d'un terrain situé au lieudit « [Localité 7] » à [Localité 6] (68).

Le 27 septembre 2019, ils ont signé avec M. [N] [F] [B] et Mme [D] [P] épouse [F] [B] (les époux [F] [B]) une promesse synallagmatique de vente portant sur ce bien immobilier au prix de 190 000 euros.

Cette promesse de vente a été consentie sous différentes conditions suspensives dont celle de l'obtention par les acquéreurs d'un prêt pour financer leur acquisition, la réitération de la vente par acte authentique était fixée au plus tard au 31 janvier 2020.

Le 23 juin 2020, les acquéreurs ont sollicité la fixation d'une date de signature.

Par lettre recommandée du 6 juillet 2020, les époux [H] ont notifié aux époux [F] [B] leur refus de réitérer l'acte de vente.

Le 21 juillet 2020, un procès-verbal de carence a été établi par le notaire, Me [J].

Par actes d'huissier délivrés les 1er et 10 août 2020, les époux [F] [B] ont fait assigner les époux [H] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse afin d'obtenir leur condamnation à signer l'acte de vente sous la forme authentique dans les conditions définies dans le compromis de vente du 27 septembre 2019, subsidiairement à leur payer la somme de 49 120 euros à titre de dommages et intérêts et en toute hypothèse, une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [H] ont conclu au rejet des prétentions des époux [F] [B] et à leur condamnation au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 3 août 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- dit n'y avoir lieu de constater la caducité du « compromis de vente » signé entre les parties en date du 27 septembre 2019 pour non-respect du délai de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 ou non-respect des délais contractuels,

- condamné M. et Mme [H] à signer l'acte de vente sous la forme authentique du terrain sis à [Localité 6] au lieudit « [Localité 7] », cadastré section 3 n°[Cadastre 1], n° [Cadastre 2], n° [Cadastre 3] dans les conditions fixées au « compromis de vente » signé le 27 septembre 2019 avec M. et Mme [F] [B],

- ordonné que faute pour M. et Mme [H] de régulariser ledit acte dans un délai d'un mois après signification du présent jugement, celui-ci tiendra lieu d'acte authentique valant vente au profit de M. et Mme [F] [B],

- ordonné la transcription de la propriété dudit immeuble au Livre foncier avec toutes conséquences de droit,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande de dommages et intérêts et de leur demande tendant à se voir réserver tous droits et moyens de chiffrer un préjudice né des conséquences d'un changement des règles d'urbanisme ou de la classification du terrain comme constructible,

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. et Mme [F] [B] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

- constaté l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Sur la demande principale tendant à la passation forcée de l'acte de vente, le tribunal a considéré que la caducité de la promesse synallagmatique de vente ne pouvait être retenue sur le fondement de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 applicable en Alsace-Moselle dans la mesure où elle avait été signée le 27 septembre 2019, que le délai de 6 mois expirait en principe le 27 mars 2020 mais qu'il avait été prorogé jusqu'au 24 août en application des dispositions des articles 1 et 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 applicables aux délais et mesures ayant expiré entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, de sorte que l'assignation aux fins de passation forcée de l'acte de vente des 1er et 10 août 2020 était bien intervenue dans le délai de l'article 42 précité.

Le premier juge a également retenu que la caducité de la promesse ne pouvait pas être prononcée par application du délai contractuel, le délai imparti pour réitérer l'acte n'étant pas stipulé à peine de caducité et devant s'analyser en un terme suspensif et non extinctif, de sorte qu'une fois le terme advenu, la promesse n'était pas, par le fait même, caduque, qu'il appartenait à la partie souhaitant se délier de solliciter la résiliation du contrat et que les époux [H] n'avaient pas repris cette demande dans le dispositif de leurs dernières conclusions.

Sur la réalisation de la condition suspensive d'obtention de prêt, le tribunal a rappelé que faute d'accomplissement de celle-ci dans le délai prévu à l'acte, la caducité devait opérer de plein droit, sauf prorogation expresse ou tacite, notamment lorsqu'après son expiration chacune des parties avait continué à 'uvrer afin d'assurer la réalisation des conditions suspensives qui lui incombaient.

A cet égard, le premier juge a retenu que les époux [H], par leur comportement et leurs propos, avaient incontestablement manifesté leur accord à une prorogation du délai contractuel notamment dans un courriel du 5 avril 2020 dans lequel ils se déclaraient fidèles à l'accord conclu, et qu'ils n'avaient jamais mis en demeure les acquéreurs de justifier de la réalisation ou de la défaillance de la condition suspensive dans les termes du « compromis ».

Le tribunal a également considéré que l'offre de prêt consentie aux époux [F] [B] le 4 juin 2020, bien qu'émanant d'un établissement bancaire distinct de celui mentionné à la promesse, répondait aux conditions fixées par celle-ci et valait réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, de sorte que le courrier des vendeurs du 6 juillet 2020, postérieur à la transmission de l'offre, était sans incidence sur la réalisation de la vente.

M. et Mme [H] ont interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 5 octobre 2021.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 10 novembre 2022, M. et Mme [H] demandent à la cour de :

- rejeter l'appel incident,

- recevoir l'appel et le dire bien fondé,

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions des époux [F] [B],

- infirmer purement et simplement le jugement,

Statuant à nouveau,

- constater la caducité du compromis de vente à raison du non-accomplissement des conditions suspensives dans les délais impartis,

- prononcer la caducité du compromis de vente,

En conséquence,

- condamner solidairement les époux [F] [B] à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

- réserver tous droits et moyens de chiffrer un préjudice né des conséquences d'un changement des règles d'urbanisme ou de la classification du terrain comme constructible,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [F] [B] à leur payer la somme globale de 11 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à savoir 5 000 euros pour la première instance et 6 000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de leur appel, ils font valoir que l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ayant prorogé les délais échus pendant la période d'urgence sanitaire est sans incidence sur la situation d'espèce puisque l'obtention du prêt et la signature de l'acte notarié devaient impérativement intervenir avant le 20 janvier 2020.

Par ailleurs, ils affirment que l'ordonnance du 25 mars 2020 a suspendu les délais du 12 mars 2020 au 24 mai 2020, et non au 24 juillet comme retenu par le premier juge, de sorte que les délais couverts par cette période expiraient le 24 juin 2020 alors que le courrier recommandé des intimés sollicitant la réitération de l'acte est daté du 23 juin 2020 et qu'il est parvenu aux vendeurs postérieurement au 24 juin 2020.

Les appelants indiquent que l'article 42 de la loi du 1er janvier 1924 est inapplicable dans la mesure où les parties ont imposé un délai plus court en soumettant l'efficacité de la promesse à la condition suspensive de réception par les vendeurs d'une offre de prêt par les acquéreurs avant le 20 novembre 2019 ainsi que la signature de l'acte authentique à la date du 31 janvier 2020 de sorte que les parties ont ainsi renoncé au délai de 6 mois prévu à article 42.

Ils soulignent que les intimés n'ont complété leur dossier bancaire que le 9 juin 2020 et n'ont sollicité une date de signature que par une lettre du 23 juin 2020 soit 6 mois après l'expiration du délai stipulé à l'acte.

Ils critiquent l'analyse du premier juge selon laquelle ils auraient tacitement consenti à une prorogation des délais fixés par les conditions suspensives au regard d'échanges de courriels et de l'absence de mise en demeure préalable à tout constat de la caducité de l'acte, faisant valoir qu'en vertu de l'article 1304-4 du code civil, une mise en demeure n'est pas nécessaire pour constater la caducité de l'acte. Ils ajoutent que le tribunal ne s'est pas posé la question de savoir quel délai serait prolongé (demande de prêt, réception de l'offre ou la date de réitération) et jusqu'à quand.

Ils indiquent qu'il n'est pas non plus nécessaire de déterminer si le terme de la condition est suspensif ou extinctif dans la mesure où le non-accomplissement par l'acquéreur de son obligation dans le délai imparti entraîne automatiquement la caducité du « compromis de vente » et qu'aucun acte notarié modificatif n'a été annexé au « compromis de vente » afin de fixer une éventuelle prorogation de délais alors qu'un acte notarié ne peut être modifié que par un acte de même nature.

Ils précisent qu'il appartenait aux acquéreurs de solliciter une prorogation du délai de régularisation de la vente, ce qui n'a pas été fait, et d'apporter la preuve que les vendeurs ont manifesté la volonté claire et non équivoque de renoncer à leur droit de se prévaloir de la caducité entraînée par la survenance du terme, ce qui ne ressort pas des échanges entre les parties.

Les appelants indiquent également que les acquéreurs n'ont jamais produit l'offre écrite de prêt, comme stipulé par le « compromis de vente ».

Ils motivent leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros par le fait que leur bien immobilier a été immobilisé pendant plus d'un an, alors qu'ils espéraient procéder à sa vente rapidement compte tenu de leurs difficultés financières.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 23 novembre 2022, les époux [F] [B] demandent à la cour de :

- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions des époux [H],

- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu de constater la caducité du compromis de vente signé entre les parties en date du 27 septembre 2019 pour non-respect du délai de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 ou non-respect des délais contractuels,

- condamné M. et Mme [H] à signer l'acte de vente sous la forme authentique du terrain sis à [Localité 6] au lieudit « [Localité 7] », cadastré section 3 n°[Cadastre 1], n°[Cadastre 2], n°[Cadastre 3] dans les conditions fixées au « compromis de vente » signé le 27 septembre 2019 avec M. et Mme [F] [B],

- ordonné que faute pour M. et Mme [H] de régulariser ledit acte dans un délai d'un mois après signification du présent jugement, celui-ci tiendra lieu d'acte authentique valant vente au profit de M. et Mme [F] [B],

- ordonné la transcription de la propriété dudit immeuble au Livre foncier avec toutes conséquences de droit,

- débouté M. et Mme [H] de leurs demandes de dommages et intérêts,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande tendant à se voir réserver tous droits et moyens de chiffrer un préjudice né des conséquences d'un changement des règles d'urbanisme ou de la classification du terrain comme constructible,

- condamné in solidum M. et Mme [H] à payer à M. et Mme [F] [B] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Pour le surplus, statuant à nouveau,

A titre d'appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [F] [B] du surplus de leurs demandes,

- condamner M. et Mme [H] à leur payer la somme de 83 839 euros à titre de dommages et intérêts,

A titre d'appel incident subsidiaire,

- condamner M. et Mme [H] à leur payer la somme de 10 989 euros à titre de dommages et intérêts,

En toute hypothèse à titre incident,

- condamner solidairement M. et Mme [H] à leur verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Les intimés font valoir que l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 est applicable puisqu'il s'agit d'une disposition légale, stipulée en page 14 de la promesse, et que le délai de 6 mois visé par cet article a pris fin le 27 mars 2020, soit pendant la période juridiquement protégée définie par l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire. Ils affirment en conséquence que le compromis était valable jusqu'à l'issue d'un délai de deux mois courant à compter de la fin de la période juridiquement protégée, soit jusqu'au 24 août 2020, et que l'assignation a été délivrée aux vendeurs les 1er et 10 août 2020, de sorte que la promesse n'était pas caduque.

Ils indiquent, au visa des articles 1589 et 1304-6 du code civil, que la vente est définitive entre les parties qui se sont accordées sur la chose, un terrain à [Localité 6], et le prix, de 190 000 euros, dès lors que la condition suspensive, l'obtention du prêt, a été réalisée en satisfaisant les conditions stipulées en page 7 de la promesse synallagmatique.

Ils expliquent que l'accord de prêt de la Banque populaire, pour un montant de 751 000 CHF destiné à l'achat du terrain et la construction de la maison, a été obtenu dès le 14 février 2020 et transmis aux notaires, et que la transmission d'une offre non conforme aux stipulations contractuelles ne leur est pas opposable dans la mesure où la condition suspensive relative au prêt est stipulée dans le seul intérêt des acquéreurs.

Les intimés ajoutent que la vente était parfaite à cette date, que les parties ont sollicité la fixation d'une date de signature pour la réitération de la promesse mais que la pandémie qui s'est abattue sur la France a empêché la régularisation de la vente.

