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Décisions

CA Poitiers, 1re ch., 2 juillet 2024, n° 22/02613

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ed Concept (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

M. Orsini, M. Maury

Avocats :

Me Michot, Me Bensahkoun, Me Tribot

CA Poitiers n° 22/02613

1 juillet 2024

*****

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

[T] [O] a confié à la société Groupe Solar la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur, au prix toutes taxes comprises de 20.885 €. Le bon de commande est en date du 8 mai 2017. Un acompte de 1.000 € été versé à la commande, réalisée lors d'une foire-exposition à [Localité 6] (Indre-et-Loire).

La société Groupe Solar s'est rendue au domicile de [T] [O] le 11 mai 2017. Un second acompte d'un montant de 5.265 € a été versé.

La pompe à chaleur a été installée les 29 et 30 janvier 2018. La facture afférente est en date du 26 janvier 2018.

[T] [O] s'est plaint d'un dysfonctionnement de l'installation et d'une surconsommation électrique. Une expertise amiable a été réalisée contradictoirement le 29 mars 2018, en présence du fabricant de la pompe à chaleur. Le rapport d'expertise est en date du 9 janvier 2019. L'expert a retenu un défaut de conception de l'installation.

Par acte du 24 janvier 2019, [T] [O] a fait assigner la société Group Solar en référé. Il a demandé d'ordonner à cette société de remédier aux défauts de pose et d'ordonner une expertise. Par ordonnance du 3 avril 2019, [Y] [V] a été commis en qualité d'expert. Son rapport est en date du 15 juin 2020. Il a été complété par un additif en date du 24 juin suivant, en réponse aux observations tardives de la société Groupe Solar.

Par acte du 27 octobre 2020, [T] [O] a fait assigner la société Groupe Solar devant le tribunal judiciaire de Poitiers. La société ED Concept est intervenue volontairement à l'instance.

[T] [O] a, sur le fondement de l'article 1792 et subsidiairement de l'article 1648 alinéa 1 du code civil, demandé de prononcer la résolution de la vente et de condamner in solidum les sociétés Solar Clim Système et ED Concept à :

- lui restituer la somme de 20.885 € ;

- remettre l'installation dans l'état qui était le sien antérieurement à leur intervention ;

- lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier.

Il a exposé que la société Ed Concept qui exerçait sous le nom de Solar Clim System et Groupe Solar, seul ce dernier nom étant mentionné sur les documents remis, avait manqué à ses obligations, la pompe à chaleur ne fonctionnant que l'hiver et l'ancienne chaudière au fioul que cette pompe devait remplacer, maintenue, fonctionnant en permanence. Il a ajouté qu'aucune étude technique n'avait été réalisée et que le remplacement de l'ancienne chaudière avait été sans incidence sur le fonctionnement de l'installation.

La société ED Concept, anciennement Solar Clim System exerçant sous le nom commercial Groupe Solar, a conclu au rejet de ces demandes aux motifs que :

- le maintien de la chaudière au fioul avait été convenu lors de la visite du 11 mai 2017 ;

- l'étude technique réalisée avait conclu à la faisabilité du projet ;

- l'ouvrage avait été réceptionné sans réserve ;

- le remplacement de la chaudière au fioul avait été réalisé par une autre entreprise sans tenir compte de la nouvelle installation.

Par jugement du 23 août 2022, le tribunal judiciaire de Poitiers a statué en ces termes :

'Prononce la résolution de la vente de la pompe à chaleur intervenue entre la SARL Group Solar et Monsieur [T] [O], objet du bon de commande du 8 mai 2017 et des factures du 26 janvier 2018.

Condamne la SARL ED Concept - SARL Group Solar à procéder à la remise en état de l'installation thermique telle qu'elle était avant son intervention.

Condamne la la SARL ED Concept - SARL Group Solar à payer à Monsieur [T] [O] la somme de 20 885 € au titre de la restitution du prix.

Condamne la SARL ED Concept - SARL Group Solar à payer à Monsieur [T] [O] la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes.

Condamne la SARL ED Concept - SARL Group Solar aux dépens'.

Il a sur le fondement de l'article 1648 du code civil, l'article 1792 du même code ne le permettant pas, prononcé la résolution du contrat liant les parties, l'installation étant affectée de vices la rendant impropre à son usage.

Il a rejeté la demande d'indemnisation d'un préjudice financier, le paiement des intérêts des prêts souscrits pour financer l'installation litigieuse ayant une cause contractuelle.

Par déclaration reçue au greffe le 19 octobre 2022, la société ED Concept (anciennement Solar Clim System exerçant sous le nom commercial Group Solar) a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées le 19 janvier 2023, elle a demandé de :

'Vu les articles 1641 et suivants du Code civil

Vu les pièces versées au débat

- RECEVOIR ET DECLARER FONDE l'appel formé par la société ED CONCEPT anciennement SOLAR CLIM SYSTEM exerçant sous l'enseigne GROUP SOLAR

- INFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS le 23 août 2023 et statuant à nouveau :

- DEBOUTER Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

- CONDAMNER Monsieur [O] à payer à la société ED CONCEPT anciennement SOLAR CLIM SYSTEM exerçant sous l'enseigne GROUP SOLAR la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Elle a exposé que :

- le maintien de la chaudière existante avait été convenu lors de la visite du 11 mai 2017 ;

- l'étude thermique réalisée avait validé la faisabilité du projet ;

- l'installation réalisée avait été modifiée lors du remplacement par l'intimé de l'ancienne chaudière au fioul.

Elle a soutenu que la résolution du contrat pour vice caché ne pouvait pas être prononcée, les vices allégués n'étant ni occultes, ni antérieurs à la vente.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 avril 2023, [T] [O] a demandé de :

'- VU l'article 1648 alinéa 1 du code civil ;

- CONFIRMER le Jugement rendu le 23 août 2022 ;

- CONDAMNER la société ED CONCEPT à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise'.

Il a maintenu que les vices affectant l'installation, cachés au sens de l'article 1641 du code civil, fondaient la résolution de la vente de la pompe à chaleur.

L'ordonnance de clôture est du 4 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A - SUR LA RESOLUTION

L'article 12 du code de procédure civile dispose notamment que :

'Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat'.

1 - qualification du contrat

[T] [O] vise dans le dispositif de ses conclusions les dispositions de l'article 1648 alinéa 1er du code civil qui dispose que : 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.

En cette matière, l'article 1641 du même code dispose que : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

L'article 1582 du code civil définit en ces termes la vente : 'La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer'.

Le devis en date du 8 mai 2017 accepté par l'intimé avait pour objet :

'Fourniture et installation complète d'un système de chauffage type pompe à chaleur AIR/EAU Haute température de marque AIRWELL en suppression de chaudière fuel en TRIPHASÉ comprenant :

1 P.A.C. Monobloc AIRWELL 18.9T

[...]

1 Ballon Tampon

1 Kit régulation avec thermostat d'ambiance

1 Kit de raccordement hydraulique avec vanne 3 voies

1 Ensemble de protections

1 Forfait pose installation, mise en service tout compris

garantie constructeur pièces main-d'oeuvre et déplacement'.

Le contrat conclu avait ainsi pour objet la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur.

L'article 1787 du code civil relatif au louage d'ouvrage et d'industrie dispose que : 'Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière'.

Le contrat conclu entre la société ED Concept et [T] [O] est ainsi un contrat d'entreprise ou de louage d'ouvrage, non un contrat de vente. Les dispositions relatives à la vente ne trouvent dès lors pas application.

2 - sur les manquements contractuels

L'article 1217 du code civil dispose notamment que :

'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

[...]

- provoquer la résolution du contrat'.

L'article 1224 du même code précise que : 'La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'.

Préalablement à la réalisation des travaux, l'appelante a fait effectuer une visite technique. Il est mentionné en dernière page du rapport en date du 11 mai 2017 : 'chaudière à conserver (fioul + bois)'.

Dans un courrier en date du 18 mai suivant, Groupe Solar a indiqué que : 'Après analyse des éléments transmis, notre bureau d'étude a validé la faisabilité technique de votre projet'.

La facture de travaux à en-tête 'Group Solar' est en date du 26 janvier 2019. Elle a pour objet :

'Pompe à Chaleur Haute Température HT 18-9

Pompe à chaleur air eau de marque Airwell

pour la production de chauffage

Système ayant un COP supérieur à 3.6 / ETAS 151 %

selon la norme d'essai 14511-2 ( à +7°C ext/sortie d'eau 35°C) et fonctionnant jusqu' -15°C

Classe Energétique A

Matériel éligible au crédit d'impôt

Comprenant

[...]

Forfait pose, raccordement, mise en service d'une

pompe à chaleur air/eau

VT effectuée le 11/05/2017".

Cette facture ne fait pas mention du maintien de la chaudière existante.

Dans son rapport en date du 9 janvier 2019, [Y] [M] du Cabinet Maillhe intervenu sur la demande de l'assureur de protection juridique de l'intimé, a indiqué en page 4 que :

'La société POLE FROID est intervenue à la demande d'AIRWELL chez M. [O] le 30/08/2018 :

POLE FROID SERVICE n'a décelé aucun problème interne à la pompe à chaleur.

POLE FROID Service relève plusieurs non conformités inhérentes à l'installation de la pompe à chaleur par GROUP SOLAR'.

En page 6 de son rapport, cet expert a émis l'avis suivant : 'Les dysfonctionnements observés trouvent leur origine dans un défaut de conception de l'installation par GROUP SOLAR'.

L'expert judiciaire a, au vu des dires et pièces de l'appelante, complété son rapport en date du 15 juin 2020 par un courrier additif en date du 20 juin suivant. Il y a notamment conclu en pages 6 à 8 de ce courrier que :

'Après lecture de ces deux Dires et des documents joints, aucun ne remet en cause mon avis formulé dans mon rapport définitif d'expertise déposé le 15 juin courant :

A la suite de mes investigations, mon avis sur l'installation de la Pompe à Chaleur Airwell réalisée par la société GROUP SOLAR est qu'elle ne répond pas aux attentes du Demandeur et qu'elle ne permet pas d'atteindre les objectifs que l'on peut en attendre, ni en terme de service d'usage ni en terme de confort.

La demande exprimée par contrat par Monsieur [O] de voir installer une PAC permettant de supprimer la chaudière fioul (Pièce n°1 Demandeur) ne peut pas être satisfaite avec le système conçu et réalisé par la société GROUP SOLAR pour au moins trois raisons :

- La température maximale de l'eau produite par la PAC n'est pas suffisante pour satisfaire au besoin de chauffage [...]

- La température maximale de l'eau produite par la PAC n'est pas suffisante pour produire l'eau chaude sanitaire [...]

- La température maximale de l'eau produite par la PAC n'est pas suffisante pour chauffer le bassin de la piscine [...]

Pour tenter de pallier ces anomalies, la société GROUP SOLAR a réalisé une installation non conforme à l'usage auquel elle est destinée :

' Le fonctionnement de la chaudière fioul est nécessaire en hiver pour le chauffage en-dessous de +4°C extérieur car les radiateurs existants ne sont pas dimensionnés pour une eau à seulement 55°C.

' Le fonctionnement de la chaudière fioul est nécessaire toute l'année pour produire l'eau chaude sanitaire et pour alimenter l'échangeur de la piscine non dimensionnés pour être alimentés par une eau à seulement 55°C.

Une absence d'étude de conception semble être à l'origine de ces anomalies, et l'ensemble de la production thermique est par conséquent à reconsidérer pour atteindre l'objectif d'origine.

[...]

Une étude aurait dû être réalisée par la société GROUP SOLAR dès la phase de conception car elle est tout à fait indispensable lorsque l'on remplace une chaudière par une pompe à chaleur avec des températures de fonctionnement différentes, comme c'est le cas ici.

Par conséquent, des modifications en profondeur sont nécessaires car le système actuel n'est pas conforme à l'usage auquel il est destiné, c'est-à-dire sans le fonctionnement de la chaudière fioul comme souhaité par Monsieur [O].

La quasi-totalité des circuits hydrauliques sont à reprendre ainsi que toutes les régulations de température pour envisager, par exemple, des appoints électriques pour pallier la température de production trop basse de la PAC (voir détails dans mon rapport définitif d'expertise).

[...]

Par ailleurs, je n'ai pas pu constater le bon fonctionnement de la PAC lors de mes opérations d'expertise en été (réunion d'expertise du 14/06/19) ni en hiver (réunions d'expertise du 10/01/20 et du 14/02/20) car l'installation était toujours en défaut.

De même pour cette raison, je n'ai pas pu complètement exploiter la campagne d'enregistrements de températures que j'ai effectuée, et cela malgré les deux convocations que j'ai transmises à la société GROUP SOLAR qui ne s'est pas déplacée cet hiver alors qu'elle était informée que son installation était en panne depuis le mois de juin 2019, et qui n'a pas été représentée non plus lors des deux réunions d'expertise de janvier et février 2020.

Compte tenu de la température de l'eau en sortie de pompe à chaleur beaucoup plus basse que celle produite par la chaudière la température de confort dans la maison et les usages ne peuvent pas être satisfaits avec seulement la PAC Airwell en fonctionnement.

Et un sérieux doute subsiste aussi sur le fonctionnement de l'installation dans sa globalité indépendamment de l'inadéquation de la température de la pompe à chaleur car icelle était toujours inopérante lors de mes opérations d'expertise, que ce soit en été ou en hiver.

[...]

La pompe à chaleur est donc restée en panne pendant tout l'hiver. Heureusement que la chaudière fioul a pu être utilisée en secours car l'entreprise Group SOLAR ne s'est pas soucié des conditions de confort de Monsieur [O]'.

Le rapport d'expertise ne permet pas d'imputer à un tiers le dysfonctionnement de l'installation.

Il résulte de ces rapports et notamment du rapport d'expertise judiciaire, argumenté et qui ne peut être réfuté, que le matériel n'est pas affecté d'un vice et que les désordres ont pour cause un défaut de conception de l'installation.

Dès lors, la résolution du contrat liant les parties ne peut pas être prononcée sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Toutefois, dans ses écritures, l'intimé soutient qu'aucune autre entreprise n'est intervenue sur l'installation, qu'aucune étude technique préalable n'a été réalisée préalablement à la signature du bon de commande, que l'installation constitue 'un ouvrage en lui-même soumis à la responsabilité décennale' (page 3), que 'le système de pompe à chaleur...reste inutilisable' (page 5). Il soutient ainsi, en se référant au vice de l'installation, le manquement contractuel de l'appelante.

La société Ed concept, en réalisant une étude technique insuffisante, en réalisant une installation non conforme au devis accepté, en réalisant une installation rendue impropre à l'usage auquel elle est destinée en raison de ses dysfonctionnements, a manqué à ses obligations contractuelles.

Ces manquements sont d'une gravité suffisante pour fonder la résolution du contrat.

L'appelante doit en raison de la résolution du contrat restitution du prix de la prestation et procéder à la remise en état de l'installation thermique telle qu'elle était avant son intervention.

Le jugement sera pour ces motifs substitués confirmé de ces chefs.

B - SUR LES DEPENS

La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.

C - SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.

Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimé de laisser à sa charge les sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.

PAR CES MOTIFS

statuant dans les limites de l'appel interjeté, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 23 août 2022 du tribunal judiciaire de Poitiers ;

CONDAMNE la société ED Concept aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société ED Concept payer en cause d'appel à [T] [O] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.