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Décisions

Cass. com., 3 juillet 2024, n° 23-11.414

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Conforama France (SA)

Défendeur :

Crédit Mutuel Factoring (SA), Guérin et associés (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, SCP Marc Lévis, SCP Piwnica et Molinié

Pau, 2e ch. sect. 1, du 29 nov. 2022

29 novembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2022), par jugements des 4 mai 2009 et 19 avril 2010, le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a prononcé le redressement puis la liquidation judiciaires de la société Capdevielle, M. Guérin, aux droits duquel vient la société Guérin et associés, étant désigné liquidateur. Pendant la période d'observation du redressement judiciaire, la société Capdevielle a vendu des produits d'ameublement à la société Conforama France.   

2. La société Facto CIC, devenue la société CM-CIC Factor, devenue la société Crédit mutuel factor puis Crédit mutuel factoring, qui avait conclu en 2005 un contrat d'affacturage avec la société Capdevielle, soutenant être titulaire de créances résultant des contrats conclus pendant la période d'observation, a assigné devant le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan la société Conforama en paiement de la somme de 1 093 902,91 euros, ainsi que le liquidateur de la société Capdevielle aux fins de lui voir déclarer la condamnation opposable. La société Conforama a soulevé l'incompétence de ce tribunal au profit du tribunal de commerce de Paris, ou subsidiairement, de celui-de Meaux.

Examen des moyens   

sur le premier moyen, pris en sa troisième branche   

Enoncé du moyen 

3. La société Conforama fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors : « que le litige par lequel un subrogé demande paiement au débiteur n'est pas une action "qui concerne la liquidation judiciaire" au sens de l'article R. 662-3 du code de commerce, qui relèverait de la compétence exclusive du tribunal du lieu d'ouverture de la procédure au seul prétexte que le subrogeant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'au cas présent, le tribunal de commerce a considéré qu'il serait compétent aux termes du texte précité "dans la mesure où l'action engagée par le CMF est directement rattachée à la procédure collective de la société Capdevielle" ; qu'à supposer ces motifs adoptés par la cour d'appel, en statuant ainsi, cependant que l'action en paiement intentée par CMF, subrogée, contre Conforama, débiteur allégué de Capdevielle, ne se rattachait aucunement à la procédure de liquidation ouverte à l'encontre de la société Capdevielle, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour 

4. Ayant retenu que la procédure collective de la société Capdevielle n'avait pas d'incidence sur la demande en paiement de l'affactureur, l'arrêt a fait ressortir que cette demande n'était pas née de cette procédure, ni soumise à son influence juridique.   

5. Les motifs critiqués du jugement, incompatibles avec ces énonciations, n'ayant pas été adoptés par la cour d'appel, le moyen est inopérant.   

Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen 

6. La société Conforama fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence, alors « que la subrogation transmet au subrogé la créance et ses accessoires ; que la convention attributive de juridiction convenue entre le subrogeant et le débiteut fait partie de l'économie du contrat et qu'elle est ainsi opposable au subrogé ; que, pour écarter l'application de la convention attricutive de juridiction conclue entre Conforama et Capdevielle, la cour d'appel a estimé que "la SA Crédit Mutuel Factoring n'était pas partie au contrat cadre de coopération commerciale liant la société Capdevielle à la société Conforama France. Son action en paiement découlant d'une subrogation sur des factures émises par Capdevielle à l'encontre de Conforama France est indépendante du contrat régissant les relations d'affaires entre les parties" ; qu'en écartant ainsi l'applicabilité de la convention attributive de juridiction au seul moti que la société CMF n'était pas signataire du contrat la contenant cependant qu'en tant que subrogée, elle était nécessairement liée par cette clause, la cour d'appel a violé l'article 48 du code de procédure civile, ensemble l'article 1250, 1° ancien du code civil. »

Réponse de la Cour   

Vu les articles 48 du code de procédure civile et 1250, 1°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 19 février 2016 : 

7. Il résulte de ces textes qu'une clause attributive de compétence régulièrement insérée dans un contrat conclu entre deux parties commerçantes fait partie de l'économie de la convention et est opposable à l'affactureur subrogé dans les droits d'une de ces parties cédante de factures contre leur débiteur.   

8. Pour déclarer la clause attributive de compétence inopposable à la société Crédit mutuel factoring, l'arrêt retient que l'affactureur n'était pas partie au contrat cadre de coopération commerciale liant les sociétés Capdevielle et Conforama et que son action en paiement découlant d'une subrogation sur des factures émises par la première contre la seconde est indépendante du contrat régissant les relations d'affaires des parties.   

9. En statuant ainsi, alors que la société Crédit mutuel factoring, subrogée dans les droits de créances nées de ce contrat, était liée par la clause attributive de compétence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.   

Portée et conséquence de la cassation 

Conformément aux dispositions de l'article 90, alinéa 3, du code de procédure civile, il y a lieu de renvoyer l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Paris, juridiction d'appel du tribunal de commerce de Paris, désigné par la clause attributive de compétence.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; 

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.