CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 5 juin 2024, n° 22/00981
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
CAMBTP (Sté), CAPREMIB (SAS)
Défendeur :
BREZILLON (SAS), MMA IARD (Sté), MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. JARIEL
Conseillers :
Mme DELACOURT, Mme SZLAMOVICZ
Avocats :
SELARL ALERION SOCIETE D'AVOCATS, SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, Me LAMBERT
Le 15 décembre 2003, la société Entrepôts Bonneuil en France II a confié à la société Sodearif un contrat de promotion immobilière ayant pour objet la construction de bâtiments logistiques situés [Adresse 10] à [Localité 9] (95).
Sont notamment intervenues à l'acte de construire :
- la société Architectes et ingénieurs, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), chargée de la conception architecturale et ayant une mission partielle d'exécution, mission de coordination des concessionnaires/rédaction et diffusion des comptes rendus,
- la société Brezillon, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles et de la société MMA IARD (les sociétés MMA), pour la réalisation des bâtiments tous corps d'état,
- la société Capremib, assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP), qui a fourni les poteaux en béton à la société Brezillon,
- la société Sampieri construction, chargée des travaux de maçonnerie, - la société Qualiconsult, contrôleur technique.
Une police " dommages ouvrage " a été souscrite concomitamment auprès de la société AGF aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (la société Allianz).
La réception des travaux est intervenue le 29 avril 2005.
Les entrepôts réalisés sont divisés en 4 cellules numérotées de C1 à C4 du nord vers le sud.
Ces cellules sont séparées par des cloisons qui sont soutenues chacune par une file de poteaux portant des poutres, et des files de poteaux intermédiaires portant d'autres poutres, 13 files de poteaux au total soutenant l'entrepôt en allant dans le sens de la profondeur du bâtiment.
Une déclaration de sinistre a été régularisée entre les mains de l'assureur " dommages ouvrage " AGF le 17 juin 2014.
Le 29 août 2014, la société Allianz, venant aux droits de la société AGF, a refusé sa garantie pour l'ensemble des désordres déclarés.
Suivant assignation datée du 29 avril 2015, la société Entrepôts Bonneuil en France II a sollicité et obtenu la désignation de M. [G] en qualité d'expert judiciaire par ordonnance de référé du 11 juin 2015.
M. [G] a déposé son rapport définitif le 10 février 2020.
Par ordonnance de référé du 13 novembre 2015, la société Allianz a été condamnée au paiement d'une provision de 24 833 euros, outre 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant assignation en date du 28 janvier 2016, la société Entrepôts Bonneuil en France II a saisi le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir condamner l'assureur " dommages ouvrage ", la société Allianz, à lui régler la somme de 556 519 euros sauf à parfaire, avec intérêt au double du taux légal à compter du 28 Juillet 2015, outre la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire, ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Par assignation en intervention forcée et appel en garantie en date du 17 septembre 2019, enrôlée sous le n° RG 19/11017, la société Allianz a appelé en garantie et en intervention forcée :
- la société Architectes et ingénieurs, maître d''uvre et son assureur la MAF,
- la société Brezillon, entreprise générale, et ses assureurs les sociétés MMA, - la société Qualiconsult, contrôleur technique,
Par ordonnance en date du 15 juin 2020, le juge de la mise en état a renvoyé la demande de jonction formée par la société Allianz entre les procédures RG 19/07426 et RG 19/11017 à l'audience de plaidoirie sur incident et réservé en conséquence les demandes de garantie à titre provisionnel formées par la société Allianz dans le cadre de la procédure RG 19/11017, condamné la société Allianz à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme provisionnelle de 1 335,51 euros HT au titre des travaux de reprise des fissures, 62 197,00 euros HT au titre de la durée de la performance coupe-feu, 161 076,02 euros HT au titre des fissuration des abouts de poutres et dégradations en tête de poteau, 9 503,60 euros HT au titre de la réfection de l'accès pompier, outre la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le juge de la mise en état a, le 15 décembre 2020, ordonné la jonction des affaires.
Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Déclare recevable l'ensemble des demandes de la société Entrepôts Bonneuil en France II,
Déclare recevables les demandes de la société MMA à l'encontre de la société Capremib et de son assureur CAMBTP,
Sur le point 1 A : défaut de performance coupe-feu-fissuration de la cloison de séparation des cellules C2 et C3.
