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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 26 juin 2024, n° 22/11763

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/11763

26 juin 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 26 JUIN 2024

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11763 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAQZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2022 - tribunal de commerce de Bobigny - 2ème chambre - RG n° 2020F01454

APPELANT

Monsieur [V], [O], [C] [F], nom d'usage [F]-[I]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Francine HAVET, avocat au barreau de Paris, toque : D1250

Ayant por avocat plaidant Me Franck LOPEZ, avocat au barreau de Paris, toque : E0934

INTIMÉS

Monsieur [D] [S]

[Adresse 6]

[Localité 3]

S.A.S. LIBERTY REALTY

[Adresse 1]

[Localité 7]

N°SIRET : 884 103 029

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de Paris, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me Thomas RICARD de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : R156, substitué à l'audience par Me Justine CARO, avocat au barreau de Paris

SCOP BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 10]

[Adresse 5]

[Localité 4]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, entendu en son rapport, et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

La S.C.O.P. Banque populaire rives de Paris a accordé le 15 octobre 2018 à la S.A.S. Olestre gestion un prêt de 300 000 euros, au taux de 1,2 %, remboursable en en quatre-vingt-quatre mensualités, affecté à la création d'une franchise (market center) de la société [L] [W] à [Localité 9]. Ce prêt était garanti par un engagement de caution solidaire en date du 17 octobre 2018 de M. [V] [F], nom d'usage [F]-[I], domicilié en Seine-Saint-Denis, à hauteur de 150 000 euros et limitée à 50 % des sommes restant dues en capital, intérêts, frais, commissions et accessoires, et par un nantissement du fonds de commerce à hauteur de 300 000 euros.

M. [F]-[I] a, de surcroît, contracté le 7 mars 2019 un engagement de caution solidaire de portée générale sur tous les engagements d'Olestre gestion en faveur de la BPR[Localité 10], pour une durée de cent-vingt mois et un montant maximal de 72 000 euros incluant le principal, les intérêts, frais, commissions et accessoires.

Par jugement en date du 13 février 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire d'Olestre gestion. Le 21 février 2020, la BPR[Localité 10] a déclaré auprès du liquidateur judiciaire un passif à titre chirographaire de 79 063,71 euros et un passif à titre privilégie de 259 642,06 euros, garanti par le nantissement du fonds de commerce. Le même jour, la BPR[Localité 10] a vainement envoyé à M. [F]-[I] un courrier recommandé avec accusé de réception de mise en demeure, informant ce dernier de sa déclaration de créances et lui demandant de lui verser sous huitaine la somme de 201 988,32 euros, se décomposant en 129 988,32 euros au titre de l'engagement de caution du prêt accordé pour un montant de 300 000 euros et 72 000 euros au titre de l'engagement de caution de portée générale.

Par exploit d'huissier du 8 décembre 2020, la BPR[Localité 10] a fait assigner M. [F]-[I] devant le tribunal de commerce de Bobigny afin de le voir notamment condamner au paiement des sommes précitées.

Dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard d'Olestre gestion, le juge-commissaire a autorisé la vente des éléments résiduels du fonds de commerce appartenant à cette dernière au profit de M [D] [S], avec faculté de substitution au profit de la S.A.S. Liberty Realty, société créée par M. [S], pour le prix net vendeur de 75 000 euros outre la prise en charge de la dette locative d'un montant de 168 068,90 euros et la reconstitution du dépôt de garantie d'un montant de 28 275 euros.

Par exploit d'huissier du 30 août 2021, M [F]-[I] a assigné aux fins de mise en cause et d'appel en garantie M. [S].

Le 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la jonction.

Par exploit d'huissier du 26 janvier 2022, M [F]-[I] a assigné aux 'ns de mise en cause et d'appel en garantie la société Liberty Realty.

Le 10 février 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la jonction.

