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Décisions

Cass. 2e civ., 4 juillet 2024, n° 22-13.575

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

K

Défendeur :

N

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteurs :

Mme Caillard, Mme Durin-Karsenty

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Boullez

CA de Paris; 2 ch.; pole 3; du 1 mars 20…

1 mars 2022

2. Selon l'article 978 du code de procédure civile, le mémoire déposé par le demandeur en cassation doit, à peine de

déchéance du pourvoi, être notifié dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, aux avocats des autres parties ou

à la partie qui n'est pas tenue de constituer un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.

3. Il est jugé que le ministère public ne peut être défendeur au pourvoi que s'il est partie principale à la décision attaquée

(1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 16-10.677)

4. Or, il résulte des articles 424 et 600 du code de procédure civile que le ministère public, en matière de recours en

révision, n'est pas partie principale, mais partie jointe.

5. Dès lors, les dispositions de l'article 978 ne trouvant pas à s'appliquer quand le ministère public avait la qualité de

partie jointe devant la cour d'appel, la déchéance du pourvoi, faute de signification du mémoire ampliatif au ministère

public, n'est pas encourue.

Faits et procédure

6. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2022) et les productions, une cour d'appel, par arrêt du 10 mars 2020, a confirmé

le jugement du 3 juillet 2018 d'un juge aux affaires familiales ayant prononcé le divorce de Mme [K] et M. [N] à leurs torts

partagés, rejeté leurs demandes indemnitaires et condamné M. [N] à payer à Mme [K] une prestation compensatoire

d'un certain montant.

7. Le 18 juin 2020, Mme [K] s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.

8. Le 31 août 2020, elle a également formé un recours en révision contre l'arrêt du 10 mars 2020, sollicitant sa

rétractation en ce qu'il a confirmé le jugement de première instance ayant rejeté ses demandes indemnitaires et limité le

montant de la prestation compensatoire.

9. Par une ordonnance du 12 novembre 2020, la Cour de cassation a constaté son désistement.

10. Le 28 décembre 2020, Mme [K] a formé un second recours en révision contre l'arrêt du 10 mars 2020, sollicitant les

mêmes demandes. Les deux procédures ont été jointes et M. [N] a conclu à l'irrecevabilité des deux recours en révision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. Mme [K] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses recours en révision d'un arrêt du 10 mars 2020 de la cour

d'appel de Paris, formés les 31 août et 28 décembre 2020, alors « que dans les cas où la situation donnant lieu à fin de

non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge

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Pourvoi N° 22-13.575-Deuxième chambre civile 4 juillet 2024

statue ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable le recours en révision de Mme [K] formé le 31 août 2020, motifs pris

que la décision d'appel dont la révision était demandée n'était pas passée en force de chose jugée en raison du pourvoi

interjeté, le 18 juin 2020, à l'encontre de cette même décision par l'exposante, la Cour d'appel, après avoir pourtant

constaté que l'arrêt de la Cour d'appel du 10 mars 2020 avait « acquis force de chose jugée au désistement du pourvoi le

27 octobre 2020 », a cru pouvoir affirmer que « c'est à la date du recours en révision qu'il convient de se placer pour en

apprécier la régularité » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 126 et 593 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. Aux termes de l'article 593 du code de procédure civile, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement

passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

13. La condition de recevabilité du recours en révision, tenant à l'existence d'un jugement passé en force de chose jugée,

s'apprécie au jour de l'introduction de ce recours.

14. Ayant constaté qu'en raison de l'effet suspensif du pourvoi en cassation, l'arrêt du 10 mars 2020 n'était pas passé en

force de chose jugée le 31 août 2020, date d'introduction du premier recours en révision, mais à la date du désistement

du pourvoi le 27 octobre 2020, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, §

1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le recours en révision,

formé le 31 août 2020, était irrecevable.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

16. Mme [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'une partie n'est pas recevable à demander la révision d'une décision

qu'elle a déjà attaquée par cette voie, si ce n'est pour une cause qui se serait révélée postérieurement ; que lorsqu'un

recours en révision est irrecevable pour avoir été formé de façon prématurée, il ne peut faire obstacle à la formation

d'un second recours en révision, au seul motif qu'il est fondé sur la même cause que le premier, cependant que le

premier recours n'a pas été examiné ; qu'en l'espèce, pour juger irrecevable le second recours en révision formé par

Mme [K] le 28 décembre 2020, la Cour d'appel, après avoir énoncé que « l'article 603 du code de procédure civile exige

expressément l'existence d'une cause révélée postérieurement au premier », a relevé que « le second recours en révision

de Mme [K], identique au premier et ne se fondant sur aucune des causes énumérées à l'article 595 [du code de

procédure civile] survenue postérieurement au 31 août 2020, mais se limitant à invoquer les mêmes faits que dans le

recours en révision du 31 août 2020, est donc également irrecevable » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la cause

justifiant le premier recours en révision formé par Mme [K] – tenant dans la découverte de pièces décisives dissimulées

par M. [N] – n'avait pas été examinée, de sorte qu'elle n'avait pas à invoquer une nouvelle cause de révision au soutien

de son second recours en révision, la Cour d'appel a violé les articles 126, 595 et 603 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 126 et 603, alinéa 1er, du code de procédure civile :

17. Selon le premier de ces textes, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être

régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

18. Aux termes du second, une partie n'est pas recevable à demander la révision d'un jugement qu'elle a déjà attaqué

par cette voie, si ce n'est pour une cause qui se serait révélée postérieurement.

19. Il en résulte que lorsqu'un recours en révision a été formé prématurément contre une décision rendue en matière

familiale, objet d'un pourvoi suspensif en application des articles 1086 et 1087 du code de procédure civile, ce texte

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n'interdit pas à son auteur de former un second recours en révision contre la même décision, après désistement de son

pourvoi, sans que la partie ait à invoquer une nouvelle cause de révision tant que le premier recours en révision n'a pas

été examiné ou déclaré irrecevable.

20. Pour déclarer irrecevable le second recours en révision formé par Mme [K] le 28 décembre 2020, l'arrêt retient que ce

recours, identique au premier, ne se fonde sur aucune des causes énumérées à l'article 595 du même code, survenue

postérieurement au 31 août 2020, mais se limite à invoquer les mêmes faits que dans le recours en révision du 31 août

2020.

21. En statuant ainsi, alors, d'une part, que le premier recours en révision était dirigé contre un arrêt n'ayant pas force de

chose jugée en raison de l'effet suspensif du pourvoi, d'autre part, que cet arrêt ayant acquis force de chose jugée à la

suite du désistement du pourvoi de la demanderesse, celle-ci a introduit le second recours en révision avant que le

premier recours en révision ait été examiné ou que son irrecevabilité ait été prononcée, la cour d'appel a violé le texte

susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

DIT n'y avoir lieu à déchéance du pourvoi ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours en révision formé par Mme [K] le 28

décembre 2020, l'arrêt rendu le 1er mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour

d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être

transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience

publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre