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Décisions

Cass. 2e civ., 4 juillet 2024, n° 23-12.267

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Feaugas (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Latreille

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocat :

SARL Cabinet Rousseau et Tapie

CA de Bordeaux; 2 ch. civ.; du 3 novembr…

3 novembre 2022

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 novembre 2022), le 27 juillet 2020, la société SCI Feaugas (la société) a fait procéder à la saisie des droits incorporels détenus par Mme [C] dans une société civile immobilière.

2. Le 5 juillet 2021, la société a fait signifier à Mme [C] le cahier des charges établi en vue de la vente des parts sociales.

3. Le 3 septembre 2021, Mme [C] a assigné la société devant un juge de l'exécution notamment en contestation du montant de la mise à prix des parts sociales saisies.

4. Par jugement du 22 février 2022, ce juge a déclaré Mme [C] irrecevable en sa contestation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Mme [C] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa contestation, alors « que la non-conformité des articles L. 213-6 du code des procédures civiles d'exécution, et des articles L. 231-1 et L. 233-3 du même code composant du titre III « La saisie des droits incorporels » du livre II « Les procédures d'exécution mobilière », à l'article 34 de la Constitution relatif à la compétence du législateur, au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et au droit au recours garanti par l'article 16 du même texte, en tant que ces dispositions, entachées d'incompétence négative, ne prévoient pas de possibilité pour le saisi, en matière de saisie mobilière, de contester devant le juge de l'exécution le montant de la mise à prix, qui sera déclarée par le Conseil constitutionnel, entraînera la perte de fondement légal de l'arrêt. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 213-6, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 231-1 et L. 233-1 du code des procédures civiles d'exécution et la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1068 QPC du 17 novembre 2023 :

6. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité posée à l'occasion de la présente instance, le Conseil constitutionnel décide que les mots « des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée », figurant au premier alinéa de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, étaient contraires à la Constitution. (article 1er)

7. Il décide, à l'article 2, que la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 17 et 18 de cette décision. Leurs termes sont les suivants :

8. « D'une part, le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement. Il ne lui appartient pas d'indiquer les modifications qui doivent être retenues pour qu'il soit remédié à l'inconstitutionnalité constatée. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 1er décembre 2024 la date de leur abrogation. (Cons. 17) »

9. « D'autre part, afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, au 1er décembre 2024, le débiteur est recevable à contester le montant de la mise à prix pour l'adjudication des droits incorporels saisis devant le juge de l'exécution dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. (Cons. 18) »

10. En application de cette décision, il y a lieu de juger que la débitrice est recevable à contester devant le juge de l'exécution le montant de la mise à prix pour l'adjudication des droits incorporels saisis, dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.

11. En conséquence, l'arrêt attaqué doit être annulé en ce qu'il a confirmé le jugement en tant qu'il avait déclaré Mme [C] irrecevable en sa contestation.

Portée et conséquences de l'annulation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la cour de cassation statue au fond.

14. Il y a lieu de dire Mme [C] recevable en sa contestation sur le montant de la mise à prix des parts sociales saisies.

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation du chef de dispositif de l'arrêt ayant déclaré Mme [C] irrecevable en sa contestation entraîne l'annulation du chef de dispositif déclarant Mme [C] irrecevable en sa demande aux fins de mainlevée de la saisie de parts sociales qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT Mme [C] recevable en sa contestation sur le montant de la mise à prix des parts sociales saisies ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée pour qu'il soit statué sur le bien-fondé des contestations et demandes.