Par un jugement contradictoire du 7 juin 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- Reçu la BPR[Localité 10] en sa demande ;

- Condamné M. [F]-[I] à payer à la BPR[Localité 10] la somme de 201 988,32 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020 ;

- Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière sont capitalisés ;

- Condamné M. [F]-[I] à payer à chacune des trois parties, la BPR[Localité 10], Liberty Realty et M. [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes ;

- Rappelé que le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire ;

- Condamné M. [F]-[I] aux dépens de l'instance ;

Par déclaration remise au greffe de la cour le 22 juin 2022, M. [F]-[I] a interjeté appel de cette décision contre la BPR[Localité 10], Liberty Realty et M. [S].

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2023, M. [F]-[I] demande à la cour de :

- Infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions à savoir :

Reçoit la BPR[Localité 10] en sa demande ;

Condamne M. [F]-[I] à payer à la BPR[Localité 10] la somme de 201 988,32 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020 ;

Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière sont capitalisés ;

Condamné M. [F]-[I] à payer à chacune des trois parties, la BPR[Localité 10], Liberty Realty et M. [S] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs autres demandes ;

Condamné M. [F]-[I] aux dépens de l'instance ;

Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 116,78 euros TTC dont 19,46 euros de TVA.

À titre principal, en ce qui concerne la BPR[Localité 10] :

Vu les dispositions de l'article L. 642-19 du code de commerce, L. 143-12 et suivants du code de commerce, les dispositions de l'article 2314 du code civil en sa version applicable aux faits de l'espèces, antérieure au 1er Janvier 2022 ;

- Débouter la BPR[Localité 10] de ses demandes ;

- Juger n'y avoir lieu à condamner M. [F]-[I] à payer à la BPR[Localité 10] la somme de 201 988,32 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020.

Subsidiairement et reconventionnellement :

- Condamner la BPR[Localité 10] à payer à M. [F]-[I] la somme en principal de 201 988,32 euros, avec intérêts au taux légal a' compter du 26 février 2020, date de réception des mises en demeure, jusqu'a' parfait paiement par application de l'article 1231-6 du code civil et avec capitalisation annuelle par application de l'article 1343-2 du code civil ;

- Ordonner la compensation légale de cette condamnation avec la condamnation identique sollicitée par la BPR[Localité 10] à l'encontre de M. [F]-[I] ;

- Condamner la BPR[Localité 10] au paiement d'une indemnité d'un montant de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

À titre subsidiaire, en ce qui concerne l'appel en garantie :

Vu les dispositions des articles 1194 et suivants du code civil et le protocole du 16 janvier 2020 ;

- Condamner solidairement M. [S] et Liberty Realty à relever et garantir M. [F]-[I] de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre et au profit de la BPR[Localité 10] dans le cadre de la procédure engagée par celle-ci par assignation du 8 décembre 2020 enrôlée sous le n° de RG 2020F0145, que ce soit en principal, intérêts, dommages intérêts, article 700 et dépens à concurrence de la somme de 300 000 euros ;

- Débouter M. [S] et Liberty Realty de leurs demandes ;

- Condamner solidairement M. [S] et Liberty Realty au paiement d'une indemnité d'un montant de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en exposant :

- qu'il s'agissait au cas d'espèce d'un prêt consenti pour la réalisation de travaux sur un fonds de commerce, garanti par un nantissement sur ledit fonds. Ce fonds a été acquis dans le cadre de la procédure collective par M. [S] pour un montant de 75 000 euros. Le caractère privilégié de la créance a été admis sur requête de la BPR[Localité 10] par le juge-commissaire, qui a, par ailleurs, autorisé la vente des éléments résiduels du fonds, sur le fondement des dispositions de l'article L. 642-19 du code de commerce. Si l'acte de cession établit que la vente intervenue ne concerne qu'une cession d'actif, soumise donc aux dispositions de L. 619-19 du code de commerce et non aux dispositions de l'article L. 642-12 dudit code, l'examen de cet acte révèle que la BPRP a renoncé au bénéfice de son nantissement sans faire usage de son droit à solliciter une surenchère, alors que le prix retiré de la vente ne permettait pas d'apurer sa créance. La BPR[Localité 10] a donc diminué les droits de la caution en lui interdisant la subrogation sur le nantissement, et en la privant de la possibilité de voir sa dette diminuée dans le cadre de la procédure de surenchère prévue par les dispositions des articles L. 143-12 et suivants du code de commerce. Aux termes des dispositions de l'article 2314 du code civil en sa version applicable aux faits de l'espèce, la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution. En l'espèce, M [F]-[I] fait valoir qu'en renonçant au bénéfice de surenchère, la BPR[Localité 10] l'a privé de ses droits,

- qu'il serait subsidiairement recevable et fondé à solliciter la condamnation de la BPR[Localité 10] au paiement, à titre de dommages et intérêts, d'une somme équivalente à celle sollicitée à son encontre, avec compensation légale. Le tribunal a rejeté cette argumentation en retenant qu'Olestre gestion n'avait pas elle-même contesté l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession, pour en déduire que la BPRP n'avait pas commis de faute à son égard. Or, l'absence de contestation de l'ordonnance du juge-commissaire ne privait pas la BPR[Localité 10] de sa faculté de recourir à la procédure de surenchère. Le tribunal ne pouvait donc déduire de l'absence de contestation de l'ordonnance du juge-commissaire, par Olestre gestion et non par la caution, la perte de tout recours de la caution à l'encontre de la BPRP. M. [F]-[I] fait valoir que ce recours était d'autant plus fondé car la BPR[Localité 10] était informée de l'offre initiale de M. [S], bien plus importante que celle présentée au juge-commissaire, et par voie de conséquence de la faiblesse du prix proposé,

M [F]-[I] fait valoir que préalablement à l'acquisition du fonds de commerce par M. [S], ce dernier s'était bien engagé à relever et le garantir de toute condamnation au titre de ses engagements auprès de la BPR[Localité 10], aux termes d'un protocole du 16 Janvier 2020. Ce dernier évaluait donc la valeur du fonds de commerce à tout le moins au montant de la créance de la BPR[Localité 10] pour laquelle M. [F]-[I] est désormais poursuivi. Ce protocole a, par ailleurs, été invoqué par le mandataire judiciaire à l'appui de la requête tendant à l'autorisation de la cession du fonds de commerce d'Olestre gestion. En réplique, M. [S] se prévalait de l'imprécision du protocole précité, du refus de financement opposé par l'établissement bancaire et de sa méconnaissance de la créance du bailleur public, pour en déduire que son engagement serait sans valeur. Ce dernier indiquait également que les engagements souscrits auraient été repris par la Liberty Realty, société ultérieurement créée par lui. M. [F]-[I] fait valoir que c'est ainsi qu'il aurait également appelé en garantie Liberty Realty afin que cette dernière soit condamnée, solidairement avec M. [S], à le relever et le garantir des condamnations pouvant intervenir.

- qu'Olestre gestion a été constituée afin d'exploiter une franchise de [L] [W] à compter de décembre 2018, à la suite d'une analyse financière établie par la société Grant Thornton. Cette exploitation ne s'est, cependant, jamais développée en dépit des assurances du franchiseur, alors même qu'Olestre gestion avait investi des sommes considérables dans l'aménagement des locaux, réalisant environ 260 000 euros de travaux, financés par la BPR[Localité 10]. La recherche d'un repreneur a été effectuée par [L] [W] elle-même et La BPR[Localité 10] a constamment été tenue informée, notamment quant au montant de l'acquisition. [L] [W] a proposé la candidature de M. [S] le 18 décembre 2019, dont le principe a immédiatement été accepté. Dès son offre initiale, M. [S] a mentionné les difficultés rencontrées avec le bailleur public et a proposé de reprendre l'exécution des remboursements du prêt en cours. Son offre globale s'élevait donc à 300 000 euros, comprenant la reprise du prêt en cours. Par courriel en date du 1er janvier 2020, M [F]-[I] a rappelé à l'ensemble des intervenants, dont M. [S], la nécessité d'un protocole visant à conforter les tiers, en visant expressément le bailleur public dans ledit courriel. Le 2 janvier 2020, M. [S] a donné son accord au projet de protocole. Le même jour, M. [F]-[I] a informé la mairie de [Localité 9], et [L] [W] a adressé à l'ensemble des parties, dont M. [S], un courriel rappelant l'ensemble des points en suspens et évoquant expressément la créance du bailleur, la mairie de [Localité 9], dont l'accord préalable était indispensable. Le 6 janvier 2020, M. [F]-[I] a communiqué à Monsieur [S] les coordonnées de la BPR[Localité 10] dont le prêt devait être repris. Simultanément, Olestre gestion a sollicité des délais auprès du trésor public, chargé du recouvrement des loyers de la mairie de [Localité 9]. Le protocole a été signé le 14 janvier 2020. M. [S] ne peut ainsi prétendre ne pas avoir été suffisamment informé, au vu des échanges intervenus. Son offre du 17 décembre 2019 visait expressément, comme première condition, « L'obtention du transfert du bail par le bailleur avec le maintien des conditions actuelles ». Alors que la cession d'un fonds de commerce ne nécessite nullement l'accord préalable du bailleur public, cette condition a été imposée par M. [S], ce qui établit qu'il n'ignorait rien des difficultés rencontrées avec le bailleur public,

- que protocole établi à la suite des échanges précités n'a fait que reprendre les engagements de M. [S], étant observé que Liberty Realty n'était pas mentionnée et que ces engagements ont été souscrits par M. [S] lui-même. Le montant de la reprise s'élevait à 300 000 euros, dont 75 000 euros payés comptant et 225 000 euros devant faire l'objet d'un prêt consenti par la BPR[Localité 10]. Ce prix devait revenir en priorité à la BPR[Localité 10], comme le rappelle le protocole, afin d'apurer le prêt consenti par elle à Olestre gestion et, par voie de conséquence, libérer M. [F]-[I] de son cautionnement. M. [S] ne justifie pas non plus avoir sollicité ce prêt complémentaire. Pour autant, ce dernier a profité de la procédure collective intervenue par jugement du 13 février 2020, afin de réduire son offre à la somme de 75 000 euros payable comptant, et non la somme de 300 000 euros comme il s'y était engagé. Ce faisant, M. [S] a ainsi non seulement privé la BPR[Localité 10] du paiement de sa créance qui aurait dû lui revenir au regard de son nantissement mais également privé M. [F]-[I] de la possibilité de voir son cautionnement apuré. M. [F]-[I] fait ainsi valoir qu'il est recevable et bien fondé à solliciter la garantie de M. [S] à le relever de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de la BPR[Localité 10], à concurrence de la somme de 300 000 euros,

- que le tribunal s'est mépris sur la nature de sa demande en considérant que la convention ratifiée par M. [S] ne pouvait s'analyser comme un acte de cession de fonds de commerce ou un simple compromis de vente, au motif que cet acte ne contenait pas les mentions obligatoires à ce type d'acte. M. [F]-[I] fait valoir qu'il n'a jamais soutenu que ce protocole constituait un acte de vente de fonds de commerce, mais un « engagement de faire », justifiant l'octroi de dommages et intérêts en cas d'inexécution. De même M. [F]-[I] fait valoir le tribunal a dénaturé le contenu de l'acte en affirmant que ce dernier ne contenait aucun engagement de M. [S] et sa société d'acquérir le fonds de commerce au prix de 300 000 euros alors que l'objet même du protocole était la fixation du prix et du fait que ce dernier devait revenir en priorité à la BPR[Localité 10] afin d'apurer le prêt consenti par elle à Olestre gestion et, par voie de conséquence, libérer le concluant de son cautionnement,

- que la BPR[Localité 10] a commis un manquement en renonçant à la procédure de surenchère à son détriment, alors même qu'elle était informée de l'engagement de M. [S] à concurrence de la somme de 300 000 euros. Elle ne pouvait donc accepter de dispenser M. [S] de la procédure de purge pouvant conduire à une surenchère alors même qu'elle était informée que les actifs de la société Olestre gestion, acquis par M. [S], étaient évalués à la somme de 300 000 euros par ce dernier et non 75 000 euros comme il l'a proposé dans le cadre de la procédure collective. M. [F]-[I] fait ainsi valoir qu'il maintient à titre principal avoir été dégagé de son cautionnement par la faute du créancier, conformément aux dispositions de l'article 2314 du code civil, et ne sollicite que subsidiairement la garantie de M. [S] et de Liberty Realty.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2024, la BPR[Localité 10] demande à la cour de :

- Débouter M. [F]-[I], en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la BPR[Localité 10] ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en ce que M. [F]-[I], a été condamné à payer à la BPR[Localité 10] la somme de 201 988,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020, avec capitalisation annuelle, outre la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;

- Donner acte à la BPR[Localité 10] de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour en ce qui concerne la recevabilité et le bien fondé des demandes de M. [F]-[I], à l'encontre de M. [S] et Liberty Realty ;

- Condamner, en cause d'appel, M. [F]-[I], à payer à la BPR[Localité 10] la somme complémentaire de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens en faisant valoir :

- qu'en vertu de l'article L. 143-13 du code de commerce, « tout créancier inscrit sur un fonds de commerce peut, lorsque l'article L. 143-11 n'est pas applicable, requérir sa mise aux enchères publiques, en offrant de porter le prix principal, non compris le matériel et les marchandises, à un dixième en sus et de donner caution pour le paiement des prix et charges ou de justifier de solvabilité suffisante ». La BPR[Localité 10] fait valoir qu'elle n'a cependant pas pour objet social l'acquisition et / ou l'exploitation d'un fonds de commerce de transaction immobilière et gestion locative. Le créancier ne saurait ainsi se voir obliger à se porter acquéreur des biens cédés, ou à former surenchère. Il est de jurisprudence que l'article 2314 du code civil n'oblige pas plus le créancier à se porter acquéreur du bien gagé pour en sauvegarder la valeur. En l'espèce, M. [F]-[I] était informé de la cession au profit de M. [S] et ne s'y est pas opposé. La BPR[Localité 10], quant à elle, n'a pas renoncé à son nantissement mais a seulement dispensé le rédacteur de l'acte de cession d'avoir à accomplir les formalités de purge amiable. Elle a, par ailleurs, été admise au passif à titre privilégié. La BPRP fait ainsi valoir qu'elle n'a pas diminué les droits de la caution,

- que M. [F]-[I] affirme, sans le moindre commencement de preuve, qu'elle était informée de ces accords avec M. [S]. Contrairement aux prétentions de M. [F]-[I], la BPR[Localité 10] a uniquement été informée d'un projet de cession, et de la vente pour le prix de 300 000 euros, devant permettre le remboursement du prêt accordé par elle. La BPR[Localité 10] n'est ainsi jamais intervenue dans le cadre des discussions entre Olestre gestion, M. [F]-[I] et M. [S], de sorte que le protocole d'accord conclu lui est inopposable.

- en ce qui concerne les demandes de M. [F]-[I] à l'encontre de M. [S] et de Liberty Realty, qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la cour.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2022, M. [S] et Liberty Realty demandent à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 7 juin 2022 en ce qu'il a débouté M. [F]-[I] de ses demandes à l'encontre de M. [S] ;

- Débouter M. [F]-[I] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M. [S] et de Liberty Realty ;

- Condamner M. [F]-[I] à payer à M. [S] et à Liberty Realty la somme de 10 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en exposant :

- que ni l'ordonnance rendue par le juge-commissaire, ni l'acte de cession ne mentionnent d'engagement de M. [S] de reprise ou de garantie des obligations de caution de M. [F]-[I]. M. [S] s'est uniquement engagé à régler la créance locative du bailleur public, outre le prix de cession. Si M. [F]-[I] tente de se prévaloir d'un protocole en date du 16 janvier 2020, ce dernier était uniquement relatif à une reprise par M. [S] du fonds de commerce exploité sous contrat de franchise [L] [W], et ne contenait pas une obligation de M. [S] de relever et garantir M. [F]-[I] de ses engagements auprès de la BPR[Localité 10]. Liberty Realty, assignée en intervention forcée par M. [F]-[I] en première instance, n'est pas non plus partie à ce protocole. M. [F]-[I] fait aussi état de correspondances échangées avec [L] [W] et la BPR[Localité 10], dans lesquelles il mentionne des difficultés financières rencontrées par Olestre gestion. Ces échanges ne concernent cependant pas M. [S], qui n'est pas en copie. Si ce dernier s'est effectivement déclaré intéressé par l'acquisition du fonds de commerce, l'offre initialement formulée par lui était fixée à un prix de 75 000 euros et non 300 000 euros et conditionnée à la réalisation de plusieurs conditions. La condition relative au transfert du bail par le bailleur public ne permet en rien d'affirmer que M. [S] aurait été informé des difficultés rencontrées avec le bailleur public et de l'importance de la dette locative alors accumulée par Olestre gestion, cette condition étant, par ailleurs, classique dans ce type de cession. En ce qui concerne la condition relative au transfert du prêt, cette mesure a été refusée par la BPR[Localité 10]. M. [D] [S] ignorait, en outre, la situation financière exacte d'Olestre gestion et l'imminence d'une procédure de liquidation. Il se trouvait à l'étranger jusqu'au 11 janvier 2020 et la signature du protocole a été effectuée par lui à distance, par voie électronique, et sur la base des informations dont il avait connaissance à cette date. Ce n'est qu'à la suite d'une rencontre avec le bailleur public fin janvier 2020, après son retour en France, que M. [S] a découvert l'existence d'une importante dette locative à la charge d'Olestre gestion et ce n'est qu'après un rendez-vous avec la BPR[Localité 10], en février 2020, qu'il a été informé de la procédure de liquidation. En tout état de cause, ce protocole a été conclu moins d'un mois avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'Olestre gestion, soit en pleine période suspecte et est donc entaché de nullité.

- que si M. [F]-[I] a abandonné en cause d'appel son argumentaire fondé sur l'article L. 642-12 du code de commerce, ce dernier n'était, en tout état de cause, pas applicable à la présente cession, conclue sous le régime de la cession d'actifs, conformément à l'article L. 642-19 du même code. L'affirmation de M. [F]-[I] selon laquelle il n'aurait pas disposé de l'acte de cession, communiqué par M. [S], n'est pas crédible car M. [F]-[I] était le dirigeant d'Olestre gestion. Par ailleurs, cette précision figurait également dans l'ordonnance, communiquée par M. [F]-[I] lui-même. Enfin, si M. [F]-[I] soutient en cause d'appel que le protocole d'accord conclu entre lui et M. [S] serait constitutif d'un « engagement de faire », ledit protocole ne fait nullement état de la volonté de M. [S] d'apurer le prêt de M. [F]-[I] vis-à-vis de la BPR[Localité 10] et de libérer M. [F]-[I] de ses engagements de caution.

L'ordonnance de clôture rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS

M. [F]-[I] ne conteste pas en elle-même la condamnation prononcée par le tribunal en exécution de ses obligations de caution de la banque mais fait valoir qu'il devrait en être déchargé ou obtenir des dommages-intérêts équivalent avec compensation.

C'est vainement qu'il fait valoir, sur le fondement de l'article 2314 du code civil, que la banque, au profit de laquelle était nanti le fonds de commerce, l'aurait privé de son droit de subrogation en sa qualité de caution.

En effet, la banque a vu sa créance admise à titre privilégié.

En outre, par ordonnance du juge commissaire en date du 13 mars 2020, des éléments résiduels du fonds de commerce ont été cédés, après la publication d'une offre, à M. [D] [S] qui s'est engagé, outre au paiement d'un prix de 75 000 euros, à s'acquitter de la dette de loyer à l'égard de la commune de [Localité 9] de 168 068,90 euros et à reconstituer le dépôt de garantie d'un montant de 28 275 euros.

L'ordonnance mentionne que M. [F]-[I] 'relève que le prix offert ne couvre pas ses engagements de caution mais ne s'oppose toutefois pas à la cession'.

A la suite de cette ordonnance, la banque a dispensé, dans l'acte de cession du fonds subséquent du 18 mai 2020 à la société Liberty Realty représentée par la société Liberty Group présidé par M. [D] [S], de la procédure de purge des inscriptions puisqu'elle a acquiescé à l'ordonnance du juge commissaire, cette dispense étant indifférente, en soi, à la perte du nantissement.

C'est à tort que M. [F]-[I] reproche à faute à la banque de ne pas avoir procédé à une surenchère en requérant une vente aux enchères publiques en application de l'article L143-13 du code civil puisqu'il s'agit d'une simple faculté pour le créancier auquel il est loisible, discrétionnairement, de ne pas recourir, d'autant qu'elle exige de sa part une offre que la banque n'était nullement dans l'obligation de formuler, la procédure de publicité ayant précédé la vente de gré à gré n'ayant au demeurant occasionné que la seule candidature de M. [D] [S] auquel s'est substituée la société Liberty Realty.

M. [F]-[I] ne démontre donc ni un manquement fautif de la banque ni la circonstance que la perte de son nantissement soit du fait exclusif de cette dernière puisqu'il est dû à la vente autorisée par le juge commissaire à la suite de la procédure de liquidation judiciaire, de sorte qu'il doit être débouté de toutes ses demandes à l'égard de la Banque Populaire.

Antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Olestre gestion, un protocole avait été conclu par cette dernière et M. [F]-[I] avec M. [D] [S] destiné à permettre la cession du fonds de la société Olestre gestion, lequel prévoit notamment que le prix de cession de 300 000 euros proviendrait pour la somme de 75 000 euros de M. [S] et pour le surplus de 225 000 euros d'un prêt bancaire souscrit par ce dernier auprès de la Banque Populaire destiné à la société Olestre getion 'après détermination, que cette dernière doit à la Banque Populaire et des autres créanciers, selon documents présentés par ceux-ci'.

C'est vainement que M. [F]-[I] y voir un 'engagement de faire' - c'est à dire notamment d'apurer la dette de la société Olestre gestion auprès de la banque dont il pourrait utilement se prévaloir dès lors :

- qu'il a été souscrit aux fins de prévoir une cession du fonds de commerce d'une société in bonis, alors que la société Olestre gestion a ensuite été placée en liquidation judiciaire,

- qu'il ne comprend aucun élément chiffré sur la dette locative de la société à l'égard du bailleur, la commune de [Localité 9], et que M. [S] affirme sans être utilement contredit contrairement à ce que soutient M. [F]-[I], qu'il n'a découvert l'ampleur de cette dette de 168 068,90 euros outre la nécessité de reconstituer un dépôt de garantie de 28 275 euros (pour un prix de cession envisagé de 300 000 euros alors que la dette de la société à l'égard de la banque était elle-même de 259 642,06 euros à titre privilégié en vertu du prêt et 129 988,32 euros à titre chirographaire soit 19 063,61 euros de solde débiteur de compte et 60 000 euros au titre d'un 'billet financier') qu'à la suite de sa rencontre avec le bailleur public à la fin du mois de janvier 2020, aucun échange de courriel qui aurait été adressé à M. [S] ne l'objectivant,

- que tout au contraire, alors qu'un courriel de la DGFIP du 7 janvier 2020 adressé à M. [F]-[I] fait état d'une dette locative de 168 068,90 euros, il n'est fait aucune mention de cette somme dans le protocole signé une semaine plus tard, étant observé que le protocole d'accord fait classiquement de la faculté de reprise du bail par le cessionnaire une condition suspensive.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner M. [F]-[I] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la somme de 2 500 euros à la Banque Populaire et la somme totale de 2 500 euros à M. [D] [S] et à la société Liberty Realty en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

CONDAMNE [V] [F] nom d'usage [F]-[I] à payer la somme de 2 500 euros à la Banque Populaire Rives-de-[Localité 10] et la somme totale de 2 500 euros à M. [D] [S] et à la société Liberty Realty en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [V] [F] nom d'usage [F]-[I] aux dépens d'appel.

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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT