CA Toulouse, 2e ch., 2 juillet 2024, n° 22/00188
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Wellness Sisters (SARL)
Défendeur :
Naturhouse (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Martin de la Moutte, Mme Moulayes
Avocats :
Me Axisa, Me de Belval, Me Bonnaud-Chabirand, Me Cabaré
Faits et procédure
La Sas Naturhouse est le franchiseur en France du réseau, exploité sous l'enseigne Naturhouse, spécialisé dans la commercialisation de conseils et services en matière de nutrition et de diététique et d'une gamme de produits diététiques, herboristerie et cosmétiques naturels.
Le réseau Naturhouse s'est largement développé et compte aujourd'hui 438 centres franchisés.
La société Wellness Sisters a signé un contrat de franchise pour une durée de 5 ans avec la société Naturhouse, le 1er juillet 2016.
Regroupés en association à partir de l'année 2018, 232 franchisés ont interpellé le franchiseur à maintes reprises, soit individuellement, soit au travers de l'association au sujet de ses nombreux manquements au respect des termes du contrat principalement en terme de compétitivité, publicité, maillage du territoire, dialogue et loyauté, considérant que ces manquements ont porté atteinte tant à l'activité de leurs centres qu'à leur rentabilité, à fortiori depuis l'arrivée sur le marché de concurrents très actifs.
En 2020, durant la crise sanitaire, alors que les franchisés ont été touchés par des fermetures administratives liées aux confinements, la Sas Naturhouse a décidé d'organiser la vente directe en ligne de sa gamme de compléments alimentaires, puis la consultation en ligne des conseils d'une diététicienne, sans en avoir informé préalablement ses franchisés.
Sur ordonnance rendue le 29 septembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce d'Albi, suite à l'introduction d'une procédure en référé par 22 franchisés, a fait droit à la demande des franchisés et a ordonné à la Sas Naturhouse de cesser, dans les 15 jours à compter de la signification de la décision, la commercialisation de l'intégralité de ses produits sur son site internet, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Le 2 novembre 2020 la société Wellness Sisters a mis fin au contrat la liant à Naturhouse de manière anticipée, visant les différents manquements contractuels de son franchiseur.
Par un arrêt en date du 15 septembre 2021, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé l'ordonnance du juge des référé du tribunal de commerce d'Albi du 29 septembre 2020 en toutes ses dispositions.
Sur requête de la société Sas Naturhouse, tendant à obtenir le paiement de la somme principale de 7 000 euros par la société Wellness Sisters, le président du tribunal de commerce de Lyon a rendu une ordonnance portant injonction de payer en date du 27 janvier 2021.
La société Wellness Sisters a formé opposition à cette injonction de payer ; cette procédure a été transmise au tribunal de commerce d'Albi du fait d'une clause attributive de compétence.
Par acte d'huissier en date du 12 mars 2021, la Sarl Wellness Sisters ainsi que 41 autres sociétés franchisées ont fait assigner la société Sas Naturhouse devant le tribunal de commerce d'Albi et ont sollicité la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la société Naturhouse et que cette dernière soit condamnée à leur payer respectivement 75 000 euros au titre des pertes éprouvées, 30 970 euros au titre des gains manqués ainsi que la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'opposition à injonction de payer a été jointe à cette procédure.
Par jugement du 8 décembre 2021, le tribunal de commerce d'Albi a :
- débouté la société Naturhouse de l'ensemble de ses demandes,
- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Naturhouse, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 29 septembre 2020,
- débouté le franchisé de sa demande de condamnation de Naturhouse à lui payer la somme forfaitaire de 75 000 euros au titre des pertes éprouvées, le préjudice n'étant pas démontré financièrement,
- déclaré l'opposition formée par la société Wellness Sisters à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer obtenue par Naturhouse recevable en la forme, et confirme l'ordonnance sur le fond,
- condamné la société Naturhouse à payer à la société demanderesse les sommes suivantes :
- 4 742,98 euros au titre des gains manqués
- 0 euro au titre du remboursement du dépôt de garantie, déduction faite du montant des marchandises restant dues à Naturhouse.
- débouté la société Naturhouse de sa demande tendant à engager la responsabilité délictuelle de son franchisé au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale.
- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.
- condamné la société Naturhouse à payer à la demanderesse la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du cpc.
- dit que les entiers dépens de l'instance restent à la charge de la société Naturhouse, et condamne la société Naturhouse aux dépens de l'affaire jointe enrôlée sous le numéro 2021000863 taxés et liquidés à la somme de 115,34 euros, outre le coût de la signification de la présente décision.
Par déclaration en date du 10 janvier 2022, la Selarl [U] pris en la personne de Maître [L] [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Wellness Sisters a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation des chefs du jugement qui ont :
- condamné la société Naturhouse à payer à la société demanderesse la somme de 4 742,98 euros au titre des gains manqués
- débouté le franchisé de sa demande de condamnation de Naturhouse à lui payer la somme forfaitaire de 75 000 euros au titre des pertes éprouvées.
Suite à la saisine des sociétés franchisées, et par jugement en date du 11 mars 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi a :
- d'une part, liquidé l'astreinte provisoire fixée par l'ordonnance de référé du 29 septembre 2020 confirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du 15 septembre 2021 à hauteur de 253.000 euros ;
- d'autre part, prononcé une astreinte définitive de 800 euros par jour de retard pour une durée de six mois.
La société Naturhouse a saisi le premier président de la Cour d'appel de Toulouse afin de solliciter l'aménagement de l'exécution de la décision rendue à son encontre dans le litige l'opposant à la société Wellness Sisters, et par ordonnance du 13 avril 2022, le premier président a accepté de faire droit à sa demande de consignation des sommes objet de l'exécution provisoire.
