Livv
Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 26 juin 2024, n° 23/03435

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 23/03435

26 juin 2024

N° RG 23/03435 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JPML

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUIN 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/03702

Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen du 22 août 2023

APPELANTES :

SAS BOIS ET MATERIAUX

RCS de Rennes 410 173 298

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Annelise VAURS, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Charlotte MASSON

Sa d'un état membre de la communauté européenne

COMPAGNIE ZURICH INSURANCE EUROPE AG

anciennement dénommée ZURICH INSURANCE PUBLIC COMPANY LIMITED

RCS de Paris 484 373 295

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Annelise VAURS, avocat au barreau de Paris plaidant par Me Charlotte MASSON

INTIMEES :

CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DU CENTRE MANCHE (GROUPAMA CENTRE MANCHE)

RCS de Chartres 383 853 801

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la SELARL VERMONT TRESTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me PESCHIUTTA

SASU ISB FRANCE

RCS de Saint-Malo 323 995 357

[Adresse 12]

[Localité 6]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Jean-Marie MALBESIN, avocat au barreau de Rouen

SA SMA

RCS de Paris 332 789 296

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas BARRABE, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 avril 2024 sans opposition des avocats devant Mme BERGERE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 15 avril 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] [C] a fait construire en 2009 une maison d'habitation à ossature bois, [Adresse 3] à [Localité 11] dont il a pris possession en février 2012, avec la remise des clefs, à défaut de signer un procès-verbal de réception.

Le lot 'menuiserie, ossature, charpente et bardage' a été confié à la société H2 Bois, spécialisée dans la construction de maisons individuelles à ossature bois, assurée à la date des travaux litigieux auprès de la société Sagena, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Sa Sma, puis auprès de la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole du Centre Manche (ci-après dénommée Groupama Centre Manche) au titre d'une police ayant pris effet le 1er février 2014 et résiliée au

12 avril 2020.

Pour l'exécution de son lot, la société H2 Bois s'est approvisionnée auprès des fournisseurs suivants :

- la Sas Bois et Matériaux, assurée auprès de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited, pour les bandes de contreplaqué selon bon de livraison du 13 juillet 2009, ce produit provenant lui-même de la société Isb France selon facture du 7 juillet 2009,

- la société Dispano, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Distribution Matériaux Bois Panneaux pour le bois de structure (OSB) et la laine de bois en pavatherm.

Dès janvier 2016, M. [C] a déploré l'apparition de trous ovales dans le bois extérieur de sa maison.

A l'issue d'une expertise amiable, il a été établi que le bois faisait l'objet d'une

'attaque importante d'hylotrupes bajulus sur un bois de classe 3'. Le bois étant censé résister aux insectes xylophages, ce phénomène a été qualifié d''absolument anormal'.

En l'absence de solution amiable, par acte du 6 novembre 2018, M. [C] a assigné la société H2 Bois et la société Sma devant le tribunal de grande instance de Rouen en référé expertise. Selon ordonnance du 2 avril 2019, M. [I] a été désigné expert.

Par acte en date du 26 novembre 2019, la société H2 Bois et la société Sma ont assigné la société Bois et Matériaux, la société Isb France, la Sa Zurich Insurance Public Company Limited et la société Distribution Matériaux Bois Panneaux.

Le juge des référés a déclaré les opérations expertales communes à ces sociétés par ordonnance du 25 février 2020.

Dans l'intervalle, la société H2 Bois a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 7 janvier 2020, la procédure ayant été clôturée pour insuffisance d'actifs par décision du 28 avril 2021.

L'expert a déposé son rapport le 7 octobre 2021.

Par exploit du 6 octobre 2021, M. [C] a assigné la société Sma devant le tribunal judiciaire de Rouen en réparation de ses préjudices sur le fondement des articles

1792 et suivants du code civil.

Le 25 février 2022, la société Sma a assigné la société Bois et Matériaux, la Sa Zurich Insurance Public Company Limited et Groupama Centre Manche sur le fondement des articles 1648 et 1147 ancien du code civil.

Le 20 juin 2022, la société Bois et Matériaux et son assureur ont assigné en intervention forcée la société Isb France au visa des articles 1604 et 1641 du code civil.

Ces deux procédures ont été jointes à l'instance initiale engagée par M. [C].

Par ordonnance du 22 août 2023, le juge de la mise en état a principalement :

- déclaré recevable l'action engagée par la société Sma sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'égard de la société Bois et Matériaux et de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited,

- déclaré recevable l'action engagée par la société Bois et Matériaux et de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited sur le fondement de la garantie des vices cachés à l'égard de la société Isb France,

- déclaré recevable le recours en garantie formé par Groupama à l'encontre de la société Bois et Matériaux et de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited,

- déclaré irrecevables les actions contractuelles en non-conformité exercées par la société Sma et la société Bois et Matériaux en ce qu'elles sont prescrites,

- réservé les dépens,

- condamné in solidum la société Bois et Matériaux et de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited à verser 1 500 euros à Groupama et 1 500 euros à la société Sma au titre des frais irrépétibles,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration au greffe reçue le 17 octobre 2023, la société Bois et Matériaux et la Sa Zurich Insurance Public Company Limited ont interjeté appel de cette décision.

Par décision du président de chambre du 13 novembre 2023, l'affaire a été fixée, selon la procédure de l'article 905 du code de procédure civile, à bref délai.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 25 mars 2024, la Sas Bois et Matériaux et la Sa Zurich Insurance Europe Ag venant aux droits de la Sa Zurich Insurance Public Company Limited demandent à la cour, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce, de :

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance entrepris en ce qu'elle a :

. déclaré recevable le recours en garantie formé par Groupama à leur encontre,

. déclaré irrecevable l'action contractuelle en non-conformité exercéee par la société Sma en ce qu'elle est prescrite,

. réservé les dépens,

. condamné in solidum la société Bois et Matériaux et de la compagnie Zurich Insurance Europe Ag à verser 1 500 euros à Groupama et 1 500 euros à la société Sma au titre des frais irrépétibles,

. rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable car prescrite toute demande dirigée contre elles sur le fondement de la responsabilité contractuelle compte tenu de l'acquisition du délai de prescription prévu par l'article L. 110-4 du code de commerce,

- juger que Groupama Centre Manche, agissant en qualité d'assureur de la société H2 bois, ne peut agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à leur encontre,

- déclarer irrecevables l'action et les demandes de Groupama dirigées contre elles sur le fondement de la responsabilité délictuelle ainsi que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

à titre subsidiaire, si les demandes dirigées contre elles sur le fondement de la responsabilité contractuelle étaient jugées recevables,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action contractuelle en non-conformité exercée par la société Bois et Matériaux en ce qu'elle est prescrite,

- débouter la société Isb France de ses demandes tendant à ce que soient déclarées irrecevables car prescrites les actions contractuelles en non-conformité exercées à son encontre par la société Bois et Matériaux et de la compagnie Zurich Insurance Europe Ag,

statuant à nouveau,

- juger recevables les demandes formées par la société Bois et Matériaux et de la compagnie Zurich Insurance Europe Ag à l'encontre de la société Isb France sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

en tout état de cause,

- condamner la société Sma et Groupama Centre Manche et/ou toute autre partie succombante, le cas échéant, in solidum, à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sma et Groupama Centre Manche et/ou toute autre partie succombante, le cas échéant, in solidum aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Simon Mosquet-Leveneur, en application des dispositions de l'article

