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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 27 juin 2024, n° 23/18900

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/18900

27 juin 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18900 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISQG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Novembre 2023 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2023023201

APPELANTES

S.A.S. HERON, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

S.N.C. LES RIVES DE L'OISE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.N.C. [Adresse 5], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Ayant pour avocat plaidant Me Raphaël BENILLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : P519

INTIMÉE

S.A.R.L. PRIVILÈGE, RCS de Créteil sous le n°394 617 534, représentée par M.[G] [R] en qualité de liquidateur amiable

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Philippe CARPENTIER de la SELEURL CARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0233

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Privilège et la SAS Héron étaient toutes deux associées à parts égales et cogérantes de la SNC Les rives de l'Oise et de la SNC [Adresse 5].

En octobre 2021, la société Privilège a fait à la société Héron une offre de cession de ses parts dans les deux SNC.

La société Héron a refusé l'offre de cession des parts de la SNC [Adresse 5]. Après avoir accepté l'offre de cession des parts de la SNC Les Rives de l'Oise, elle a contesté la validité de cette cession et la société Privilège a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir valider. Par jugement du 2 juin 2023, le tribunal de commerce de Paris a constaté le caractère parfait de la vente par la société Privilège à la société Héron des cinquante parts sociales de la SNC Les rives de l'Oise, condamné la société Privilège à en payer le prix et enjoint la société Héron de procéder aux formalités d'enregistrement et de publicité de la cession. La société Héron a interjeté appel de ce jugement, ce recours est pendant.

Par un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 28 octobre 2022, la société Privilège a fait l'objet d'une dissolution anticipée et la société E.C.E Expertise & conseil de l'entreprise a été désignée en qualité de liquidateur, ultérieurement remplacée par M. [R] suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 25 septembre 2023. Cette opération a été publiée au registre du commerce et des sociétés.

Le 21 juillet 2023, la société Privilège a assigné la SNC [Adresse 5] devant le tribunal de commerce de Créteil pour voir désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil aux fins de détermination du prix de rachat des parts sociales de la société Privilège dans la SNC [Adresse 5]. Par jugement du 5 juillet 2023 le tribunal de commerce de Créteil a fait droit à la demande et commis un expert. Ce jugement n'a pas été frappé d'appel.

Le 21 avril 2023, la société Privilège représentée par son liquidateur amiable a assigné les sociétés Héron, Les rives de l'Oise et [Adresse 5] aux fins d'obtenir le remboursement de ses comptes courants d'associé aux sein des deux SNC. Par jugement du 26 janvier 2024 le tribunal de commerce de Créteil a fait droit à cette demande, condamnant in solidum les sociétés [Adresse 5] et Héron à payer la somme de 582.032,71 euros à la société Privilège et condamnant in solidum les sociétés Les rives de l'Oise et Héron à payer la somme de 541.918,79 euros à la société Privilège.

Par acte du 2 mai 2023, la société Privilège a assigné les sociétés Les rives de l'Oise, [Adresse 5] et Héron devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, aux fins de voir :

enjoindre la société Héron à transférer les sièges sociaux des sociétés [Adresse 5] dans un autre lieu que l'adresse de la société Privilège et de procéder aux formalités de publicité corrélatives au registre du commerce et des sociétés et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance ;

subsidiairement, désigner un mandataire en charge de cette formalité aux frais de la société Héron ;

condamner la société Héron à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de provision en indemnisation du trouble manifestement illicite généré par le maintien des sièges sociaux à son adresse ;

enjoindre la société Héron à publier des statuts actualisés des sociétés [Adresse 5] actant de la perte de qualité d'associé de la société Privilège au registre du commerce et des sociétés et ce sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification de l'ordonnance ;

subsidiairement, désigner un mandataire en charge de cette formalité aux frais de la société Héron ;

condamner la société Héron à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de provision en indemnisation du trouble manifestement illicite généré par le maintien de sa position en qualité d'associé sur les statuts ;