Par courrier en date du 21 octobre 2022, la société Naturhouse a sommé la Selarl [U] prise en la personne de Maître [L] [U] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Wellness Sisters de lui communiquer les comptes annuels (bilans, comptes de résultat et annexes comptables) de la société au titre de ses exercices clos respectivement le 31 décembre 2016, le 31 décembre 2017, le 31 décembre 2018, le 31 décembre 2019, le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2021 le cas échéant.
Par courrier en date du 4 novembre 2022, la Selarl [U] a communiqué les pièces.
La clôture est intervenue le 8 avril 2024.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions n°3 notifiées le 29 mars 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Selarlu [U], prise en la personne de Maître [L] [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Wellness Sisters demandant, au visa des articles 1101, 1134, 1135, 1149, 1184 du code civil, dans leur version antérieure au 1er octobre 2016 pour le contrats conclus avant cette date, les articles 1103, 1104, 1194, 1224 et suivants, 1231-2 du code civil, dans leur version postérieure au 1er octobre 2016 pour les contrats conclus après cette date, de :
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Naturhouse,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté société Naturhouse de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné la société Naturhouse à réparer le préjudice subi par la société Wellness Sisters,
- l'infirmer sur le quantum des sommes allouées à la société Wellness Sisters,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la compensation des dettes marchandises et du dépôt de garantie,
- débouter la société Naturhouse de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Naturhouse à payer à la Selarlu [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Wellness Sisters les sommes suivantes :
- 32 122 euros au titre des gains manqués,
- 73 197 euros au titre de la perte de chance,
- condamner Naturhouse à payer à la Selarlu [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Wellness Sisters une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel qui s'ajoute à celle de 4 500 euros allouée par les premiers juges au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Naturhouse aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier de justice.
Elle rappelle, au soutien de sa demande de confirmation, les manquements de la société Naturhouse à ses obligations essentielles, qui n'a pas suffisamment fait la promotion du réseau, a refusé un dialogue constructif avec ses franchisés, s'est abstenue d'innover, a procédé à un maillage du territoire incohérent au préjudice de ses franchisés, ne leur a porté aucune assistance, a détourné la clientèle à travers ses succursales, et a procédé à la vente de produits sur internet ainsi qu'à des consultations de diététicienne en ligne, se livrant ainsi à une concurrence déloyale et illégale.
Sur ce dernier point, elle ajoute qu'en dépit de son refus de signer l'avenant autorisant cette vente sur internet, la société Naturhouse n'a pas cessé ses activités contraires à ses engagements contractuels.
Elle invoque en conséquence la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur, et affirme subir deux préjudices distincts dont elle sollicite réparation, à savoir des gains manqués du fait des manquements du franchiseur, et de la fin prématurée du contrat, ainsi qu'une perte de chance de non-renouvellement du contrat (qu'elle évalue à 80%).
Elle sollicite par ailleurs la restitution de son dépôt de garantie, tout en admettant être débitrice d'une dette de marchandise d'un montant équivalent ; elle estime que ces créances connexes doivent se compenser.
En réponse aux arguments adverses, elle rappelle que la résiliation du contrat aux torts de Naturhouse la prive de la possibilité de se prévaloir de la clause de non-concurrence post-contractuelles ; en tout état de cause, elle affirme que cette clause est nulle pour ne pas être suffisamment limitée dans l'espace.
Vu les conclusions n°3 notifiées le 26 février 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas Naturhouse demandant, au visa des articles 1134 ancien, 1103 et 1192 du code civil, 564 du code de procédure civile, de :
- donner acte à la Sas Naturhouse du changement d'adresse de son siège social,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Albi en date du 8 décembre 2021 en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Naturhouse, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 29 septembre 2020,
- condamné la société Naturhouse à payer à la demanderesse les sommes de 4.742,98 euros au titre des gains manqués, et 0 euros au titre du dépôt de garantie, déduction faite du montant des marchandises restant dues à Naturhouse
- débouté la société Naturhouse de sa demande tendant à engager la responsabilité délictuelle de son franchisé au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale
- condamné la société Naturhouse à payer à la demanderesse la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du cpc
- dit que les entiers dépens de l'instance restent à la charge de la société Naturhouse, et condamne la société Naturhouse aux dépens de l'affaire jointe enrôlée sous le numéro 2021000863 taxés et liquidés à la somme de 115,34 euros, outre le coût de la signification de la présente décision
- débouté la société Naturhouse de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence, statuant à nouveau :
- à titre principal,
- prononcer l'absence de fautes de la part de la société Naturhouse,
- prononcer la nullité du constat d'huissier établi le 11 juin 2020 ' pièce commune O annexée à l'assignation ' sur le fondement duquel le Juge Tribunal de commerce d'Albi a pris sa décision,
En conséquence,
- rejeter la demande de résiliation du contrat aux torts de la société Naturhouse
- débouter la Selarlu [U], représentée par Maître [L] [U], es qualité, de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- prononcer la résiliation unilatérale du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Wellness Sisters,
- déclarer les agissements de la société Wellness Sisters constitutifs de la violation de la clause de non-concurrence par la société Wellness Sisters depuis le 1er février 2021
A défaut,
- déclarer que les agissements déloyaux de la société Wellness Sisters sont constitutifs de parasitisme et de concurrence déloyale,
En conséquence,
- fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Wellness Sisters, la somme de 21 160 euros au profit de la société Naturhouse, au titre du préjudice résultant de la résiliation anticipée du contrat de franchise,
- fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Wellness Sisters la somme de 50.784 euros au profit de la société Naturhouse au titre de la violation de la clause de non concurrence,
A défaut,
- fixer au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Wellness Sisters la somme de 25.248 euros (montant à actualiser au jour du prononcé de la décision) au profit de la société Naturhouse au titre du préjudice résultant de ses agissements déloyaux,
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à considérer que la rupture du contrat de franchise a été réalisée aux torts de la société Naturhouse,
- déclarer irrecevable la demande formée par la société Wellness Sisters au titre de la perte de chance comme demande nouvelle,
- à défaut, rejeter la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance liée au non renouvellement du contrat de franchise,
- limiter la condamnation de la société Naturhouse à la somme de 3.110 euros au titre de la perte de chance du franchisé de réaliser des bénéfices (gains manqués)
- en toutes hypothèses,
- condamner la Selarlu [U], représentée par Maître [L] [U], es qualité, au paiement de la somme de 8.000 euros à la société Naturhouse au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- ordonner l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la Sarl Wellness Sisters.
La société Naturhouse conteste l'interprétation faite par le tribunal de commerce de l'article 2 du contrat de franchise ; elle affirme que la vente en ligne n'était contractuellement interdite que pour les franchisés, et non pour le franchiseur, qui bénéficiait au contraire de la possibilité d'organiser un système de type e-commerce (paragraphe E.5 du contrat de franchise).
Elle disposait en outre de la possibilité d'adapter son réseau de distribution ; il appartenait au franchisé de mettre en 'uvre ces évolutions, et de ne pas manquer à ses obligations contractuelles de ce chef.
Or, la société appelante a refusé de signer l'avenant mettant en place ces adaptations, qui lui auraient pourtant permis de percevoir une rétrocession sur les ventes réalisées sur sa zone d'implantation.
En tout état de cause elle conteste avoir manqué à ses obligations de franchiseur, et conclut à l'infirmation du chef de décision ayant prononcé la résiliation du contrat à ses torts.
Elle conteste par ailleurs les préjudices invoqués par la société Wellness Sisters.
Au titre de la perte de chance, elle invoque en premier lieu l' irrecevabilité de cette demande nouvelle, et rappelle que la société Wellness Sisters n'a pas formé appel des dispositions la déboutant de sa demande indemnitaire à hauteur de 75 000 euros. Sur le fond, elle invoque le manque de fondement du calcul présenté par l'appelante.
Elle sollicite ainsi la résiliation du contrat aux torts exclusifs de son franchisé, qui n'a pas respecté la durée contractuelle de la franchise, et qui a violé la clause de non-concurrence en exploitant la même activité que son franchiseur, détournant ainsi la clientèle.
Elle engage la responsabilité contractuelle de Wellness Sisters au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale.
Elle rappelle ensuite que le contrat rend impossible toute imputation d'une dette du franchisé sur le dépôt de garantie (article 6 H), et qu'en cas de résiliation pour toute cause imputable au franchisé, le dépôt de garantie lui est dû à titre de dommages et intérêts.
MOTIFS
Sur la demande en résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de Naturhouse
Le franchisé demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Naturhouse, au visa de l'article 1184 ancien du code civil et de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'une et l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. Le franchisé reproche huit manquements graves et répétés de Naturhouse à ses obligations, à savoir : la vente de produits sur le site internet, le maillage territorial inconséquent, l'absence d'innovation, l'absence de promotion réseau, l'absence de collaboration, le défaut total d'assistance, la consultation de diététicienne en ligne et le détournement de clientèle par les succursales du franchiseur.
Le franchisé soutient avoir alerté Naturhouse à partir de 2018, individuellement ou via l'association des franchisés regroupant 232 d'entre eux, de l'existence de manquements contractuels et de la baisse du chiffre d'affaires des centres.
Le franchisé estime que ces manquements sont d'autant plus graves que le réseau français était profitable pour Naturhouse eu égard au résultat net cumulé de plus de 52 millions d'euros entre 2013 et 2018, et que le fondateur de Naturhouse a clairement révélé dans la presse sa volonté de ne plus axer le développement de Naturhouse sur le marché européen mais plutôt sur les marchés américains et australiens.
La société Naturhouse demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé et considère n'avoir commis aucun manquement contractuel. Naturhouse soutient que l'action du franchisé s'inscrit dans le cadre d'une collusion de plusieurs franchisés ayant pour objet de mettre fin prématurément et gratuitement aux contrats de franchise. Naturhouse indique par ailleurs que les diverses références à une association de 232 franchisés a uniquement pour but de faire croire à une vague de contestation générale et ce alors que les statuts ou la liste des adhérents de ladite association ne sont pas produits.
Il se déduit des articles 1134 et 1184 du code civil applicables lors de la conclusion du contrat que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.
Le maillage territorial inconséquent
Le franchisé soutient au visa des articles 1104 et 1194 du code civil relatifs au devoir de bonne foi que Naturhouse a organisé à son seul profit le maillage territorial. Le franchisé estime que le franchiseur ne peut se borner à indiquer respecter le territoire exclusif contractuel, car l'ouverture de nouveaux centres même en dehors de ce territoire peut avoir une incidence négative sur le franchisé puisque 50 à 80% du portefeuille client de chaque franchisé se situe en dehors du territoire exclusif lié au contrat.
Naturhouse soutient qu'un manquement du franchiseur au devoir de loyauté ne peut être retenu dans le cas où les parties ont entendu contractualiser leurs droits et obligations, en l'espèce à propos de l'exclusivité territoriale, sans conférer au juge le pouvoir de modifier les clauses du contrat librement convenues par les parties en procédant in fine à une extension du territoire sur lequel le franchisé bénéficie d'une exclusivité territoriale.
Naturhouse indique par ailleurs respecter scrupuleusement les zones d'exclusivité et la cohérence dans le maillage du territoire national.
Les manquements allégués relatifs au maillage territorial doivent être analysés au regard de l'article 2 du contrat de franchise qui mentionne le territoire sur lequel le franchisé a la qualité de « franchisé exclusif » et qui renvoie à l'annexe 1 définissant ce « territoire d'exclusivité » en précisant le nom des communes concernées.
En l'espèce, le franchisé produit un document qu'il décrit comme un fichier clients faisant apparaître la liste et l'adresse des clients du centre (pièce 5). Si de nombreuses adresses correspondent à des lieux extérieurs au territoire d'exclusivité, il n'est cependant pas démontré d'empiétement par Naturhouse sur la zone d'implantation exclusive du franchisé, seul territoire contractuellement protégé.
Il n'est donc pas démontré de manquement de Naturhouse en lien avec le maillage territorial du réseau.
L'absence d'innovation
Selon le franchisé, Naturhouse a manqué à son obligation de transmission de savoir-faire actualisé en ne proposant pas d'innovation ni de produit adapté aux évolutions du secteur économique et à la concurrence exacerbée qui s'y est développée.
Naturhouse estime avoir actualisé son « visuel marketing annuel » et proposé la vente en ligne de ses produits ainsi que la consultation d'une diététicienne sur internet. Naturhouse soutient que le tribunal ne pouvait sans se contredire retenir que Naturhouse avait d'une part violé le contrat de franchise en procédant à la vente sur internet, et d'autre part manqué à son obligation de transmission d'un savoir-faire actualisé en n'ayant envisagé aucun développement digital pour l'exercice de l'activité. Naturhouse soutient qu'elle était libre en tant que franchiseur de faire évoluer son savoir-faire en créant un site internet. Naturhouse indique avoir été élue « meilleure enseigne de l'année » par le magazine Capital entre les années 2018 et 2022. Naturhouse soutient enfin que de nouveaux produits sont proposés chaque année.
Les manquements allégués à l'obligation d'innovation doivent être analysés au regard de l'article 5-B§2 du contrat qui stipule que le franchiseur doit « actualiser constamment sa gamme de services et ses méthodes de fonctionnement pour une meilleure gestion et organisation des franchises et transmettre toutes les améliorations de son ''savoir-faire'' au franchisé ».
En l'espèce, la vente sur internet ne peut être retenue comme une innovation dans la mesure où elle a été proposée par Naturhouse en violation du contrat de franchise, et que la consultation en ligne ne bénéficie pas aux franchisés et ne peut donc être qualifiée d'actualisation du savoir-faire transmis à ces derniers.
Toutefois, il résulte des « visuels marketing » des années 2018, 2019, 2020 et 2021 produits par Naturhouse que le franchiseur a modifié chaque année divers livrets, affiches et visuels destinés à la clientèle et les a proposés aux franchisés (pièce VII à IX). Naturhouse a pu valablement être confortée à propos de la pertinence de son concept en étant désignée au premier rang en 2018 et 2020 et au second rang en 2019 dans la catégorie « conseil nutritionnel » du classement de la « meilleure enseigne » réalisé par le magazine Capital à l'issue d'une enquête de satisfaction menée auprès d'un panel de consommateurs, tel qu'il est rapporté par des articles et un communiqué de presse produits par Naturhouse (pièces I à V).
Il résulte enfin des écritures du franchisé que Naturhouse a développé le nouveau produit « pack express » ; quand bien même le franchisé indique douter de la pertinence de ce nouveau service, il ne démontre pas l'inadaptation des produits Naturhouse sur le marché.
Aucun manquement de Naturhouse n'est donc établi du chef de l'absence d'innovation.
L'absence de promotion du réseau
Le franchisé soutient que Naturhouse a manqué à son obligation de promouvoir le réseau et d'assurer la notoriété de la marque en ne procédant pas aux investissements publicitaires nécessaires pour faire face à la concurrence, alors même que le résultat d'exploitation dégagé par le réseau français lui permettait de consentir ces dépenses. Le franchisé, tout en indiquant ne pas contester la communication par l'enseigne sur des supports régionaux et nationaux, regrette que cette communication se soit focalisée sur le produit « pack express » qui ne correspondait pas selon lui au concept Naturhouse en proposant une formule standardisée et expéditive.
Naturhouse indique avoir exposé au titre de la publicité des dépenses à concurrence de 6.214.950,17 € sur les années 2016 à 2020 à savoir 1.659.614,93 € HT en 2016, 1.450.871,79 € HT en 2017, 1.230.256,49 € HT en 2018, 1.432.761,03 € HT en 2019, et 441.445,93 € HT en 2020. Naturhouse soutient également que l'article 5 du contrat ne prévoit aucune obligation d'investir dans la publicité ni d'investir un montant minimum à ce titre.
L'article 5-B§3 du contrat intitulé « promotion et coopération » stipule que le franchiseur a l'obligation d'assurer l'action en faveur de la marque de la franchise, en définissant et en assurant la promotion d'une image commune de tous les centres, en coopérant dans le maintien de ladite image.
Il résulte de l'attestation comptable du 16 septembre 2021 produite par Naturhouse (pièce X) que cette dernière a engagé des actions publicitaires pour un coût considérable tel que détaillé précédemment.
Eu égard au montant des dépenses exposées par Naturhouse au titre des actions publicitaires et de communication effective sur des supports régionaux et nationaux, il ne peut être reproché à Naturhouse de manquement au titre de son obligation de promotion du réseau. Si le franchisé désapprouve la promotion du nouveau produit « pack express » elle n'en permet pas moins de communiquer autour de la marque Naturhouse. Le rang obtenu en 2018, 2019 et 2020 dans le classement précité de la « meilleure enseigne » indique en outre que la notoriété de la marque est significative.
Aucun manquement de Naturhouse n'est par conséquent caractérisé au titre de la promotion du réseau.
L'absence de collaboration
Le franchisé soutient que Naturhouse a refusé toute proposition de dialogue avec l'association ou avec le franchisé individuellement, malgré la proposition de créer trois commissions thématiques ayant pour objet de développer le réseau.
Les manquements allégués à l'obligation de coopération doivent être analysés au regard de l'article 5-B§3 du contrat intitulé « promotion et coopération » qui stipule que le franchiseur a l'obligation d' « assurer l'action en faveur de la marque de la franchise, en définissant et en assurant la promotion d'une image commune de tous les centres, en coopérant dans le maintien de ladite image ».
Le franchisé produit un courriel officiel du 16 octobre 2018 du conseil de l'association des franchisés qui indiquent ne pas se satisfaire de la réponse de Naturhouse et lui demandent de prendre en compte leurs requêtes comme le lui imposent ses obligations de loyauté et d'assistance. Les franchisés formulent des demandes à propos des actions à mener pour faire face à la concurrence et promouvoir l'enseigne et font état d'un réseau en « fort déclin » et proposent la mise en place de commissions thématiques ainsi qu'un fonds commun alimenté par le franchiseur et les franchisés pour assurer une communication nationale (pièce E).
Il n'est pas fait état de réponse à ce courrier.
Il résulte également d'un courrier produit par le franchisé (pièce 6), daté du 28 avril 2020 et adressé à Naturhouse que le franchisé a mis en demeure Naturhouse de remédier aux manquements contractuels en regrettant notamment que Naturhouse n'ait pas répondu favorablement à la proposition faite un an auparavant de créer un dialogue entre franchiseur et franchisés via trois commissions thématiques qui se seraient tenues quatre fois par an et qui auraient eu pour objet de faire évoluer les produits, d'informer le réseau et de mettre en place des campagnes et actions visant à développer la notoriété de l'enseigne.
Naturhouse ne conteste pas avoir reçu cette proposition et ne justifie pas y avoir apporté une réponse.
En ne donnant pas d'explication ni de réponse à la proposition du franchisé d'instaurer un fonds commun de communication et un dialogue ayant notamment pour objet de coopérer pour maintenir l'image de la marque comme l'impose l'article 5 du contrat de franchise, Naturhouse a manqué à son obligation de coopération contractuelle.
Le défaut d'assistance
Le franchisé soutient que le franchiseur est tenu par un devoir d'assistance ; malgré ses alertes sur la baisse d'activité et les difficultés rencontrées, Naturhouse n'a réalisé aucune visite bilan dans son centre, a opposé une fin de non-recevoir à la proposition de plusieurs franchisés de créer des commissions communes, que les documents envoyés et les réponses aux inquiétudes des franchisés pendant la crise sanitaire n'étaient pas satisfaisantes et que la vente en ligne était également une violation manifeste de son obligation d'assistance.
Naturhouse soutient que l'obligation d'assistance du franchiseur envers les franchisés est nécessairement limitée dans la mesure où le franchisé est un commerçant indépendant et qu'il s'agit d'une obligation de moyens.
Elle estime qu'il appartient au créancier de l'obligation de justifier des manquements du débiteur, et qu'en matière de franchise le franchisé ne peut engager la responsabilité du franchiseur sans relever de manquements précis.
Naturhouse soutient que le franchisé est dans l'impossibilité de démontrer avoir demandé de l'aide à la société Naturhouse au titre de difficultés qu'il aurait traversées à titre individuel.
Naturhouse dit avoir fourni mensuellement au franchisé le magazine Mag Naturhouse, avoir envoyé de réguliers mails d'information, conseils et mémos, indique procéder à une visite régulière et à une visite à la demande du franchisé, et avoir envoyé une cinquantaine de notes d'informations au franchisé lors de la crise sanitaire.
Les manquements allégués au devoir d'assistance doivent être analysés au regard de l'article 5-B§5 du contrat intitulé « Aide », selon lequel le franchiseur doit « prêter l'aide et l'assistance au franchisé, en accord avec ses demandes d'information relatives à la bonne réalisation de son activité ».
L'obligation d'assistance du franchiseur s'analyse en une obligation de moyens. Il appartient au franchiseur d'apporter la preuve de l'exécution de son obligation d'assistance envers le franchisé.
S'agissant spécifiquement de la période de la crise sanitaire, il résulte des pièces produites par Naturhouse que les divers documents adressés aux franchisés ne se limitent pas comme le soutient le franchisé à des notes relayant des informations officielles. Les nombreux mails envoyés par le franchiseur dès le 13 mars et régulièrement au début du confinement, puis avant et après la période dite de déconfinement, font en effet état d'incitations et conseils concrets pour conserver une partie de l'activité et entretenir un lien avec la clientèle, des procédés et méthodes à mettre en 'uvre lors de la reprise d'activité, outre des informations sur les aides dont peut bénéficier le franchisé. (pièce XI)
Excepté cependant la question spécifique de la crise sanitaire, le franchisé produit diverses correspondances échangées avec Naturhouse individuellement ou collectivement via des courriers, auxquels il adhère, signés du conseil de l'association des franchisés. Naturhouse ne conteste pas l'existence ni le contenu de ces courriers mais se borne à indiquer que ni les statuts ni la liste des adhérents ne sont produits, sans formellement contester l'appartenance à cette association du franchisé.
Le franchisé produit un courrier daté du 27 juin 2018 et envoyé par le conseil de l'association des franchisés. Il y est mentionné les préoccupations des franchisés à savoir le fait que les produits Naturhouse ne sont plus suffisamment innovants et compétitifs, que leurs entreprises sont en difficulté pour la majorité d'entre eux menant ainsi à une « situation alarmante » et à une « situation de crise extrêmement préoccupante », et que le réseau a enregistré un chiffre d'affaires en baisse entre 2016 et 2017 (pièce D).
Si le bordereau de pièces du franchisé vise un courrier de réponse de Naturhouse du 13 juillet 2018, la Cour relève que cette réponse n'est pas produite.
Le franchisé produit également un courriel officiel du 16 octobre 2018 du conseil de l'association des franchisés qui indiquent ne pas se satisfaire de la réponse de Naturhouse et lui demandent de prendre en compte leurs requêtes comme le lui imposent ses obligations de loyauté et d'assistance. Les franchisés réitèrent leurs demandes à propos des actions à mener pour faire face à la concurrence et promouvoir l'enseigne, font état d'un réseau en « fort déclin » et proposent la mise en place de commissions thématiques ainsi qu'un fonds commun alimenté par le franchiseur et les franchisés pour assurer une communication nationale (pièce E).
Il n'est pas fait état de réponse à ce courrier.
Le franchisé produit par ailleurs des courriers envoyés à Naturhouse à titre individuel, en l'espèce un courrier daté du 23 novembre 2018 qui réitère des griefs comparables aux courriers collectifs.
Le franchisé produit un courrier individuel valant mise en demeure de remédier aux manquements constatés, adressé à Naturhouse et daté du 2 mai 2020. Le franchisé y rappelle les alertes adressées individuellement ou collectivement au franchiseur depuis deux ans, l'existence d'une « situation alarmante et inacceptable » et l'absence de réponses concrètes et satisfaisantes par le franchiseur aux griefs du franchisé. Le franchisé fait état de craintes quant à la multiplication des « fermetures de centres et les dépôts de bilan », et dénonce le défaut d'assistance pendant la crise sanitaire aggravé par la mise en place de la vente en ligne qui constitue une « atteinte directe à la pérennité » de l'entreprise du franchisé (pièce 6).
Le franchisé produit un courrier daté du 8 mai 2020 adressé à Naturhouse par le conseil de l'association des franchisés réitérant les griefs relatifs notamment à l'assistance pendant le confinement et à la vente en ligne, et regrettant l'absence de réponse à la situation alarmante dénoncée et à la déperdition de clientèle reconnue par Naturhouse (pièce H).
Dans le courrier en réponse, daté du 11 mai 2020 et adressé par Naturhouse au conseil de l'association des franchisés, Naturhouse indique succinctement ne pas partager l'analyse des franchisés (pièce H).
Il résulte de l'ensemble de ces pièces que malgré les demandes et critiques du franchisé, adressées individuellement ou collectivement à Naturhouse sur une durée de plus de deux années, faisant état de craintes sur la pérennité du réseau, sur la baisse du chiffre d'affaires et sur le développement d'une concurrence exacerbée, le franchiseur s'est borné à une réponse de pure forme et ne démontre pas avoir adopté de réponses concrètes de nature à remédier aux craintes du franchisé.
Au contraire, en développant la vente en ligne en violation du contrat de franchise en la justifiant par l'existence d'une déperdition de la clientèle sans contester la baisse du chiffre d'affaires du réseau, Naturhouse a démontré sa connaissance des difficultés rencontrées par le réseau sans pour autant y remédier par une réponse acceptable pour le franchisé qui refusait en l'espèce de régulariser l'avenant relatif à la vente en ligne.
En ne répondant pas aux propositions des franchisés relatives notamment à la création de commissions ou à un fonds de communication nationale, Naturhouse ne s'est en outre pas saisie ni même expliquée quant aux outils suggérés par les franchisés et de nature à satisfaire à son obligation d'assistance.
Enfin, l'article 5.B.6 du contrat impose au franchiseur de « visiter régulièrement le centre, par le moyen de représentants, dans le but d'analyser ensemble tous les aspects relatifs au centre ». Le franchisé reproche à Naturhouse de n'avoir procédé à aucune « visite-bilan », et Naturhouse indique procéder à une visite régulière sans toutefois jamais en justifier.
Naturhouse a donc manqué à son obligation d'assistance envers le franchisé.
La vente de produits par le site internet
Selon le franchisé, l'article 2 du contrat de franchise s'applique aux franchisés comme au franchiseur et interdit la vente de produits par internet. Le franchisé indique que la vente en ligne est incompatible avec le savoir-faire de Naturhouse qui réside d'une part dans le suivi personnalisé hebdomadaire du client par un diététicien et d'autre part dans la vente de compléments alimentaires dans le centre Naturhouse. Le franchisé ajoute que Naturhouse a organisé la vente en ligne au mépris des termes de son courrier adressé à un franchisé le 27 mai 2019 et de sa proposition de conclusion d'un avenant régularisant la vente en ligne.
Le franchisé en déduit qu'en procédant à la vente en ligne, le franchiseur s'est livré à une concurrence illégale en enfreignant les stipulations du contrat, et déloyale en captant une partie substantielle de la clientèle des franchisés.
Naturhouse ne conteste pas avoir procédé à la vente en ligne mais estime que l'article 2 du contrat prohibant cette vente ne s'applique qu'au franchisé, car la clause est contenue dans un alinéa qui fait suite à deux alinéas s'appliquant exclusivement au franchisé. Naturhouse soutient également que l'interdiction de vente en ligne stipulée à l'article 2 concerne le seul franchisé car cette interdiction est réitérée à l'article 6-E§1 portant sur les obligations du franchisé, alors qu'elle n'apparaît pas dans l'article 5 relatif aux obligations du franchiseur. Le franchiseur estime enfin que la clause E§5 de l'article 6, qui mentionne « les actions promotion web et mailing organisées par le franchiseur », l'autorisait à organiser un système de type « e-commerce ».
Naturhouse estime par ailleurs que c'est dans le cadre de son obligation d'adaptation de son concept et de son savoir-faire qu'elle a créé un site national de e-commerce, pour faire face au risque de déperdition de la clientèle la plus jeune d'une part et aux conséquences de la crise sanitaire d'autre part, tout en faisant profiter les franchisés de rétrocessions au titre des ventes en ligne.
Naturhouse soutient enfin que le franchisé ne démontre pas la vente en ligne de produits à des clients résidant dans sa zone d'implantation exclusive, le constat d'huissier étant nul, et ce bien qu'aux termes du contrat de franchise aucune clause ne lui interdit formellement de commercialiser ses produits au sein d'une telle zone, s'agissant d'une zone d'implantation exclusive et non d'une zone de distribution exclusive.
Selon l'article 1134 du code civil applicable au contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En l'espèce, l'article 2 du contrat de franchise stipule que « la vente des produits par internet est également interdite, seule la vente directe en magasin est autorisée, compte tenu de la spécificité du concept et des produits ».
L'article 2 est intitulé « objet du contrat » et se distingue de l'article 6 expressément intitulé « obligations du franchisé », si bien que les stipulations de l'article 2 sont applicables tant à l'égard du franchisé que du franchiseur qui ne peuvent ni l'un ni l'autre procéder à la vente en ligne.
Il est donc inopérant d'affirmer comme le fait Naturhouse que cette interdiction ne s'applique qu'au franchisé au motif que la mention de l'interdiction est répétée par le seul article 6 relatif aux obligations du franchisé, et non par l'article 5 relatif aux obligations du franchiseur, dans la mesure où les stipulations de l'article 2 se suffisent à elles-mêmes pour interdire tant au franchisé qu'au franchiseur de vendre des produits sur internet.
Il importe peu, contrairement à ce que soutient Naturhouse, que la clause litigieuse soit contenue dans un alinéa inséré dans l'article 2 après deux alinéas qui s'appliquent uniquement au franchisé.
Il est également inopérant d'affirmer que l'obligation de procéder uniquement à « la vente directe en magasin » interdirait à Naturhouse de vendre ses produits aux franchisés par un autre moyen que la vente en magasin, car cette obligation de vente en magasin doit s'entendre comme concernant uniquement l'activité de vente des produits directement aux clients et n'est pas relative aux ventes de produits par le franchiseur au franchisé.
Par ailleurs, il est indifférent que le franchisé démontre ou non que la vente en ligne pouvait être destinée aux clients résidant dans son territoire d'exclusivité, dans la mesure où l'article 2 du contrat de franchise interdit toute vente sur internet, sans distinguer entre le territoire d'exclusivité ou d'autres zones.
La création d'un site internet de vente ne peut en outre, comme l'affirme Naturhouse, constituer une réponse par le franchiseur à son devoir d'adaptation et d'actualisation de son concept et de son savoir-faire, cette obligation ne pouvant être exécutée en violation d'autres stipulations du contrat de franchise comme en l'espèce l'interdiction de la vente en ligne.
L'article 6-E§5 du contrat, qui stipule que le franchisé s'engage à fournir au franchiseur les adresses de ses clients « afin de bénéficier des actions de promotion web et mailings organisées par le franchiseur », ne porte que sur des opérations publicitaires et n'autorise en aucun cas comme l'affirme Naturhouse à procéder à la vente en ligne de produits.
Naturhouse ne pouvait en outre ignorer l'interdiction de vendre les produits sur internet. D'une part, le franchisé produit un courrier du 27 mai 2019 (pièce F) envoyé par Naturhouse à un autre franchisé. Ce courrier comporte la mention suivante : « Nous ne pouvons que vous confirmer que la société Naturhouse ne commercialise pas ses produits sur internet dans les pays dans lesquels des contrats de franchise ont été signés ' et c'est le cas du marché français ' tout simplement parce que cela n'est pas compatible avec ces derniers ».
D'autre part, la proposition par le franchiseur aux franchisés de régulariser un avenant (pièce C) autorisant la vente de produits sur internet et organisant une rétrocession sur les produits vendus confirme l'incompatibilité de la vente en ligne avec le contrat de franchise initial. L'avenant prévoyait en effet notamment de remplacer à l'article 2 la mention « la vente de produits par internet est également interdite, seule la vente directe en magasin est autorisée, compte tenu de la spécificité du concept et des produits » par la mention « la vente des produits sur internet se fera exclusivement à partir du site internet du franchiseur : www.naturhouse.fr ». Cette nouvelle mention autorisant la vente en ligne, non limitée au seul franchisé et applicable également au franchiseur comme le révèle l'indication d'un site web national, confirme que l'interdiction de vente en ligne concernait elle aussi tant le franchisé que le franchiseur.
Naturhouse a donc violé l'interdiction stipulée à l'article 2 du contrat de vente de produits par internet.
La consultation de diététicien en ligne
Le franchisé soutient que Naturhouse a proposé de manière illicite, outre la vente de produits en ligne, la consultation d'un diététicien en ligne. Le franchisé estime que cette évolution est contraire au concept Naturhouse qui exige la présence continue d'un diététicien dans le centre comme le stipule l'article 6-B, et contraire à l'interdiction de distribution par internet stipulée à l'article 2.
Naturhouse ne conteste pas avoir proposé des consultations en ligne et avoir adressé un communiqué aux franchisés le 23 octobre 2020 confirmant la création d'un « nouveau service de consultations et de suivi à distance » (pièce P).
L'article 2 du contrat de franchise stipule que « la vente des produits par internet est également interdite, seule la vente directe en magasin est autorisée, compte tenu de la spécificité du concept et des produits ».
L'article 6-B§2 du contrat stipule que « l'exploitation d'un centre Naturhouse nécessite la présence continue d'une personne titulaire du diplôme d'Etat français de diététicienne ».
Selon l'article 1134 du code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
En l'espèce, le contrat de franchise n'interdit pas formellement au franchisé ou au franchiseur de proposer les consultations du diététicien en ligne et non dans les centres, l'article 2 portant spécifiquement sur l'interdiction de vente en ligne des seuls produits.
L'article 6-B§2 impose toutefois au franchisé d'assurer la présence d'un diététicien dans le centre, et l'article 2 du contrat de franchise interdit la vente en ligne des produits « compte tenu de la spécificité du concept ».
Or, le concept Naturhouse repose sur deux composantes indissociables, à savoir la consultation d'un diététicien d'une part et la vente de produits de marque Naturhouse d'autre part.
Naturhouse ne peut donc soutenir sans manquer à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi que la mise en place de la consultation de diététicien en ligne était possible, alors même que la vente en ligne de produits était interdite.
