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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 juin 2024, n° 21/13967

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Cabinet Biaggini Harrak Brival (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Ranoux-Julien, Mme Prigent

Avocats :

Me Porte, Me Trojman

T. com. Paris, 13e ch. spéc., du 5 juill…

5 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

Le 2 janvier 2019, M. [U] a conclu un contrat d'agent commercial avec la société Cabinet Biaggini Harrak Duval (la société BHB) qui exerce une activité de transactions immobilières.

Par acte du 7 juillet 2020, M. [U] a assigné la société BHB devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des commissions et en indemnisation du préjudice subi par la rupture de la relation contractuelle.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la société BHB à payer à M. [U] la somme de 16 418,40 euros correspondant au solde des factures n°1 et 2 ainsi qu'aux factures n° 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 ;

- Condamné la société BHB à payer à M. [U] la somme de 14 937 euros ;

- Condamné la société BHB à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- Condamné la société BHB aux dépens.

Par déclaration du 18 juillet 2021, M. [U] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a débouté d'une partie de ses demandes et plus précisément en ce qu'il a :

- Limité la condamnation de la société BHB au paiement des factures pour un montant de 16 418,40 euros alors qu'il lui était demandé de condamner la société BHB au paiement des factures suivantes :

* facture n° 1 d'un montant total de 9 176,40 euros avec intérêts de retard à compter du 23 décembre 2019

* facture n° 6 d'un montant total de 975 euros avec intérêts de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 2 d'un montant total de 6 055 euros avec intérêts de retard à compter du 23 décembre 2019

* facture n° 7 d'un montant total de 400 euros avec intérêts de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 8 d'un montant total de 825 euros avec intérêt de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 10 d'un montant total de 5 376 euros avec intérêts de retard à compter du 3 juin 2020

* facture n° 9 d'un montant total de 750 euros avec intérêts de retard à compter du 3 juin 2020

* facture n° 11 d'un montant total de 7 296 euros avec intérêts de retard à compter du 12 août 2020

* facture n° 12 d'un montant total de 565 euros avec intérêts de retard à compter du 12 août 2020

* facture n° 13 d'un montant total de 5 166 euros avec intérêts de retard à compter du 28 septembre 2020

* facture n° 14 d'un montant total de 606,50 euros avec intérêts de retard à compter du 28 septembre 2020

* facture n° 15 d'un montant total de 10 184,40 euros avec intérêts de retard à compter du 3 novembre 2020 ;

- Limité la condamnation de la société BHB au paiement d'une somme de 14 937 euros au lieu de celle de 121 664 euros demandée au titre de l'indemnité due pour fin de contrat à l'initiative et aux torts de la société BHB ;

- Ne s'est pas prononcé sur les intérêts de retards dus à M. [U] pour le retard dans le règlement de ses factures impayées, et a demandé de statuer à nouveau.

Par ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2022, M. [U] demande de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société BHB au paiement des sommes suivantes :

* facture n° 1 d'un montant total de 9 176,40 euros avec intérêts de retard à compter du 23 décembre 2019

* facture n° 2 d'un montant total de 6 055 euros avec intérêts de retard à compter du 23 décembre 2019

* facture n° 6 d'un montant total de 975 euros avec intérêts de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 7 d'un montant total de 400 euros avec intérêts de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 8 d'un montant total de 825 euros avec intérêt de retard à compter du 14 février 2020

* facture n° 9 d'un montant total de 750 euros avec intérêts de retard à compter du 3 juin 2020

* facture n° 10 d'un montant total de 5 376 euros avec intérêts de retard à compter du 3 juin 2020

* facture n° 11 d'un montant total de 7 296 euros avec intérêts de retard à compter du 12 août 2020

* facture n° 12 d'un montant total de 565 euros avec intérêts de retard à compter du 12 août 2020 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société BHB à lui verser la somme de 5 000 euros pour préjudice moral et atteinte à son honneur ;

- Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné la société BHB à régler à M. [U] les intérêts de retard à compter de la réception par la société BHB des factures ;

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il n'a pas condamné la société BHB à régler à M. [U] :

* facture n° 13 d'un montant total de 5 166 euros avec intérêts de retard à compter du 28 septembre 2020

* facture n° 14 d'un montant total de 606,50 euros avec intérêts de retard à compter du 28 septembre 2020 * facture n° 15 d'un montant total de 10 184,40 euros avec intérêts de retard à compter du 3 novembre 2020

* la somme de 121 664 euros au titre de l'indemnité pour fin de contrat à l'initiative et aux torts de la société BHB ;

- Condamner la société BHB au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société BHB au paiement des entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 31 décembre 2021, la société BHB demande, au visa des articles L. 441-3 à L. 441-9 du code de commerce et 289-I-3 du code général des impôts, de :

- Déclarer M. [U] mal fondé en son action ;

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement, à l'exception de celle relative à la condamnation de l'intimée au règlement des factures n°10 et 11 pour un montant de 12 672 + 231,40 euros (au titre du solde de la compensation entre les factures n°1 et 2 et Prospecall), soit un total de 12 903,40 euros.

- Débouter M. [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société BHB,

A titre reconventionnel,

- Condamner M. [U] au paiement à la société BHB de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par l'intimée et l'atteinte à son honneur,

En tout état de cause,

- Condamner M. [U] à régler à la société BHB la somme de 5 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [U] aux entiers dépens.

Par ordonnance sur incident du 3 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :

- Rejeté les demandes de caducité et d'irrecevabilité de la société BHB ;

- Condamné la société BHB à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté la demande de la société BHB au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société BHB aux dépens de l'incident.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les factures :

Un contrat d'agence commerciale, intitulé 'mandat d'agent commercial indépendant en transactions immobilières', a été conclu entre les parties le 2 janvier 2019.

L'article 13, intitulé 'commissions', stipule notamment :

'L'agent commercial n'aura droit à aucune commission ou indemnisation quelconque en cas de non réalisation de la vente par acte authentique pour quelque cause que ce soit.

En contrepartie des ventes effectivement réalisées par acte authentique, une commission sera versée à l'agent commercial sur présentation de facture dès que le mandant aura lui-même perçu ses honoraires ou commissions sur la vente. Aucune avance de commission ne pourra être accordée par le mandant.

Sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire, l'agent commercial perçoit soit un pourcentage sur le montant des honoraires ou commissions hors taxe effectivement perçus par l'agence, soit sur le montant des honoraires hors taxe restant à l'agence après paiement des honoraires pouvant éventuellement être dus à un ou d'autres confrères ou intermédiaires.

...

Le montant de rémunération de l'agent commercial est fixé par annexes séparées au présent contrat'.

L'annexe 'n° 1 valant avenant au mandat d'agent commercial indépendant en transactions immobilières signé le 02/01/2019" fixe le montant de la rémunération de l'agent commercial sous forme de commissions.

Elle prévoit en outre '50% des frais de courtage hors frais incompressibles du courtier sauf si le courtier est l'apporteur d'affaire auquel cas, celui-ci récupérerait l'intégralité des frais de courtage'.

La société BHB a invoqué des erreurs de facturation, tenant à l'écriture d'une somme en lettres différente de celle exprimée en chiffres, et l'absence de mentions relatives à la date d'émission, le numéro de facture, la date de la vente ou de la prestation de services, les nom et prénom de l'entrepreneur individuel, les numéros d'immatriculation, de département et de TVA, le descriptif du produit ou de la prestation de services, le total HT et le total TTC.

M. [U] explique qu'il a établi ses factures sur un modèle fourni par la société BHB.

M. [U] produit les actes authentiques de vente justifiant le versement et le calcul de commissions, et des échanges de courriels démontrant les diligences personnellement effectuées.

Il résulte des éléments versés aux débats et de l'annexe au contrat, que les factures suivantes, émises avant la rupture, sont justifiées et dues :

* facture n° 1 du 23 décembre 2019 d'un montant total de 9 176,40 euros au titre d'une vente réalisée le 28 octobre 2019,

* facture n° 2 du 23 décembre 2019 d'un montant total de 6 055 euros au titre d'une vente réalisée par acte du 29 août 2019 rectifié le 28 janvier 2020,

* facture n° 6 du 14 février 2020 d'un montant total de 975 euros correspondant à une commission sur frais de courtage,

* facture n° 7 du 14 février 2020 d'un montant total de 400 euros correspondant à une commission sur frais de courtage,

* facture n° 8 du 14 février 2020 d'un montant total de 825 euros avec intérêt de retard à compter du 14 février 2020, correspondant à une commission sur frais de courtage.

La société BHB invoque un virement d'un montant de 15 000 euros effectué au profit d'une société Prospecall en paiement de l'organisation de 30 rendez-vous, aux lieu et place de M. [U].

Cependant, elle ne prouve pas avoir procédé à ce paiement pour le compte de M. [U] à la demande ou avec l'accord de ce dernier. La compensation qu'elle opère avec sa dette à l'égard de M. [U], au titre des factures de commissions, n'est pas justifiée.

Les factures émises par M. [U], dans leur première version, ne mentionnaient aucune condition de règlement. Celles rectifiées en cours de litige mentionnent un 'paiement à 30 jours à compter de la réception de la facture', et des 'pénalités en cas de retard de paiement' au 'taux Refi appliqué par la BCE majoré de 10 points'.

L'article L. 441-10 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose :

'I.-Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.

...

II.-Les conditions de règlement mentionnées au I de l'article L. 441-1 précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire'.

Les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues par cette disposition légale sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans les conditions générales du contrat.

Il sera donc retenu un point de départ des intérêts de retard 30 jours après l'émission de chaque facture et un taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

La société BHB sera donc condamnée à payer à M. [U] :

* la somme de 9 176,40 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 23 janvier 2020, au titre de la facture n° 1,

* la somme de 6 055 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 23 janvier 2020, au titre de la facture n° 2,

* la somme de 975 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 6,

* la somme de 400 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 7 du 14 février 2020,

* la somme de 825 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 8,

représentant une somme totale en principal de 17 431,40 euros.

Sur l'indemnité de rupture

L'article L. 134-12, alinéa 1, du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Aux termes de l'article L. 134-13 du même code, 'la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.'

L'article 11 du contrat stipule qu'aucune indemnité ne sera due à l'agent commercial en cas notamment de rupture à son initiative ou de rupture justifiée pour faute grave de l'agent commercial.

Un litige est survenu entre les parties à la suite du non-paiement des factures émises par M. [U] et l'établissement d'un nouveau contrat par la société BHB.

M. [U] invoque la proposition de la société BHB de conclure un contrat modifiant les modalités de commissionnement de manière défavorable.

Il ne produit pas l'exemplaire qui lui aurait été soumis, mais verse aux débats un contrat conclu par un autre agent commercial le 9 mars 2020.

Il prétend que le contrat a été rompu le 12 mars 2020 par la société BHB.

Il est produit par la société BHB, qui conteste avoir rompu le contrat de sa propre initiative, un nouveau 'mandat d'agent commercial en transactions immobilières' soumis à M. [U], mentionnant une date du 13 avril 2020, que ce dernier n'a pas signé. L'annexe portant sur le commissionnement du 13 avril 2020 est identique à l'annexe au contrat conclu le 2 janvier 2019.

La société BHB explique (notamment page 3 de ses conclusions) qu'au cours du mois de mars 2020, afin de se conformer à la réglementation en vigueur du droit du travail, elle a proposé à tous ses mandataires une nouvelle convention mentionnant une diminution des commissions pour tous pour les nouvelles ventes, convention qu'il était possible d'accepter soit avec l'ancienne grille, soit avec la nouvelle grille, les conditions étant de ne plus financer, en termes d'honoraires, les rendez-vous fournis à ceux qui optaient pour l'ancienne grille du fait qu'elle était plus rémunératrice pour les consultants, et ce afin de ne pas pénaliser ceux qui acceptaient d'opter pour la nouvelle grille moins rémunératrice', et que M. [U] a choisi 'de maintenir l'ancienne grille, tout en n'acceptant pas les nouvelles conditions s'imposant pourtant à tous'

La société BHB a adressé, le 12 mars 2020 à M. [U] le message téléphonique suivant : 'Salut. Par rapport à ta demande d'hier, on va te faire signer le mandat (qui est plus complet légalement) avec l'ancienne grille. Il faudra donc que tu passes au bureau pour ça, on en profitera pour récupérer les clés du bureau. Je pense que tu t'en doutais mais je préfère formaliser la chose, demain il serait préférable que tu ne viennes pas à la réunion étant donné qu'on va expliquer à ceux qui restent avec nous la stratégie du cabinet. On continuera à suivre tes dossiers régulièrement (par téléphone ou par mail) pour que ça aille au bout le plus rapidement possible. Je te souhaite une bonne journée.'

Par ce message, la société BHB, qui a décidé de 'récupérer les clés du bureau' et exclure M. [U] de 'ceux qui restent avec nous', a entendu rompre le contrat de sa propre initiative, sans invoquer de faute commise par M. [U].

La société BHB invoque un courriel qu'elle a adressé à M. [U] le 10 avril 2020, aux termes duquel elle expliquait que leur convention était devenue 'caduque en raison de la réglementation', annonçait l'envoi de la nouvelle convention, exposait qu'elle lui avait donné le choix entre accepter la nouvelle convention avec l'ancienne grille de commission, ou accepter la nouvelle grille, 'les conditions étant de ne plus financer les rendez-vous fournis à ceux qui optaient pour l'ancienne grille plus rémunératrice pour les consultants', précisait que 'les personnes désireuses d'être totalement indépendantes de notre activité ne peuvent plus être prioritaires quant à l'accès du matériel que nous laissions à disposition pour leur confort', rappelant que M. [U] était 'toujours invité aux réunions collectives en visio', et concluant que 'nous avons tous intérêt à ce que les dossiers en cours aillent à leur terme'.

Ce courriel, qui évoquait la 'caducité' du contrat et une modification des relations contractuelles, est postérieur au message du 12 mars 2020 qui signifiait la rupture du contrat, et le confirme sur ce point.

Aucune faute grave n'étant alléguée, M. [U] est dès lors fondé à réclamer une indemnité compensatrice.

Les relations entre les parties ont duré environ 14 mois, du 2 janvier 2019 au 12 mars 2020.

La société BHB a réglé une somme totale de 13 456,86 euros à M. [U], et reste redevable d'une somme totale de 17 431,40 euros au titre des factures impayées à la date de la rupture. Les commissions dues à M. [U] pendant 14 mois se sont donc élevées à un montant de 30 888,26 euros.

Au regard de ces éléments, le préjudice sera évalué en prenant en compte une moyenne de 6 mois de commissions, soit 13 237,83 euros (30 888,26/14 x 6).

Le jugement sera infirmé, et la société BHB sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 13 237,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice.

Sur le droit de suite :

M. [U] réclame le paiement de commissions au titre de son 'droit de suite' tel que stipulé à son contrat.

L'article 14, intitulé 'droit de suites', précise en son premier alinéa :

'En cas de rupture du présent contrat et quelle que soit la cause de cette rupture, l'agent commercial aura droit à ses commissions, dans les conditions définies à l'article précédent, sur toutes les affaires qui auront fait l'objet de la signature d'un compromis de vente ou d'un dossier de réservation avant la date de rupture du présent contrat et qui seront définitivement conclues par acte authentique dans un délai de 6 mois suivant cette rupture, et qui seront la conséquence du travail de négociation de l'agent commercial effectué pendant l'exécution du présent contrat.'

Le délai de six mois court à compter, non pas de la fin du préavis contractuel d'un mois, mais de la rupture elle-même, qui en l'espèce est intervenue le 12 mars 2020.

La société BHB, qui reconnaît être débitrice de la somme de 12 672 euros au titre des factures n° 10 et 11, est dès lors débitrice des commissions dues au titre des ventes réalisées jusqu'au 12 septembre 2020.

Ainsi, les factures suivantes sont justifiées et dues :

* facture n° 9 du 3 juin 2020 d'un montant total de 750 euros avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, correspondant à une commission sur frais de courtage,

* facture n° 10 du 3 juin 2020 d'un montant total de 5 376 euros avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, au titre d'une vente réalisée le 25 mai 2020,

* facture n° 11 du 12 août 2020 d'un montant total de 7 296 euros avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, au titre d'une vente réalisée le 10 juillet 2020,

* facture n° 12 du 12 août 2020 d'un montant total de 565 euros avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, correspondant à une commission sur frais de courtage.

M. [U] réclame le paiement de factures émises postérieurement à la rupture au titre de ventes conclues par acte authentique postérieurement au 12 mars 2020, soit à l'expiration du délai de 6 mois suivant la rupture.

Il allègue que l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 a suspendu les délais entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 portant sur les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance.

Cependant, la disposition contractuelle relative au droit de suite de l'agent commercial ne relève pas des cas de suspension de délais prévus par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

Ainsi, ne sont pas justifiées au titre du droit de suite les factures suivantes :

* facture n° 13 du 28 septembre 2020 d'un montant total de 5 166 euros au titre d'une vente réalisée le 28 septembre 2020,

* facture n° 14 du 28 septembre 2020 d'un montant total de 606,50 euros correspondant à une commission sur frais de courtage

* facture n° 15 du 3 novembre 2020 d'un montant total de 10 184,40 euros au titre d'une vente réalisée le 27 octobre 2020.

La société BHB sera donc condamnée à payer à M. [U] les sommes de :

* 750 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, au titre de la facture n° 9 du 3 juin 2020,

* 5 376 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, au titre de la facture n° 10 du 3 juin 2020,

* 7 296 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, au titre de la facture n° 11 du 12 août 2020,

* 565 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, au titre de la facture n° 12 du 12 août 2020,

représentant une somme totale en principal de 13 987 euros.

Sur la demande reconventionnelle de la société BHB :

La société BHB réclame le paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral.

Cependant, elle ne démontre pas des actes ou propos de dénigrement de M. [U], qui ne résultent pas de l'envoi en copie à d'autres mandataires d'un échange de courriel avec la société BHB en avril 2020, ni ne prouve l'existence du préjudice allégué d'atteinte à son honneur.

Le jugement, qui a rejeté sa demande, sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société BHB, partie perdante, sera tenue aux dépens.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du 5 juillet 2021 du tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Cabinet Biaggini Harrak Duval et en ce qu'il a condamné la société Cabinet Biaggini Harrak Duval à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Cabinet Biaggini Harrak Duval à payer à M. [U] les sommes de :

* 9 176,40 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 23 janvier 2020, au titre de la facture n° 1,

* 6 055 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 23 janvier 2020, au titre de la facture n° 2,

* 975 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 6,

* 400 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 7 du 14 février 2020,

* 825 euros, avec intérêt au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 16 mars 2020, au titre de la facture n° 8 ;

Condamne la société Cabinet Biaggini Harrak Duval à payer à M. [U] la somme de 13 237,83 euros au titre de l'indemnité compensatrice ;

Condamne la société Cabinet Biaggini Harrak Duval à payer à M. [U] les sommes de :

* 750 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, au titre de la facture n° 9 du 3 juin 2020,

* 5 376 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 juillet 2020, au titre de la facture n° 10 du 3 juin 2020,

* 7 296 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, au titre de la facture n° 11 du 12 août 2020,

* 565 euros, avec intérêts au taux égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 12 septembre 2020, au titre de la facture n° 12 du 12 août 2020 ;

Condamne la société Cabinet Biaggini Harrak Duval à payer à M. [U] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la société Cabinet Biaggini Harrak Duval aux dépens.