Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 20 juin 2024, n° 20/13087

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Le Décor Aquatique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cesaro-Pautrot

Conseillers :

Mme Mars, Mme Tanguy

Avocats :

Me Aboudaram-Cohen, Me Baudoux, Me Atias, Me Ropars

T. com. Grasse, du 9 nov. 2020, n° 2018J…

9 novembre 2020

M. [W] [S] a entrepris la réalisation d'un lac artificiel sur une propriété située [Adresse 1]).

Le SAS Décor Aquatique a établi plusieurs devis.

Le 7 février 2018, M. [S] a accepté le devis en date du 28 novembre 2017 qui prévoyait la création d'un lac de 1000 m² avec une profondeur de 2 m en bâche EPDM au prix de de 50.000 euros.

Le 9 février 2018, il a versé à l'entreprise la somme de 25 000 euros à titre d'acompte.

Il est apparu que le lac ne pouvait être réalisé en raison du terrassement non conforme.

M. [S] a abandonné le projet et sollicité la restitution de la somme payée.

Selon acte d'huissier en date du 21 septembre 2018, la SA Immofra, immatriculée au Luxembourg, a fait assigner, devant le tribunal de commerce de Grasse, la SAS Décor Aquatique aux fins de résolution du contrat et de remboursement de la somme de 25 000 euros.

Cette société ayant été placée en liquidation, Me [O] [U], mandataire judiciaire, est intervenue à l'instance.

* Vu le jugement en date du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal de commerce de Grasse a :

Vu les articles 32, 76 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 122 7, 1104 et 1112-1 du code civil,

- dit irrecevables les demandes dc la SA Immofra et de Me [O] [U] mandataire judiciaire de la SA Immofra et donné acte du désistement de la SA Immofra et Me [O] [U] mandataire judiciaire de la SA Immofra,

- dit recevable l'intervention volontaire de M. [W] [S],

- débouté M. [W] [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- dit que la SAS Décor Aquatique est bien fondée dans toutes ses demandes, fins et prétentions,

- donné acte a la SAS Décor Aquatique de ce qu'elle est bien fondée à conserver la somme de 25.000 euros versée par M. [W] [S] à titre d'acompte, cette somme n'étant susceptible de dédit,

- condamné M. [W] [S] à payer à la SAS Décor Aquatique la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [W] [S] aux entiers dépens,

- dit la décision exécutoire à titre provisoire, en application de l'article 514 du code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé le 24 décembre 2020 par M. [W] [S] ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 19 novembre 2021, par lesquelles M. [W] [S] demande à la cour de :

Vu les articles 1224, 1227 du code civil,

Vu l 'article I240 (ancien 1382 du code civil)

Vu l 'article L. 111-1 du code de la consommation,

Infirmer le jugement en date du 9 novembre 2020,

Et statuant à nouveau :

- dire que si la rupture du contrat est bien intervenue à l'initiative de M. [S], c'est en l'état des manquements, fautes et torts de la SAS Décor Aquatique qui ont rendu impossible la réalisation de celui-ci,

- dire que la société SAS Décor Aquatique a manqué à ses obligations d'information et d'exécution de bonne foi contractuelle,

- prononcer la résolution du contrat du devis accepté par M. [S] le 7 février 2018 aux torts exclusifs de la SAS Décor Aquatique,

- condamner la SAS Décor Aquatique à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 1240 du code civil, outre les frais de réparation des coûts de terrassement, ce qui inclus les coûts de main d'oeuvre (14 jours à 200 euros = 2 800 euros) et de location des machines (14 jours à 250 euros = 3 500 euros), soit la somme totale de 31 300 euros avec intérêts au taux légal a compter du 19 mars 2018 et, à défaut, à compter de l'acte introductif d'instance,

- débouter la SAS Décor Aquatique de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause :

- condamner la SAS Décor Aquatique à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction,

- condamner la SAS Décor Aquatique aux entiers dépens, dont distraction ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 mars 2022, par lesquelles la SAS Décor Aquatique demande à la cour de :

Vu les articles 32, 76 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1104 et 1193 du code civil,

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement au fond rendu par le tribunal de commerce de Grasse le 9 novembre

2020 dans toutes ses dispositions,

- débouter M. [W] [S] de l'ensemble de ses demandes, celles-ci n'étant ni fondées ni justifiées,

- lui donner acte de ce qu'elle est bien fondée à conserver la somme de 25.000 euros versée par M. [W] [S] à titre d'acompte, cette somme n'étant pas susceptible de dedit,

- condamner M. [W] [S] à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens ;

SUR CE, LA COUR,

L'appelant fait valoir que la SAS Décor Aquatique devait travailler en partenariat avec le terrassier et qu'elle devait veiller au respect des réglementations en vigueur, notamment l'autorisation administrative. Il souligne que le devis n'a pas été signé sur le fondement du projet de plan d'architecte. Il prétend que l'intimée devait le mettre en garde contre les risques et insuffisances du projet, l'informer et le conseiller sur la finalité des travaux, effectuer des recherches sur la faisabilité de l'opération en termes administratifs et techniques. Il affirme que la rupture du contrat est due aux fautes de la SAS Décor Aquatique.

L'intimée conteste tout manquement en phase contractuelle et en phase contractuelle. Elle rappelle qu'un architecte a établi le plan destiné à l'autorisation administrative et prétend qu'elle n'avait à ce titre aucune obligation d'information et de conseil. Elle soutient que M. [S] a confié le terrassement à son entreprise Immofra, qu'il a effectué lui-même le tracé, et que le trou ne permettait pas la réalisation du lac. Elle nie avoir été de mauvaise foi et fait valoir que l'acompte a été versé en vue d'acheter les matières premières.

En vertu de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil :

Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Selon l'article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.

En l'espèce, le plan d'architecte en date du 24 juillet 2017 désigne la SA Immofra comme maître d'ouvrage et la société Jaussaud-Gadaud Architectes. Il est mentionné Pour la réalisation du lac il est nécessaire de faire une demande de déclassement de la zone espace classé boisé. La construction d'un lac est soumise à une autorisation administrative et Ce plan est destiné à la seule demande d'autorisation et ne saurait en aucun cas être considéré comme un plan d'exécution de l'ouvrage et être utilisé directement pour réaliser l'ouvrage.

Puis, M. [S] est entré en contact avec la société Décor Aquatique dans le cadre de la réalisation du lac. Les pourparlers se sont déroulés sur plusieurs mois comme le démontrent les premiers devis et l'acceptation formalisée le 7 février 2018 de celui établi le 28 novembre 2017 pour un montant nettement inférieur aux précédents.

Ce devis, qui scelle l'accord des parties, décrit les dimensions et les caractéristiques du lac, les matériaux nécessaires pour sa création et note des équipements complémentaires. Les pierres sont fournies par le client. Le marché est délimité quant aux prestations fournies qui ne revêtent aucun aspect administratif et n'incluent, sur le plan technique, aucuns travaux de terrassement.

La SAS Décor Aquatique conteste, à juste titre, qu'elle était débitrice d'une obligation d'information et de conseil concernant l'autorisation administrative nécessaire pour mener à bien le projet, compte tenu de l'objet du contrat conclu, de la mission préalablement confiée à un architecte, et du plan dont a eu nécessairement connaissance M. [S].

Par ailleurs, les mails versés au débat corroborent l'exécution des travaux de terrassement à la charge de M. [S] qui écrit " cela m'a fait perdre trois semaines de terrassement ", " votre employé [M] a essayé de me convaincre de faire autrement mais cela n'a aucun intérêt. Le projet du lac est donc abandonné pour le moment " et qui évoque, le 23 février 2018, les coûts de terrassement (main d''uvre 14 jours à 200 euros HT et location de machines 14 jours à 250 euros HT). Le 27 février 2018, la SAS Décor Aquatique indique que le trou ne correspond pas à ses attentes et demande à M. [S] de mettre le terrain en conformité afin qu'elle puisse intervenir. Elle précise qu'elle est à sa disposition et que le projet est en attente. Mais le lendemain, M. [S] résilie le contrat. Le conseil de ce dernier confirme dans un courrier en date du 19 mars 2018 que son client a commencé les opérations de terrassement, sans rien solliciter auprès du service de l'urbanisme de [Localité 4].

Le contrat a été rompu à l'initiative de M. [S] qui ne le conteste pas.

Contrairement à l'argumentation soutenue par l'appelant, aucun manquement de la société Décor Aquatique à son obligation d'information et de conseil ne saurait être retenu, au regard du contenu et de l'étendue de la prestation confiée à l'entreprise ainsi que des circonstances ci-dessus rappelées. La mauvaise foi et la faute de l'intimée dans l'exécution du contrat, nullement caractérisées, ne sauraient justifier la résolution du contrat à ses torts. L'appelante réclame, tout aussi vainement, le remboursement de l'acompte versé qui devait permettre notamment le paiement les matériaux commandés.

En conséquence des développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions et il sera alloué à la société Décor Aquatique une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [S] à verser à la SAS Décor Aquatique la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [S] aux dépens d'appel.