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Décisions

Cass. com., 3 juillet 2024, n° 23-10.067

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, Me Bertrand, SARL Le Prado - Gilber

Aix-en-Provence, chambre 3-2, 13 oct. 20…

13 octobre 2022

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Lyonnaise de banque du désistement de son pourvoi incident.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 octobre 2022) et les productions, par actes sous seing privé des 5 et 17 octobre 2007, la société Cinetic & co, la société Most, devenue la société Genesis Invest, et MM. [W] et [D] [N] (les cédants) ont cédé la majorité des actions qu'ils détenaient dans la société Groupe grand sud à la société Financière Fimega. A l'occasion de cette cession, la société Lyonnaise de banque, elle-même bénéficiaire d'une contre-garantie constituée par un nantissement de titres inscrit à son profit, s'est rendue caution solidaire de la société Financière Fimega à concurrence de la somme d'un million d'euros représentant le solde du prix.

3. Le 12 janvier 2009, la société Financière Fimega et ses actionnaires, la société Kardiani et la société Eurazeo PME, invoquant un dol imputable aux cédants, les ont assignés devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir des dommages et intérêts.

4. Par un jugement du 19 mai 2009, la société Financière Fimega a été mise en liquidation judiciaire. L'avis de cette décision, publié au BODACC le 4 juin 2009, indiquait aux créanciers que la société BTSG, devenue BTSG², était désignée en qualité de liquidateur et que la mission était confiée à M. [E], les déclarations de créances devant être envoyées au [Adresse 4] à [Localité 10] (92).

5. Une déclaration de créance unique, en date du 26 mai 2009 a été adressée à la « société Becheret-Thierry-[E]-[K], mandataires judiciaires, [Adresse 1] », au nom des sociétés Cinetic & Co et Most et de MM. [W] et [D] [N].

6. Le 28 octobre 2010, les cédants ont assigné la société Lyonnaise de banque devant le tribunal de commerce de Marseille pour qu'elle soit, au titre de son engagement de caution de la société Financière Fimega, condamnée au paiement des sommes restant dues au titre de la cession. Le liquidateur de la société Financière Fimega, est intervenu à l'instance au soutien de la position défendue par la société Lyonnaise de Banque qui a contesté l'existence de la dette et invoqué l'extinction de son engagement.

7. Par un jugement du 30 mars 2011, dont il a été interjeté appel, ultérieurement rectifié par un arrêt du 28 février 2013, le tribunal de commerce, après avoir déclaré valable la déclaration de créance des cédants, a accueilli leur demande en paiement.

8. Par un arrêt du 30 janvier 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie des appels formés par la société BTSG², ès qualités, et la société Lyonnaise de banque, a infirmé le jugement et sursis à statuer sur toutes les demandes jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'action en paiement de dommages et intérêts engagée devant le tribunal de commerce de Nanterre.

9. La responsabilité des cédants a été reconnue par un jugement du 19 juin 2014, confirmé par un arrêt du 10 novembre 2015, devenu irrévocable sur cette question à la suite d'un arrêt de cassation partielle rendu par la Cour de cassation le 5 juin 2019 (pourvoi n° 16-10.391).

10. Le 18 novembre 2015, la société Cinetic & co a été mise en redressement judiciaire, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 11 janvier 2017 qui a désigné M. [O], ensuite remplacé par la société Les Mandataires, en qualité de liquidateur.

Moyens

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de M. [W] [N], pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi incident de la société Les Mandataires, ès qualités, pris en sa première branche, rédigés en des termes similaires, réunis

Enoncé du moyen

11. M. [W] [N] et la société Les Mandataires, en sa qualité de liquidateur de la société Cinetic & co, font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 30 mars 2011 et de rejeter leurs demandes formées contre la société Lyonnaise de banque, alors « que lorsque le mandat de justice est exercé par une société de mandataires judiciaires, le juge désigne celui ou ceux des associés qui conduiront la mission au sein de la société et en son nom de sorte qu'un mandataire judiciaire associé exerçant au sein d'une société ne peut exercer sa profession à titre individuel et exerce nécessairement ses fonctions au nom de la société ; qu'il en résulte que la déclaration de créance, expédiée dans le délai légal à l'un quelconque des associés d'une société de mandataires judiciaires disposant d'un mandat de justice, est régulière ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que M. [E], membre de la SCP Bécheret-Thierry-[E]-[K] (BTSG²) a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Financière Fimega ; qu'en jugeant néanmoins irrégulière la déclaration de créance faite par M. [W] [N] et la société Cinetic & co, le 26 mai 2009, à la SCP Bécheret-Thierry-[E]-[K] (BTSG²), au motif inopérant qu'elle n'a pas été adressée au liquidateur désigné, M. [E], mais à son associé M. [K], la cour d'appel a violé les articles L. 622-24, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, R. 814-83 dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-796 du 5 mai 2017, R. 814-84 et R. 814-85 du code de commerce. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-24, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, R. 622-24, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, R. 814-83 dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-796 du 5 mai 2017, R. 814-84 et R. 814-85 du code de commerce :

12. Il résulte des deux premiers de ces textes, qu'à partir de la publication du jugement d'ouverture, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement à ce jugement, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans un délai de deux mois.

13. Selon le troisième de ces textes, le mandat de justice est exercé par la société de mandataires judiciaires, le juge désignant celui ou ceux des associés qui conduiront la mission au sein de la société et en son nom.

14. Et il résulte des deux derniers de ces textes, qu'un mandataire judiciaire associé exerçant au sein d'une société, qui ne peut exercer sa profession à titre individuel, exerce ses fonctions au nom de la société.

15. Pour déclarer les créances de M. [N] et de la société Cinetic & co inopposables à la liquidation judiciaire de la société Financière Fimega et rejeter leurs demandes dirigées contre la société Lyonnaise de banque, l'arrêt retient qu'ils disposaient d'un délai expirant le 4 août 2019 pour déclarer leurs créances au liquidateur dont l'identité et l'adresse étaient mentionnés dans l'avis paru au BODACC, soit la société BTSG avec mission conduite par M. [E], [Adresse 4], alors que la déclaration de créance datée du 26 mai 2009 a été adressée à M. [K] au [Adresse 1] à [Localité 9], soit à un destinataire et à une adresse ne correspondant pas au liquidateur désigné.

16. En statuant ainsi, alors que M. [E] et M. [K] exerçaient l'un et l'autre leurs fonctions de mandataires judiciaires au sein de la société BTSG², désignée liquidateur de la société Financière Fimega, de sorte que la déclaration de créance adressée à l'un d'eux, au siège de la SCP ou à l'un de ses bureaux annexes, était régulière, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Moyens

Et sur le moyen du pourvoi incident de la société BTSG², ès qualités, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

17. La société BTSG², en sa qualité de liquidateur de la société Financière Fimega, fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de restitution formée contre la société Lyonnaise de banque, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour déclarer irrecevable la demande de restitution formée par la société BTSG², ès qualités, contre la société Lyonnaise de Banque, l'arrêt retient que cette demande se heurte aux dispositions combinées des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile selon lesquelles les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ; qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

18. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

19. Pour déclarer irrecevable la demande de la société BTSG², en sa qualité de liquidateur de la société Financière Fimega, tendant à obtenir de la société Lyonnaise de banque, la restitution du prix des titres nantis en contre-garantie du cautionnement qu'elle avait consenti, l'arrêt retient que cette demande est nouvelle.

20. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 30 mars 2011, il déboute M. [W] [N] et le liquidateur de la société Cinetic & co de l'ensemble de leurs demandes, en ce qu'il déclare irrecevable la demande de restitution formée contre la société Lyonnaise de banque par la société BTSG², en sa qualité de liquidateur de la société Financière Fimega, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.