Ils affirment que lorsque la situation sanitaire s'est améliorée, ils disposaient de deux confirmations de financement pour l'achat du terrain, celle de la Banque populaire du mois de février 2020 et celle de la BNP Paribas de juin 2020 (offre de prêt du 9 juin 2020 renvoyée et reçue signée le 23 juin 2020), de sorte que la condition suspensive était remplie dès février 2020 et subsidiairement en juin 2020.

Ils soutiennent que les appelants ne pouvaient plus renoncer à la vente, comme ils ont tenté de le faire le 6 juillet 2020, et qu'à cet égard, aucune renonciation dans les formes prescrites par la promesse de vente n'a été notifiée avant le 6 juillet 2020.

Sur la caducité alléguée de la promesse au visa des délais contractuels, les intimés font valoir, au visa des articles 1189 et 1188 que le droit local a bien vocation à s'appliquer dès lors que l'article 42 de loi de 1924 est expressément stipulé à l'acte en page 14 de la promesse synallagmatique.

Ils soulignent, en tout état de cause, que la clause prévoyant la réitération de l'acte au plus tard le 31 janvier 2020 n'est assortie d'aucune sanction et qu'aucune des parties n'a renoncé à la vente postérieurement à cette date, ce qui ressort des échanges avec M. [H] qui a répondu favorablement à l'obtention du prêt par M. [F], confirmé sa disponibilité pour signer la vente, dit comprendre les difficultés liées à la pandémie, et affirmé qu'ils restaient tenus par leur accord en mars 2020, manifestant ainsi l'accord des appelants pour proroger le terme fixé pour la réitération de l'acte.

Sur les délais impartis pour accomplir la condition suspensive, ils indiquent que la clause imposant aux acquéreurs de s'obliger à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt et déposer un dossier d'emprunt au plus tard le 14 octobre 2019 n'est pas incluse dans le champ de la condition suspensive et n'est qu'un délai indicatif puisque stipulé dans l'intérêt exclusif des acquéreurs.

Sur la demande d'indemnisation formulée par les appelants en raison de l'immobilisation du bien immobilier pendant un an, les intimés considèrent que les appelants ne sont pas fondés à solliciter des dommages et intérêts en raison d'une procédure rendue nécessaire par leur refus de signer la vente, de surcroît sans justifier d'un quelconque préjudice et qu'en tout état de cause aucune faute n'a été commise par les époux [F] [B].

Ils motivent leur demande de dommages et intérêts à hauteur 83 839 euros (1951,77 + 81 888) par le fait que le refus des appelants de réitérer la vente les a contraints à débourser 1 951,77 euros au titre des cotisations d'assurances du prêt bancaire d'octobre 2020 à octobre 2022) et 81 888 euros au titre du loyer.

Subsidiairement si la vente n'était pas ordonnée, ils sollicitent le remboursement des honoraires d'architecte qu'ils ont déboursés pour ce projet à hauteur de 10 989 euros.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 6 juin 2023.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 18 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la caducité de la promesse synallagmatique de vente :

- la caducité sur le fondement de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 :

Aux termes de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, tout acte portant sur un droit susceptible d'être inscrit doit être, pour les besoins de l'inscription, dressé, en la forme authentique, par un notaire, un tribunal ou une autorité administrative. Tout acte entre vifs, translatif ou déclaratif de propriété immobilière, tout acte entre vifs portant constitution ou transmission d'une servitude foncière souscrit sous une autre forme doit être suivi, à peine de caducité, d'un acte authentique ou, en cas de refus de l'une des parties, d'une demande en justice, dans les six mois qui suivent la passation de l'acte.

En l'espèce, la promesse de vente liant les parties mentionne expressément en page 14, sous l'intitulé « caducité » que « le présent compromis sera caduc de plein droit, à défaut de réalisation des présentes par acte authentique devant intervenir au plus tard dans les six mois à compter des présentes, conformément aux dispositions de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 applicable en Alsace-Moselle ».

La promesse de vente étant passée par acte sous-seing privé, et portant sur un immeuble sis dans le département du Haut-Rhin, l'article 42 précité est bien applicable au litige, comme cela résulte également des dispositions claires et non équivoques de l'acte ci-dessus rappelées.

Il est constant que la promesse de vente litigieuse a été signée le 27 septembre 2019, de sorte que le délai de six mois de l'article 24 précité expirait au 27 mars 2020.

Cependant, la période d'état d'urgence sanitaire dite « protégée » en raison de l'épidémie de Covid 19 ordonnée par le gouvernement français s'étend du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 selon les dispositions de l'article I-I de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.

Cette ordonnance a prorogé durant cette période les délais de tout acte juridique ou judiciaire.

L'article 2 de cette ordonnance prévoit :

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »

La période « protégée » expirant le 23 juin 2020, la réitération authentique ou la demande en justice devait intervenir au plus tard le 24 août 2020, soit deux mois après la fin de la période sanitaire pour les délais ayant expiré pendant cette période.

L'assignation aux fins de passation forcée de l'acte de vente ayant été délivrée les 1er et 10 août 2020, la caducité du compromis n'est pas encourue sur le fondement de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

- la caducité résultant des délais contractuels :

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l'espèce, la promesse de vente du 27 septembre 2019 prévoit que la réitération de la vente par acte authentique doit intervenir au plus tard au 31 janvier 2020.

La clause intitulée « réitération authentique » précise que « si le défaut de réitération à la date de réalisation ci-dessus prévue provient de la défaillance de l'acquéreur, le vendeur pourra toujours renoncer à poursuivre l'exécution de la vente en informant l'acquéreur de sa renonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, ce dernier faisant foi, ou par exploit d'huissier ».

Il résulte de ces dispositions que les parties n'ont pas souhaité sanctionner le dépassement du terme fixé pour la réitération de l'acte par la caducité automatique de la promesse, la renonciation du vendeur à poursuivre l'exécution de la vente étant subordonnée à l'information préalable de l'acquéreur.

Par ailleurs, la promesse de vente est soumise, en faveur de l'acquéreur et dans son intérêt exclusif, à la condition suspensive de l'obtention d'un crédit.

L'acquéreur s'oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt dans les meilleurs délais et notamment à déposer le dossier d'emprunt au plus tard le 14 octobre 2019.

Sous l'intitulé « réalisation de la condition suspensive », la promesse de vente stipule :

« Le prêt sera réputé obtenu et la condition suspensive sera réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur de l'offre écrite, telle que prévue aux articles L 313-24 et suivant du code de la consommation, de consentir le crédit aux conditions principales sus-énoncées et dans le délai de réalisation des présentes. La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 20 novembre 2019. L'obtention ou la non-obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur. A défaut de cette notification, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine la réalisation ou la défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu. Passé de délai de huit jours sans que l'acquéreur ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit » (').

Il résulte des pièces produites que si les acquéreurs justifient avoir fait réaliser une étude financière auprès d'une société de courtage qui a émis un avis favorable à leur projet financier dans une attestation du 14 octobre 2019, ils ne justifient pas avoir déposé un dossier d'emprunt à cette date.

Par ailleurs, il est constant qu'aucune offre de prêt n'est intervenue à la date du 20 novembre 2019, les acquéreurs justifiant d'une attestation de prêt émanant de la banque populaire en date du 14 février 2020 d'un montant de 751 000 francs suisses pour le financement d'un terrain et d'une maison individuelle à [Localité 6] et d'un accord de prêt émanant de la société générale en date du 4 juin 2020 d'un montant de 190 000 euros pour le financement d'un terrain à [Localité 6].

En dépit du non-respect des délais, les parties conservent la possibilité de renoncer à en tirer les conséquences juridiques.

La volonté de renoncer peut-être expresse ou implicite.

Par ailleurs, il ressort des dispositions contractuelles que la caducité résultant de la défaillance de la condition suspensive n'est pas automatique puisqu'elle est soumise à une mise en demeure préalable demeurée infructueuse pendant un délai de huit jours.

Or, les vendeurs ne justifient pas de l'accomplissement de cette formalité avant la notification au vendeur de l'obtention de l'offre de prêt par courriel adressé à leur notaire le 23 juin 2020, pas plus qu'ils ne justifient avoir informé les acquéreurs avant cette date de leur renonciation à poursuivre la vente dans les formes prescrites par la promesse du 27 septembre 2019.

Au contraire, il résulte des courriels échangés en langue anglaise entre les parties entre janvier et avril 2020, que des échanges se sont poursuivis entre les parties en vue de concrétiser la vente malgré le dépassement des délais contractuels.

Ainsi, M. [H] se déclarait disponible et flexible pour un rendez-vous de signature chez le notaire dans un courriel du 14 mars 2020, et ne conteste pas avoir indiqué, dans un courriel du 5 avril 2020, qu'ils restaient « fidèles à leur accord », ce qui en l'absence de la mise en demeure précitée, traduit la volonté implicite des vendeurs de renoncer à tirer les conséquences de la défaillance de la condition suspensive en acceptant une prorogation des délais contractuels pour justifier du financement et signer l'acte de vente.

A cet égard, le courrier recommandé des époux [H] du 6 juillet 2020, informant les acquéreurs de leur renonciation à poursuivre l'exécution de la vente, est sans incidence dès lors qu'il est postérieur à la réalisation de la condition suspensive par la transmission de l'offre de prêt.

Par conséquent, la caducité du compromis n'est pas encourue sur le fondement du non-respect des délais contractuels.

La vente étant parfaite du fait de la réalisation des conditions suspensives, les époux [H] seront condamnés à signer l'acte de vente sous la forme authentique dans les conditions fixées dans la promesse de vente du 27 septembre 2019.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [H] :

Les appelants demandent à la cour de condamner les intimés à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, compte tenu de l'absence de diligences des époux [F] [B] qui a conduit à l'immobilisation prolongée de leur bien immobilier alors qu'ils envisageaient de réaliser un investissement en avril 2020.

Cependant, compte tenu de la solution apportée au litige, aucun manquement imputable aux époux [F] [B] n'est établi.

Les éléments du dossier démontrent au contraire que de nombreuses démarches ont été entreprises par les acquéreurs en vue de concrétiser la vente, en dépit d'un contexte difficile lié à la crise sanitaire et aux mesures de confinement ordonnées par le gouvernement.

Par ailleurs, les vendeurs ne justifient pas du préjudice allégué, l'immobilisation durable de leur bien immobilier étant principalement imputable à leur refus infondé de signer l'acte de vente.

Par conséquent, ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts des époux [F] [B] :

A titre liminaire, la cour relève que le premier juge n'a pas statué sur la demande de dommages et intérêts des époux [F] [B] puisque cette demande a été formée à titre subsidiaire et que la demande formée à titre principal a été accueillie.

Il n'y a donc pas lieu à infirmation du jugement déféré sur ce point, la demande de dommages et intérêts formée par les intimés à hauteur de cour étant une demande additionnelle.

Il résulte des pièces produites que le refus injustifié des époux [H] de réitérer la vente a causé un préjudice aux époux [F] [B], constitué par les cotisations d'assurance afférentes au prêt souscrit pour la période de juillet 2020 à octobre 2022 d'un montant total de 1 951 euros.

En revanche, le loyer de 81 888 euros payé par les époux [F] [B] pour la période d'octobre 2020 à octobre 2022 ne constitue pas un préjudice en lien avec le manquement des vendeurs, dès lors qu'il s'agit de la contrepartie de la jouissance des locaux loués et que les intimés ne justifient pas, ni même allèguent, avoir assumé le remboursement d'un prêt immobilier durant cette période.

Par conséquent, les époux [H] seront condamnés à verser aux époux [F] [B] la somme de 1 951 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré seront confirmées en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

Les époux [H], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile et déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par équité, ils seront en outre condamnés à payer aux époux [F] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 3 août 2021,

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. [Y] [H] et Mme [V] [E] épouse [H] à payer à M. [N] [F] [B] et Mme [D] [P] épouse [F] [B] la somme de 1 951 euros (mille neuf cent cinquante-et-un euros) à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE in solidum M. [Y] [H] et Mme [V] [E] épouse [H] aux dépens d'appel,

DÉBOUTE M. [Y] [H] et Mme [V] [E] épouse [H] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [Y] [H] et Mme [V] [E] épouse [H] à verser à M. [N] [F] [B] et Mme [D] [P] épouse [F] [B] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.