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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 27 juin 2024, n° 23/00622

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fleuron (SAS)

Défendeur :

Le Fleuron (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clement

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

Me Liancier, Me Rahon

TJ Nevers, du 17 mai 2023, n° 23/00622

17 mai 2023

EXPOSÉ

La SCI LE FLEURON est propriétaire d'un ensemble immobilier constituant un centre commercial situé [Adresse 2] (58).

Un protocole d'accord a été régularisé le 29 septembre 2017 entre la SAS FLEURON ' qui exploite l'enseigne Intermarché dans le centre Commercial ' et la SCI LE FLEURON en date du 29 septembre 2017, aux termes duquel la SCI LE FLEURON a donné à bail commercial à la SAS FLEURON les lots suivants : lot n° 5 : Activité de prêt-à-porter, lot n° 9 : Activité de vente de journaux et de périodiques, lot n° 11 : Activité de parfumerie, lot n° 13 : Activité à usage de fleurs , le lot n° 10 étant réparti entre le lot n°9 et le lot n° 11.

Invoquant un manquement de sa locataire à son obligation de régler les loyers, la SCI LE FLEURON a fait délivrer à la SAS FLEURON un commandement de payer les loyers le 20 octobre 2020 pour un montant de 95 770,70 €.

Par acte du 19 novembre 2020, la SAS FLEURON a assigné la SCI LE FLEURON devant le tribunal judiciaire de Nevers aux fins de constat de la nullité de ce commandement de payer.

Par jugement en date du 17 mai 2023, le tribunal judiciaire de Nevers a :

- Déclaré recevables les conclusions et pièces signifiées dans l'intérêt de la SCI LE FLEURON,

- Débouté la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020,

- Débouté la SAS FLEURON de sa demande de diminution des loyers,

- Condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de

176 315,27€ au titre des loyers et charges échus au 20 février 2023,

- Condamné la SAS FLEURON à cesser l'activité de vente de meubles et articles de décoration et reprendre l'activité de commercialisation de fleurs dans le lot n°13 sous astreinte de 50€ par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois qui suivra la signification du jugement à intervenir et ce pour une durée de 4 mois,

- Débouté la SCI LE FLEURON de sa demande de condamnation sous astreinte à reprendre personnellement l'exploitation du lot n°11 parfumerie,

- Condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance,

- Condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance.

La SAS FLEURON a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 21 juin 2023, dans laquelle il est précisé : « objet/portée de l'appel : En ce qu'il a déclaré recevable[s] les conclusions et pièces signifiées dans l'intérêts de la SCI LE FLEURON. En ce qu'il a débouté la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 176 315,27 euros, au titre des loyers et charges échus au 20 février 2023. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'Instance. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 3 000

euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance ».

La SAS FLEURON demande à la cour, dans ses dernières écritures en date du 19 septembre 2023, à la lecture desquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Vu les articles 1101 et suivants du code civil ;

Vu l'article 1104 du code civil ;

Vu l'article 1722 du code civil ;

Réformer la décision attaquée en ce qu'elle a :

- Déclaré recevable les conclusions et pièces signifiées dans l'intérêts de la sci le fleuron,

- Débouté la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020,

- Débouté la SAS FLEURON de sa demande de diminution des loyers,

- Condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 176 315,27€ au titre des loyers et charges échus au 20 février 2023,

- Condamné la SAS FLEURON à cesser l'activité de vente de meubles et articles de décoration et reprendre l'activité de commercialisation de fleurs dans le lot n°13 sous astreinte de 50€ par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois qui suivra la signification du jugement à intervenir et ce pour une durée de 4 mois,

- Débouté la SCI LE FLEURON de sa demande de condamnation sous astreinte à reprendre personnellement l'exploitation du lot n°11 parfumerie,

- Condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance,

- Condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau,

- Constater la nullité du commandement de payer.

- Constater la nullité du commandement de payer les loyers du 20 octobre 2020 concernant l'activité brasserie.

- Constater la nullité du commandement de payer les loyers du 20 octobre 2020, concernant l'activité parfumerie.

- Constater la destruction temporelle, partielle des locaux loués par la SAS LE FLEURON.

Subsidiairement,

- Constater la nullité de la clause de l'article XXVIII et la déclarer non-écrite.

- Constater que la SCI LE FLEURON a exécuté le bail commercial la liant à la SAS LE FLEURON de mauvaise foi.

- Condamner la SCI LE FLEURON à payer et porter à la SAS FLEURON une somme de 1 716,46 euros, concernant l'activité presse, sur les loyers dus par la SAS FLEURON.

- Condamner la SCI LE FLEURON à payer et porter à la SAS FLEURON une somme de 2 582,65 euros concernant l'activité fleurs sur les loyers dus par la SAS FLEURON.

- Condamner la SCI LE FLEURON à payer et porter à la SAS FLEURON une somme de 6 732,46 euros concernant l'activité brasserie sur les loyers dus par la SAS FLEURON.

- Condamner la SCI LE FLEURON à restituer à la SAS FLEURON une somme de 5 733,13 euros concernant l'activité parfumerie sur les loyers dus.

- Condamner la SCI LE FLEURON à restituer à la SAS FLEURON, pour l'activité brasserie, une somme de 17 778,79 euros, sauf à parfaire concernant le paiement des charges et de la taxe foncière.

- Condamner la SCI LE FLEURON à restituer à la SAS FLEURON, pour l'activité fleurs, une somme de 6 914,90 euros, sauf à parfaire concernant le paiement des charges et de la taxe foncière.

- Condamner la SCI LE FLEURON à restituer à la SAS FLEURON, pour l'activité presse, une somme de 6 890,26 euros, sauf à parfaire concernant le paiement des charges et de la taxe foncière.

- Condamner la SCI LE FLEURON à restituer à la SAS FLEURON, pour l'activité parfumerie, une somme de 8 841,02 euros, sauf à parfaire, concernant le paiement des charges et de la taxe foncière.

- Condamner la SCI LE FLEURON à payer et porter à la SAS FLEURON une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Enfin condamner la SCI LE FLEURON aux entiers dépens .

La SCI LE FLEURON, intimée et appelante incidente, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures en date du 23 novembre 2023, à la lecture desquelles il est également expressément renvoyé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de :

- Se Déclarer non saisie de la connaissance des chefs du jugement non expressément mentionnés dans la déclaration d'appel de la SAS FLEURON ;

- Débouter la SAS FLEURON de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 176 315,27 euros au titre des loyers et charges impayés ainsi que la somme de 3000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS FLEURON de ses demandes ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a fait injonction à la SAS FLEURON de cesser l'activité de vente de meubles et articles de décoration et de reprendre l'activité de commercialisation de fleurs, sous astreinte de 500 euros par jours de retard (ce qui ne fait pas l'objet d'une demande d'infirmation dans la déclaration d'appel) ;

Y ajoutant,

- Condamner la SAS FLEURON à la somme de 5.000 € au bénéfice de la SCI LE FLEURON au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'instance dont la distraction sera ordonnée au profit de Maître Hervé RAHON, avocat à la Cour d'appel de Bourges.

Sur appel incident

- Infirmer le jugement en ce qu'il a omis de statuer sur la demande de condamnation de la SAS FLEURON à verser à la SCI LE FLEURON la pénalité conventionnelle de retard égale à 10% des sommes impayées, soit la somme de 17 631,52 euros ;

- Condamner la SAS FLEURON à verser à la SCI LE FLEURON la somme de

17 631,523 euros au titre de l'indemnité de retard ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation de la SAS FLEURON à reprendre directement l'exploitation du lot à usage de parfumerie ;

- Condamner la SAS FLEURON à reprendre directement l'activité de parfumerie, sous astreinte sous astreinte de 500 euros par jours de retard et ce pendant une durée de quatre mois à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 avril 2024.

SUR QUOI

Sur la portée de l'appel et la saisine de la cour :

Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur entre le 1er septembre 2017 et le 1er septembre 2024 résultant du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Il a été jugé que selon ce texte, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués (Cour de cassation, 2e chambre civile, 9 juin 2022 n° 20-16.239).

En application de l'article 901 du même code, « La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : (...) 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle ».

Il résulte de ces textes que c'est la déclaration d'appel qui indique les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, la cour étant néanmoins saisie des chefs visés dans les appels incidents ( Cass. 2e civ., 4 mars 2021, n° 19-25.291).

Ainsi, lorsque la déclaration d'appel omet de mentionner certains chefs critiqués du jugement, l'effet dévolutif ne joue pas relativement aux chefs omis, ( Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22.528 ), l'appelant pouvant toutefois régulariser sa déclaration d'appel en formant une seconde déclaration d'appel dans le délai qui lui est imparti pour conclure au fond ( Cass. 2e civ., 26 oct. 2023, n° 21-23.012).

En l'espèce, et ainsi que cela a été rappelé dans l'exposé du litige supra, le dispositif du jugement rendu le 17 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Nevers est ainsi libellé :

« - Déclare recevable|s] les conclusions et pièces signifiées dans l'intérêts de la SCI LE FLEURON,

- Déboute la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020,

- Déboute la SAS FLEURON de sa demande de diminution des loyers,

- Condamne la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 176 315,27€ au titre des loyers et charges échus au 20 février 2023,

- Condamne la SAS FLEURON à cesser l'activité de vente de meubles et articles de décoration et reprendre l'activité de commercialisation de fleurs dans le lot n°13 sous astreinte de 50€ par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois qui suivra la signification du jugement à intervenir et ce pour une durée de 4 mois,

- Déboute la SCI LE FLEURON de sa demande de condamnation sous astreinte à reprendre personnellement l'exploitation du lot n°11 parfumerie,

- Condamne la SAS FLEURON aux dépens de l'instance,

- Condamne la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la SAS FLEURON aux dépens de l'instance. »

Dans sa déclaration d'appel en date du 21 juin 2023, la SAS FLEURON a précisé qu'elle interjetait appel de ce jugement en critiquant les chefs de celui-ci ainsi désignés : « objet/portée de l'appel : En ce qu'il a déclaré recevable[s] les conclusions et pièces signifiées dans l'intérêts de la SCI LE FLEURON. En ce qu'il a débouté la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 176 315,27 euros, au titre des loyers et charges échus au 20 février 2023. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'Instance. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON à payer à la SCI LE FLEURON la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En ce qu'il a condamné la SAS FLEURON aux dépens de l'instance ».

La SCI LE FLEURON demande dans ces conditions à la cour de se déclarer non saisie de la connaissance des chefs du jugement non expressément mentionnés dans la déclaration d'appel de la SAS FLEURON.

Cette dernière n'a pas répliqué à ce moyen soulevé en cause d'appel.

Il résulte de ce qui précède que la SAS FLEURON n'a pas interjeté appel de la disposition du jugement l'ayant condamnée à cesser l'activité de vente de meubles et articles de décoration et à reprendre l'activité de commercialisation de fleurs dans le lot numéro 13 sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement et ce pour une durée de quatre mois.

À défaut d'appel incident portant sur ce chef de jugement, celui-ci est nécessairement définitif et il n'appartient donc pas à la cour, en l'absence de tout effet dévolutif, de statuer à nouveau sur ce point du litige.

Il apparaît également que la SAS FLEURON n'a pas interjeté appel de la disposition du jugement l'ayant déboutée de sa demande de diminution des loyers.

Toutefois, ce chef de jugement doit être considéré, au sens de l'article 562 du code de procédure civile précité, comme présentant un lien de dépendance avec le chef de jugement expressément critiqué condamnant la SAS FLEURON au paiement de la somme de 176'315,27 € au titre des loyers et charges échus.

En conséquence, il appartiendra à la cour de statuer sur les demandes formées par la SAS FLEURON au titre des loyers dus à la SCI LE FLEURON.

Sur la nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020 :

En application de l'article 114 du code de procédure civile, « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ».

Il est constant (pièce numéro 2 du dossier de la SAS FLEURON) que selon acte de la SELARL Actes @ Conseils, titulaire d'un office d'huissier de justice à Guerigny, en date du 20 octobre 2020, la SCI LE FLEURON a fait délivrer à la SAS FLEURON un commandement de payer la somme totale de 95'770,70 €, indiquant agir en vertu d'un « protocole d'accord sous-seing privé en date du 29 septembre 2017 valant bail à usage commercial pour les lots numéros 5,9, 10,11 et 13 se trouvant dans la galerie marchande du centre commercial [Adresse 7] ».

Il est précisé que cet acte est délivré à la demande de la « SCI LE FLEURON, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 798326054, dont le siège social est situé [Adresse 6]) agissant poursuites et diligences de son représentant légal la société Foncière De Vézelay, domicilié en cette qualité audit siège social ».

La SAS FLEURON conclut à la nullité de cet acte au motif qu'il comporte une erreur sur l'adresse de la SCI requérante, de sorte qu'il « est impossible de savoir avec précision quelle société a fait délivrer ce commandement de payer ».

Il est exact que l'acte, qui comporte le numéro exact d'immatriculation au RCS de la SCI, ne fait pas mention de l'adresse réelle de la SCI LE FLEURON ' en l'occurrence [Adresse 1] ' mais de l'adresse de la société IRUS IMMO, gestionnaire de la SCI LE FLEURON.

Toutefois, la SAS FLEURON ne rapporte aucunement la preuve que ladite erreur lui aurait causé un grief, alors même qu'elle connaît nécessairement l'adresse de la SCI LE FLEURON, qui figure naturellement dans le protocole d'accord conclu par les parties le 29 septembre 2017 portant bail commercial sur les lots numéro 5,9, 10,11 et 13 de la galerie marchande du centre commercial situé [Adresse 7] (pièce numéro 5 du dossier de l'intimée), figurait d'ailleurs sur les nombreux courriers recommandés qui lui ont été adressés par la société IRUS IMMO et qui précisaient que l'adresse d'Arradon correspondait à un service de « gestion administrative » (pièces 6 à 25 du même dossier), étant à cet égard observé que l'assignation introductive d'instance devant le tribunal judiciaire de Nevers a été délivrée par la SAS FLEURON à la SCI LE FLEURON sans difficulté le 19 novembre 2020.

En outre, ainsi que l'a pertinemment noté le premier juge, le commandement de payer critiqué ne visait pas la clause résolutoire et était, ainsi, assimilable à une simple mise en demeure officielle d'avoir à régler l'arriéré de loyers.

En second lieu, la SAS FLEURON invoque la nullité dudit commandement de payer en ce qu'il mentionne qu'elle serait redevable de la somme de 38'225,48 € au titre de l'activité brasserie, alors que cette dernière est exploitée, non pas en vertu du protocole d'accord du 29 septembre 2017 visé dans cet acte, mais en raison d'un droit au bail faisant suite à une cession de fonds de commerce de la SARL Brasserie le Mermoz.

Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, après avoir à juste titre rappelé qu'il ne résultait d'aucune disposition légale ou réglementaire l'obligation de mentionner le bail dans le commandement de payer, a retenu que la SAS FLEURON, qui ne conteste nullement être titulaire d'un bail portant sur le lot dans lequel est exercée l'activité de brasserie, ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un grief découlant de l'absence alléguée de mention de la cession de fonds de commerce précitée.

Il y aura lieu, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS FLEURON de sa demande de nullité du commandement de payer du 20 octobre 2020.

Sur les loyers dus par la SAS FLEURON à la SCI LE FLEURON :

Rappelant les dispositions de l'article 1104 du code civil selon lequel les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, la SAS FLEURON reproche à la SCI LE FLEURON d'avoir fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat.

En effet, et en premier lieu, elle reproche à l'intimée d'avoir refusé toute négociation et d'avoir fait, au contraire, délivrer un commandement de payer, lorsqu'elle a sollicité une renégociation du contrat en raison des contraintes inhérentes à l'épidémie de Covid 19 ayant conduit les autorités à ordonner la fermeture administrative de l'ensemble des commerces non essentiels.

En second lieu, elle soutient que la SCI LE FLEURON a fait preuve de mauvaise foi postérieurement à l'assignation qui lui a été délivrée, en décidant de faire procéder à une saisie conservatoire à son encontre, laquelle est actuellement contestée devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nevers.

En outre, la SAS FLEURON se prévaut des dispositions de l'article 1722 du code civil selon lequel « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ».

En effet, la SAS FLEURON soutient que ce texte est applicable à la perte partielle temporelle des locaux, ce qui est le cas en l'espèce puisque l'exploitation de ces derniers s'est trouvée extrêmement diminuée compte tenu des règles administratives imposées lors du confinement, précisant à cet égard que l'article XXVIII des conditions générales du contrat n'écartent les dispositions de ce texte que pour la résiliation de plein droit du bail et ne concerne que la destruction partielle physique du bien et aucunement la destruction partielle temporelle.

L'appelante soutient, tout en concédant que « certains arrêts peuvent être en sens contraire », que la jurisprudence retient la possibilité d'invoquer l'article 1722 précité du code civil s'agissant des conséquences de l'épidémie du Covid 19.

Ainsi, compte tenu des périodes de fermeture administrative et d'une baisse de chiffre d'affaires qu'elle évalue à 50 % ou 60 % selon les différentes activités, la SAS FLEURON sollicite la condamnation de la SCI LE FLEURON à lui restituer, au titre des loyers, les sommes de 1716,46 € concernant l'activité presse, 2582,65 € concernant l'activité fleurs, 6732,46 € concernant l'activité brasserie et 5733,13 € concernant l'activité parfumerie.

Il doit toutefois être remarqué que la SAS FLEURON ne produit aucun élément comptable au dossier permettant de vérifier la réalité et l'ampleur de la baisse du chiffre d'affaires ainsi invoquée.

D'autre part, il résulte du courrier électronique adressé à la SAS FLEURON le 13 mai 2020 par la société IRUS IMMO agissant « pour la SCI LE FLEURON » que cette dernière a proposé à sa locataire un « échelonnement du règlement des loyers et charges du 1er avril au 10 mai 2020 sur 6 mois de septembre 2020 à février 2021 » ' proposition à laquelle la locataire n'a pas répondu.

Cette dernière ne peut donc soutenir valablement que la SCI LE FLEURON serait demeurée totalement taisante face aux difficultés résultant de la pandémie survenue au début de l'année 2020.

Elle ne peut pas plus utilement se prévaloir de l'existence d'une saisie conservatoire de créance pratiquée par la SCI LE FLEURON postérieurement à l'assignation introductive d'instance devant le premier juge pour caractériser l'existence d'une mauvaise foi de celle-ci dans l'exécution de ses obligations contractuelles.

D'autre part, la demande formée par la SAS au titre des dispositions de l'article 1722 du code civil se heurte à une jurisprudence désormais bien établie (Cour de cassation, 3e chambre civile, 30 Juin 2022 n° 21-20.127) qui retient que : « L'effet de la mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets n° 2020-293 du 23 mars 2020 et n° 2020-423 du 14 avril 2020, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil ».

C'est en conséquence à juste titre qu'après avoir observé que le fonds loué n'était pas en lui-même affecté d'une dégradation, le premier juge a rejeté la demande formée en application de ce texte et a estimé qu'il n'y avait donc pas lieu de se prononcer sur le caractère non écrit de la clause contractuelle figurant à l'article XXVIII laquelle était inapplicable en l'espèce.

La décision de première instance devra donc être confirmée en ce qu'elle a débouté la SAS FLEURON de sa demande de diminution des loyers.

Sur le paiement des charges locatives et des taxes :

La SAS FLEURON sollicite la condamnation de la SCI LE FLEURON à lui restituer, au titre des charges et de la taxe foncière, les sommes de 17'778,79 € pour l'activité brasserie, 6914,90 € pour l'activité fleurs, 6898,26 € pour l'activité presse et 8841,02 € pour l'activité parfumerie.

Elle fait en effet valoir qu'elle n'a signé qu'un seul protocole d'accord avec la SCI LE FLEURON, que les baux définitifs n'ont jamais été régularisés alors qu'ils devaient prévoir la répartition des charges ce qui lui aurait permis de s'assurer de la bonne répartition des tantièmes et des montants à régler, précisant en tout état de cause qu'elle ne saurait être tenue des tantièmes de taxe foncière que pour le bâtiment qu'elle occupe, en l'occurrence le bâtiment A, et en aucun cas le bâtiment B.

Toutefois, la SCI LE FLEURON produit (pièces numéros 3 et 4 de son dossier) l'acte de cession de fonds de commerce en date du 17 décembre 2015 par la société Brasserie le Mermoz à la SAS FLEURON, ainsi que le bail commercial initialement consenti à la société le Mermoz le 27 mars 2008 stipulant, dans un paragraphe intitulé « charges ' accessoires du loyer » figurant en page 3, qu' « outre le loyer, le preneur devra rembourser au bailleur les prestations et fournitures individuelles dont il bénéficie, ainsi que sa quote-part des charges, dépenses générales de l'immeuble, charges de fonctionnement du centre commercial de quelque nature que ce soit ».

Il résulte du paragraphe intitulé « identification des biens » figurant en page 2 du bail commercial en date du 27 mars 2008 que les locaux pris à bail par la SAS FLEURON dans le cadre de son activité de brasserie correspondent au lot numéro 7 de la galerie marchande du centre commercial, représentant 223/10 000 èmes des parties communes générales et 30/10 000 èmes des parties communes particulières du bâtiment A, bases sur lesquelles les charges ont été appelées par la SCI LE FLEURON.

Par ailleurs, la SCI LE FLEURON indique, sans être contredite par l'appelante sur ce point, que la taxe foncière n'a été répercutée qu'entre les différents lots composant le bâtiment A, dès lors que la société SOGEFIMUR n'est propriétaire que de celui-ci.

S'agissant des lots distincts de celui destiné à la brasserie, le protocole d'accord conclu par les parties le 29 septembre 2017 prévoit, en son article 2, que « les relations entre les parties au titre de chacun des lots précités seront régies, dès leur mise à disposition au profit de la SAS FLEURON, par autant de baux commerciaux relevant des dispositions des articles L 145-1 et suivants du code de commerce. Les conditions générales de ces baux commerciaux sont communes à chacun des lots et figurent en annexe 3 et leurs conditions particulières en annexes 4 à 8 ».

L'annexe 3, à laquelle il est ainsi expressément renvoyé, comporte un titre II et un article VIII relatifs aux charges et conditions locatives prévoyant, de façon très précise, l'ensemble des charges communes et indiquant, dans le paragraphe 8.5 intitulé « principes de répartition » que « toutes les charges visées ci-dessus, à l'exception de l'impôt foncier, seront réparties de la façon suivante : l'ensemble des boutiques figurant sur le plan ci-annexé, dont fait partie le local objet du présent bail, supportera une quote-part des charges égale à sa quote-part de millièmes telle que définie dans le règlement de copropriété et de ses avenants ultérieurs ou des surfaces dans le cas où il n'existerait pas de règlement de copropriété. Quant à l'impôt foncier des parties privatives, il sera réparti entre les locataires au prorata des surfaces (') ».

La SCI LE FLEURON produisant, en pièces 33 à 38 de son dossier, le détail de la répartition des charges réclamées à sa locataire, c'est à juste titre que le premier juge, après avoir pertinemment retenu que lesdites charges avaient bien été définies par voie contractuelle, a retenu que la SAS FLEURON n'apportait aucun élément permettant de remettre en cause de calcul effectué à cet égard par le bailleur et a ainsi, rejeté à juste titre la demande de remboursement de loyers et de charges.

Il y aura lieu, au vu de ce qui précède, de confirmer la décision du tribunal ayant condamné la SAS FLEURON à verser à la SCI LE FLEURON la somme de 176'315,27 € au titre des loyers et charges échus à la date du 20 février 2023.

Sur l'appel incident de la SCI LE FLEURON :

Sur l'indemnité contractuelle de 10 % :

Le paragraphe 4.4 intitulé « modalités de paiement des loyers » figurant en annexe 3 du protocole d'accord du 29 septembre 2017 prévoit qu' « à défaut du paiement du loyer, des charges et accessoires et de toutes autres sommes exigibles à terme, un mois après une simple lettre recommandée demeurée sans suite, le dossier sera transmis à l'huissier et les sommes dues seront automatiquement majorées de 10 % à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux, indépendamment de tous frais de commandement et de recette du loyer ».

Tout en mentionnant l'existence d'une telle demande en page 3 du jugement, le tribunal a omis de statuer sur le bien-fondé de celle-ci.

La SCI LE FLEURON apparaît bien fondée à solliciter l'application de cette clause et donc la condamnation de la SAS FLEURON à lui verser la somme de 17'631,52 €, représentant 10 % du total des sommes impayées.

Sur la reprise de l'exploitation directe du lot à usage de parfumerie :

La SCI LE FLEURON rappelle que le lot numéro 11, incluant une partie du lot numéro 10, a été donné à bail à la SAS FLEURON à l'usage d'activité de parfumerie, et qu'il apparaît qu'en réalité cette activité est exploitée par la société ALMABEAUTY en méconnaissance des dispositions de l'article 10.1 du bail qui interdit au preneur de concéder la jouissance ou de sous-louer les lieux loués en tout ou partie, à qui que ce soit et sous quelle forme que ce soit.

Cette circonstance n'est pas contestée par la SAS FLEURON, qui sollicite même, en page 13 de ses écritures, la condamnation de la SCI LE FLEURON à restituer « à la SARL ALMABEAUTY » la somme de 5733,13 € au titre des loyers afférents au lot destiné à l'activité de parfumerie (tout en sollicitant cette condamnation à son profit dans le dispositif des écritures).

En l'absence de mise en cause de la SARL ALMABEAUTY, tiers au litige, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande formée au titre de la reprise de l'exploitation directe du lot à usage de parfumerie.

Sur les autres demandes :

Il résulte de ce qui précède que la décision dont appel doit être confirmée en l'intégralité de ses dispositions, la cour faisant par ailleurs droit partiellement à l'appel incident formé par la SCI LE FLEURON.

Dans ces conditions, les entiers dépens d'appel seront laissés à la charge de la SAS FLEURON, qui succombe en ses demandes.

L'équité commandera, en outre, d'allouer à la SCI LE FLEURON une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

' Confirme le jugement entrepris

Y ajoutant,

' Condamne la SAS FLEURON à verser à la SCI LE FLEURON la somme de 17'631,52€ au titre de la pénalité conventionnelle de retard

' Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires

' Condamne la SAS FLEURON à verser à la SCI LE FLEURON la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Condamne la SAS FLEURON aux entiers dépens d'appel et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par V.SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.