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CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 19 juin 2024, n° 22/10340

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/10340

19 juin 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 19 JUIN 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10340 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4UC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2022 - tribunal de commerce de Bobigny - 2ème chambre - RG n° 2019F01653

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 5]

N°SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Anne SEVIN de la SCP MARTINS SEVIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB05, avocat plaidant

INTIMÉ

Monsieur [U] [C]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7] (Turquie)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Sophie GRÈS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2162

Ayant pour avocat plaidant Me Grégory KERKERIAN de la SELARL SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, toque : 13, substitué à l'audience par Me Hanna AKACHA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, toque : 13

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY, président de chambre, et Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère, entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 mai 2022, la Société Générale a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Bobigny rendu le 8 février 2022 dans l'instance l'opposant à M. [U] [C], et dont le dispositif est ainsi rédigé :

'Reçoit la SOCIETE GENERALE en ses demandes, les dit partiellement fondées, y fait partiellement droit ;

Condamne Monsieur [U] [C] à régler à la SOCIETE GENERALE la somme de 722 469,14 € ;

Dit que la Société Générale ne peut se prévaloir des actes de caution souscrits par Monsieur [U] [C] à son profit postérieurement au 31 décembre 2010 ;

Déboute Monsieur [U] [C] de ses autres demandes ;

Condamne Monsieur [U] [C] à régler à la SOCIETE GENERALE la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne Monsieur [U] [C] aux dépens de l'instance.'

***

À l'issue de la procédure d'appel en dernier lieu clôturée à l'audience de plaidoirie le 29 avril 2024, ayant été fait droit à la demande de l'intimé tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture du 23 avril 2024, les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 22 avril 2024, l'appelante

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les dispositions des articles 1102, 1134, 1153 alinéa 3 anciens du Code Civil applicables à la présente espèce,

Vu les articles 2288 et 2298 du Code Civil en leur version antérieure au 1er Janvier 2022,

Vu l'article L. 622-28 du Code de Commerce

Vu les contrats de prêt, la convention d'ouverture de compte et les actes de cautionnement,

Infirmer le Jugement du 8 Février 2022 du Tribunal de Commerce de BOBIGNY en ce qu'il a dit que la Société Générale ne peut se prévaloir des actes de caution souscrits par Monsieur [U] [C] à son profit postérieurement au 31 décembre 2010.

Le confirmer pour le surplus en toutes ses autres dispositions.

Dire et juger Monsieur [C] mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter.

Et statuant à nouveau, et y ajoutant,

Condamner Monsieur [U] [C] à payer à la SOCIETE GENERALE :

- la somme de 435 806,40 € avec intérêts au taux contractuel de 4,50 % à compter du 8 Octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil au titre du prêt n°14600

- la somme de 95 160,00 € avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 8 Octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil au titre du prêt n°11407

- la somme de 189 009,81 € avec intérêts au taux contractuel de 4,60 % à compter du 8 Octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil au titre du prêt n°06005

- la somme de 178 057,29 € outre intérêts au taux légal à compter du 9 Octobre 2019 jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil au titre du solde débiteur du compte à vue entreprise de la SAS OHM.

Condamner Monsieur [U] [C] à payer à SOCIETE GENERALE la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur [U] [C] en tous les dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP MARTINS - SEVIN Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.'

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 24 avril 2024, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Il est demandé à la Cour d'Appel de PARIS de :

Vu les articles 803 et 16 du code de procédure civile,

Vu les conclusions 2 et nouvelles pièces n° de la Société GENERALE

Vu l'ordonnance de clôture intervenue le 23 avril 2024,

Juger Monsieur [U] [C] recevable et fondé à solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 23 AVRIL 2024.

En conséquence,

Révoquer l'ordonnance de clôture intervenue le 23 AVRIL 2024.

Ordonner la réouverture des débats.

Déclarer recevable les présentes écritures ainsi que les nouvelles pièces.

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu l'article Ancien L. 332-1 du code de la consommation,

Vu la jurisprudence applicable en pareille matière,

Vu la disproportion des engagements de caution,

Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour d'Appel de PARIS de :

À titre principal,

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a considéré les engagements de caution postérieurs au 31 Décembre 2010, comme étant manifestement disproportionnés ;

LE CONFIRMER en ce qu'il a constaté le non-respect de l'article L. 333-1 du Code de la

Consommation ;

En tout état de cause,

Vu les articles 1109 et 1112 du code civil,

Vu l'état de dépendance de Monsieur [U] [C] à l'égard de la SOCIETE GENERALE,

PRONONCER la nullité des actes de cautionnements régularisés postérieurement au 31 Décembre 2010.

Le REFORMER en ce qu'il a considéré les engagements de caution antérieurs au 31 Décembre 2010 comme n'étant pas manifestement disproportionnés.

Statuant de nouveau,

DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions au titre de l'ensemble des engagements de caution.

