CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 27 juin 2024, n° 21/20106
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Société Immobilière Caumartin (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Pelier-Tetreau, Mme Rohart
Avocats :
Me Pelit-Jumel, Me Renard, Me Poux
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La Société Immobilière Caumartin (SIC) est une société anonyme dont l'activité est la détention et la gestion d'un immeuble situé [Adresse 7]).
La SA Société Immobilière Caumartin est une société familiale dans laquelle 3 s'urs, Mesdames [U] [K], [P] [B] et [E] [Z], sont associées, directement ou par leur famille respective, à parts égales, chacune détenant 875 actions.
À l'époque des faits, Mme [E] [Z] était le président directeur général de la Société Immobilière Caumartin, Mmes [P] [B] et [U] [K] en étaient administrateurs.
Le 20 septembre 2018, Mme [U] [K] a créé une société par actions simplifiée dénommée Nettle.Invest SAS, ayant pour objet toutes prestations de services dans les domaines administratif, commercial, gestion financière en faveur des sociétés dans lesquelles la société détient une participation.
Par contrat d'apport du 24 juillet 2018, il a été conclu que Mme [U] [K] apporte à la société Nettle.Invest les 875 actions de la Société Immobilière Caumartin qu'elle détenait, pour une valeur totale de 3 000 000 euros.
Par lettre du 10 décembre 2018, réitérée le 31 janvier 2019, puis le 28 février 2019, Mme [U] [K] a sollicité l'agrément des actionnaires de la Société Immobilière Caumartin prévu aux statuts de la cette société.
Le 22 mars 2019, Mme [E] [Z], agissant en qualité de présidente de la Société Immobilière Caumartin, a adressé une notification de refus d'agrément à Mme [U] [K].
Le 28 mars 2019, Mme [U] [K] a indiqué à la Société Immobilière Caumartin qu'elle maintenait son projet d'apport.
Le 9 mai 2019, le conseil d'administration a proposé aux actionnaires d'acquérir les 875 actions de Mme [U] [K] pour un montant total de 3 000 000 euros.
Le 22 mai 2019, Mme [U] [K] s'est vue notifier une proposition d'acquisition, chacune de ses s'urs offrant de lui racheter 438 actions pour un montant de 1 501 726,80 euros.
Par lettre du 26 juin 2019, Mme [U] [K] a contesté la régularité de la proposition de rachat, considérant que la proposition de rachat notifiée le 22 mai 2019 était irrégulière en ce qu'elle portait sur un total de 876 actions alors qu'elle n'en possédait que 875. Elle ajoutait que la proposition de cession de ses titres n'avait pas été réalisée dans le délai imparti par les statuts de la Société Immobilière Caumartin et que l'opération d'apport était donc libre conformément aux termes de l'article 12-3 des statuts.
Elle demandait donc à la Société Immobilière Caumartin de régulariser l'apport de ses 875 actions à la SAS Nettle.Invest en régularisant l'ordre de mouvement des titres, en tant qu'émetteur, et en le retranscrivant sur le registre des mouvements de titres de la société.
Par lettre du 11 juillet 2019, la Société Immobilière Caumartin a considéré que la cession des actions de Mme [U] [K] était intervenue d'office au profit de Mmes [B] et [Z], faute de réponse de sa part à la proposition d'acquisition dans le délai imparti.
Par courrier d'avocat daté du 10 septembre 2019, Mme [U] [K] a répondu qu'elle confirmait sa demande de régularisation de l'ordre de mouvement en faveur de la SAS Nettle.Invest, sans réponse de la part de la Société Immobilière Caumartin.
Par acte du 20 novembre 2019, Mme [U] [K] a fait assigner la Société Immobilière Caumartin devant le tribunal de commerce de Paris.
Mme [U] [K] a notamment demandé au tribunal de dire et juger que l'agrément qu'elle avait sollicité était acquis conformément à l'article 12-3 des statuts de la Société Immobilière Caumartin et aux dispositions des articles L. 228-23 et suivants du code de commerce, et d'ordonner à la Société Immobilière Caumartin la signature et l'inscription de l'ordre de mouvement des 875 actions détenues par elle au profit de la SAS Nettle.Invest dans les livres de la société, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir.
Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Prononcé la nullité du contrat d'apport conclu entre Mme [U] [K] et la SAS Nettle.Invest le 24 juillet 2018 ;
- Débouté la SA Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mme [E] [Z] et Mme [P] [B], de leurs demandes de validité de la cession des parts de Mme [U] [K] au profit de Mmes [E] [Z] et [P] [B] ;
- Dit que l'agrément demandé par Mme [U] [K] au profit de la SAS Nettle.Invest est acquis depuis le 23 juin 2019 ;
En conséquence,
- Ordonné à la SA Société Immobilière Caumartin de signer et d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions détenues par elle au profit de la SAS Nettle.Invest dans les livres de la SA Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;
- Prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale et du conseil d'administration de la SA Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019 ;
- Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires au dispositif ;
- Condamné solidairement la SA Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mmes [E] [Z] et [P] [B], à payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné solidairement la SA Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mmes [E] [Z] et [P] [B], aux dépens.
Par déclaration au greffe de la cour du 19 novembre 2021, Mmes [P] [B] et [E] [Z] ainsi que la Société Immobilière Caumartin ont interjeté appel de ce jugement.
*****
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2022, Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin demandent à la cour, au visa des statuts de la Société Immobilière Caumartin, des articles L. 210-6, L. 228-23 et L. 228-24 du code de commerce et de l'adage suivant lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, de :
- Déclarer les demandes de la Société Immobilière Caumartin et de Mmes [E] [Z] et [P] [B] recevables et bien fondées ;
- Réformer le jugement du tribunal, uniquement en ce qu'il a :
' Débouté la Société Immobilière Caumartin et Mmes [E] [Z] et [P] [B] de leurs demandes de validité de la cession des actions que détenait Mme [U] [K] au profit de Mmes [E] [Z] et [P] [B] ;
' Dit que l'agrément demandé par Mme [U] [K] au profit de la société Nettle Invest est acquis depuis le 23 juin 2019 ;
' Ordonné à la Société Immobilière Caumartin de signer et d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions détenues par elle au profit de la SAS Nettle Invest dans les livres de la Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;
' Prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale et du conseil d'administration de la Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019 ;
' Débouté la Société Immobilière Caumartin et Mmes [E] [Z] et [P] [B] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement la Société Immobilière Caumartin et Mmes [E] [Z] et [P] [B] à payer la somme de 7 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs,
À titre principal,
- Juger valable la cession à Mme [E] [Z] de 438 actions de la Société Immobilière Caumartin ayant appartenu à Mme [U] [K] pour un prix de 1 501 727 euros ;
- Juger valable la cession à Mme [P] [B] de 437 actions ayant appartenu à Mme [U] [K] pour un prix de 1 498 298 euros ;
- Juger que Mme [E] [Z] et Mme [P] [B] se sont valablement libérées du prix de ces cessions par mise à disposition de celui-ci au cabinet de Me Sonia Tachnoff-Tzarowsky, avocate ;
À titre subsidiaire,
- Juger que Mme [U] [K] est demeurée propriétaire de 875 actions de la Société Immobilière Caumartin en conséquence de la nullité du contrat d'apport du 24 juillet 2018 ;
En tout état de cause,
- Débouter Mme [U] [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande tendant à voir l'agrément sollicité au profit de la société Nettle Invest réputé acquis ;
- Condamner Mme [U] [K] à verser à la Société Immobilière Caumartin la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, au titre de la procédure de première instance ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris pour le surplus ;
Y ajoutant,
- Condamner Mme [U] [K] à verser à la Société Immobilière Caumartin la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, au titre de la procédure d'appel.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 septembre 2023, Mme [U] [K] demande à la cour, au visa des statuts de la société, des articles L. 210-3, L. 225-25, L. 225-51 et L. 225-104 du code de commerce, des articles 1240, 1837 et 1843-4 du code civil et de l'article 329 du code de procédure civile, de :
- Déclarer les demandes de Mme [U] [K] recevables et bien fondées ;
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris, en ce qu'il a :
' Débouté la SA Société Immobilière Caumartin ainsi que Mme [E] [Z] et Mme [P] [B] de leurs demandes de validité de la cession des parts de Mme [U] [K] au profit de Mmes [E] [Z] et [P] [B] ;
' Dit que l'agrément demandé par Mme [U] [K] au profit de la SAS Nettle.Invest est acquis depuis le 23 juin 2019 ;
' Ordonné à la SA Société Immobilière Caumartin de signer et d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions, détenues par elle au profit de la SAS Nettle Invest, dans les livres de la SA Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;
' Prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale et du conseil d'administration de la SA Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019 ;
' Condamné solidairement la SA Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mmes [E] [Z] et [P] [B], à payer la somme de 7 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné solidairement la SA Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mesdames [E] [Z] et [P] [B], aux dépens.
- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
' Débouté Mme [U] [K] de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts ;
' Prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations d'assemblées générales et du conseil d'administration de la Société Immobilière Caumartin intervenues de manière irrégulière depuis l'éviction de Mme [U] [K], soit depuis le 23 juin 2019 ;
' Prononcé notamment la nullité de la quatrième résolution de l'assemblée générale ordinaire annuelle en date du 29 septembre 2020 prenant acte de la démission d'office de Mme [U] [K] de son poste d'administrateur de la société et rétablir Mme [U] [K] dans ses droits ;
À titre subsidiaire,
- Prononcer l'inopposabilité de l'ensemble des délibérations d'assemblées générales et du conseil d'administration de la Société Immobilière Caumartin intervenues de manière irrégulière depuis l'éviction de Mme [U] [K], à l'égard de Mme [U] [K] ;
À titre de l'appel incident,
- Condamner la Société Immobilière Caumartin à verser à l'actionnaire de la Société Immobilière Caumartin, prise en la personne de Mme [U] [K], la somme de 227 808 euros au titre des dividendes distribués en 2019, 2020 et 2021, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 22 octobre 2020, si tant est que les décisions des assemblées générales des 27 novembre 2019, du 29 septembre 2020 et du 2 juillet 2021 soient jugées valides, et plus généralement tout dividende ou acompte voté ou mis en paiement postérieurement au mois de juin 2019 en faveur des actionnaires ;
- Condamner la Société Immobilière Caumartin, ainsi que Mmes [E] [Z] et [P] [B], solidairement entre elles, à prémunir Madame [U] [K] de toutes conséquences fiscales, en principal, pénalités et intérêts de retard, que la cession des 875 actions de la Société Immobilière Caumartin peut faire encourir à Mme [U] [K] au titre de l'imposition des plus-values sur valeurs mobilières de société à prépondérance immobilière et du paiement des droits d'enregistrement en vertu de la solidarité prévue par l'article 1705-5 du code général des impôts ;
- Dire que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année au moins, en application de l'article 1342-3 du code civil ;
En tout état de cause,
- Juger la Société Immobilière Caumartin, Mmes [E] [Z] et [P] [B] responsables des préjudices financier et moral subis par Mme [U] [K] ;
En conséquence,
- Condamner la Société Immobilière Caumartin, Mmes [E] [Z] et [P] [B], solidairement entre elles, à verser à Mme [U] [K] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
En tout état de cause,
- Condamner la Société Immobilière Caumartin et Mmes [E] [Z] et [P] [B] à verser à Mme [U] [K] la somme de 15 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Immobilière Caumartin, Mmes [E] [Z] et [P] [B] aux entiers dépens.
*****
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du contrat d'apport
Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin soutiennent que le contrat conclu au nom de la société en formation elle-même, et non par un tiers agissant au nom et pour le compte de cette société en formation, est nul, de nullité absolue et que cette nullité est encourue même s'il est précisé dans l'acte que le contrat a été conclu « par une société en formation, représentée par son gérant ». Elles indiquent que le contrat a été conclu par la société Nettle.Invest, « société en formation, représentée par Mme [U] [K] agissant en qualité de fondateur de ladite société », et non par Mme [U] [K] au nom et pour le compte de la société en formation, et concluent dès lors à la nullité du contrat d'apport. Elles ajoutent que le contrat est également nul en ce qu'il a été conclu en violation de la clause d'agrément figurant aux statuts de la Société Immobilière Caumartin, et ce en application de l'article L. 228-23 du code de commerce, la demande d'agrément devant être formulée préalablement à la réalisation de l'opération envisagée, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Si elles considèrent que le jugement doit être confirmé de ce chef, elles soutiennent que le tribunal n'a pas tiré toutes les conséquences de ses propres constatations, puisqu'après avoir prononcé la nullité de l'opération d'apport, il a ordonné son exécution forcée, en contradiction avec l'article 1178 du code civil impliquant la restitution des titres et réputé acquis l'agrément sollicité pour cette opération. Elles sollicitent, à titre principal, la validité des cessions intervenues au profit de Mmes [Z] et [B] et, à titre subsidiaire, la remise des parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant l'opération d'apport annulée, à savoir que Mme [U] [K] serait demeurée propriétaire des 875 actions de la SIC, sans que la société Nettle.Invest ait pu valablement être agréée en qualité d'actionnaire de cette société.
Mme [U] [K] sollicite la confirmation du jugement en ce que les premiers juges ont estimé qu'elle était libre depuis le 23 juin 2019 de réaliser l'apport de ses actions à la société Nettle.Invest, l'achat des actions par les appelantes n'ayant pas été valablement réalisé dans le délai des trois mois impartis par l'article 12-3.5 des statuts et par l'article L. 228-24 du code de commerce.
Sur ce,
Il résulte de l'article L. 228-23 du code de commerce que Toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est nulle.
En application de ce principe, la demande d'agrément doit être formulée préalablement à la réalisation de l'opération envisagée, à peine de nullité de cette opération. Une demande présentée postérieurement serait sans effet.
Il s'ensuit qu'à défaut d'agrément, les dirigeants de la société ne peuvent faire procéder au virement des actions du compte du cédant à celui du cessionnaire.
Seuls la société ou les actionnaires dont l'agrément est requis pour autoriser une cession d'actions peuvent invoquer la nullité de la cession qui pourrait résulter du non-respect ou de l'irrégularité de l'agrément.
Enfin, si elle est prononcée, l'annulation de la cession produit ses effets même dans les rapports entre le cédant et le cessionnaire, ce dernier étant considéré comme n'ayant jamais été actionnaire, conformément à l'article 1178 du code civil qui dispose que Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
En l'espèce, l'article 12.3 § 1 des statuts de la Société Immobilière Caumartin contiennent la clause d'agrément suivante prévues en cas de cession d'actions, également applicable en cas d'apport en société :
['] 1. En cas de cession projetée, le cédant doit en faire la déclaration à la Société par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception, en indiquant les nom, prénoms, profession et domicile du cessionnaire, ou de la dénomination et le siège social s'il s'agit d'une société, le nombre des actions dont la cession est envisagée, ainsi que le prix offert.
Dans les trois mois qui suivent cette déclaration, le Conseil d'Administration est tenu de notifier au cédant s'il accepte ou refuse la cession projetée. A défaut de notification dans ce délai de trois mois, l'agrément est réputé acquis.
La décision d'acceptation doit être prise à la majorité des deux tiers des Administrateurs présents ou représentés, le cédant, s'il est Administrateur, ne prenant pas part au vote. Conformément à la Loi et aux présents statuts, la présence effective de la moitié des Administrateurs en fonction est nécessaire.
La décision n'est pas motivée, et en cas de refus, elle ne peut jamais donner lieu à une réclamation quelconque.
Dans les dix jours de la décision, le cédant doit en être informé par lettre recommandée. En cas de refus, le cédant aura huit jours pour faire connaître dans la même forme s'il renonce ou non à son projet de cession.
2. Dans le cas où le cédant ne renoncerait pas à son projet, le conseil d'administration est tenu de faire acquérir les actions, soit par des actionnaires ou par des tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la Société, en vue d'une réduction du capital et ce dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus.
A cet effet, le Conseil d'Administration avisera les Actionnaires par lettre recommandée de la cession projetée, en invitant chaque Actionnaire à lui indiquer le nombre d'actions qu'il veut acquérir.
Les offres d'achat doivent être adressées par les Actionnaires au Conseil d'Administration par lettre recommandée avec accusé de réception dans les quinze jours de la notification qu'ils ont reçue.
La répartition entre les Actionnaires acheteurs des actions offertes est effectuée par le Conseil d'Administration, proportionnellement à leur participation dans le capital et dans la limite de leurs demandes. S'il y a lieu, les actions non réparties sont attribuées par voie de tirage au sort - auquel il est procédé par le Conseil d'Administration en présence des Actionnaires acheteurs ou eux dûment appelés - à autant d'actionnaires acheteurs qu'il reste d'actions à attribuer. [']
3. Si la totalité des actions n'a pas été achetée ou rachetée dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus d'autorisation de cession, l'Actionnaire vendeur peut réaliser la vente au profit du cessionnaire primitif pour la totalité des actions cédées, nonobstant les offres d'achat partielles qui auraient été faites dans les conditions visées ci-dessus.
Ce délai de trois mois peut être prolongé par ordonnance non susceptible de recours du président du Tribunal de Commerce statuant par ordonnance de référé, l'actionnaire cédant et le cessionnaire dûment appelés.
6. Dans le cas où les actions offertes sont acquises par des Actionnaires ou par des tiers, le Conseil d'Administration notifie à l'Actionnaire cédant les noms, prénoms, domicile du ou des acquéreurs.
Le prix de cession des actions est fixé d'accord entre eux et le cédant. Faute d'accord sur le prix, celui-ci est déterminé par un expert, conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil.
Les frais d'expertise sont supportés par moitié par le vendeur et par moitié par les acquéreurs.
7. La cession au nom du ou des acquéreurs désignés est régularisée d'office sur la signature du Président du Conseil d'Administration ou d'un délégué du Conseil sans qu'il soit besoin de celle du titulaire des actions. Avis est donné au dit titulaire par lettre recommandée avec accusé de réception, dans les huit jours de la détermination du prix, d'avoir à se présenter au siège social pour toucher ce prix, lequel n'est pas productif d'intérêts. [']
Il est constant que le contrat d'apport a été conclu le 24 juillet 2018 et que la société Nettle.Invest a été immatriculée le 20 septembre 2018. La demande d'agrément qui a été adressée par Mme [U] [K] à la Société Immobilière Caumartin le 10 janvier 2019 (le cachet de la poste faisant foi et non la date du 10 décembre 2018 indiquée sur la lettre sollicitant l'agrément) est postérieure à l'opération d'apport.
Dès lors que la demande d'agrément n'a pas été formulée préalablement à la réalisation de l'opération envisagée, l'apport de titres du 24 juillet 2018 est nul et la demande d'agrément présentée postérieurement est sans effet pour être dépourvue d'objet.
Il appartiendra en conséquence à Mme [U] [K] de solliciter un nouvel agrément si elle souhaite persister dans son projet d'apport, conformément aux règles légales et statutaires applicables.
La société Nettle.Invest n'a donc pas été valablement agréée en qualité d'actionnaire de la Société Immobilière Caumartin.
La nullité de l'apport pour avoir violé la clause d'agrément figurant aux statuts entraîne nécessairement la restitution des titres dans le patrimoine du cédant, Mme [K], avec effet rétroactif.
Mme [U] [K] est donc demeurée propriétaire des 875 actions détenues dans le capital de la Société Immobilière Caumartin censées avoir été apportées à la société Nettle.Invest.
Par conséquent, c'est à tort que le tribunal a, après avoir prononcé la nullité de l'apport, ordonné son exécution forcée, en considérant que l'agrément demandé par Mme [K] au profit de la société Nettle.Invest était acquis depuis le 23 juin 2019 et requérant d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions dans les livres de la Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte.
Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu d'examiner le respect des délais de la procédure d'agrément et des offres d'acquisition dès lors que la déclaration au sens de l'article 12.3 § 1 des statuts (c'est-à-dire la demande d'agrément) est dépourvue d'effet et n'a donc pas fait courir le délai de trois mois durant lequel le conseil d'administration est tenu de notifier au cédant s'il accepte ou refuse la cession projetée, ni - a fortiori - le délai de dix jours suivant la décision du conseil d'administration durant lequel le cédant doit en être informé par lettre recommandée.
Ainsi, les offres d'acquisition subséquentes de Mmes [Z] et [B] notifiée le 22 mai 2019 à la cédante par la Société Immobilière Caumartin sont également dépourvues d'effet, l'acte originel de demande d'agrément étant lui-même sans effet.
Il s'ensuit que les cessions alléguées par Mmes [Z] et [B] à leur profit des 875 actions de Mme [K] sont inexistantes, faute d'accord des volontés.
Aussi, convient-il de confirmer le jugement, par ces seuls motifs substitués à ceux des premiers juges, en ce qu'il a :
- Prononcé la nullité du contrat d'apport conclu entre Mme [U] [K] et la SAS Nettle.Invest le 24 juillet 2018 ;
- Rejeté les demandes tendant à valider les cessions des 875 actions de Mme [K] au profit de Mmes [Z] et [B].
Le jugement sera au surplus infirmé en ce qu'il a :
- Dit que l'agrément demandé par Mme [U] [K] au profit de la SAS Nettle.Invest est acquis depuis le 23 juin 2019 ;
- Ordonné à la SA Société Immobilière Caumartin de signer et d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions détenues par elle au profit de la SAS Nettle.Invest dans les livres de la SA Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement.
Sur la nullité des décisions postérieures aux cessions invalidées
Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations de l'assemblée générale et du conseil d'administration de la SA Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019. Elles soutiennent que, par l'application combinée de l'article L. 225-25 du code de commerce et l'article 15 des statuts, Mme [K] a perdu sa qualité d'administrateur à l'issue d'un délai de six mois passé cette date, et que c'est à bon droit que l'assemblée des actionnaires de la S.I.C. a constaté sa démission d'office de son mandat d'administrateur à compter du 14 décembre 2019. Elle conclut par conséquent que les décisions qui ont été adoptées en son absence depuis le 14 juin 2019 s'agissant de l'assemblée générale et depuis le 14 décembre 2019 s'agissant du conseil d'administration, sont régulières.
Mme [U] [K] réplique que de nombreuses décisions d'assemblées générales ont été adoptées sans qu'elle soit informée ou convoquée, ni présente ou représentée, et ce en contravention de l'article L. 225-104, alinéa 2 du code de commerce, de sorte que les décisions en résultant sont irrégulières et que les assemblées générales les constatant doivent être annulées. Elle indique que les résolutions litigieuses présentent en outre de graves irrégularités en ce que le conseil d'administration est irrégulièrement composé, que ses décisions ne sont pas valides et qu'il ne peut dès lors pas convoquer régulièrement une quelconque assemblée générale, ni prendre aucune décision affectant la vie de la société. Elle soutient que tant que la question de l'agrément n'aura pas été définitivement tranchée par la cour, elle doit toujours être considérée actionnaire et qu'elle ne serait donc être réputée démissionnaire d'office de son siège d'administrateur, ni privée de ses droits d'actionnaires.
Sur ce,
L'article L. 225-104 aline'a 2 du code de commerce dispose que Toute assemble'e irre'gulie'rement convoque'e peut e'tre annule'e. Toutefois, l'action en nullite' n'est pas recevable lorsque tous les actionnaires e'taient pre'sents ou repre'sente's.
En outre, l'article L. 225-36-1 du même code pre'voit que ce sont les statuts qui de'terminent les modalite's de convocation des administrateurs aux re'unions du conseil d'administration. L'inobservation des règles statutaires relatives à la convocation des administrateurs n'entraîne pas, en principe, la nullité des délibérations du conseil, la loi ne comportant aucune disposition à cet égard. Toutefois, la nullité pourrait être prononcée s'il s'avérait que la convocation a été faite dans des conditions révélatrices d'une fraude ou d'un abus de droit.
Enfin, il résulte de l'article L. 235-1 du code précité que La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre, ['].
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que de nombreuses décisions ont été adoptées sans que Mme [K] ait été informée ou convoquée, concernant notamment la désignation ou le renouvellement des mandataires sociaux et des organes de contrôles (commissaires aux comptes), la distribution de dividendes et la prorogation du terme de la société.
Il n'est pas utilement contesté que Mme [U] [K] n'y était ni présente ni représentée lors de ces assemblées générales tenues postérieurement au 23 juin 2019.
Or, dès lors que l'opération d'apport a été annulée et que cette annulation a un effet rétroactif conformément au droit commun, Mme [U] [K] devait toujours être considérée comme actionnaire de la société et ne saurait par ailleurs être considérée comme démissionnaire d'office de son siège d'administrateur.
Il s'ensuit que les décisions de l'assemblée générale prises alors que Mme [K] n'a pas été convoquée sont irrégulières et les délibérations les constatant encourent la nullité.
S'agissant des délibérations du conseil d'administration irrégulièrement convoqué, il est observé que les statuts ne prévoient aucune sanction en pareil cas et que le défaut de convocation allégué ne constitue pas une violation d'une disposition impérative du livre II du code de commerce, de sorte que ces délibérations ne pourront être annulées.
Il y a par conséquent lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations d'assemblées générales depuis le 23 juin 2019. En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé les délibérations du conseil d'administration depuis le 23 juin 2019.
Il s'ensuit que la demande pécuniaire incidente de Mme [U] [K] tendant au versement de dividendes - formée à titre subsidiaire en cas de rejet de l'annulation des assemblées générales ayant décidé la distribution de dividendes - ne sera pas examinée par la cour.
De même, la demande incidente de Mme [U] [K] tendant au versement de dommages et intérêts au titre des conséquences fiscales de son éviction de sa qualité d'actionnaire - formée à titre subsidiaire en cas de validation des cessions de ses 875 actions au profit de Mmes [B] et [Z] - ne sera pas non plus examinée par la cour.
Sur la demande incidente de Mme [K] au titre de son préjudice moral
Mme [U] [K] explique que les relations entre les parties, s'urs dans la vie civile, se sont sérieusement aggravées par l'effet de la présente procédure qui dure depuis plus de quatre ans et que les pratiques hasardeuses de la Société Immobilière Caumartin tout au long de ladite procédure n'appellent pas à l'apaisement. Elle considère que l'ensemble de ces dommages dus au comportement fautif des appelantes entraîne un préjudice moral à son égard.
Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin répliquent que Mme [K] est d'autant moins victime qu'elle est à l'origine de la présente procédure, ayant instrumentalisé la procédure statutaire d'agrément pour tenter d'imposer son projet d'apport à la société Nettle.Invest. Elles précisent enfin que Mme [K] a coupé tout contact avec ses s'urs et leurs enfants, sans raison et depuis plusieurs décennies, et qu'elle se désintéresse de la Société Immobilière Caumartin dont elle ne participait à aucune assemblée générale et aucun conseil d'administration depuis plusieurs années.
Sur ce,
Mme [K] ne démontre pas la faute commise par Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin lui ayant causé une atteinte affectant ses sentiments et son affection. Elle ne justifie pas non plus de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice, qui est réparé, le cas échéant, par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sa demande d'indemnité au titre du préjudice moral sera par conséquent rejetée.
Sur les frais et dépens
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin, parties succombantes, doivent être condamnées aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [K] la somme supplémentaire de 3 000 euros en application de l'article 700 du même code.
Enfin, les autres demandes au titre des frais non compris dans les dépens de l'article 700 précité seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- Dit que l'agrément demandé par Mme [U] [K] au profit de la SAS Nettle.Invest est acquis depuis le 23 juin 2019 ;
- Ordonné à la SA Société Immobilière Caumartin de signer et d'inscrire l'ordre de mouvement des 875 actions détenues par elle au profit de la SAS Nettle.Invest dans les livres de la SA Société Immobilière Caumartin, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement ;
- Prononcé la nullité de l'ensemble des délibérations du conseil d'administration de la SA Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019 ;
LE CONFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
DIT que la demande d'agrément formée par Mme [U] [K] au profit de la SAS Nettle.Invest est dépourvue d'effet et dit que Mme [U] [K] est demeurée propriétaire de 875 actions de la Société Immobilière Caumartin en conséquence de la nullité du contrat d'apport du 24 juillet 2018
REJETTE la demande tendant à valider la cession à Mme [E] [Z] de 438 actions de la Société Immobilière Caumartin ayant appartenu à Mme [U] [K] pour un prix de 1 501 727 euros ;
REJETTE la demande tendant à valider la cession à Mme [P] [B] de 437 actions ayant appartenu à Mme [U] [K] pour un prix de 1 498 298 euros ;
REJETTE la demande tendant à juger que Mme [E] [Z] et Mme [P] [B] se sont valablement libérées du prix de ces cessions par mise à disposition de celui-ci au cabinet de Me Sonia Tachnoff-Tzarowsky, avocate ;
REJETTE la demande de nullité de l'ensemble des délibérations du conseil d'administration de la SA Société Immobilière Caumartin votées depuis le 23 juin 2019 ;
REJETTE la demande indemnitaire de Mme [U] [K] au titre du préjudice moral ;
CONDAMNE Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin aux dépens d'appel ;
CONDAMNE Mme [P] [B], Mme [E] [Z] et la Société Immobilière Caumartin à payer à Mme [U] [K] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.