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II au titre des travaux de reprise des fissures la somme de 62 197 euros HT ;
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Sampieri avec son assureur la MAAF à garantir la société Brezillon à hauteur de 65 % de cette condamnation,
Sur le point 1 B - défaut de performance coupe-feu liée à la fissuration de la cloison :
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de 1 915,75 euros HT au titre des travaux de reprise des fissures, dont il convient de déduire la provision d'un montant de 62 197 euros HT déjà payée par la société Allianz, en exécution de l'ordonnance de référé en date du 13 novembre 2015, soit la somme provisionnelle de 1 335,51 euros HT ;
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Sampieri avec son assureur la MAAF à garantir la société Brezillon en totalité de cette condamnation,
Sur le point 2 - défaut de performance coupe-feu des couloirs d`évacuation
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de 864,04 euros HT
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Sampieri avec son assureur la MAAF à garantir la société Brezillon en totalité de cette condamnation,
Sur les points 3 et 4 - fissuration des abouts de poutres et dégradations en tête de poteau : déplacement et/ou dégradation des appareils d'appui en néoprène et amorce de fissuration à l'angle rentrant du nez de panne,
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de la somme de 173 054,97 euros HT dont il convient de déduire la somme de 11 978,95 euros HT déjà payée en exécution de l'ordonnance de référé du 13 novembre 2015, soit 161 076,02 euros HT,
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Capremib avec son assureur la CAMBTP à garantir la société Brezillon en totalité de cette condamnation,
Sur le point 5 - défaut d'étanchéité des menuiseries extérieures des bureaux,
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de la somme de 4 820 euros HT,
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation, Condamne la société Jean Rossi et la société Structure 93 avec leur assureur la société Axa à garantir la société Brezillon en totalité de cette condamnation, à hauteur de 50 % chacune ;
Sur le point 8 - voies dédiées aux moyens de secours en cas d'incendie
Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de la somme de 9 503,60 euros HT,
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Dit que chacune des condamnations qui précèdent seront majorées de 8 % au titre des honoraires de maîtrise d''uvre ;
Sur les autres demandes
Condamne in solidum la société Brezillon, à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II les sommes de 18 500 euros HT, 4 990 euros HT et 7 060 euros HT.
Condamne la société Sampieri avec son assureur les stés MMA et la société Jean Rossi et la société Structure 93 avec leur assureur la société Axa relever et garantir la société Brezillon à hauteur d'un quart pour chacune ;
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement, Dit que pour ce qui concerne la société Allianz, les intérêts seront doublés :
- sur la somme de 24 833 euros, à compter de l'assignation en référé provision en date du 28 juillet 2015 jusqu'au 26 janvier 2016, date du paiement par la société Allianz sur le compte CARPA, en exécution de l'ordonnance de référé du 13 novembre 2015 ;
- sur le surplus à compter de l'assignation au fond en date du 28 juillet 2015 jusqu'au 2 juillet 2020, date du paiement par la société Allianz en exécution de l'ordonnance du juge de la mise en état du 15 juin 2020 ;
Condamne la société Entrepôts Bonneuil en France à payer à la société Allianz la somme de 4 062,73 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du règlement en date du 26 janvier 2016,
Condamne la société Entrepôts Bonneuil en France à payer à la société Allianz la somme de 2 082 euros HT outre les intérêts au taux légal à compter du règlement en date du 26 janvier 2016,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, Ordonne la compensation entre les condamnations qui précèdent
Condamne in solidum la société Allianz et la société Brezillon aux dépens, comprenant les frais d'expertise et les dépens des instances de référés outre la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Sampieri avec son assureur les sociétés MMA et la société Jean Rossi et la société Structure 93 avec leur assureur la société Axa à relever et garantir la société Brezillon à hauteur d'un quart pour chacune, de ces condamnations,
Déboute les parties de leurs demandes à l'encontre des autres défendeurs ou appelés en garantie, Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration en date du 7 janvier 2022, la société Capremib et la CAMBTP ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la société Brezillon,
- les sociétés MMA, en qualité d'assureurs de la société Brezillon.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 3 août 2022, la société Capremib et la CAMBTP demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu en date du 23 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris s'agissant des chefs de jugement suivants, objet du présent appel :
" Condamne in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de 173 054,97 euros HT dont il convient de déduire la somme de 11 978,95 euros HT déjà payée en exécution de l'ordonnance de référé du 13 novembre 2015, soit 161 076,02 euros HT,
Condamne la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation,
Condamne la société Capremib avec son assureur la CAMBTP à garantir la société Brezillon en totalité de cette condamnation
Dit que chacune des condamnations qui précèdent seront majorées de 8 % au titre des honoraires de maîtrise d''uvre " ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
Juger que la société Brezillon, sous la garantie de ses assureurs, les sociétés MMA, est entièrement responsable des désordres objet des points n° 3 et 4 de l'expertise de M. [G] ;
Juger que la société Capremib ne porte aucune responsabilité au titre des points n° 3 et 4 de l'expertise de M. [G] ;
Débouter les demandes de condamnation de la société Brezillon et de ses assureurs, les sociétés MMA, à l'encontre de la société Capremib et de la CAMBTP ;
A titre subsidiaire,
Juger que la société Capremib et la CAMBTP ne pourront être déclarées responsables du point n° 3 au-delà de la quote-part de 20 % fixée par l'expert judiciaire, soit la somme de 31 010,99 euros correspondant à la réparation de ce désordre ;
Juger que la société Capremib et la CAMBTP ne pourront être déclarées responsables du point n°4 au-delà de la quote- part de 30 % fixée par l'expert judiciaire, soit la somme de 5 400 euros correspondant à la réparation de ce désordre ;
Limiter aux sommes ci-après l'éventuelle responsabilité de la société Capremib et de la CAMBTP au titre des points n° 3 et 4 de l'expertise de M. [G] :
- 36 410,99 euros au titre des travaux réparatoires,
- 2 912,88 euros au titre des honoraires de maîtrise d''uvre, correspondant à 8 % du montant des travaux réparatoires
En tout état de cause,
Ordonner que la CAMBTP ne saurait être condamnée au-delà des limites et garanties prévues aux conditions générales et particulières de son contrat d'assurance ;
Condamner la société Brezillon et ses assureurs, les sociétés MMA à payer aux sociétés CAMBTP et Capremib la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Brezillon et ses assureurs, les sociétés MMA aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par la société Alerion, représentée par Me Mathurin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2022, la société Brezillon demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Capremib et la CAMBTP à garantir la société Brezillon de l'intégralité des condamnations mises à sa charge au titre des points 3 et 4 de l'expertise.
Subsidiairement,
Retenir à la charge de la société Brezillon au titre des points 3 et 4, une part finale de responsabilité qui ne serait excéder 20 %,
Rejeter la demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Brezillon au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Capremib et la CAMBTP à payer à la société Brezillon la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2022, les sociétés MMA, ès qualités d'assureurs de la société Brezillon demandent à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux appels en garantie formulés par les sociétés MMA à l'encontre de la société Capremib et la CAMBTP, même si ce dernier a omis de le préciser dans son dispositif ;
Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation formulée par les sociétés MMA aux fins de garantie par la société Capremib et la CAMBTP alors qu'il avait fait droit à la demande de la société Brezillon, elle- même garantie par son assureur, MMA, d'être intégralement garantie par les sociétés Capremib et CAMBTP ;
Statuant à nouveau,
Condamner les sociétés Capremib et CAMBTP à garantir intégralement les sociétés MMA de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre en première instance ;
En toute hypothèse,
Rejeter toute demande de condamnation formulée à l'encontre des sociétés MMA sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner les parties appelantes à verser aux sociétés MMA la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 27 février 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 mars 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
MOTIVATION
A titre liminaire
Selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée et la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La cour constate que la société Capremib et la CAMBTP sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum la société Allianz et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de la somme de 173 054,97 euros HT dont il convient de déduire la somme de 11 978,95 euros HT déjà payée en exécution de l'ordonnance de référé du 13 novembre 2015, soit 161 076,02 euros HT ;
- condamné la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation.
La société Capremib et la CAMBTP ne formulent cependant aucune prétention concernant ces condamnations, ni aucun moyen de fait ou de droit à l'appui de sa demande d'infirmation.
Sur les recours de la société Brezillon et des sociétés MMA
Moyens des parties
La société Brezillon fait valoir, concernant les fissurations des abouts de poutre et les dégradations en tête de poteau (désordre n° 3), qu'aucune réserve n'ayant été mentionnée au procès-verbal de réception à ce titre et ces désordres étant apparus tardivement, ceux-ci ne peuvent être dus à des chocs lors de la pose mais sont plus vraisemblablement consécutifs à un défaut des pièces préfabriquées, ce qui engage la responsabilité de la société Capremib.
Quant au déplacement et la dégradation des appareils d'appui en néoprène et l'amorce de fissuration à l'angle rentrant du nez de panne (désordre n° 4), elle souligne que l'expert a retenu que la panne était très probablement plus courte que prévu au projet et que la société Capremib était le fournisseur et le fabricant des éléments de charpente, de telle sorte que s'agissant d'EPERS, elle est responsable sur le plan technique et juridique.
Les sociétés MMA soutiennent que concernant le désordre n° 3, s'il était visible à la réception, il n'était pas susceptible d'engager la responsabilité décennale de la société Brezillon et s'il est apparu après, il est dû à un défaut intrinsèque des pièces préfabriquées, auquel cas la société Brezillon n'engagerait pas sa responsabilité ou de façon résiduelle.
Quant au désordre n° 4, elles exposent que l'expert a considéré que la panne était trop courte et retenu de ce fait une responsabilité de 30 % à l'encontre de la société Capremib.
Elles soulignent que le tribunal a omis dans son dispositif d'indiquer que la société Capremib et la CAMBTP leur devaient également leur garantie.
La société Capremib et la CAMBTP soutiennent, concernant le désordre n° 3, qu'il n'est pas établi que la prétendue trop grande importance de l'enrobage puisse être, en soi, une cause de désordre et que l'expert a répondu à l'argumentation relative à l'absence de visibilité des fissures lors de la réception.
Quant au désordre n° 4, elles font valoir que l'expert n'a pas mesuré la longueur de la panne et qu'il n'a conclu que la panne était très probablement plus courte que prévu dans le projet, qu'en se basant sur des photographies.
Elles ajoutent que la société Brezillon ne démontre pas que les fournitures de la société Capremib pourraient être qualifiées d'EPERS.
A titre subsidiaire, elles sollicitent que soit entériné le partage de responsabilité proposé par l'expert.
Elles exposent que le tribunal n'a pas expressément répondu à la demande de la CAMBTP concernant les plafonds et franchises opposables.
Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La qualification d'EPERS (éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire) évoquée par les parties n'a de pertinence que lorsqu'il s'agit d'appliquer les dispositions de l'article 1792-4 du code civil, qui permet d'engager la responsabilité solidaire du fabricant d'une partie d'un ouvrage avec le locateur d'ouvrage à l'égard du maître de l'ouvrage ou de son acquéreur.
Au cas d'espèce, l'action en garantie engagée à l'encontre de la société Capremib est fondée sur la responsabilité contractuelle de cette dernière qui a fabriqué et fourni à la société Brezillon les éléments de la charpente ainsi qu'il résulte de la lettre de commande du 17 juillet 2006, aucune des parties ne se prévalant d'un contrat de sous-traitance, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
Par conséquent, la qualification d' " EPERS " est sans incidence, dès lors que la société Brezillon n'est ni le maître de l'ouvrage ni l'acquéreur de celui-ci et ne peut donc se prévaloir des dispositions de l'article 1792-4 précité, de sorte qu'il convient de déterminer si le matériau fourni par la société Capremib était défectueux ou ne correspondait pas aux prescriptions contractuelles.
Concernant le désordre n° 3, il résulte du rapport d'expertise que les fissures et les éclats des abouts de poutres, de pannes ou des têtes de poteaux, viennent de chocs à la pose, qu'il est possible que des fissures aient été présentes au moment de la réception mais qu'elles n'aient pu être détectées en raison de leur faible nombre, que l'excès d'enrobage d'acier a fragilisé le béton et facilité les ruptures mais ne peut en être la cause.
Les parties ne produisant pas d'éléments techniques de nature à remettre en cause l'appréciation de l'expert qui a pris en considération tous les dires techniques des parties lors des opérations d'expertise, il convient d'entériner les conclusions de l'expert et de considérer que la société Capremib et la société Brezillon, ont, toutes deux, commis des fautes à l'origine du désordre n° 3 et que la part de responsabilité eu égard à la gravité des fautes qui leur est imputable peut être fixée à 80 % pour la société Brezillon et à 20 % pour la société Capremib.
Concernant le désordre n° 4, l'expert a conclu ainsi : " il s'agit d'une panne, avec un appareil d'appui en néoprène mal installé et qui a glissé de ce fait ; nous avons en outre noté que la panne est très probablement plus courte que prévu dans le projet ".
En réponse au dire du conseil de la société Capremib et de son assureur, l'expert indique que la panne n'a pas été mesurée mais il déduit de photos que la panne était trop courte par rapport à la distance entre les deux lignes de poteaux, ce qui pourrait s'expliquer par une erreur d'implantation des poteaux. Il relève, cependant, qu'une telle erreur
La cour,
5 juin 2024
n'a pas été constatée ailleurs, sans expliquer en quoi cela pourrait établir avec certitude l'absence d'erreur d'implantation. En outre l'expert note qu'il " semblerait étonnant que toutes les pannes n'aient pas la même longueur ".
Il en résulte que la société Brezillon et les sociétés MMA n'apportent pas la preuve qui leur incombe que la panne fournie par la société Capremib n'aurait pas été conforme aux prévisions contractuelles, de telle sorte qu'aucune faute ne peut lui être imputée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Capremib avec son assureur la CAMBTP à garantir en totalité la société Brezillon des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres n° 3 et 4.
La société Capremib et la CAMBTP seront, au titre du désordre n° 3, condamnées à garantir la société Brezillon et les sociétés MMA (la demande en garantie de ces dernières n'étant pas contestée par les appelants et résultant manifestement d'une omission matérielle du tribunal) à hauteur de 20 % du montant fixé par l'expert au titre de la réparation de ce désordre, soit à la somme de 31 010,99 euros, outre 8 % de cette somme au titre des honoraires de maîtrise d''uvre, montants qui ne sont pas contestés par les parties.
La demande de garantie formée par la société Brezillon et les sociétés MMA à l'encontre de la société Capremib et la CAMBTP au titre du désordre n° 4 sera rejetée.
En application de l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de sa police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.
Il convient donc de faire droit à la demande de la CAMBTP de voir limiter sa condamnation aux termes et limites de la police souscrite.
Sur les frais du procès
En cause d'appel, la société Brezillon et les sociétés MMA, parties succombantes, seront condamnées aux dépens et chacune, à payer à la société Capremib et à la CAMBTP la somme globale de 1 500 euros, au titre des frais irrépétibles.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
PAR CES MOTIFS
- condamné in solidum la société Allianz en deniers ou quittances et la société Brezillon à payer à la société Entrepôts Bonneuil en France II la somme de 173 054,97 euros HT dont il convient de déduire la somme de 11 978,95 euros HT déjà payée en exécution de l'ordonnance de référé du 13 novembre 2015, soit 161 076,02 euros HT,
- condamné la société Brezillon avec son assureur les sociétés MMA à garantir la société Allianz de cette condamnation ;
Le confirme sur ces points et statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne, au titre du désordre n° 3, la société Capremib et la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics à garantir la société Brezillon et les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD à hauteur de 20 % du montant fixé par l'expert au titre de la réparation de ce désordre, soit à la somme de 31 010,99 euros, outre 8 % de cette somme au titre des honoraires de maîtrise d''uvre ;
Rejette les demandes de la société Brezillon et des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD de voir condamner la société Capremib et la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics à la garantir au titre du désordre n° 4 ;
Dit que la condamnation de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics ne pourra dépasser les termes et limites de la police souscrite ;
Condamne de la société Brezillon et des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux dépens d'appel ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Brezillon et des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD et condamne, d'une part, la société Brezillon, d'autre part, les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, chacune, à payer à la société Capremib et la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.