À titre subsidiaire,

Vu les fautes commises par la banque ayant causé la chute de la Société holding et la mise en 'uvre des engagements de caution,

Vu les fautes commises à l'égard de la caution,

Vu le préjudice,

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas reconnu les fautes de la Banque SOCIETE GENERALE ;

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur [U] [C] une

somme égale à celle pour laquelle il est poursuivi, à titre de dommages et intérêts ;

ORDONNER compensation entre les créances et dettes réciproques ;

À titre encore plus subsidiaire,

ANNULER les actes de caution en date des 20 février 2012 et 7 août 2012 ;

À titre infiniment subsidiaire,

Compte tenu de la perte de chance,

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à régler à Monsieur [U] [C] 80 % des sommes pour lesquelles il est poursuivi ;

Dans tous les cas, ORDONNER compensation entre les dettes et créances respectives ;

DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de ses demandes au titre des intérêts ;

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE au paiement d'une somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous les dépens qui pourront être recouvrés par Maître Grégory KERKERIAN, Avocat aux offres de droits.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La Société générale a consenti, entre novembre 2010 et août 2012, à la société Orion Holding, devenue la société OHM par changement de dénomination, cinq prêts d'un montant total en principal de 1 790 087 euros, ainsi qu'une facilité de caisse, destinés à financer les investissements réalisés par ses filiales, des sociétés ad hoc, constituées chacune en vue de se voir attribuer, dans le cadre d'une délégation de service public, les contrats d'installation et de gestion des services de téléphonie, d'internet et de télévision de six hôpitaux.

Monsieur [U] [C], président et associé unique de la société OHM, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 10 avril 2018, s'était porté caution solidaire de cette dernière auprès de la Société générale, qui s'estime fondée à poursuivre le recouvrement de ses créances à l'encontre de la caution à hauteur de la somme de 1 729 247,75 euros, assortie des intérêts.

Ainsi, par exploit d'huissier du 24 octobre 2019, la Société générale a fait assigner M. [C] devant le tribunal de commerce de Bobigny, afin de le voir notamment condamner en sa qualité de caution au paiement de la somme de 1 729 247,75 euros qui se décompose ainsi :

- La somme de 241 758,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,49 % à compter du 8 octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du prêt n°10600,

- La somme de 589 456,14 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,49 % à compter du 8 octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du prêt n°15009,

- La somme de 435 806,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,50 % à compter du 8 octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du prêt n°14600,

- La somme de 95 160,00 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,40 % à compter du 8 octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du prêt n°11407,

- La somme de 189 009,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,60 % à compter du 8 octobre 2019, date du dernier décompte, et jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du prêt n°06005,

- La somme de 178 057,29 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2019 jusqu'à parfait règlement avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil au titre du solde débiteur du compte à vue entreprise de la société OHM.

Pour s'opposer aux demandes de la banque, pour l'essentiel M. [C] argue de la disproportion manifeste de l'ensemble de ses engagements de caution par rapport à ses revenus et son patrimoine, de fautes de la banque dans l'octroi des prêts et la mise en oeuvre des cautionnements, génératrices d'un préjudice dont il demande réparation par l'octroi de dommages et intérêts, et de la nullité des cautionnements contractés postérieurement au 31 décembre 2010.

I - Sur la disproportion

Le tribunal a condamné M. [C] en paiement au titre des deux plus anciens de ses cautionnements seulement, et a dit les suivants manifestement disproportionnés.

La Société Générale demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la Société Générale ne peut se prévaloir des actes de cautionnement souscrits par M. [C] à son profit postérieurement au 31 décembre 2010, et de le confirmer pour le surplus en toutes ses autres dispositions. À l'inverse, M. [C] à titre principal sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré les engagements de caution postérieurs au 31 décembre 2010, comme étant manifestement disproportionnés.

En droit (selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.

A) La proportionnalité du cautionnement s'appréciera donc au jour de l'engagement de caution, soit en l'espèce :

a) au 27 novembre 2010, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie du prêt n°10600 consenti le même jour à la société Orion Holding par la Société Générale, d'un montant de 263 714 euros, destiné à financer l'acqusition de matériel professionnel. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 342 828 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 9 ans ;

b) puis, considération prise de ce premier engagement, au 31 décembre 2010, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie du prêt n°15009 consenti le même jour à la société Orion Holding par la Société Générale, d'un montant de 592 373 euros, dont l'objet était l'acquisition de matériel et la réalisation de travaux afférents à un local professionnel. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 770 084 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 9 ans ;

c) ensuite, considération prise de ces premiers engagements, au 3 octobre 2011, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie du prêt n°14600 consenti le même jour à la société Orion Holding par la Société Générale, d'un montant de 379 000 euros, destiné à financer des travaux, l'installation et l'achat de matériel liés à la délégation de service public signée avec l'hôpital [8]. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 492 700 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 9 ans ;

d) puis, considération prise encore de ces précédents engagements, au 27 février 2012, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie du prêt n°11407 consenti le même jour à la société Orion Holding par la Société Générale, d'un montant de 183 000 euros, destiné à financer des travaux, l'installation et l'achat de matériel pour le centre hospitalier de [Localité 12]. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 95 160 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 9 ans ;

e) puis, considération prise encore des précédents engagements, au 7 août 2012, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie du prêt n°06005 consenti le même jour à la société Orion Holding par la Société Générale, d'un montant de 372 000 euros, destiné à financer des travaux, l'installation et l'achat de matériel liés à la délégation de service public de l'hôpital de [Localité 11]. Ce cautionnement a été donné dans la limite de 40 % de toutes sommes dues au titre de ceprêt et de la somme de 193 440 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 9 ans ;

f) ensuite, considération prise encore de ces précédents engagements, au 21 décembre 2012, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie de tous engagements de la société Orion Holding envers la Société Générale. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 78 000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 10 ans ;

g) enfin, considération prise de l'ensemble des précédents engagements, au 14 février 2013, date du cautionnement solidaire de M. [C] en garantie de tous engagements de la société Orion Holding envers la Société Générale. Ce cautionnement a été donné dans la limite de la somme de 227 500 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 10 ans.

À chaque fois, la preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombera à la caution, et non pas à la banque.

Il est à noter que M. [C] soutient la disproportion manifeste de ses engagements au regard de leur globalité, alors qu'il convient d'apprécier la proportionnalité cautionnement par cautionnement, comme dit par le premier juge.

a) Sur le premier cautionnement, du 27 novembre 2010

La banque verse aux débats, en pièce 9, un document intitulé 'Renseignements confidentiels sur une personne physique acceptant de se porter caution', daté du 23 novembre 2010, signé par M. [C], qui manuscritement a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient. Il ressort de cette fiche patrimoniale les éléments suivants :

- M. [C] est divorcé, père d'un enfant à charge,

- ses revenus sont constitués de salaires qui lui sont versés par le Groupe Orion dont il est président depuis le 22 avril 2008, d'un montant de 120 000 euros ;

- il est propriétaire de sa résidence principale d'une valeur actuelle estimée à 1 200 000 euros, libre d'hypothèque et de prêt en cours, et d'un appartement d'une valeur estimée à 230 000 euros financé par un emprunt sur lequel il reste dû un capital de 30 000 euros ;- il supporte en outre le remboursement d'un prêt à la consommation représentant une charge mensuelle de remboursement de 746 euros, à échéance en septembre 2017, sur lequel il reste dû un capital de 46 506 euros ;

- il n'est engagé par aucun cautionnement antérieur.

Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérification complémentaire dès lors que, comme au cas présent, la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution déclarante n'est pas fondée à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d'une autre réalité. Aussi, M. [C] dans ses écritures affirme (sans en justifier) qu'il n'est propriétaire de sa maison que comme indivisaire et à hauteur de 30 %, mais force est de constater que cette précision n'a pas été apportée dans la fiche patrimoniale, et qu'aucun indice ne permettait à la banque de s'interroger sur la situation juridique du bien déclaré par M. [C] comme étant sa propriété.

Au vu des éléments contenus dans la fiche patrimoniale, et connus de la banque, M. [C] disposait donc d'un patrimoine immobilier d'une valeur suffisante à elle seule à faire face à ce premier engagement de caution, de 342 828 euros .

De toute évidence aucune disproportion ne saurait être caractérisée, et le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce que le tribunal est entré en voie de condamnation à l'encontre de M. [C] à ce titre.

b) Sur le deuxième cautionnement, du 31 décembre 2010

Pour fonder sa motivation le premier juge s'est référé à la même fiche patrimoniale, ce qui se conçoit aisément compte tenu de la proximité des dates de ces deux cautionnements, signés à un mois d'intervalle.

Le tribunal retient que dans cette fiche M. [C] faisait état d'un revenu annuel de 120 000 euros et d'un patrimoine net d'emprunt de 1 400 000 euros, de sorte que le montant cumulé des engagements souscrits au titre des deux emprunts n°10600 dans la limite de 342 828 euros, et n°15009 dans la limite de 770 084 euros, en dates respectivement des 27 novembre et 31 décembre 2010, représentant, non compris les revenus, 79,5 % du patrimoine de la caution, n'était manifestement pas disproportíonné par rapport aux biens et revenus de la caution.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce que le tribunal est également entré en voie de condamnation à l'encontre de M. [C] au titre du cautionnement en date du 31 décembre 2010..

c) Sur le troisième cautionnement, du 3 octobre 2011

Il n'est produit aucune fiche de renseignements patrimoniaux réactualisée qui eût été spécifiquement établie à l'occasion de la signature de cet engagement de caution. Cependant, comme il sera vu infra, la fiche patrimoniale établie le 16 février 2012, soit quatre mois et demi plus tard (pour les besoins du cautionnement en date du 27 février 2012) porte indication de ressources et de charges hors cautionnements inchangées depuis la fiche patrimoniale du 23 novembre 2010. Il s'ensuit que les renseignements qu'elles contiennent, valent aussi à la date intermédiaire du 3 octobre 2011.

C'est pourquoi le tribunal a pu écrire : 'Postérieurement au 31 décembre 2010, soit à compter de la délivrance, le 3 octobre 2011, du prêt n°14600, cautionné par M. [C] dans la limite de 492 700 euros, portant ainsi ses engagements à 1 605 612 euros, ce qui représentant 115 % de son patrimoine, le montant total des engagements souscrits par la caution s'avérait manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine, nonobstant le fait qu'il n'avait pas inclus dans la fiche de renseignements confidentiels la valeur des titres des sociétés qu'il contrôlait'.

Si le montant total des engagements de M. [C] au titre de ses successifs cautionnements était porté, avec ce troisième cautionnement, à hauteur de 1 605 612 euros, il n'en demeure pas moins que M. [C] était encore à cette date du 3 octobre 2011 à la tête d'un patrimoine net d'emprunt de 1 400 000 euros et disposait toujours d'un revenu annuel de 120 000 euros, et qu'en outre, comme relevé par la Société Générale, de principe il y a lieu de prendre en considération comme éléments d'actifs du patrimoine de la caution, la valeur des parts sociales qu'il détenait dans plusieurs sociétés.

La banque appelante expose que M. [C] était ainsi associé unique de huit sociétés comme cela résulte d'un organigramme établi par M. [C] lui-même :

* la société Orion Cabling, immatriculée sous le SIREN 514 875 780, dont le capital social était de 49 000 euros, ayant pour associé unique la société Orion Holding,

* la société Orion Holding, devenue par la suite OHM, immatriculée sous le SIREN 503 824 724 qui a fait l'objet des décisions suivantes :

- augmentation de capital le 25 octobre 2010, pour passer de 170 000 euros à 300 000 euros (soit une augmentation de 130 000 euros),

- augmentation de capital le 20 octobre 2011 pour passer de 300 000 euros à 600 000 euros par prélèvement sur les comptes de réserve,

- augmentation de capital le 15 juillet 2014 pour passer de 600 000 euros à 800 000 euros

* six sociétés d'exploitation détenues à 100 % parla société Orion Cabling et notamment la société Auxerre Exploitation dont le capital social était de 40 000 euros.

La Société Générale en conclut que M. [C] en sa qualité d'associé unique de la société Orion Holding, elle-même associé unique de la société Orion Cabling, était donc au moment de la souscription des cautionnements d'octobre 2011, février 2012, août 2012, pris au titre de trois prêts, puis aux mois de décembre 2012 et février 2013 au titre du compte bancaire professionnel, détenteur de toutes les actions desdites sociétés dont le montant cumulé du capital social de chacune des sociétés s'élevait à 694 000 euros, en sus de ses revenus annuels et de son patrimoine immobilier net. Le tribunal ne pouvait donc les estimer disproportionnés aux patrimoine, biens et revenus de M. [C].

M. [C] réplique, à raison sur ce point, que la valeur des parts ou actions d'une société est distincte de son capital ou encore de ses résultats. En conséquence, la Société Générale, en mentionnant le capital social des entités échoue à démontrer qu'au moment de la souscription des cautions, le patrimoine de M. [C] lui permettait de faire face à ses engagements. Ce d'autant que toutes ces entités étaient dès l'origine lourdement endettés, de ce fait leurs parts étaient donc, dès l'origine, dépourvues de toute valeur. Elles ont d'ailleurs postérieurement toutes fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par conséquent, le jugement déféré ne peut être que confirmé en ce que le tribunal a jugé que ce cautionnement étant manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de M. [C], la Société Générale ne peut s'en prévaloir à son égard.

d) Sur le quatrième cautionnement, du 27 février 2012

La banque verse aux débats, en pièce 25, un document intitulé 'Renseignements confidentiels sur une personne physique acceptant de se porter caution', daté du 16 février 2012, signé par M. [C], qui manuscritement a certifié l'exactitude des renseignements qu'il contient.

Il ressort de cette fiche patrimoniale les éléments suivants :

- M. [C] est divorcé, père d'un enfant à charge,

- ses revenus sont constitués de salaires qui lui sont versés par le Groupe Orion dont il est président depuis le 22 avril 2008, d'un montant de 120 000 euros ;

- il est propriétaire de sa résidence principale d'une valeur actuelle estimée à 1 200 000 euros, libre d'hypothèque et de prêt en cours, et d'un appartement d'une valeur estimée à 230 000 euros financé par un emprunt sur lequel il reste dû un capital de 30 000 euros ;

- il supporte en outre le remboursement d'un prêt à la consommation représentant une charge mensuelle de remboursement de 746 euros, à échéance en septembre 2017 sur lequel il reste dû un capital de 31 626 euros ;

- il n'est engagé par aucun cautionnement antérieur.

Le fait que seul le capital restant du au titre du crédit à la consommation ait été réactualisé laisse perplexe, mais surtout, il n'est pas fait mention des cautionnements antérieurs alors qu'ils doivent être pris en compte dans l'appréciation de la proportionnalité.

Avec ce quatrième engagement de caution, de 95 160 euros, l'endettement de M. [C] atteint 1 700 772 euros, sans que les actifs n'aient augmenté depuis le précédent engagement, du 3 octobre 2011. Par conséquent, la disproportion est établie ainsi que son caractère manifeste.

Le jugement déféré statuant en ce sens est donc confirmé de ce chef.

e) Sur le cinquième cautionnement, du 7 août 2012

Il n'est évoqué aucun changement dans la situation financière de M. [C] quant à son patrimoine immobilier, ses revenus, et les emprunts en cours, depuis la signature de son précédent engagement et l'établissement de la fiche patrimoniale du 27 février 2012.

Pour autant, avec ce cinquième engagement de caution, de 193 440 euros, l'endettement de M. [C] atteint 1 894 212 euros, sans que les actifs n'aient augmenté.

La disproportion est donc établie ainsi que son caractère manifeste, et par conséquent le jugement déféré est encore confirmé, en ce qu'il a statué en ce sens.

f) Sur le sixième cautionnement, du 21 décembre 2012

Pas plus que précédemment il n'est évoqué un quelconque changement de situation dans la situation financière de M. [C] (quant à son patrimoine immobilier, ses revenus, et les emprunts en cours) depuis la signature de son précédent engagement ' et même depuis l'établissement de la fiche patrimoniale datée du 27 février 2012.

Avec ce sixième engagement de caution, de 78 000 euros, l'endettement de M. [C] atteint 1 972 212 euros, sans que les actifs n'aient augmenté.

La disproportion reste établie ainsi que son caractère manifeste, de sorte que le jugement déféré est là aussi confirmé, le tribunal ayant statué en ce sens.

g) Sur le septième cautionnement, du 14 février 2013

Avec ce nouvel engagement de caution, de 227 500 euros, l'endettement M. [C] s'élève à 2 199 712 euros (2 012 762 euros si l'on considère que cet engagement a remplacé le précédent, comme l'écrit la banque dans ses conclusions) et ce alors que les actifs sont inchangés en dernier lieu depuis le cautionnement signé le 21 décembre 2012.

De plus fort, la disproportion est établie ainsi que son caractère manifeste, comme l'a retenu le premier juge, et par suite le jugement déféré est également confirmé de ce chef.

B) Néanmoins l'article L. 341-4 du code de la consommation, in fine, exclut de décharger la caution dans la mesure où son patrimoine au moment où elle est appelée lui permet de faire face à ses obligations.

L'assignation étant en date du 24 octobre 2019, c'est à ce jour qu'il convient de se placer pour se livrer à cette appréciation, et c'est alors au prêteur qu'il revient de faire la démonstration de ce que la caution était en capacité de s'acquitter de la somme réclamée à cette date.

La Société Générale demandait alors au tribunal de condamner M. [C] en sa qualité de caution solidaire de la société Orion Holding à lui payer la somme globale de 1 729 247,75 euros [au titre des six cautionnements du 27 novembre 2010, 31 décembre 2010, 3 octobre 2011, 27 février 2012, 7 août 2012, 14 février 2013].

Le premier juge a écrit : 'Le tribunal constatant que les engagements de cautions souscrits par Monsieur [U] [C] au profit de la SOCIETE GENERALE, postérieurement au 31 décembre 2010 étaient manifestement disproportionnés à la date de leur signature et qu'il ne pouvait pas faire face à ses engagements à la date où ils ont été appelés, dira que la SOCIETE GENERALE ne pourra se prévaloir des actes de caution souscrits postérieurement au 31 décembre 2010 '.

L'intimé fait état de revenus annuels qui étaient de 68 000 euros en 2019 et 61 200 euros en 2020, qui ne lui permettent pas de faire face à la demande en paiement de la Société Générale au titre des neuf (sic) cautionnements dont elle poursuit le réglement. Il indique avoir vendu son appartement de [Localité 13], et que son patrimoine immobilier, composé du bien indivis de [Localité 10], est de 300 000 euros.

En premier lieu, la banque appelante, contestant cette motivation du tribunal, rappelle lui avoir demandé de retenir les éléments suivants :

- concernant le bien immobilier situé [Adresse 4] dont la valeur était estimée par M. [C] dans la fiche de renseignements confidentiels à 1 200 000 euros : la chambre des notaires de [Localité 9] précise que le prix de l'immobilier à [Localité 10] a connu une augmentation sur cinq ans de 22,5 %, en sorte que le bien immobilier de l'intimé doit être évalué à 1 470 000 euros,

- concernant le bien immobilier situé à [Localité 13] estimé par M. [C] à 230 000 euros et dont il convenait de déduire la somme de 30 000 euros restant due au prêteur : d'une part le prêt est soldé, et d'autre par la chambre des notaires atteste pour la ville de [Localité 13] d'une évolution des prix sur cinq ans de 20,4 %, soit une estimation à retenir pour le bien de M. [C], de 276 000 euros. La Société Générale fait valoir que par ailleurs, si M. [C] indique désormais avoir procédé à la vente de son bien immobilier situé à [Localité 13], il ne produit aux débats aucun élément relatif à cette vente quant au prix perçu, qui a nécessairement impacté son patrimoine, au jour de la délivrance de l'assignation.

Or, les pièces 44 et 45 de la Société Générale, censées établir que le patrimoine immobilier de M. [C] aurait pris de la valeur dans les proportions qu'elle indique dans ses écritures, relatent des valeurs moyennes, à l'échelle des départements de région parisienne, éléments d'autant plus inexploitables qu'on ignore tout des caractéristiques des biens dont M. [C] était propriétaire. La Société Générale n'apporte donc pas la preuve d'une valeur augmentée du patrimoine de la caution qui lui permettait de s'acquitter de la somme réclamée.

Par ailleurs, la Société Générale insiste sur le fait que M. [C] est détenteur et associé unique des actions de la société Groupe Orion qu'il a constituée en 2015, valeurs mobilières rentrant dans le patrimoine de l'associé qui les détient : cette société par actions simplifiée à associé unique a été constituée avec un capital social de 4 500 000 euros dont le montant a été déterminé selon rapport d'un commissaire aux apports en 2015 ; cette société existe toujours à ce jour, et son capital social n'a subi aucune modification ; M. [C] soutient que lesdites parts de la société n'auraient plus aucune valeur, mais en ce cas ilest permis de se demander pour quelle raison il n'a pas procédé à la diminution du capital social de la société. Il est également à noter que M. [C] a démissionné de son poste de président de la société Groupe Orion pour désigner son fils [Z], tout en restant actionnaire unique de ladite société.

La Société Générale soutient qu'en outre, la société Groupe Orion antérieurement à l'assignation en paiement délivrée à M. [C] par acte du 2 août 2019 a racheté la totalité des actions d'une société Pisan Garnier et Compagnie immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fréjus dont le capital social est de 650 000 euros. Les comptes de la société clos au 30 septembre 2020 ont permis de dégager un bénéfice comptable de 1 068 269 euros qui a été affecté en totalité en report à nouveau, preuve de ce que l'activité de la société, dont la société Groupe Orion est associé unique (et dont M. [C] est lui-même associé unique), est largement prospère. De même, le 19 février 2018, M. [C] par l'intermédiaire de la société Groupe Orion a créé la société Au Sacré Coeur, immatriculée au au registre du commerce et des sociétés de Nanterre, avec la précision que la société Groupe Orion a fait apport en numéraire de la somme de 95 000 euros détenant ainsi 95 % des actions.

La Société Générale en conclut démontrer, comme la preuve lui en incombe, qu'au jour de la demande en paiement, le patrimoine de M. [C] composé d'actifs immobiliers (dont la valeur est de 1 746 000 euros) mais également de valeurs mobilières constituées d'actions de sociétés (pour un montant total de 5 245 000 euros), lui permettait sans contestation possible de faire face à ses obligations en sa qualité de caution. Dans ces conditions, la cour ne pourra qu'infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a dit que la Société Générale n'était pas fondée à se prévaloir des engagements de caution souscrits par M. [C] postérieurement au 31 décembre 2010.

Concernant son patrimoine mobilier, constitué selon la Société Générale de ses participations au capital social de plusieurs sociétés, M. [C] fait valoir :

- que le capital social de la société Groupe Orion résulte exclusivement de l'apport fait par M. [C] de parts sociales de la société Orion Holding devenue OHM qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ainsi que toutes les sociétés de projet, ses filiales, si bien que le capital invoqué par la Société Générale n'a aucune valeur ; il ajoute qu'il n'est plus dirigeant de cette société depuis le 27 novembre 2020 et qu'il ne tire de ses parts aucun revenu, comme cela ressort de ses avis d'imposition ;

- que la société Pisan Garnier et Compagnie ne lui appartient pas, qu'il n'en est plus le président, qu'elle a été acquise par la société Groupe Orion alors qu'elle se trouvait en plan de continuation suite à une procédure de redressement judiciaire, qu'elle est très lourdement endettée (passif de 5 678 792 euros) et dont le résultat net de l'exercice 2021 n'est que de 89 083 euros, de sorte que les parts n'ont aucune valeur ;

- que la société Au Sacré Coeur ne lui appartient pas non plus, qu'il n'en est plus le président, que son endettement est de 1 827 910 euros et que ses capitaux propres sont déficitaires à hauteur de 1 289 657 euros, en conséquence ses parts ont une valeur nulle.

M. [C] en justifie en versant au débat un rapport établi par la société Fiducial Expertise qui de surcroît est concordant avec ce qu'a écrit le tribunal au vu des pièces produites, concernant 'la valeur des titres des sociétés' que contrôlait M. [C], 'toutes placées ensuite en liquidation judiciaire, à l'exception de la société Groupe Orion, bénéficiaire en 2015 d'un apport des titres de la société Orion Holding étonnamment valorisés 4 500 000 euros, alors qu'elle faisait l'objet d'un plan de sauvegarde, et que les filiales d'exploitation présentaient des situations nettes négatives'.

L'examen des pièces produites par M. [C] conduit à confirmer l'exacte analyse qu'en a fait le tribunal. En particulier, les décisions de liquidation judiciaire évoquées par le premier juge sont antérieures à l'assignation, délivrée le 24 octobre 2019, pour avoir été prononcées le 26 juillet 2016 en ce qui concerne les sociétés d'exploitation et la société Orion Cabling, et le 10 avril 2018 en ce qui concerne la société OMH. Par ailleurs, la Société Générale produit les statuts de la société Au Sacré Coeur mais aucun élément sur sa situation financière, et ne contredit pas utilement les indications apportées par la partie adverse concernant les résultats de la société Pisan Garnier et Compagnie. Par conséquent, la Société Générale échoue à démontrer que le patrimoine mobilier de M. [C] avait au moment de l'assignation la consistance qu'elle lui prête.

