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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 2 juillet 2024, n° 22/02557

POITIERS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

Mme Verrier, M. Orsini

Avocat :

Me Lagrave

CA Poitiers n° 22/02557

1 juillet 2024

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte du 23 août 2021, [S] [J] a assigné [U] [N] devant le tribunal judiciaire de La Rochelle. Il a demandé de prononcer la nullité, à défaut la résolution de la vente conclue le 30 septembre 2020 d'un véhicule Volkswagen Golf 5, le vendeur n'ayant pas justifié avoir été le propriétaire du véhicule qui ne lui avait au surplus pas été remis.

[U] [N] a conclu au rejet de ces demandes, soutenant justifier avoir été le propriétaire du véhicule vendu dont la réparation avait été retardée par l'effet du confinement, ajoutant que le demandeur n'avait pas payé le prix de vente convenu.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :

'- DÉBOUTE Monsieur [S] [J] de ses demandes ;

- CONSTATE que la vente du véhicule Volkswagen Golf 5 intervenue le 30 septembre 2020 est parfaite ;

- CONDAMNE Monsieur [S] [J] à payer à Monsieur [U] [N] la somme de mille cinq cent quatre euros (1.504 €), assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 1er avril 2021, en contrepartie de la remise de la carte grise et du véhicule Volkswagen golf 5 immatriculé [Immatriculation 4] sur lequel le changement du turbo devra être effectué ;

- DÉBOUTE Monsieur [U] [N] de sa demande de dommage et intérêt en réparation de son préjudice moral pour rupture abusive du contrat de vente;

- CONDAMNE Monsieur [S] [J] au paiement à Monsieur [U] [N] de la somme de huit cents euros (800 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DÉBOUTE Monsieur [S] [J] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [S] [J] aux dépens de l'instance ;

- RAPPELLE le caractère exécutoire de droit de la décision'.

Il a considéré que :

- le vendeur justifiait avoir été le propriétaire du véhicule ;

- les parties avaient convenu d'un paiement du prix de vente par échéances et d'une livraison du véhicule après sa remise en état ;

- la preuve d'un manquement du vendeur à ses obligations n'était pas rapportée;

- le demandeur restait redevable du solde du prix de vente, de 1.504 € ;

- le défendeur ne justifiait pas d'un préjudice subi en raison du défaut de paiement des échéances convenues.

Par déclaration reçue au greffe le 14 octobre 2022, [S] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par voie électronique le 10 janvier 2013, il a demandé de :

'Vu les articles 1103 et 1104, 1599, 1603, 1217, 1132 et s., 1137 et s. du Code civil,

Vu les pièces communiquées,

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de La Rochelle le 21/03/22 en ce qu'il a :

- débouté M. [J] de ses demandes,

- constaté que la vente du véhicule intervenue le 30/09/20 est parfaite,

- condamné M. [J] à payer à M [N] la somme de 1.504 € outre les intérêts légaux à compter du 01/04/21 en contrepartie de la remise de la carte grise et du véhicule sur lequel le changement du turbo devra être effectué,

- condamné M [J] à payer à M [N] la somme de 800 au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

En conséquence :

- A titre principal :

- Prononcer la nullité de la vente du véhicule Volkswagen Golf 5 conclue entre M. [S] [J] et M. [U] [N] le 30 septembre 2020 ;

- Condamner M. [N] à payer à M. [J] la somme de 768 € augmentée des intérêts légaux à compter du 30/09/20 sur la somme de 384 € et à compter du 05/11/20 sur la somme de 384 €,

- Condamner M. [N] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre subsidiaire :

- Prononcer la résolution de la vente du véhicule Volkswagen Golf 5 conclue entre M. [S] [J] et M. [U] [N] le 30 septembre 2020 ;

- Condamner M. [N] à payer à M. [J] la somme de 768 € augmentée des intérêts légaux à compter du 30/09/20 sur la somme de 384 € et à compter du 05/11/20 sur la somme de 384 €,

- Condamner M. [N] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. [N] à payer à M. [J] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel'.

Il a maintenu que :

- l'intimé ne justifiait pas avoir été le propriétaire du véhicule vendu ;

- le vendeur n'avait pas délivré le véhicule ;

- le remplacement du turbocompresseur n'avait pas été convenu.

Il a ajouté que le procès-verbal de contrôle technique établi postérieurement à la vente à l'initiative de l'intimé faisait mention d'un kilométrage du véhicule supérieur à celui annoncé lors de la vente.

[U] [N] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel a été signifiée par acte du 22 décembre 2022. Les conclusions de l'appelant l'ont été par acte du 20 janvier 2023. Ces actes n'ont pas été délivrés à la personne de l'intimé.

L'ordonnance de clôture est du 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 472 du code de procédure civile dispose que :

'Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.

Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée'.

A - SUR LA NULLITÉ DE LA VENTE

L'article 1583 du code civil dispose que la vente : 'est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé'.

1 - sur les parties à la vente

L'article 2276 alinéa 1er du code civil dispose que : 'En fait de meubles, la possession vaut titre'.

Le certificat d'immatriculation du véhicule immatriculé [Immatriculation 4] établi au nom de [H] [W] a été barré et mentionne une vente le 12 février 2020. Au verso de ce certificat, [N] [U] domicilié [Adresse 1] sans indication d'une ville, a été mentionné être l'acquéreur de l'automobile.

Le certificat d'immatriculation modifié en raison de cette vente n'a pas été produit. Le premier a exactement rappelé que ce certificat n'est pas un titre de propriété.

Un certificat de cession de ce véhicule est en date du 30 septembre 2020. Il mentionne pour acquéreur [S] [J] et pour vendeur [U] [N] précité, demeurant [Adresse 3] à [Localité 6].

[U] [N], désigné acquéreur puis vendeur du véhicule dont il était en possession, en était le propriétaire à la date de la vente.

2 - sur un vice du consentement

L'article 1130 du code civil dispose que :

'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.

Le conseil du vendeur a communiqué à celui de l'appelant afin qu'il exécute le jugement intervenu en sa faveur les procès-verbaux de contrôle technique du véhicule des 20 (contrôle initial) et 30 mai (contre-visite) 2022.

Ces documents mentionnent au 20 mai 2022 365.000 kilomètres parcourus, au 30 mai 365.088 kilomètres parcourus. Le second procès-verbal rappelle les kilométrages relevés lors des précédentes visites. Il indique 345.347 kilomètres parcourus au 17 juin 2020.

Le certificat de cession en date du 30 septembre 2020 mentionne, renseigné par le vendeur, un : 'Kilométrage inscrit au compteur du véhicule : 300 000", minoré d'au moins 45.347 kilomètres (345.347 - 300.000).

[S] [J] soutient que son consentement aurait été vicié, ayant cru acquérir un véhicule ayant parcouru 300.000 kilomètres et non avec un kilométrage supérieur.

Ce fondement est nouveau devant la cour.

a - sur une erreur

L'article 1132 du code civil dispose que : 'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant'.

L'article 1133 du même code précise que :

'Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité'.

Le kilométrage d'un véhicule acquis d'occasion est une qualité substantielle de celui-ci.

[S] [J] ne justifie toutefois pas que le kilométrage du véhicule, qui devait être réparé, a été déterminant de son engagement.

Aucune annonce de vente du véhicule n'a été produite. Les échanges intervenus entre [F] [K] et [O] [Z], intermédiaires entre l'acquéreur et le vendeur, n'ont pas porté sur ce point.

Au surplus, s'agissant du kilométrage affiché au compteur, une simple vérification de celui-ci permettait, même pour un profane, de vérifier les énonciations du certificat de cession, au même titre par exemple que l'immatriculation, la marque et la dénomination commerciale du véhicule.

L'erreur sur une qualité substantielle du véhicule n'est ainsi pas établie.

b - sur le dol

L'article 1137 du code civil dispose que :

'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation'.

L'appelant ne justifie aux débats ni d'une manoeuvre, ni d'une dissimulation intentionnelle du vendeur destinées à lui faire croire que le kilométrage annoncé du véhicule différait de celui réel.

[S] [J] n'est pour ces motifs pas fondé en sa demande en nullité de la vente.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

B - SUR LA RÉSOLUTION DE LA VENTE

L'article 1224 du code civil dispose que : 'La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'.

Il appartient à [S] [J], qui ne conteste pas que la vente est parfaite, de rapporter la preuve d'un manquement du vendeur, suffisamment grave pour fonder la résolution de la vente.

[F] [K] et [O] [Z] ont convenu le 30 septembre d'un accord de paiement. Il a été stipulé que :

'Je, soussigné(e),

Madame [K] [F]

Demeurant

[Localité 6]

Née le 27/06/1987 à [Localité 6]

Reconnaît devoir à:

Madame [Z] [O]

Demeurant [Adresse 3]

Né(e) le 31 mars 1997 à [Localité 6]

la somme de 2300 € (deux mille trois cents ) euros pour l'achat d'une Volkswagen GOLF 5 immatriculé AJ-O55-NG

Cette somme sera remboursée en 6 échéances égales, le 1er de chaque mois.

La première échéance doit intervenir le 1er octobre 2020 et la dernière le 1er mars 2021 d'un montant de 384 € trois cent quatre vingt quatre euros)

En cas de non-règlement d'une seule échéance, la totalité du prêt deviendra immédiatement exigible, sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure'.

[O] [Z] réside à la même adresse qu'[U] [N].

[F] [K] s'est engagée à payer le prix de vente du véhicule acquis par [S] [J].

[F] [K] et [O] [Z] ont échangé par messages téléphoniques ('sms'), du 28 septembre au 7 décembre 2020.

Par message du 28 septembre 2020, [F] [K] a indiqué à [O] [Z] que : 'je vais te faire le 1er virement demain comme convenu pour la voiture par contre sa en es ou sur les réparations...et pour les papiers a signer comment on peut faire'. Il a été répondu en ces termes par [O] [Z] : 'Bah les réparations ils ont fait quelques petites choses mais tant que l'argent n'a pas été versée ils peuvent attaquer le plus gros du travail donc

dès que tu me feras le virement islam ira acheter les pièces qu'il faut pour la réparer...pour les papiers déjà ça serait bien que tu remplis avec Maman le certificat de cession pour la vente comme ça nous on annule l'assurance'.

Par message du 7 décembre 2020, [F] [K] a indiqué à [O] [Z] que : 'Je viens vers toi pour t'annoncer, j'en suis désolée, on annule la vente de la voiture nous n'avons pas d'autre choix' aux motifs que le véhicule n'était toujours pas réparé, ni livré.

[O] [Z] lui a notamment répondu que : 'Le 13 octobre je t'ai prévenue que c'était le turbo qu'il fallait changer je t'ai dit la somme du turbo je t'avais dit qui coûté cher. Je t'avais aussi dit qu'on avait trouvé un turbo mais qu'il était à 5h de route quand on avait fini par trouver le turbo le problème c'est qu'il y avait un confinement donc là ce n'était pas de ma faute s'il fallait repousser...il fallait attendre le 15 décembre pour aller le chercher'.

Il résulte de ces messages que :

- le véhicule vendu le 30 septembre 2020 devait avant sa remise à l'acquéreur faire l'objet de réparations par le vendeur ;

- le 13 octobre 2020, [O] [Z] a indiqué à [F] [K] que le turbocompresseur du véhicule devait être changé ;

- [F] [K] a accepté le retard qu'impliquait ce remplacement ;

- le délai d'entrée en possession du véhicule n'a pas été convenu.

Ces développements caractérisent un accord sur la chose et son prix, rendant la vente parfaite. Le jugement sera confirmé sur ce point.

[O] [Z] a postérieurement précisé dans ses messages que la crise sanitaire et le défaut de paiement des échéances convenues n'avait pas permis de faire rapidement l'acquisition des pièces de rechange nécessaires à la réparation du véhicule, notamment du turbocompresseur.

Le confinement en question, le second, en vigueur du 30 octobre au 15 décembre 2020, limitait les déplacements.

[S] [J], en partie par l'intermédiaire de [F] [K] qui s'était engagée à payer le prix et [U] [N], en partie par l'intermédiaire de [O] [Z], ont convenu de la vente du véhicule le 30 septembre 2020, lequel devait avant sa remise faire l'objet de réparations. Le remplacement du turbocompresseur n'a pas été initialement envisagé. Il a toutefois été accepté. Les derniers messages de [O] [Z] n'établissent pas qu'à leur date le turbocompresseur avait été acquis, que le véhicule avait été réparé et était en état de circuler.

La vente étant du 30 septembre 2020 et le confinement ayant duré du 30 octobre au 15 décembre 2020,un défaut de diligence ne peut pas être caractérisé à l'encontre du vendeur, l'acquéreur ayant au surplus accepté que la réparation ne soit pas immédiate.

Il ne peut dès lors pas être retenu de ce chef un manquement contractuel d'[U] [N] fondant la résolution de la vente.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente.

C - SUR LES OBLIGATIONS DES PARTIES

1 - sur le paiement du prix de vente

L'article 1650 du code civil dispose que : 'La principale obligation de l'acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente'.

Le prix de vente a été stipulé de 2.300 €. Il est exigible.

[S] [J] justifie du paiement de la somme de 768 € (384 x 2).

Reste due la somme de 1.532 €.

Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a condamné l'appelant au paiement de la somme de 1.504 €, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 1er avril 2021, date retenue par l'intimé, postérieure à la mise en demeure de payer en date du 6 janvier précédent.

2 - sur la remise du véhicule

L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur : 'a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend'.

L'intimé doit remettre à l'appelant le véhicule réparé et le certificat d'immatriculation.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

D - SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Il résulte des développements précédents que [S] [J], qui n'est pas fondé en son appel, l'est également s'agissant de sa demande de dommages et intérêts.

F - SUR LES DÉPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelant.

G - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelant.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit à la demande de ce dernier présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

statuant par arrêt mis à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 21 mars 2022 du tribunal judiciaire de La Rochelle ;

DEBOUTE [S] [J] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE [S] [J] aux dépens d'appel.