699 du code de procédure civile,

- débouter la société Sma, Groupama Centre Manche, la société Isb France ainsi que toute autre partie de toute demande plus ample ou contraire dirigée contre elles, notamment sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes reprochent au premier juge d'avoir jugé irrecevable l'action contractuelle en non-conformité exercée par la société Sma, alors que la fin de non-recevoir qu'elles avaient soulevée concernait toute action en responsabilité contractuelle sans restriction aux seules demandes fondées sur une éventuelle non-conformité du produit livré aux spécifications contractuelles. Elles font valoir que cette clarification est importante et indispensable puisque la société Sma invoque également un éventuel manquement à son devoir de conseil. En outre, cette fin de non-recevoir ne visait pas seulement l'action de la société Sma mais toute action dirigée contre la société Bois et Matériaux sur le fondement contractuel et notamment le cas échéant par Groupama Centre Manche qui l'évoque dans ses conclusions.

Sur le délai de prescription, elles font valoir qu'il convient d'appliquer le délai quinquennal de l'article L. 110-4 du code de commerce dont le point de départ doit être fixé à la date de livraison, qu'il s'agisse d'une action en non-conformité ou fondée sur un manquement au devoir d'information et de conseil. Les appelantes font observer qu'elles ont été assignées plus de dix ans après la date de livraison du

13 juillet 2009, de sorte que l'action engagée contre elles est prescrite.

Par ailleurs, les appelantes critique l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours en garantie de Groupama Centre Manche sans autre précision alors que celle-ci ne peut agir sur le terrain de la responsabilité délictuelle de la société Bois et Matériaux, puisque son assurée était liée à celle-ci par un contrat et qu'elle serait irrecevable comme étant prescrite à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Pour répondre aux moyens invoqués par Groupama Centre Manche, elles font valoir que le fait pour un assureur de mobiliser ses garanties ne constitue pas un préjudice en soi, de sorte qu'il dispose uniquement d'une action subrogatoire, qu'il ne dispose pas d'une action autonome et que la prescription opposable au subrogeant est opposable au subrogé.

À titre subsidiaire, si les demandes dirigées contre elles sur le fondement de la responsabilité contractuelle étaient jugées recevables, les appelantes demandent que la même solution soit appliquée à leur action à l'encontre de la société Isb France fondée sur le défaut de délivrance conforme, rappelant qu'elles ont été assignées en référé le 26 novembre 2019 et au fond le 25 février 2022 et qu'elles ont assigné la société Isb France le 20 juin 2022 de sorte que leur appel en garantie fondé sur la responsabilité contractuelle de droit commun serait alors recevable.

Par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2024, la Sasu Isb France demande à la cour, au visa de l'article L. 110-4 du code de commerce et de l'article 1647 du code civil, de :

sur l'appel principal de la société Bois et Matériaux et de son assureur,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables les actions contractuelles en non-conformité exercées par la société Sma et la société Bois et Matériaux comme étant prescrites,

sur son appel incident,

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté ses demandes plus amples et contraires et notamment la demande tendant à voir déclarer irrecevables comme étant prescrites les actions contractuelles en non-conformité exercée à son encontre par la société Zurich Insurance Europe Ag,

- à tout le moins, rectifier et compléter l'ordonnance sur ce point si la cour considérait qu'il s'agit d'une omission de statuer,

- déclarer irrecevables les actions contractuelles en non-conformité exercées par la société Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag à son encontre comme étant prescrites,

en tout état de cause,

- condamner la société Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag in solidum et/ou toutes autres parties succombantes, le cas échéant in solidum, à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de Me Céline Bart, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Isb France donne adjonction à l'argumentation soutenue par les appelantes sur la prescription de l'action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun en application des dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce. En outre, elle fait valoir que l'action de la société Bois et Matériaux à son encontre est prescrite en application des mêmes dispositions, puisque la livraison est intervenue le 7 juillet 2009, que l'assignation a été délivrée le 20 juillet 2022 et qu'il n'est justifié d'aucun acte interruptif de prescription. Quant à l'action récursoire de son assureur, la société Zurich Insurance Europe Ag, elle est soumise au même régime de prescription. L'ordonnance entreprise doit donc être confirmée sur ce point.

Par dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2024, la Sa Sma demande à la cour, au visa des articles 1641, 1648 alinéa 1, 224 et 2232 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, de :

- confirmer la décision entreprise,

- rejeter toutes demandes présentées à son encontre,

- condamner in solidum la société Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Caroline Scolan, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Sma fait valoir que les parties ne contestent plus l'irrecevabilité de l'action en responsabilité fondée sur la garantie des vices cachés. Or, elle soutient qu'il résulte d'une jurisprudence constante que l'action en garantie des vices cachés exclut tout autre fondement, tel notamment le manquement à l'obligation de délivrance ou la responsabilité contractuelle de droit commun.

En outre, elle rappelle que dans un arrêt récent du 21 juillet 2023, la chambre mixte de la Cour de cassation est venue mettre fin à une divergence de jurisprudence et indiquer qu'en application des articles 1648 alinéa 1er et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, compte étant alors tenu du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. Il est également applicable aux ventes civiles à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Dès lors, elle estime que la cour ne pourra que confirmer la décision du premier juge.

Par dernières conclusions notifiées le 4 janvier 2024, la Caisse de réssurance mutuelle agricole du Centre Manche (Groupama Centre Manche) demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré l'action de Groupama Centre Manche recevable à l'encontre des sociétés Bois et Matériaux et Zurich Insurance Europe Ag et en ce qu'elle les a condamnées à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner in solidum les sociétés Bois et Matériaux et Zurich Insurance Europe Ag à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl Vermont Trestard & Associés.

L'intimée rappelle la jurisprudence de l'arrêt de la chambre mixe de la Cour de cassation du 21 juillet 2023. Elle précise qu'elle a été assignée pour la première fois le 25 février 2022, ce qui constitue pour elle le point de départ du délai de prescription de ses recours. En outre, s'il lui est reproché d'invoquer un fondement délictuel à son action, elle fait observer qu'elle peut modifier ses moyens jusqu'à l'ordonnance de clôture et qu'elle peut donc parfaitement se prévaloir également d'une action en responsabilité contractuelle notamment pour manquement au devoir de conseil et d'information, ce qui lui permet d'engager la responsabilité de la société Bois et Matériaux, même dans l'hypothèse où la garantie des vices cachés ne serait pas mobilisable.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 avril 2024.

MOTIFS

À titre liminaire, il convient de préciser que les parties n'entendent plus contester la recevabilité de l'action fondée sur la garantie des vices cachés.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer son adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel la prescription.

Sur la prescription de l'action engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle

Les appelantes reprochent au premier juge d'avoir circonscrit leur fin de non-recevoir à laquelle il a, par ailleurs, fait droit, à l'action en garantie de délivrance conforme qui pourrait être intentée par la société Sma, alors que la prescription de l'action était également soulevée pour l'action en responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l'article 1147 ancien du code civil.

Certes, l'article 1147 ancien du code civil est visé dans l'assignation et dans les conclusions au fond déposées en première instance par la société Sma. Toutefois, ainsi que l'avait justement relevé le juge de la mise en état, 'les conclusions de la SMA SA, exclusivement axées sur la garantie des vices cachés conduisent à en déduire qu'elle n'agit que sur ce seul fondement.'

En cause d'appel, la société Sma confirme cette analyse, puisqu'elle fait observer, à juste titre, que la qualification de vice caché du désordre litigieux ne souffrant d'aucune contestation, elle ne peut agir sur un autre fondement, l'action en garantie des vices cachés étant exclusivement de tout autre action en responsabilité contractuelle et notamment de toute action pour manquement à l'obligation de délivrance conforme ou pour manquement au devoir d'information ou de conseil.

Par ailleurs, en l'état, les appelantes ne justifient aucunement qu'une autre partie à l'instance en cours ait présentée contre elles des demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ou même pour manquement à l'obligation de délivrance conforme.

Dès lors, par arrêt infirmatif, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de ces actions qui ne sont pas engagées, cette fin de non-recevoir est sans objet.

Sur la prescription des actions des assureurs

- Sur l'action de Groupama Centre Manche intentée contre la société Bois et Matériaux et son assureur

Par motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a considéré, 's'agissant de la demande reconventionnelle formulée le 15 septembre 2022 par la compagnie GROUPAMA (assurance de la société H2 BOIS entre le 1er février 2014 et sa liquidation)', que 'le délai de son action récursoire et non subrogatoire en l'absence de versement d'une indemnité, court' à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie'.

La vente est intervenue le 13 juillet 2009 et l'assignation a été délivrée à l'initiative de la SMA SA le 25 février 2022.

En conséquence, sa demande reconventionnelle à être garantie par la société BOIS & MATERIAUX et ZURICH INSURANCE est recevable pour être exercée dans le délai de deux ans à compter de sa mise en cause judiciaire et moins de vingt ans après la vente.'

Il n'y a pas lieu au stade de la recevabilité de l'action d'apprécier le bien fondé du fondement délictuel de cette action récursoire. Quant au fondement contractuel, il n'est, en l'état, pas développé par Groupama Centre Manche, de sorte qu'à l'instar des motifs adoptés précédemment, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité d'une demande qui n'existe pas.

L'ordonnance est donc confirmée sur ce point.

- Sur l'action de la société Zurich Insurance Europe Ag contre la société Isb France

La société Isb France reproche au premier juge d'avoir omis de préciser que l'action récursoire engagée par la société Bois et Matériaux sur le fondement de la garantie de délivrance conforme de l'article 1604 du code civil était également engagée par son assureur, la société Zurich Insurance Europe Ag, de sorte que l'action de cette dernière doit également être déclarée irrecevable comme étant prescrite.

Le raisonnement adopté par le premier juge pour déclarer irrecevable l'action de la société Bois et Matériaux à l'encontre de la société Isb France n'est pas contesté par les appelantes. En outre, en produisant l'assignation qui lui a été délivrée, la société Isb France rapporte la preuve que cette action récursoire est également intentée par l'assureur, ce qui n'est au demeurant, pas contesté par la société Zurich Insurance Europe Ag.

En conséquence, il convient de réparer l'omission commise par le premier juge et, complétant l'ordonnance entreprise, de dire que les actions contractuelles en non-conformité exercées par la société Bois et Matériaux et son assureur sont irrecevables comme étant prescrites.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions de première instance relatives aux dépens et frais irrépétibles seront confirmées.

La société Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag succombant, elles seront condamnées in solidum aux dépens de la présente instance, avec distraction au profit de Me Céline Bart, Me Caroline Scolan et de la Selarl Vermont Trestard & associés, conformément à l'application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité et la nature du litige commandent qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société Isb France, de la société Sma et de Groupama Centre Manche à concurrence de la somme de

2 000 euros chacune.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable les actions contractuelles en non-conformité exercées par la société Sma,

L'infirme de ce chef,

Statuant sur le chef infirmé,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle et en garantie de délivrance conforme intentée par la Sa Sma qui est sans objet,

Complétant l'ordonnance entreprise,

Déclare irrecevable comme étant prescrite l'action récursoire de la société Zurich Insurance Europe Ag fondée sur la garantie de délivrance conforme due par la société Isb France,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la Sas Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag à payer à la Sa Sma, la Sasu Isb France et la Caisse de réassurance mutuelle agricole du Centre Manche (Groupama Centre Manche), la somme de 2 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la Sas Bois et Matériaux et la société Zurich Insurance Europe Ag aux entiers dépens de la présente instance, avec distraction au profit de Me Céline Bart, Me Caroline Scolan et de la Selarl Vermont Trestard & associés, conformément à l'application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,