en tout état de cause, déclarer l'ordonnance commune et opposable aux sociétés [Adresse 5],

condamner la société Héron à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 16 novembre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

enjoint la société Héron à transférer le siège social de la société Les rives de l'Oise dans un autre lieu que l'adresse de la société Privilège, et de procéder aux formalités de publicité corrélatives au registre du commerce et des sociétés, et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente ordonnance et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

enjoint la société Héron à transférer le siège social de la société [Adresse 5] dans un autre lieu que l'adresse de la société Privilège, et de procéder aux formalités de publicité corrélatives au registre du commerce et des sociétés, et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente ordonnance et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

condamné la société Héron :

*à verser la somme de 1.000 euros à la société Privilège à titre de provision en indemnisation du trouble manifestement illicite généré par le maintien du siège social de la société Les rives de l'Oise à son adresse ;

*à verser la somme de 1.000 euros à la société Privilège à titre de provision en indemnisation du trouble manifestement illicite généré par le maintien du siège social de la société [Adresse 5] à son adresse ;

enjoint la société Héron à publier des statuts actualisés de la société [Adresse 5], actant de la perte de qualité d'associé de la société Privilège, au registre du commerce et des sociétés, et ce sous astreinte de 500 euros par jour à compter du 8ème jour de la signification de la présente ordonnance et ce pour une période de 30 jours à l'issue de laquelle il pourra de nouveau être fait droit ;

rendu cette ordonnance commune et opposable aux sociétés [Adresse 5] ;

condamné la société Héron à verser à la société Privilège la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

condamné en outre la société Héron aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 75,91 euros TTC dont 12,44 euros de TVA.

Par déclaration du 24 novembre 2023, les sociétés Héron, [Adresse 5] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 19 janvier 2024 elles demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1583, 1591, 1843-1, 1844 du code civil, 872 du code de procédure civile, L. 221-15 du code de commerce, 14-3, 27, 28 et 29 des statuts des deux SNC, de :

les juger recevables et bien fondées en leur appel ;

infirmer l'ordonnance rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 novembre 2023 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Privilège ;

dire qu'il n'y a lieu à référé ;

renvoyer les parties à se pourvoir au fond ;

débouter la société Privilège de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société Privilège à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Privilège aux entiers dépens.

Elle soutiennent que les demandes se heurtent à contestations sérieuses en ce que la dissolution de la société Privilège le 28 octobre 2022 (assimilée au décès d'un associé personne physique) a, conformément aux dispositions statutaires, entraîné avec elle la dissolution de plein droit des deux SNC et la nécessité de procéder à leur liquidation, ce à quoi s'oppose la société Privilège qui souhaite se dégager unilatéralement de toute obligation sur le dos de sa coassociée ; qu'en conséquence de cette dissolution les parts sociales ne peuvent plus être cédées et les SNC ne disposent plus d'un siège social mais d'un siège de liquidation ; que la contradiction soulevée par la société Privilège dans les dispositions statutaires sur la dissolution de plein droit des SNC ou leur poursuite nécessite une interprétation qui ne relève pas du pouvoir du juge des référés ;

que s'agissant de la SNC Les rives de l'Oise, l'effectivité de la cession des parts sociales de la société Privilège à la société Héron n'est pas définitivement tranchée puisque la société Héron a fait appel du jugement rendu le 2 juin 2023 par le tribunal de commerce de Paris qui déclare parfaite la cession intervenue.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 avril 2024, la société Privilège demande à la cour, au visa des articles 561 et suivants, 873 du code de procédure civile, L. 123-11, L. 123-5-1, R. 123-54, R. 123-66, R. 123-105 du code de commerce, l'article 8 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1240 du code civil, de :

déclarer mal fondé l'appel des sociétés Héron, [Adresse 5] à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 16 novembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Par conséquent :

confirmer l'ordonnance de référé rendue le 16 novembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

débouter les sociétés Héron, [Adresse 5] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant :

condamner solidairement les sociétés Héron, [Adresse 5] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement les sociétés Héron, [Adresse 5] aux dépens.

Elle soutient :

- s'agissant de la SNC [Adresse 5], qu'il n'existe aucune contestation sérieuse pouvant s'opposer à la rectification des statuts et à leur publication actualisée ; qu'en effet, la contradiction entre les articles 14.3 et 28 des statuts (article 14.3 : En cas de décès de l'un des associés (la dissolution d'une personne morale étant assimilée au décès d'une personne physique), la société est dissoute / article 28 : la réunion de toutes les parts en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société) est sans effet quant à la SNC [Adresse 5] puisque par jugement du président du tribunal de commerce de Créteil du 5 juillet 2023, il a été définitivement tranché que la dissolution de la société Privilège a emporté sa perte de qualité d'associé de la société [Adresse 5] par annulation de ses parts ; que la société [Adresse 5] n'a jamais été dissoute au retrait de la société Privilège, ce qui est établi par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2024 et confirmé par son Kbis ; que la société Privilège n'étant plus associée de la société [Adresse 5] depuis sa dissolution du mois d'octobre 2022, le siège social de cette dernière est maintenu à l'adresse de la société Privilège en totale contradiction avec les dispositions de l'article L.123-11 du code de commerce ;

- s'agissant de la SNC Les rives de l'Oise, que le jugement du 2 juin 2023, exécutoire par provision nonobstant appel, ayant constaté la vente par la société Privilège de la totalité de ses parts sociales, la société Privilège n'est plus associée de la SNC Les rives de l'Oise ; que tout comme la SNC [Adresse 5] elle n'a pas été dissoute, ce qui est confirmé par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2024 et par son Kbis ; que là encore le siège social de la société Les rives de l'Oise est maintenu à l'adresse de la société Privilège en totale contradiction avec les dispositions de l'article L.123-11 du code de commerce ;

- qu'en maintenant les sièges sociaux des deux SNC à l'adresse de la société Privilège sans son accord et malgré de multiples demandes de transfert, la société Héron lui cause un trouble manifestement illicite ;

- que le retrait de la société Privilège des statuts de la SNC Les rives de l'Oise n'a pas été demandé au premier juge qui ne s'est donc pas prononcé sur ce point, lequel n'est pas dévolu à la cour.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024.

SUR CE, LA COUR

La société Privilège fonde ses demandes en référé sur les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, aux termes desquelles :

- le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

- il peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société Privilège se prévaut en l'occurrence d'un trouble manifestement illicite causé par le refus de la société Héron de transférer les sièges sociaux des SNC [Adresse 5] (demeurés à l'adresse de la société Privilège) et de publier les statuts actualisés de la SNC [Adresse 5], en dépit de la perte de la qualité d'associé de la société Privilège dans les deux SNC. Elle sollicite en outre la réparation de ce trouble par l'allocation d'une provision indemnitaire.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Les mesures d'injonction sollicitées par la société Privilège reposent sur le postulat de la perte de sa qualité d'associé des SNC Les rives de l'Oise et [Adresse 5], et de ce que sa coassociée la société Héron, devenue la seule associée de ces deux sociétés, doit supporter la charge de ces mesures de transfert du siège social des SNC et de modification des statuts de la SNC [Adresse 5] (la demande de modification des statuts de la société Les rives de l'Oise a été abandonnée dans les dernières conclusions de première instance de la société Privilège)

Ces mesures, en ce qu'elles ont pour finalité d'officialiser une situation juridique acquise, ne présentent pas un caractère conservatoire mais définitif, et pour pouvoir s'analyser en des mesures de remise en état qui s'imposent, elles supposent qu'il soit définitivement établi que la société Privilège a perdu la qualité d'associé des SNC Les rives de l'Oise et [Adresse 5] et que la société Héron en est restée la seule associée, auquel cas en s'opposant au transfert du siège social des SNC (demeuré à l'adresse de la société Privilège) et à la modification des statuts de la SNC [Adresse 5], la société Héron causerait à la société Privilège un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser.

Or, une telle situation juridique définitive ne ressort pas d'évidence des éléments de la cause, comme démontré ci-après.

S'agissant de la SNC Les Rives de l'Oise, si le tribunal de commerce de Paris a par jugement du 2 juin 2023 déclaré parfaite la cession des parts sociales de la société Privilège à la société Héron dans cette SNC (cession intervenue avant que la dissolution de la société Privilège ne soit prononcée), ce jugement est certes exécutoire par provision mais non définitif puisque la société Héron en a relevé appel et que ce recours est pendant.

En outre, les effets de la dissolution de la société Privilège, intervenue le 28 octobre 2022, sont discutés par les parties, la société Héron soutenant que cette dissolution a entraîné de plein droit la dissolution des deux SNC, ce que la société Privilège conteste.

Force est de constater que sur ce point les statuts des SNC (rédigés en des termes identiques), nécessitent une interprétation qui échappe au pouvoir du juge des référés.

Selon l'article 14.4, la dissolution pour quelque motif que ce soit d'une personne morale associée est assimilée au décès d'un associé personne physique et produit les mêmes effets.

L'article 14.3 stipule qu'en cas de décès de l'un des associés, la société est dissoute, ce qui rejoint les dispositions de l'article L 221-15 du code de commerce, alinéa 1er, selon lesquelles la société prend fin par le décès de l'un de ses associés. Mais l'article 14.3 ajoute que dans ce cas, il ya lieu d'appliquer les dispositions des articles 27 et 28 des statuts.

Or, l'article 28 prévoit à son point 2. que la réunion de toutes les parts en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société, ajoutant : « Toutefois, tout intéressé peut demander la dissolution de la société si la situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un an. »

Il est donc nécessaire d'interpréter les statuts pour déterminer si les SNC Les rives de l'Oise et [Adresse 5] ont ou non été dissoutes de plein droit par l'effet de la dissolution de la société Privilège, une telle dissolution devant donner lieu à une liquidation des SNC comme le souligne la société Héron, conformément aux dispositions de l'article 29.1 des statuts.

Et contrairement à ce que soutient la société Privilège, suivie en cela par le juge des référés, la contradiction entre les articles 14.3 et 28 des statuts n'est pas sans effet concernant la [Adresse 5] compte tenu de ce que par jugement définitif du 5 juillet 2023, le tribunal de commerce de Créteil aurait jugé que la société Privilège n'est plus associée de la SNC.

Il n'est en effet pas évident que ce jugement ait une telle portée et une telle autorité, la société Héron n'y étant pas partie et la société Privilège ayant seulement obtenu à l'encontre de la SNC [Adresse 5] le prononcé d'une expertise sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil pour évaluer ses parts sociales, le tribunal n'ayant pas tranché la question de la perte de la qualité d'associé de la société Privilège dans la SNC [Adresse 5], qui ne lui était pas soumise et qui nécessitait que la société Héron, intéressée en tant que coassocié de la SNC, soit à la cause.

Enfin, si pour faire droit à la demande de la société Privilège en remboursement de ses comptes courants d'associé dans les deux SNC, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 26 janvier 2024, retenu dans ses motifs que les SNC n'étaient ni dissoutes ni liquidées, il n'est pas prétendu que ce jugement est définitif et il n'en est pas justifié.

Dans ces conditions il ne peut, avec l'évidence requise en référé, être considéré comme définitivement acquis que la société Privilège a perdu la qualité d'associé des SNC Les rives de l'Oise et [Adresse 5] lesquelles ne seraient pas dissoutes, et qu'elle subirait en conséquence un trouble manifestement illicite dans le maintien du siège social des deux SNC à son adresse et dans la non-modification des statuts de la SNC [Adresse 5].

Il y a donc lieu pour la cour, par infirmation de l'ordonnance entreprise, de dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Privilège.

La nature du litige et l'équité commandent de laisser à chaque partie la charge de ses dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel ; l'ordonnance sera infirmée de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Privilège,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE