CA Bordeaux, 2e ch. civ., 20 juin 2024, n° 21/01497
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SMABTP
Défendeur :
AXA FRANCE IARD (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BOUDY
Conseillers :
M. DESALBRES, M. FIGEROU
Avocats :
SELARL RENAUDIE LESCURE BADEFORT, SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, SELARL KPDB INTER-BARREAUX, SCP TANDONNET ET ASSOCIES
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [V] [L] et Madame [E] [W] épouse [L] ont confié à la société des Bâtisseurs Bergeracois la construction de leur maison d'habitation sise [Adresse 1] dans la commune de [Localité 4].
Au mois de septembre 1999, ils ont régularisé une première déclaration de sinistre auprès de leur compagnie d'assurance, la société par actions simplifiée (SAS) AXA France, au titre de la sécheresse survenue entre les mois de mai 1989 et décembre 1996. Le sinistre a été pris en charge conjointement par leur assureur et la SMABTP, assureur du constructeur.
La société Temsol est alors intervenue pour réaliser la reprise en sous-oeuvre par micropieux des murs porteurs du module Est, le revêtement sur les façades et la réfection du salon, du séjour et de la chambre.
Dans le cadre d'un arrêté de juin du 20 février 2008 reconnaissant l'état de catastrophe naturelle causé par les mouvements de terrains consécutifs à la sécheresse et à la dilatation des sols pour les périodes allant de janvier à mars 2005, la société Temsol est à nouveau intervenue pour effectuer la reprise en sous-oeuvre par micropieux du mur de refend séparant la partie nuit de la partie jour, des murs porteurs du module Ouest et pour procéder à l'application d'un revêtement sur les façades non reprises en 2001.
En octobre 2012, M. et Mme [L] ont déclaré auprès de la SAS AXA France de nouveaux désordres affectant le dallage. Le cabinet d'expertise Eurexo a été mandaté par cette dernière et a rendu un rapport le 29 mai 2013.
M. et Mme [L] ont fait dresser le 3 mars 2017 un constat par maître [I], huissier de justice à [Localité 4] et, à défaut de solution amiable, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bergerac qui, par ordonnance du 17 octobre 2017, a ordonné une expertise judiciaire confiée à Mme [O].
Cette dernière a déposé son rapport définitif le 14 mai 2018.
Par acte du 9 décembre 2019, M. et Mme [L] ont assigné la SMABTP et la SAS AXA France devant le tribunal de grande instance de Bergerac afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement des travaux réparatoires et de divers préjudices.
Le jugement rendu le 5 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bergerac a :
- déclaré l'action de M. et Mme [L] à l'encontre de la SMABTP et de la SAS AXA recevable,
- déclaré la SMABTP, assureur décennal des bâtisseurs Bergeracois, responsable des désordres affectant la maison d'habitation de M. et Mme [L],
- condamné in solidum la SMABTP, assureur décennal des bâtisseurs Bargeracois, et la SAS AXA France, assureur multirisque habitation de M. et Mme [L], au paiement à ces derniers des sommes de :
- 78 564,16 euros hors taxes au titre des travaux de réparation constituant dans la reprise par micropieux de dallage et la reprise des dommages consécutifs intérieurs affectant leur maison d'habitation,
- 3 000 euros correspondant au démontage et au remontage des meubles de la cuisine et du bureau,
- 7 000 euros correspondant au déménagement, au garde-meuble et au ré emménagement, cette somme étant évaluée pour trois mois,
- 5 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance,
- dit que dans les rapports entre co obligés, le partage s'effectuera de la manière suivante : 60 % pour la SAS AXA France et 40% pour la SMABTP,
- déclaré la franchise légale opposable aux époux [L] et la déduit de l'indemnité allouée,
- condamné in solidum la SMABTP et la SAS AXA France à payer à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la SMABTP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SMABTP et la SAS AXA France au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
La SMABTP a relevé appel de cette décision le 12 mars 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 août 2021, la compagnie d'assurance SMABTP demande à la cour :
- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il retient sa responsabilité et la condamne,
- de juger prescrite toute action dirigée contre elle et de dire que l'action de M. et Mme [L] est irrecevable,
subsidiairement :
- de la mettre hors de cause au motif que les désordres observés résultent exclusivement de phénomènes de sécheresse,
en conséquence :
- de condamner AXA France à indemniser M. et Mme [L] de l'ensemble de leurs préjudices,
- de condamner M. et Mme [L] à restituer les sommes qu'elle leur a versé en vertu du jugement contesté, à savoir celle de 39 154, 08 euros,
- au besoin, en cas de condamnation, de condamner AXA à la garantir indemne,
- de condamner AXA France à lui régler la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens y compris ceux d'appel, dont distraction au profit de Maître Boyreau.
Elle fait notamment valoir que :
- l'action à son égard en tant qu'assureur des bâtisseurs bergeracois est prescrite. Il n'y a aucune date précise de la deuxième intervention concernant les travaux de reprise. Le délai de 10 ans est dépassé à la date de l'assignation en référé expertise,
- les désordres affectant la maison de M. et Mme [L] ne sont pas imputables aux bâtisseurs bergeracois de sorte que la garantie décennale de celle-ci ne peut être mobilisée. Ces désordres ne sont imputables qu'uniquement à la sécheresse,
- le phénomène de sécheresse d'une extrême gravité est une cause d'exonération de responsabilité en vertu de l'article 1792 du code civil. Cela constitue un cas de force majeure exonérant les bâtisseurs bergeracois de leur responsabilité et pas conséquent de leur garantie,
- la société AXA, en tant qu'assureur multirisque habitation de M. et Mme [L], doit supporter l'intégralité des travaux de reprise et les préjudices afférents puisque les désordres sont exclusivement dus à des phénomènes de sécheresse,
- les sommes versées au titre du jugement de première instance devront être restituées.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2021, M. et Mme [L] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1104 et 1792 du code civil et L.113-1 du code des assurances:
- de juger l'appel de la SMABTP recevable mais mal-fondé,
- de rejeter l'intégralité des demandes formulées par la SMABTP et la SAS AXA France, - de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a :
- déclaré leur action recevable à l'encontre de la SMABTP et de la SAS AXA France,
- déclaré la SMABTP, assureur décennal des Bâtisseurs Bergeracois, responsable des désordres affectant leur maison d'habitation,
- 3 000 euros correspondant au démontage et au remontage des meubles de la cuisine et du bureau,
- 5 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance,
- dit que dans les rapports entre co-obligés, le partage s'effectuera de la manière suivante : 60% pour la SAS AXA France et 40% pour la SMABTP,
- déclaré la franchise légale opposable et la déduit de l'indemnité allouée,
- condamné in solidum la SMABTP et la SA AXA France au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la SMABTP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SMABTP et la SAS AXA France au paiement des entiers, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire,
à titre principal, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné in solidum la SMABTP, assureur décennal des Bâtisseurs Bergeracois, et la SAS AXA France, assureur multirisque habitation au paiement à leur profit des sommes de :
- 78 564,16 euros hors taxes au titre des travaux de réparation consistant dans la reprise par micropieux de dallage et la reprise des dommages consécutifs intérieurs affectant leur maison d'habitation,
- 7 000 euros correspondant au déménagement, au garde meuble et au réeménagement, cette somme étant évaluée pour trois mois,
et, statuant à nouveau :
- de condamner in solidum la SMABTP et la SAS AXA France, leur assureur à leur verser les sommes suivantes :
- 96 893,98 euros toutes charges comprises au titre des travaux de réparation consistant dans la reprise par micro-pieux de dallage et la reprise des dommages consécutifs intérieurs,
- 10 104,00 euros au titre du déménagement, du garde-meuble et du réeménagement,
à titre subsidiaire, de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a :
- condamné in solidum la SMABTP et la SAS AXA France au paiement des sommes de :
- 78 564,16 euros hors taxes au titre des travaux de réparation consistant dans la reprise par micro-pieux de dallage et la
- condamné in solidum la SMABTP et la SAS AXA France à leur verser les sommes de :
- 7 000 euros correspondant au déménagement, au garde meuble et au réeménagement, cette somme étant évaluée pour trois mois,
En tout état de cause :
- de condamner solidairement la SMABTP et la SAS AXA France au paiement de la somme 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et les éventuels frais d'exécution.
Ils font notamment valoir que :
- l'action à l'égard de la SMABTP est recevable sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Un nouveau délai de 10 ans commencé à courir à la date de la dernière intervention de la SMABTP en 2008. L'assignation en référé d'expertise a été délivrée en août 2017 donc l'action n'est pas prescrite. La réalisation des travaux de reprise est un acte interruptif de la prescription,
- l'action est recevable à l'égard de la SAS AXA France. Les actions dérivant d'un contrat d'assurance se prescrivent par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, et qu'en cas de sinistre, à compter du jour où ils en ont en eu connaissance. La communication du rapport d'expertise constitue l'événement qui donne naissance à l'action dérivant du contrat. Le point de départ de la prescription biennale doit être fixé à cette date.
- un constructeur est responsable des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Ces désordres sont incontestablement de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage. Les désordres portent sur la structure de la construction. La responsabilité des Batisseurs bergeracois est indéniable et la mise en cause le la SMABTP est parfaitement fondée. La sécheresse est une cause des désordres mais pas la seule cause de sorte qu'elle ne peut constituer une cause exonératoire. En effet, pour être exonéré de sa responsabilité, le constructeur doit rapporter la preuve d'une cause étrangère ayant les caractéristiques de la force majeure,
- les désordres leur ont été source de nombreux préjudices qu'il convient d'indemniser.
Suivant ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2021, la compagnie d'assurance AXA France demande à la cour, sur le fondement des articles 1134, du Code civil et L 125-1 du code des assurances :
- de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé sa condamnation à payer des indemnités pour les préjudices immatériels,
- de débouter M. et Mme [L] des demandes dirigées contre elle concernant ces préjudices soit 3 000 euros, 7 000 euros et 5 000 euros,
- de confirmer le jugement entrepris :
reprise des dommages consécutifs intérieurs affectant leur maison d'habitation,
- sur la condamnation de la SMABTP à payer 40 % du coût des réparations préconisés par l'expert judiciaire et de déduire la franchise légale de 1 520,00 euros de la condamnation prononcée à son encontre,
- de condamner la SMABTP et M. et Mme [L] à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner aux dépens d'appel.
Elle fait notamment valoir que :
- sur le fondement de l'article L125-1 du code des assurances, les garanties souscrites couvraient les dommages matériels directs excluant les dommages indirects ou immatériels. Le premier juge ne pouvait dès lors motiver sa décision sur l'absence de production du contrat d'assurance alors que l'exclusion est prévue par la loi. Le contrat souscrit par M. et Mme [L] ne garantit que les dommages matériels directs causés par l'intensité anormale d'un agent naturel,
- l'action à l'égard de la SMABTP n'est pas prescrite. En effet, la SMABTP a participé à une intervention en 2009. Cette intervention fait courir un nouveau délai de garantie interrompu par l'assignation en référé expertise diligentée les 10 et 11 août 2017. La SMABTP a reconnu sa responsabilité ce qui a permis d'interrompre la prescription lorsqu'elle a accepté de prendre en charge les nouveaux désordres à hauteur de 40% comme elle l'avait fait pour les premiers de 2001,
- si les épisodes de sécheresse successifs sont en partie à l'origine des désordres, il n'en reste pas moins que la responsabilité du constructeur est engagée pour ces désordres. La sécheresse de 2011 n'a fait qu'aggraver les désordres existants imparfaitement réparés par les premières interventions. Le constructeur est présumé responsable y compris des dommages résultant d'un vice du sol par application de l'article 1792 du code civil. La SMABTP doit être condamné en sa qualité d'assureur de responsabilisé civile décennale constructeur,
- en matière de catastrophe naturelle, le code des assurances prévoit en annexe 1 à l'article L 125-1 du code des assurances une franchise obligatoire. En l'occurrence, cette franchise légale rappelée dans le contrat s'élève à 1 520 euros et a donc été déduite par elle lors du règlement des condamnations prononcées par le tribunal.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2024 .
MOTIVATION
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
- sur la recevabilité de l'action à l'égard de la SMABTP,
Seule la SMABTP conteste désormais en cause d'appel la recevabilité de l'action intentée à son encontre sur le fondement de la garantie décennale.
Pour déterminer si, comme le soutient l'appelante, l'action intentée à son encontre, en sa qualité d'assureur de la société Les Bâtisseurs Bergeracois, est forclose, et non prescrite comme les parties l'indiquent dans leurs conclusions, il convient en premier lieu de retenir comme point de départ du délai décennal la date de réception de l'ouvrage.
Les parties s'opposent sur la date de réception de l'immeuble (1993 ou février 1994).
Pour autant, cette incertitude n'a pas d'importance car, à la suite d'un premier sinistre déclaré en 1999, La SMABTP est intervenue :
- tout d'abord en 2001 pour financer des travaux en sous-oeuvre par micropieux des murs porteurs du seul module Est, d'embellissement et de remise en état,
- puis en 2008 pour financer des travaux en sous-oeuvre par micropieux du mur de refend séparant la partie nuit de la partie jour mais également des murs porteurs du module Ouest ainsi que l'application d'un revêtement sur les façades non reprises en 2001,
en application de la police garantissant la responsabilité décennale de son assurée à la suite des désordres de l'immeuble de M. et Mme [L] dus tout à la fois à des épisodes de sécheresse mais également à un défaut d'encastrement des semelles de fondation imputable à la société Les Bâtisseurs Bergeracois. L'assureur a validé les devis émis par la société Temsol les 10 octobre et 21 novembre 2007 puis financé les travaux réparatoires effectués par celle-ci respectivement en 2001 et au cours de l'année 2009.
L'assignation en référé a été délivrée par les maîtres d'ouvrage les 10 et 11 août 2017.
Un nouveau délai de dix ans a donc recommencé à courir à compter de l'année 2008 (date du paiement de l'indemnité d'assurance) mais uniquement pour ce qui concerne la partie dans laquelle les travaux réparatoires ont été effectués et non les autres parties du bâtiment non affectés par les désordres.
L'expert judiciaire a constaté lors de la réalisation de sa mission :
- des vides sous les plinthes quasi-généralisés ;
- des fissures de cloisons et doublages dans les chambres et la salle de bains ;
- des fissures du carrelage au sol et de jambage de la paillasse du lavabo dans la salle de bains ; - l'affaissement d'un jambage de la cheminée ;
- une microfissure du plafond entre le séjour et la cuisine ;
- un décollement de l'enduit de façade ;
- une fissure du plafond dans les toilettes et se prolongeant dans le séjour.
Une importante partie de l'immeuble dans lequel ont été réalisés à la fin de l'année 2008 et au cours de l'année 2009 les travaux de reprise est donc affectée de nouveaux désordres.
En conséquence, l'action intentée par M. et Mme [L] n'apparaît donc pas forclose. Le jugement ayant déclaré recevable leur action à l'encontre de la SMABTP sera donc confirmé.
Sur la responsabilité décennale de la société Les Bâtisseurs Bergeracois et la garantie de son assureur
Aux termes de l'article 1792 du code civil ' tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité est écartée si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'.
La garantie décennale n'a vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse où il y a eu réception et que le dommage s'est révélé postérieurement à celle-ci.
La présomption de responsabilité consacrée par l'article 1792 du code civil a pour objet d'alléger la charge de la preuve pour le maître d'ouvrage en le dispensant d'établir l'existence d'une faute du constructeur à l'origine du désordre. Mais elle suppose tout de même d'établir l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention du constructeur sur le chantier et le dommage dont il est demandé réparation.
Si le vice du sol n'est effectivement pas un cas de force majeure pouvant exonérer tout entrepreneur, c'est à la condition que les travaux réalisés par celui-ci sont, même partiellement, à l'origine des désordres.
Or, Mme [O] a exclu toute imputabilité des travaux réalisés par les sociétésTemsol et Les Bâtisseurs Bergeracois dans l'apparition des nouveaux désordres en démontrant, sans être utilement contredite sur ce point par la production
Sur les autres préjudices d'éléments techniques, que seuls les épisodes de sécheresse en sont à l'origine au regard des mouvements du sol qu'ils ont généré.
Ainsi, l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention de la société Les Bâtisseurs Bergeracois, qui avait été précédemment mise en cause en raison de l'insuffisance des semelles de fondation, et le dommage dont il est demandé réparation, n'est pas établie.
En conséquence, le tribunal ne pouvait considérer que la garantie décennale de la SMABTP avait de nouveau vocation à être mobilisée. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
Sur les demandes présentées à l'encontre de la SAS AXA
Sur le coût des travaux réparatoires
La SAS AXA, qui ne conteste pas sa garantie dans la mesure où les nouveaux désordres ont pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, situation qui a été reconnue suivant un arrêté de catastrophe naturelle en date du 11 juillet 2012, ne remet pas en cause le coût des travaux réparatoires retenu par le premier juge.
M. et Mme [L] sollicitent l'infirmation du jugement entrepris qui a condamné l'assureur au paiement d'un montant de 78 564,16 euros HT en produisant de nouveaux devis actualisés des deux mêmes sociétés que celles qui avaient été retenues par l'expert judiciaire et le tribunal.
Ainsi, pour la même prestation, les sociétés Coren et Temsol chiffrent leur intervention respectivement à la somme de 43 793,35 euros TTC et de 53 100,03 euros TTC.
La SAS AXA ne conclut pas sur ce point.
Au regard de ces éléments, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de condamner l'assureur au paiement à M. et Mme [L] de la somme de 96 893,98 euros TTC.
Le troisième alinéa de l'article L125-1 du Code des assurances dispose que sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles (...), les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.
Après s'être volontairement abstenue en première instance, la SAS AXA verse désormais aux débats le contrat d'assurance souscrit par M. et Mme [L]. Il s'avère que la police ne garantit pas les préjudices matériels indirects en lien avec un état de catastrophe naturelle.
S'agissant des frais de déménagement/réenménagement et de garde-meubles, ils constituent un préjudice matériel indirect à la suite de l'affaissement du sol dû à la sécheresse ayant occasionné les désordres. Ils ne doivent dès lors pas être indemnisés par la SA AXA et ce d'autant plus que le contrat d'assurance ne le prévoit pas au titre d'une garantie facultative.
Cette dernière observation prévaut pour ce qui concerne le préjudice de jouissance qui est un préjudice immatériel.
En conséquence, le jugement entrepris ayant condamné la SAS AXA au paiement aux intimés des sommes de 3 000, 7 000 et de 5 000 euros sera infirmé.
Il doit être enfin indiqué qu'aucune des deux parties ne conteste l'application de la franchise contractuelle.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
La mise à la charge de la SMABTP par le juge de première instance d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 sera infirmée. La décision sera confirmée pour le surplus.
Outre la somme mise à la charge de la société AXA France en première instance, il y a lieu en cause d'appel de la condamner au versement tout à la fois à M. et Mme [L], ensemble, mais également à la SMABTP d'une indemnité complémentaire de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes présentées sur ce fondement.
La SAS AXA France sera seule condamnée au paiement des dépens de première instance, comprenant le coût de la mesure d'expertise judiciaire, mais également d'appel.
- Confirme le jugement rendu le 5 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'il a :
- déclaré recevable l'action de M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W] à l'encontre de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics et de la société AXA France ;
- déclaré la franchise légale de la société AXA France opposable à M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W] ;
- condamné la SAS AXA France à payer à M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande de la SMABTP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société AXA France au paiement des entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
- Rejette les demandes indemnitaires présentées par M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W] à l'encontre de la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics ;
- Condamne la société AXA France à verser à M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W], ensemble, la somme de 96 893,98 euros TTC correspondant au montant des travaux réparatoires consécutifs à l'affaissement du sol de l'habitation résultant de l'état de sécheresse reconnu en tant que catastrophe naturelle ;
- Rejette les demandes présentées par M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W] à l'encontre de la société AXA France au titre de l'indemnisation des frais de déménagement/réenménagement, de garde-meubles et d'un préjudice de jouissance ;
Y ajoutant ;
- Condamne la société AXA France à verser à M. [V] [L] et Mme [E] [L] née [W], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société AXA France à verser à la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;
- Condamne la société AXA France au paiement des dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par maître [R] en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.