Dès lors, le jugement déféré ne peut être que confirmé en ce que le tribunal a jugé que les engagements de caution de M. [C] postérieurement au 31 décembre 2010 étaient manifestement disproportionnés à la date de leur signature et que M. [C] ne pouvait pas non plus faire face à ces engagements à la date où ils ont été appelés, de sorte que la Société Générale ne pourra s'en prévaloir.

Par suite, la demande au principal de M. [C] sollicitant de la cour au visa des articles 1109 et 1112 du code civil, et au vu de 'l'état de dépendance de M. [C] à l'égard de la Société Générale', de prononcer la nullité des actes de cautionnements régularisés postérieurement au 31 décembre 2010, se trouve sans objet.

II - Sur la responsabilité de la banque

A) Subsidiairement, M. [C] demande à la cour la réformation du jugement 'au titre de la faute de la Société générale'.

Il fait valoir que la caution peut demander au créancier réparation du préjudice personnel et distinct imputable à une faute commise par celui-ci dans ses rapports avec le débiteur principal, et à cet égard estime que la Société Générale a commis une faute en accordant les prêts successifs à l'échelle de la holding ce qui a conduit à un ratio endettement / fonds propres de 195 %, alors que dans le cas contraire ce ratio aurait été de 0,50 % ce qui aurait permis à la société holding de faire entrer un investisseur dans son capital et d'autre part de poursuivre son déploiement.

La Société Générale répond que M. [C] ne peut opposer le moyen de l'octroi par la banque de prêts prétendument inadaptés, pour tenter de rechercher la responsabilité de cette dernière à l'égard du débiteur principal. De plus, la société Orion Holding a prévu son propre schéma d'intervention dans le cadre des délégations de services public qui lui ont été attribuées. Rien ne l'empêchait de conserver dans son bilan les actifs concernés par les délégations. Une société peut tout à fait être multi-contrats, même si ce n'est peut-être pas le plus adéquat pour les contrôles publics. Cet élément ressort d'ailleurs du document de synthèse de KPMG produit par M. [C] (Pièce adverse 6). M. [C] ne produit que certains des contrats de délégation, tous au nom de la société Orion Holding, de sorte que la banque ne pouvait accorder les emprunts qu'au bénéficiaire des contrats de délégation.

Les emprunts accordés par la Société Générale étaient d'une durée de 7 ans. M. [C] estime que cette durée n'était pas concordante avec les besoins liés aux délégations de service. Cependant on voit mal en quoi la durée des prêts était inappropriée.

En outre, si la société Orion Holding a procédé à plusieurs augmentations de capital, tel qu'indiqué par M. [C], il sera noté qu'au 11 août 2014, le capital social a été porté à 8 000 000 euros, et non pas 800 000 euros. En réalité, après cette augmentation de capital à 8 millions d'euros, le 11 août 2014, un plan de sauvegarde a été adopté, le 18 novembre 2014, puis M. [C] a quitté la société Orion Holding-OHM le 7 octobre 2015, après avoir créé la société Groupe Orion, à qui il apportait ses actions de la société Orion Holding pour un montant de 4 500 000 euros, reproduisant le schéma de fonctionnement initial. Il est donc particulièrement malvenu de prétendre aujourd'hui qu'il aurait été mal conseillé par la Société Générale. Le montant de 800 000 euros est consécutif à une diminution de capital en date du 21 octobre 2015, après le départ de M. [C]. Etant rappelé que la société Orion Holding-OHM déposait une requête aux fins de sauvegarde en mars 2013, et que cette société ne sera l'objet d'une liquidation judiciaire que le 10 avril 2018, soit cinq ans plus tard.

Le tribunal a considéré que : 'Au regard de la sophistication du montage juridique mis en oeuvre pour assurer d'abord le développement et le financement, puis ensuite la sauvegarde de son groupe, dont les principales difficultés proviennent de contentieux importants avec PAP-HP et le Centre Hospitalier de Lisieux, portant sur un montant total de 6 482 886 €, et non des contraintes imposées soit par la banque en finançant la holding signataire des contrats, soit par le délégant exigeant des structures dédiées en vue de respecter les règles gouvernant les contrats de délégation de service public, qui ne modifient pas le ratio d'endettement global du groupe au regard de sa situation consolidée, M. [C] n'apporte pas la preuve que la Société Générale ait commis des fautes ayant causé la défaillance de la société OHM, et ne justifie pas le bien fondé du préjudice allégué.'

M. [C] n'apportant à hauteur de cour aucune argumentation ni aucune pièce de nature à contredire les constations et le raisonnement du premier juge, le jugement déféré est donc confirmé en ce que M. [C] ne peut qu'être débouté de sa demande tendant à voir condamner la banque à lui payer une somme égale à celle pour laquelle il est poursuivi.

B) Sur les 'fautes de la banque à l'égard de la caution' - demande subsidiaire

- Liminairement M. [C] conteste d'emblée avoir la qualité de caution avertie que lui a attribué la banque et que le tribunal lui a reconnue. À cet égard le tribunal a relevé :

'Monsieur [C] ne peut soutenir qu'il était une caution non avertie, eu égard au nombre de sociétés qu'i1 gérait antérieurement au 27 novembre 2010 (ORION HOLDING, devenue OHM, ORION CABLING, ORION [Localité 9] SAINT-LOUIS, ORION [Localité 9] SUD, LISIEUX EXPLOITATION, NECKER EXPLOITATION, VERDIER MURET EXPLOITATION), aux multiples inscriptions modificatives au registre du commerce affectant l'évolution de la société holding, à la complexité juridique des contrats de délégation de service public qu'il négociait, et à la maîtrise des financements appropriés qu'il sollicitait, caractérisant ainsi un comportement de professionnel des affaires qualifié.'

M. [C] ne peut donc défendre que le tribunal s'en serait tenu, pour le considérer comme averti, à sa seule fonction de dirigeant, qui effectivement, en droit, est à elle seule insuffisante à conférer à une personne la qualité de caution avertie.

C'est vainement qu'il soutient avoir été profane en matière de délégation de service public impliquant des régles comptables et financières très spécifiques, cette situation n'impactant en rien la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement de garant.

La motivation du tribunal mérite totale approbation.

Il peut être ajouté, comme le fait la Société générale, que M. [C] était non seulement le dirigeant mais l'associé unique des sociétés précitées, et qu'il a créé le 27 mars 2009 une autre société, dénommée BS-One, dont il était associé unique et dont l'activité était le conseil aux entreprises.

- M. [C] considère que la Société Générale n'est pas seulement intervenue comme dispensateur de crédit, mais comme conseil, dans le cadre de l'ouverture du capital de la société OHM à un investisseur, démarche à laquelle elle s'est pleinement associée tout en endettant la société holding. Or à cet égard, peu importe la qualité de caution avertie ou non. Sachant que les fonds propres devaient être renforcés, la Société Générale ne pouvait sans commettre une faute poursuivre l'octroi des prêts au niveau de la holding.

Cependant M. [C] ne démontre pas que la Société Générale se serait investie d'une mission de conseil et qu'elle devrait dès lors répondre de sa bonne exécution engageant sa responsabilité dans le cas contraire. En effet il n'est produit qu'un mail daté du 11 octobre 2010 émanant de la Société Générale et adressé à M. [C], le remerciant des documents transmis par lui (dont on ignore la nature) et annonçant leur transmission à la sa 'filiale dédiée à la prise de participation minoritaire au sein des PME' ce qui est insuffisant à établir que des relations se seraient nouées entre les parties la banque endossant un rôle de conseil dont M. [C] n'avait au demeurant nullement besoin compte tenu de sa compétence et de son expérience faisant de lui un homme d'affaire avisé, comme a été exposé supra.

- M. [C] estime ensuite que la Société Générale a été fautive en ce qu'elle s'est contentée de solliciter une caution personnelle ruineuse pour M. [C] alors qu'il était initialement envisagé que les contrats de délégation de service public seraient nantis, ce qui était de nature à fournir à la banque une garantie parfaitement fiable, et que les prêts seraient garantis par Oséo.

Or, une banque prêteur de fonds a toute latitude pour solliciter les garanties qui lui semblent être adaptées au crédit qu'elle s'apprête à octroyer et la caution ne saurait lui imputer à faute d'avoir choisi l'une plutôt que l'autre, ou à l'inverse, de s'en ménager plusieurs.

- Ensuite, sur le fondement du dol M. [C] estime que son consentement au cautionnement a été vicié du fait du défaut d'information délivrée par la banque realtivement à la garantie Oséo.

Or, il est constant que la garantie Oséo a été recueillie uniquement s'agissant des prêts des 20 février et 7 Août 2012, dont la banque, au sens de la présente décision, ne peut se prévaloir, en raison de leur disproportion manifeste. Cette demande de [C], subisidaire, est donc sans objet.

- Enfin, M. [C] fait état de la situation irrémédiablement compromise de la société lorsqu'ont été exigés par la banque ses cautionnements au titre des prêts du 21 décembre 2012 et du 14 février 2013, du fait de l'endettement de la société Orion Holding préalablement créé par la Société Générale, ce qui interdisait à la société Orion Holding de renforcer ses fonds propres par l'ouverture de son capital, cela conjugué au refus de la banque de financer les nouveaux projets en cours.

Comme précédemment, cette demande de M. [C], qui porte sur des engagements de caution dont la banque ne peut se prévaloir, est par suite ans objet.

III - Sur le défaut d'information à caution sur le premier incident de paiement non régularisé du débiteur principal

Le tribunal a retenu que la banque n'apporte pas la preuve qu'elle a procédé à cette information. Ce point n'étant pas contesté à hauteur de cour, le jugement déféré est donc confirmé de ce chef.

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Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [C], qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche, pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la Société Générale formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme supplémentaire de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement de première instance étant confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [C] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. [U] [C] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [U] [C] aux entiers dépens d'appel et admet la SCP Martins - Sevin, avocat constitué, du Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

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LE GREFFIER LE PRÉSIDENT