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Décisions

CA Pau, 1re ch., 25 juin 2024, n° 23/03126

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Jaguar Land Rover France (SAS)

Défendeur :

Jaguar Land Rover France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Faure

Conseillers :

Mme Blanchard, Mme Rehm

Avocats :

Me Canlorbe-Dubedout, Me Piault, Me Mayer, Me De Brisis, Me Serreuil, Me Dilhac

TJ Dax, du 24 mars 2023, n° 22/00041

24 mars 2023

EXPOSE DU LITIGE :

Le 23 décembre 2020, Monsieur [Y] [D] a vendu à Monsieur [T] [K], pour le prix de 22 500 euros, un véhicule de marque Jaguar XE immatriculé [Immatriculation 11], affichant environ 97 000 km.

Le rapport de contrôle technique en date du 9 janvier 2021 remis à M. [K] ne mentionnait aucun défaut.

M. [D] avait lui-même acquis le véhicule le 16 juillet 2019 auprès de la SAS [X] [Localité 13], pour le prix de 27 865,76 euros TTC et avec 38 846 km.

Du fait de la survenance de bruits au niveau du moteur, M. [K] a fait diligenter une expertise amiable confiée à M. [H], qui a conclu selon rapport du 7 octobre 2021 à plusieurs anormalités et chiffré le coût des réparations à 11 527,73 euros TTC, selon devis du concessionnaire Jaguar Pericaud Automobiles du 16 juin 2021.

Par actes de commissaire de justice des 24 et 29 décembre 2021, M. [K] a fait assigner la SAS Jaguar Land Rover France et M. [D] devant le tribunal judiciaire de Dax afin d'obtenir notamment, sur le fondement de la garantie des vices cachés :

- la résolution de la vente et la restitution de son prix par M. [D],

- la condamnation M. [D] à lui verser la somme de 2 700 euros au titre du préjudice subi,

- la condamnation solidaire de la SAS Jaguar Land Rover France au paiement de l'ensemble de ces sommes.

Par acte de commissaire de justice du 22 avril 2022, M. [D] a appelé en cause la SAS [X] [Localité 13].

Par conclusions d'incident, la SAS Jaguar Land Rover France a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action intentée par M. [K], sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce.

Par conclusions d'incident du 29 juin 2022, M. [K] a sollicité du juge de la mise en état qu'il ordonne une expertise judiciaire du véhicule.

Suivant ordonnance du 24 mars 2023 (RG n° 22/00041), le juge de la mise en état a :

- ordonné une expertise et désigné pour y procéder :

Monsieur [L] [U]

demeurant Cabinet EXPAD - [Adresse 10]

[Localité 3]

inscrit sur la liste probatoire des experts prés la cour d'appel de Bordeaux avec mission de :

1. examiner le véhicule automobile de marque JAGUAR modèle XE immatriculé [Immatriculation 11], en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception et leurs conseils avisés,

2. se faire remettre tous documents utiles relatifs à ce véhicule, notamment les actes relatifs aux ventes du véhicule, les factures de réparations et d'entretien, et le rapport d'expertise de M. [H] du 7 octobre 2021, et entendre tous sachants,

3. décrire l'état du véhicule et son historique (ventes, réparations,...),

4. vérifier si les désordres allégués dans l'assignation introductive d'instance et le rapport d'expertise de M. [H] du 7 octobre 2021 existent,

5. dans l'affirmative, lister et décrire précisément ces désordres et, pour chacun, en rechercher les causes,

6. déterminer la date d'apparition des désordres et s'ils étaient décelables par un acheteur non professionnel au moment d'une vente,

7. dire s'ils résultent d'un vice de construction, d'un défaut d'entretien, d'un entretien non conforme, d'un défaut d'utilisation, d'une intervention non conforme aux prescriptions du constructeur ou aux règles de l'art d'une intervention incomplète,

8. dire s'ils sont de nature à rendre le véhicule impropre a l'usage auquel il était destiné ou s'ils en diminuent l'usage,

10. indiquer, le cas échéant, les travaux de réparation propres à remédier aux désordres, en évaluer le coût, l'importance et la durée, ou bien indiquer la valeur résiduelle du véhicule en cas d'impossibilité de réparation,

11. le cas échéant, préciser les préjudices subis par l'acquéreur et les frais exposés pour remédier aux vices constatés,

12. fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités encourues et évaluer s'il y a lieu tous les préjudices subis,

13. de manière générale, fournir tous éléments d'appréciation utiles à la solution du litige,

14. informer les parties de l'état de ses investigations et conclusions par le dépôt d'un pré-rapport adressé simultanément au service du contrôle des expertises.

Par ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519), le juge de la mise en état a complété le dispositif de l'ordonnance rendue le 24 mars 2023, et ce faisant, a :

- déclaré irrecevables les demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés par M. [K] à l'encontre de la SAS Jaguar Land Rover France et par M. [D] à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13], pour cause de prescription,

- dit qu'il appartiendra au greffe de faire mention de cette décision en marge de la minute de l'ordonnance du 24 mars 2023 et des expéditions qui en seront délivrées,

- laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Par ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 22/00041), le juge de la mise en état a :

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 15 février 2024 pour vérification du dépôt du rapport d'expertise,

- réservé les dépens.

Pour motiver ces décisions, le juge de la mise en état a retenu :

- que les SA Jaguar Land Rover France et SA [X] [Localité 13] sont fondées à se prévaloir du délai de prescription de l'article L110-4 du code de commerce, en qualité de professionnels de l'automobile,

- que le délai de prescription quinquennal a commencé à courir à la date de la vente initiale, le 29 septembre 2016, de sorte que M. [K] et M. [D] auraient dû agir en garantie des vices cachés avant le 29 septembre 2021,

- que l'expertise judiciaire se justifie au vu du rapport d'expertise amiable de M. [H] du 7 octobre 2021.

M. [K] a relevé appel des trois ordonnances, par déclaration du 29 novembre 2023 (RG n° 23/03126), les critiquant dans l'ensemble de leurs dispositions.

M. [D] a relevé appel de l'ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519), par déclaration du 4 décembre 2023 (RG n° 23/03161), la critiquant dans l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'elle a laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Suivant avis de fixation adressé par le greffe de la cour le 12 décembre 2023, l'affaire a été fixée selon les modalités prévues aux articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Par ordonnance du 4 janvier 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction entre les deux affaires, sous le numéro RG 23/03126.

Aux termes de ses écritures en date du 12 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [D], appelant, demande à la cour de :

- déclarer caduque la déclaration d'appel enregistrée sous le numéro RG 23/03126 par M. [K] le 29 novembre 2023,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519) en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés par M. [K] à l'encontre de la SAS Jaguar Land Rover France et par M. [D] à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13] pour cause de prescription,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer non prescrite l'action de M. [D] fondée sur la garantie légale des vices cachés dirigée à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13],

- déclarer non prescrite l'action de M. [K] fondée sur la garantie des vices cachés dirigée à l'encontre de la SA Jaguar Land Rover France,

- débouter les adversaires de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

- condamner in solidum M. [K], la SAS Jaguar Land Rover France et la SAS [X] [Localité 13] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 463 et 900 et suivants du code de procédure civile :

- que M. [K] aurait dû signifier sa déclaration d'appel aux adversaires dans le délai de 10 jours à compter de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai du 12 décembre 2023,

- que l'ordonnance du 24 mars 2023 ordonnant la mesure d'expertise n'a pas fait l'objet d'un appel dans le délai de 15 jours et est désormais définitive,

- que l'action en garantie des vices cachés n'est pas prescrite dès lors que le point de départ du délai quinquennal de l'article L. 110-4 du code de commerce est la première date utile et établie de façon incontestable, soit la date de première mise en circulation, le 3 janvier 2017,

- qu'il était fondé à agir contre le vendeur initial, la SAS Jaguar Land Rover France à partir de la date à laquelle il a lui-même été assigné par M. [K],

- que le délai de prescription de droit commun à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13] n'a commencé à courir que le 16 juillet 2019, date de la vente du véhicule à M. [D],

- que le délai de garantie des vices cachés a commencé à courir au jour où M. [K] l'a informé de la panne du véhicule au mois de mars 2021,

- qu'il ressort de la jurisprudence de la cour de cassation que le délai de prescription pour mettre en oeuvre la garantie légale des vices cachés est de vingt ans à compter de la vente initiale.

Par ordonnance du 5 février 2024, le magistrat de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel de M. [K], enrôlée sous le numéro RG 23/03126.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [K], intimé et appelant incident, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance de mise en état du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519), et en conséquence :

- déclarer recevables ses demandes formulées à l'encontre de la SAS Jaguar Land Rover France et les demandes formulées par M. [D] à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13],

- débouter M. [D] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Jaguar Land Rover au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir :

- que le délai de 5 ans est suspendu et n'a commencé à courir qu'à compter de son action à l'encontre des parties, dès lors que la Cour de Cassation retient désormais que le point de départ de la prescription extinctive de droit commun et de l'article L. 110-4 du code de commerce est la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans,

- que le délai ne peut en tout état de cause commencer à courir qu'à compter du 3 janvier 2017, date de la première immatriculation du véhicule ; le véhicule n'étant pas utilisé auparavant, et les éléments versés pour justifier d'une date antérieure n'étant pas visibles et en langue étrangère.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Jaguar Land Rover France, intimée, demande à la cour de confirmer l'ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519), et ce faisant :

- débouter M. [D] et M. [K], l'ordonnance du 10 novembre 2023, susceptible des mêmes voies de recours que l'ordonnance du 24 mars 2023, qui s'est limitée à ordonner une mesure d'expertise, n'étant pas susceptible d'un appel immédiat mais uniquement d'un appel avec le jugement sur le fond,

- débouter M. [D], la cour d'appel devant s'estimer saisie d'aucune demande en l'état des conclusions de M. [D] qui ne contiennent que des moyens et non des prétentions,

- débouter, de la même manière et pour la même raison, M. [K],

- débouter M. [D] et M. [K] de leurs demandes nouvelles et/ou qui se heurtent à la règle suivant laquelle nul ne plaide par procureur.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir :

- que la demande de M. [D] de déclarer non prescrite l'action de M. [K] se heurte à la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur dès lors qu'elle n'a pas vocation à satisfaire un droit qui lui est propre, de même que la demande de M. [K] visant à voir déclarer recevables les demandes de M. [D], qui au surplus sont nouvelles,

- que l'ordonnance du 10 novembre 2023 n'est pas une ordonnance rectificative, mais ajoute à la précédente ordonnance et est donc susceptible des mêmes voies de recours que l'ordonnance qui a omis de statuer, qui ordonnait une mesure d'expertise, et à ce titre n'est pas susceptible d'un appel immédiat mais uniquement d'un appel avec le jugement au fond,

- que les conclusions de M. [D] faisant valoir que l'action n'est pas prescrite, soutiennent un moyen et non une prétention, et à ce titre ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte que M. [D] n'a pas valablement conclu dans le délai qui lui était imparti, et sa déclaration d'appel est caduque, ou à tout le moins la cour n'est saisie d'aucune demande.

Dans ses écritures notifiées par voie électronique le 12 février 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS [X] [Localité 13], intimée, sollicite de la cour qu'elle confirme les dispositions de l'ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519), et en conséquence :

- déboute M. [D] en ce que la cour n'est saisie d'aucune prétention de sa part,

- déboute M. [K] de ses demandes présentées pour le compte de M. [D] à l'encontre de la SAS [X] [Localité 13],

- condamne in solidum M. [D] et M. [K] à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamne solidairement aux dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, sur le fondement des articles 4, et 954 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile :

- que M. [D] ne fait état d'aucune prétention dans ses conclusions du 12 janvier 2024, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande,

- que M. [K] ne saurait demander à la cour de déclarer recevables les demandes de M. [X] à son encontre, nul ne pouvant plaider par procureur.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 9 avril 2024 pour y être plaidée.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel de M. [D] :

La SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France soutiennent que M. [D] ne pouvait faire appel immédiatement contre l'ordonnance du 10 novembre 2023 (RG 23/519) car celle-ci complète une ordonnance du 24 mars 2023 non susceptible d'appel indépendamment du fond puisqu'elle ordonne une expertise.

Toutefois, en complétant l'ordonnance relative à l'expertise, elle statue sur une fin de non-recevoir tirée de la prescription, de sorte que l'ordonnance ainsi complétée n'est plus exclusivement une ordonnance avant dire droit, mais une ordonnance mixte susceptible d'appel.

Au demeurant la SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France concluent au débouté de la demande et non à l'irrecevabilité de l'appel.

L'appel de M. [D] est donc déclaré recevable.

Sur la recevabilité des demandes de M. [D] et de M. [K] devant la cour :

La SAS [X] [Localité 13] soutient que la cour n'est saisie d'aucune prétention de M. [D], qui se contente de demander à la cour de déclarer non prescrites ses demandes, ce qui est un moyen, au lieu de conclure à leur recevabilité.

Toutefois, en demandant à la cour de déclarer ses demandes non prescrites, il s'agit bien de conclure à leur recevabilité ; cette demande qui s'analysait comme un moyen de défense devant le juge de la mise en état, saisi d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription, s'analyse en appel comme une prétention autonome puisqu'il s'agit d'obtenir de la cour l'infirmation de la décision sur la fin de non-recevoir, afin de permettre dans un second temps à son action au fond en garantie des vices cachés de prospérer.

La demande de M. [D] consistant à déclarer son action non prescrite est donc recevable devant la cour saisie d'un appel à l'encontre d'une ordonnance du juge de la mise en état.

La SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France soutiennent par ailleurs dans le développement de leurs écritures que sont irrecevables les demandes de M. [D] tendant à voir déclarer recevables les demandes de M. [K], et inversement, au motif que nul ne plaide par procureur. Or, dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul saisit la cour, elles ne concluent à aucune irrecevabilité mais au débouté des demandes, qui suppose un examen au fond.

La cour n'est donc pas saisie de cette question.

Sur la prescription de l'action en résolution de la vente pour vices cachés :

En vertu de l'article 1648 alinéa 1er du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Ce délai de deux ans est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241 du même code.

La Cour de cassation par un arrêt de la chambre mixte du 21 juillet 2023 n° 21-15.809 a déclaré par un revirement de jurisprudence que le délai biennal de l'article 1648 alinéa 1er du code civil est un délai de prescription et que ce délai est suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du code civil, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Par ailleurs, dans un autre arrêt rendu le même jour (n° 21-17789), la chambre mixte a également jugé qu'en application des articles 1648 alinéa 1er et 2232 du code civil, l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie. Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, si le délai de prescription décennal antérieur n'était pas expiré à cette date, il est alors tenu compte du délai déjà écoulé depuis celle du contrat conclu par la partie recherchée en garantie. Il est également applicable aux ventes civiles à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Cette jurisprudence récente est applicable immédiatement pour préserver le droit à un procès équitable et une sécurité juridique dans le souci d'une harmonisation de la jurisprudence.

En l'espèce :

1) La vente du véhicule par M. [D] à M. [K] est intervenue le 23 décembre 2020, M. [K] a découvert le vice affectant le véhicule le 7 octobre 2021 (point de départ du délai biennal de prescription le concernant) et a intenté une action en annulation de la vente pour vices cachés par actes des 24 et 29 décembre 2021 à l'encontre de la SAS Jaguar Land Rover France et de M. [D], le délai biennal de prescription a donc été interrompu avant l'acquisition de la prescription.

Il a ensuite recommencé à courir à compter du 24 décembre 2021 pour une même durée mais a été suspendu durant la mesure d'expertise ordonnée par décision du 24 mars 2023 et ne recommencera à courir qu'à compter du jour du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, non encore intervenu.

M. [K] est donc recevable en ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés, dirigées contre la SAS Jaguar Land Rover France et M. [D].

2) La vente du véhicule par la SAS [X] [Localité 13] à M. [D] est intervenue le 16 juillet 2019. Ce dernier a eu connaissance du vice affectant le véhicule lorsqu'il a été assigné le 29 décembre 2021. M. [D] a appelé en garantie la SAS [X] [Localité 13] le 22 avril 2022, soit avant acquisition de la prescription biennale.

La SASU Jaguar Land Rover France ne peut se prévaloir, tant à l'égard de M. [D] qu'à l'égard de M. [K], du délai de prescription quinquennal de l'article L110-4 alinéa 1 du code de commerce pour invoquer l'expiration de ce délai au motif que la vente initiale est intervenue depuis plus de 5 ans, alors qu'il résulte des décisions précitées de la Cour de cassation que le point de départ glissant de la prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce se confond désormais avec le point de départ du délai pour agir prévu à l'article 1648, alinéa premier, du code civil, à savoir la découverte du vice, et que les délais de prescription extinctive des articles 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce ne peuvent plus être analysés en des délais-butoirs spéciaux de nature à encadrer l'action en garantie des vices cachés.

Ainsi, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.

Tel est le cas en l'espèce en ce qui concerne l'action principale intentée par M. [K] et l'appel en garantie formé par M. [D].

En conséquence, l'ordonnance du 10 novembre 2023 complétant l'ordonnance du 24 mars 2023 du juge de la mise en état, déclarant irrecevables les demandes de M. [D] et de M. [K] pour cause de prescription, sera infirmée.

Les demandes de M. [D] et de M. [K] fondées sur la garantie des vices cachés ne sont pas prescrites et sont recevables.

La SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France, succombantes devant cette cour, seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et à payer à M. [D] et à M. [K] la somme de 1 500 € chacun au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, étant observé que les dépens de première instance ont été réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise par l'ordonnance RG n° 22/00041 non concernée par le présent appel.

La SAS [X] [Localité 13] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Jaguar Land Rover France sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel de M. [Y] [D] à l'encontre de l'ordonnance du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519) ayant complété l'ordonnance du 24 mars 2023,

Déclare recevables les demandes de M. [Y] [D] et de M. [T] [K] présentées devant la cour,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mis en état du tribunal judiciaire de Dax du 10 novembre 2023 (RG n° 23/00519) ayant complété l'ordonnance du 24 mars 2023 (RG n° 22/00041),

Statuant à nouveau,

Déclare recevables comme non prescrites les demandes de M. [Y] [D] et de M. [T] [K] fondées sur la garantie des vices cachés,

Déboute la SAS [X] [Localité 13] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La SAS Jaguar Land Rover France sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France à payer à M. [Y] [D] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,

La SAS Jaguar Land Rover France sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum la SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France à payer à M. [T] [K] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés devant la cour,

Condamne in solidum la SAS [X] [Localité 13] et la SAS Jaguar Land Rover France aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.