CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 27 juin 2024, n° 23/12726
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Vacancéole Côte d'Azur (SASU)
Défendeur :
Vacancéole Côte d'Azur (SASU), Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocat :
Me Champion
EXPOSE DU LITIGE
La SASU Vacancéole Côte d'Azur est une société d'exploitation de résidence de tourisme.
Elle a conclu plusieurs baux commerciaux, en qualité de preneuse, avec différents bailleurs portant sur les lots de la résidence [Adresse 4] située [Adresse 1].
Il a ainsi été consenti à la société Vacancéole Côte d'Azur, en particulier les deux baux commerciaux suivants concernés par le litige :
- un bail commercial par la SNC [Adresse 4] portant sur l'appartement dèsigné n°407 d'un et sur un parking (lots 407 et 22),
- un bail commercial par Mme [I] [M] et M. [V] [W] portant sur l'appartement 212 ( lot 2).
Concernant l'indemnité d'éviction due par les bailleurs à leur preneuse, la société SASU Vacancéole Côte d'Azur, les deux baux fixent contractuellement et par avance le montant de celle-ci à 1% du chiffre d'affaires annuel.
La société [Adresse 4], d'une part, Mme [I] [M] et M. [V] [W], d'autre part ont acquis les lots grevés des deux baux commerciaux antérieurs (précédemment cités) par actes authentiques des 08 septembre et 9 décembre 2020.
Les nouveaux bailleurs vont délivrer deux congés pour partir à la société Vacancéole Côte d'Azur pour chacun des deux baux commerciaux concernés par le litige :
- un congé avec indemnité d'éviction pour le 31 mars 2021 signifié par acte d'huissier du 25 septembre 2020 par la SNC [Adresse 4],
- un congé pour le le 30 septembre2021 signifié par acte d'huissier du 22 mars 2021 par Mme [I] [M] et M. [V] [W].
Les parties se sont ensuite réciproquement fait délivrer des assignations devant le tribunal judiciaire de Grasse et le juge de la mise en état a refusé d'ordonner la jonction entre les deux instances ainsi créées.
Par acte extrajudiciaire du 26 avril 2022, Mme [I] [M] et M. [V] [W] et la SNC [Adresse 4] ont fait assigner la société Vacancéole Côte d'Azur devant le tribunal judiciaire de Grasse pour demander au visa des articles 1103 du code civil et L.l45-14 et L.145-28 du code de commerce :
-à titre principal, de fixer l'indemnité d'éviction due par eux à hauteur de 1 % du chiffre d'affaires annuel conformément aux stipulations des baux commerciaux, de condamner la preneuse à payer une indemnité d'occupation à compter du jour du congé,
-à titre subsidiaire, si la juridiction jugeait que la locataire avait droit à une indemnité d'éviction et écartait l'application de la clause fixant le montant de ladite indemnité, la condamnation de la société preneuse à réparer le préjudice causé par son dol à une somme équivalente au montant de l 'indemnité d'éviction à titre de dommages et intérêts, et ordonner la compensation avec l'indemnité d 'éviction fixée à la même somme, la condamnation de la preneuse à régler une indemnité d'occupation à hauteur du loyer actualisé en application du bail commercial et à compter du jour du congé.
Dans leur assignation, les demandeurs expliquent que la clause fixant forfaitairement l'indemnité d'éviction à 1% du chiffre d'affaires généré ( et donc la renonciation du preneur à une indemnité d'éviction 'classique') a été un élément essentiel de leur consentement. Concernant la liceité d'une telle clause, ils ajoutent que la preneuse leur a dissimulé intentionnellement le caractère d'ordre public du droit à une indemnité d'éviction et donc l'insécurité juridique de la clause forfaitaire.
Cette assignation concerne la présente procédure dont la cour d'appel est saisie.
Une seconde procédure va opposer les parties, initiée par la preneuse, laquelle a fait l'objet d'une radiation.
Par acte d'huissier du 25 juin 2021, la société Vacancéole Côte d'Azur a fait assigner la SNC [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire de Grasse aux fins de voir, à titre principal, prononcer la nullité du congé qui lui a été délivré le 25 septembre 2020 et à titre subsidiaire, écarter la clause relative à la fixation du montant de l'indemnité d'éviction.
Cette affaire a fait l'objet d'une radiation'en l'état de la carence de la demanderesse.
Dans le cadre de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire de Grasse suite à l'assignation délivrée par les bailleurs, la société Vacancéole Côte d'Azur a formé un incident et a saisi le juge de la mise en état par conclusions notifiées le 10 février 2023, aux fins de voir prononcer 1'irrecevabilité des demandes formulées tant par la SNC [Adresse 4],que par Mme [I] [M] et M. [V] [W] visant à solliciter la nullité du bail.
Devant le juge de la mise en état, la société Vacancéole Côte d'Azur sollicitait également la nullité du congé qui lui avait été délivré le 22 mars 2021 par Mme [I] [M] et M. [V] [W].
Par ordonnance contradictoire du 29 septembre 2023 le juge de la mise en état de Grasse s'est prononcé en ces termes :
- disons n'y avoir lieu à jonction entre la présente procédure n° de RG 22/02169 et celle inscrite sous le n° de RG 21/02970, radiée le 17 novembre 2021 ,
- disons la société Vacancéole Côte d'Azur irrecevable en sa demande de nullité du congé qui lui a été signifié le 22 mars 2021 par M. [V] [W] et par Mme [I] [M],
- rejetons la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Vacancéole Côte d'Azur tirée de la prescription de l'action en nullité du bail ,
- rejetons la fin de non-recevoir soulevée par la SASU Vacancéole Côte d'Azur tirée de la prescription de l'action en dommages et intérêts fondée sur le dol ,
- déboutons M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] de leur demande de production de pièces ,
- rejetons la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à titre reconventionnel par M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] ,
- renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état du 9 novembre 2023,
- condamnons la SASU Vacancéole Côte d'Azur à payer à M. [V] [W], Mme [M] et la SNC [Adresse 4] ensemble la somme de 1.200 euros au titre de 1'article 700 du code de. procédure civile ,
- condamnons la SASU Vacancéole Côte d'Azur aux dépens de l'incident ,
- rejetons toute autre demande ,
Pour se prononcer ainsi, concernant le rejet de la demande de jonction des deux procédures pendante devant le tribunal judiciaire de Grasse, opposant une partie des mêmes justiciables, le tribunal relevait que la jonction ne pouvait être ordonnée entre deux procédures quand l'une d'entre elles était radiée et que tel était le cas en l'espèce s'agissant de la procédure
n° RG 21/02970.
Pour déclarer irrecevable la demande de la société Vacancéole Côte d'Azur aux fins d'annulation du congé qui lui avait été signifié le 22 mars 2021 par Mme [I] [M] et M. [V] [W], le juge de la mise en état retenait que selon l'article 789 du code de procédure civile, il était compétent pour statuer en particulier sur les exceptions de procédures.
Il ajoutait que la demande de nullité d'un congé ne s'analysait pas en une telle exception au sens des articles 112 et suivants du code de procédure civile, précisant qu'en aucun cas il n'avait pas le pouvoir de statuer sur la nullité d'un congé, laquelle relevait de la compétence du juge du fond.
Pour rejeter la fin de non-recevoir biennale ou quinquennale soulevée par la société Vacancéole Côte d'Azur , tirée de la prescription de l'action en nullité du bail, le juge de la mise en état estimait d'abord que les défendeurs ne sollicitaient cependant aucunement la nullité du bail , mais la fixation de de l'indemnité d'éviction conformément aux clauses du bail, la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation et subsidiairement , la condamnation à une indemnisation fondée sur le dol.
Concernant la prescription de l'action en dommages et intérêts fondée sur un dol, le juge de la mise en état rappelait d'abord, en droit, que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En fait, pour écarter la prescription, le juge de la mise en état estimait que les points de départ de la prescription quinquennale se situaient aux dates d'acquisition des biens objets des baux commerciaux, soit le 8 septembre 2020 pour la SNC [Adresse 4] et le 9 décembre 2020 pour Mme [I] [M] (étant rappelé que l'assignation introductive d'instance de ces derniers date du 26 avril 2022).
Pour refuser de faire droit à la demande de production de pièces formée par Mme [I] [M] et M. [V] [W] ainsi que par la société [Adresse 4], le juge de la mise en état estimait que les pièces concernées devaient servir au calcul de l'indemnité d'éviction réclamée par la preneuse, et que pour autant, à ce stade la procédure, il n'y avait aucune utilité à voir produire de telles pièces. Le juge de la mise en état précisait qu'il appartiendrait en temps utile et au fond, à la société Vacancéole Côte d'Azur à produire tous justificatifs comptables et que dès lors que la charge de la preuve du calcul de l'indemnité d'éviction lui incombait, le tribunal pourrait alors tirer toutes conséquences du défaut de production de telles pièces.
La société Vacancéole Côte d'Azur a formé un appel le 12 octobre 2023.
L'appel porte sur les dispositions suivantes de l'ordonnance :
- disons n'y avoir lieu à la jonction entre la présente procédure n°22/02169 et celle inscrite sous le numéro RG 21/02970 radiéele 17 novembre 2021,
- disons la société Vacancéole Côte d'Azur irrecevable en sa demande de nullité de congé qui lui a été signifié le 22 mars 2021 par M.[V] [W] et Mme [I] [M],
- rejetons la fin de non-recevoir soulevée par la société Vacancéole Côte d'Azur tirée de la prescription de l'action en nullité du bail ,
- rejetons la fin de non-recevoir soulevée par la société Vacancéole Côte d'Azur tirée de la prescription de l'action en dommages et intérêts fondée sur le dol,
- déboutons M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] de leur demande de production de pièces ,
- rejetons la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à titre reconventionnel par M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] ,
- renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état du 09 novembre 2023 ,
- condamnons la société Vacancéole Côte d'Azur à payer à M. [V] [W] , Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] ensemble la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamnons la SASU Vacancéole Côte d'Azur aux dépens de l'incident ,
- rejetons toute autre demande.
La société Vacancéole Côte d'Azur a fait signifier sa déclaration d'appel le 23 octobre 2023 aux trois intimés, les significations ayant eu lieu par remise des actes en l'étude de l'huissier de justice.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance prononcée le 16 avril 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2023, la société Vacancéole Côte d'Azur demande à la cour de :
vu les articles 789 et suivants du code de procédure civile
vu les articles L110-40 et suivant du code de commerce
- infirmer et réformer l'ordonnance,
et statuant à nouveau :
- ordonner la jonction avec l'affaire n°21/02970,
- prononcer la nullité du congé en date du 22 mars 2021,
- prononcer l'irrecevabilité des demandes formulées par la société SNC [Adresse 4], Mme [I] [M] et M. [V] [W] visant à solliciter la nullité du bail ou fondées sur le dol,
en toute hypothèse :
- débouter la société [Adresse 4], Mme [I] [M] et M. [V] [W] de toutes leurs demandes,
- condamner la société [Adresse 4], Mme [I] [M] et M. [V] [W] aux entiers dépens,
- condamner la société [Adresse 4], Mme [I] [M] et M. [V] [W] à payer à la société Vacancéole Côte d'Azur la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Il est de principe que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. Tel est le cas pour les intimés en l'espèce, soit pour la société [Adresse 4], Mme [I] [M] et M. [V] [W].
Les chefs suivants de l'ordonnance sont confirmés, dès lors que la société Vacancéole Côte d'Azur a formé un appel contre eux mais qu'il n'est ensuite présenté aucune demande d'infirmation :
- déboutons M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] de leur demande de production de pièces ,
- rejetons la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée à titre reconventionnel par M. [V] [W], Mme [I] [M] et la SNC [Adresse 4] ,
- renvoyons l'affaire à l'audience de mise en état du 09 novembre 2023.
1-sur la demande de l'appelante d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à jonction entre la présente procédure numéro 22/02169 et celle inscrite sous le numéro RG 21/02970, radiée le 17 novembre 2021
En application de l'article 368 du code de procédure civile, les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire.
Aux termes de l'article 537 du même code, les mesures d'administration judiciaire ne sont sujettes à aucun recours.
Il en résulte que les décisions de jonction ou de disjonction d'instance ne sont susceptibles d'aucun recours, y compris au motif d'un excès de pouvoir.
Dès lors, l'appel formé par la société Vacancéole Côte d'Azur, à l'encontre du chef du de l'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à jonction, sera déclaré irrecevable.
2-sur la demande de l'appelante d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle déclare irrecevable sa demande de la preneuse nullité du congé donné le 22 mars 2021 par M. [V] [W] et Mme [I] [M].
Selon l'article 789 du code de procédure civile :Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa dèsignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ,
L'article 71 du code de procédure civile ajoute :Constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
Selon l'article 73 du même code :Constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Si la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent les actes de procédure, le moyen de nullité d'un congé au titre d'un bail commercial ne constitue pas pour autant une exception de procédure.
Au contraire, l'exception de nullité du congé constitue un moyen de défense au fond auquel est applicable la règle de l'exception de nullité.
En effet, le moyen tiré de la nullité d'un congé ne tend pas à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte devant le tribunal et ne constitue donc pas une exception de procédure au sens de l'article 73 du code de procédure civile.
C'est donc à tort que la preneuse soutient que son moyen d'annulation du congé délivré par Mme [I] [M] et M. [V] [W] doit être regardé comme une exception de procédure relevant de la compétence du juge de la mise en état.
C'est par motifs pertinents que le juge de la mise en état a retenu qu'en aucun cas, il n'avait, en cette qualité, le pouvoir de statuer sur la nullité d'un congé, laquelle relève de la compétence du juge du fond.
La cour confirme l'ordonnance en ce qu'elle déclare irrecevable la demande de la société Vacancéole Côte d'Azur de nullité du congé donné 1e 22 mars 2021 par Mme [I] [M] et M. [V] [W]
3-sur la demande de l'appelante d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle déclare non prescrite l'action en réparation des bailleurs fondée sur le dol de la preneuse
Vu l'article 789 6° du code de procédure civile énonçant que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
L'article 2224 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 19 juin 2008, dispose :Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Il est de principe que le délai de l'action en responsabilité, qu'elle soit de nature contractuelle ou délictuelle, court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en a pas eu précédemment connaissance.
Critiquant l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a rejeté ses fins de non-recevoir tirées de la prescription, la société preneuse soutient que la demande en réparation des bailleurs fondée sur le dol est prescrite, et ce quelle que soit la prescription applicable (biennale à titre principale ou quinquennale à titre subsidiaire).
Concernant les demandes des preneurs fondées sur le dol, auxquelles la preneuse oppose le moyen tiré de la prescription, les bailleurs invoquent, au fond, un dol commis par la preneuse, laquelle leur aurait dissimulé l'insécurité juridique des clauses des baux commerciaux fixant par avance les montants des indemnités d'éviction à 1 % du chiffre d'affaires. Les bailleurs s'appuyant sur ce dol constitutif d'une faute de la part de la société preneuse, sollicitent réparation pour le cas où ils étaient condamnés à payer une indemnité d'éviction classique et non l'indemnité d'éviction forfaitaire prévue par le bail (limitée à 1% du chiffre d'affaires annuel).
Pour ce qui est du délai de la prescription applicable à l'action des bailleurs, c'est à bon droit que le juge de la mise en état a jugé qu'il s'agissait de la prescription quinquennale de droit commun issu du code civil, s'agissant d' une action en réparation fondée sur un dol prévue par le code civil peu important à cet égard que le dol prenne sa source dans les clauses du bail commercial conclu entre les parties.
S'agissant ensuite du point de départ en l'espèce du délai de la prescription quinquennale, celui-ci se situe nécessairement postérieurement aux dates auxquelles les bailleurs ont fait l'acquisition de lots grevés des baux commerciaux consentis à la société Vacancéole Côte d'Azur. En effet, ce n'est que postérieurement à ces dates que les bailleurs ont découvert l'erreur provoquée par le dol et que le dommage s'est manifesté les concernant.
Les dates auxquelles les intimés sont devenus bailleurs sont le 8 septembre 2020 pour la société [Adresse 4] et le 9 décembre 2020 pour Mme [I] [M] et M. [V] [W].
Les points de départ de la prescription étant les 8 septembre 2020 et 9 décembre 2020, les délais de la prescription quinquennale n'étaient pas écoulés lorsque les bailleurs ont fait délivrer le 26 avril 2022 leur assignation comportant des demandes en réparation fondée sur le dol.
La cour ne peut que confirmer l'ordonnance en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en dommages et intérêts.
4-sur la demande de la preneuse d'irrecevabilité des demandes des bailleurs en réparation sur le motif tiré du défaut de qualité de ces derniers pour invoquer un dol :
Selon l'article 1743 du code civil, Si le bailleur vend la chose louée, l'acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine.Il peut, toutefois, expulser le locataire de biens non ruraux s'il s'est réservé ce droit par le contrat de bail.
Le principe du transfert du contrat de bail à l'acquéreur de l'immeuble loué est posé à l'article 1743 du code civil.
En application de ce principe, le bail est transmis à l'acquéreur de l'immeuble loué mais sans rétroactivité et ce dernier ne peut normalement exercer que pour le futur les droits qu'il détient du bail à l'encontre de son locataire.Des exceptions sont cependant admises.
En l'espèce, pour s'opposer aux actions en réparation des bailleurs fondées sur le dol et pour voir déclarer irrecevables de telles actions, la société preneuse soulève un autre moyen d'irrecevabilité, tiré du défaut de qualité des bailleurs pour exercer de telles actions.
Sur ce défaut de qualité à agir des bailleurs en réparation au titre d'un dol, la preneuse fait valoir que l'action en nullité ou l'action en réparation fondée sur le dol est réservée à celui des cocontractants dont le consentement a été vicié. Elle précise que, les bailleurs, qui ne sont que les cessionnaires du bail, n'entrent pas, même quant à la créance cédée et aux moyens de la faire valoir, d'une manière tellement absolue dans la place du cédant qu'il soit autorisé à se prévaloir des avantages attachés à la condition personnelle de ce dernier.
Cependant, en l'espèce, les bailleurs intimés ont bien qualité et intérêt à agir en réparation contre la preneuse -au titre de la faute liée à l'insécurité juridique de la clause forfaitaire limitant l'indemnité d'éviction-fût-ce sur le fondement du dol commis par cette dernière.
La question de la transmission de l'action en réparation (contre la preneuse) aux intimés suite à l'acquisition par ce dernier des lots grevés des baux commerciaux relève du juge du fond, seul compétent pour apprécier si les conditions de succès de l'action en réparation fondée sur le dol sont réunies.
Le dol invoqué par les intimés, au fond, n'est qu'un moyen et leur demande en indemnisation fondée sur le dol est recevable au regard leur qualité et intérêt à agir.
En conséquence, la cour écarte le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'appelante tenant au supposé défaut de qualité des intimés pour agir en réparation contre la preneuse au titre d'un dol.
5-sur les frais du procès
En application des article 696 et 700 du code de procédure civile, la société Vacancéole Côte d'Azur sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
Les dispositions de l'ordonnance relatives à l'article 700 et aux dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, par défaut :
- déclare irrecevable l'appel contre le chef de l'ordonnance relatif à la question de la jonction des procédures n°22/02169 et n° 21/02970 (procédure radiée le 17 novembre 2021),
- confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions soumises à la cour,
y ajoutant,
-écarte le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Vacancéole Côte d'Azur tenant au supposé défaut de qualité des bailleurs pour agir en réparation au titre d'un dol,
- rejette la demande de la société Vacancéole Côte d'Azur sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Vacancéole Côte d'Azur aux entiers dépens d'appel.