En proposant la consultation en ligne d'un diététicien, Naturhouse a donc manqué à son obligation d'exécuter le contrat de franchise de bonne foi.
Le détournement de clientèle à travers les succursales
Selon le franchisé, Naturhouse a détourné sa clientèle en indiquant aux clients ayant eu recours à la vente en ligne une adresse qui ne correspondait pas au magasin d'un franchisé mais à un centre Naturhouse, succursale du franchiseur. Le franchisé en déduit que Naturhouse a commis un acte déloyal.
Naturhouse soutient que la volonté de fidéliser le client était légitime et que Naturhouse n'avait pas connaissance de sa qualité de client d'un point de vente exploité par un franchisé.
Il résulte du courrier produit par le franchisé (pièce I) que suite à une commande en ligne, le centre Naturhouse de [Localité 4] a adressé à une cliente un courrier la remerciant pour sa commande et l'invitant à consulter la « page Facebook » nationale de l'enseigne, tout en précisant se tenir à sa disposition pour toutes questions et renseignements.
Le courrier n'est toutefois pas adressé à une cliente du franchisé partie à la présente procédure. Il n'est pas démontré que Naturhouse avait connaissance de l'appartenance de la cliente destinataire du courrier à la clientèle d'un franchisé. Le courrier litigieux se borne enfin à diriger le client vers une « page Facebook » nationale.
L'envoi du courrier consécutif à une commande en ligne n'est donc pas en soi constitutif d'un manquement de Naturhouse à son contrat de franchise mais doit plutôt s'analyser comme une conséquence de la violation des stipulations contractuelles relatives à l'interdiction de la vente en ligne.
***
Il résulte de ce qui précède que Naturhouse a manqué à l'interdiction contractuelle de vente de produits par internet et à ses obligations d'assistance, de collaboration et d'exécution du contrat de bonne foi.
La gravité des manquements est établie en raison du caractère délibéré du manquement à l'interdiction de vente en ligne que Naturhouse a mis en 'uvre en outrepassant le refus du franchisé de régulariser un avenant autorisant cette pratique.
La gravité des manquements résulte également de leur caractère répété malgré les divers courriers et la mise en demeure adressés par le franchisé à Naturhouse.
Les manquements de Naturhouse constituaient donc des violations du contrat d'une gravité telle qu'ils justifiaient la résiliation du contrat par le franchisé aux torts exclusifs de Naturhouse.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Naturhouse.
Il n'y aura en revanche pas lieu à confirmation de l'astreinte prononcée quant à cette résiliation par le premier jugement.
Sur la demande en nullité du constat d'huissier
Naturhouse demande à la cour de constater la nullité du constat d'huissier produit en pièce commune O, en soutenant que l'huissier d'une part ne pouvait initier lui-même le processus d'achat de produits sur le site internet de la société Naturhouse, d'autre part a usé d'une fausse qualité en s'appropriant les données personnelles d'une cliente figurant dans la liste des clients du franchisé concerné.
Le franchisé n'oppose aucun moyen à cette demande.
Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
L'article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers applicable à la date des faits dispose que les huissiers « peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. ».
Il se déduit de ces textes que l'huissier de justice doit se borner à des constatations matérielles et qu'il outrepasse son pouvoir dans le cas contraire.
En l'espèce, l'huissier de justice s'est engagé activement dans une démarche matérialisée par la sélection d'un client dans la liste fournie par le franchisé, en simulant une commande sur le site internet de Naturhouse et en remplissant un formulaire d'envoi à l'aide des coordonnées du client, alors qu'il eût suffit de constater la réalisation de la même opération par le client lui-même.
Par conséquent, la pièce commune O doit être annulée.
Sur la demande indemnitaire du franchisé
Le franchisé demande l'indemnisation à concurrence de la somme globale de 32 122 € au titre des gains manqués résultant d'une part des manquements du franchiseur antérieurement à la résiliation, d'autre part de la résiliation anticipée à ses torts exclusifs. Le franchisé produit à l'appui de sa demande le rapport d'un expert-comptable qui évalue selon lui ses préjudices financiers.
Il demande également à la cour de l'indemniser à concurrence de 73 197 € au titre de la perte de chance de renouveler le contrat de franchise.
Sur les demandes du franchisé au titre des gains manqués :
- Sur la demande d'indemnisation relative à la période antérieure à la résiliation du contrat
Le franchisé soutient que les manquements contractuels de Naturhouse ont conduit à une érosion du chiffre d'affaires du réseau de franchise en général. Le gain manqué correspond à une perte de marge commerciale, équivalente à la perte de marge sur coûts variables, égale à la différence entre la marge commerciale de l'année affectée par le préjudice et la marge de l'année de référence. Pour quantifier la marge sur une période comparable, les années partielles d'exercice et les fermetures administratives ont selon lui été prises en compte.
Naturhouse demande à la cour de rejeter les demandes d'indemnisation du franchisé car ni le préjudice ni le lien de causalité entre le préjudice et les manquements allégués ne sont démontrés.
L'indemnisation d'un préjudice nécessite la preuve d'un fait générateur, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.
Selon l'article 1149 du code civil dans sa version applicable au contrat, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
En l'espèce, le franchisé évoque l'existence d'un ralentissement de son activité lors de certaines années précédant la résiliation pour justifier d'un préjudice.
La cour a constaté l'existence de manquements contractuels imputables à Naturhouse.
Toutefois, le lien de causalité entre les manquements contractuels de Naturhouse et le préjudice du franchisé n'est pas démontré.
En premier lieu, les allégations du franchisé relatives à la récession significative et continue du chiffre d'affaires global de Naturhouse ne sont pas susceptibles de mettre en évidence les effets des manquements de Naturhouse sur la situation particulière du franchisé.
En second lieu, le manquement le plus significatif imputé à Naturhouse, à savoir la vente en ligne, n'a débuté qu'en avril 2020 soit postérieurement à la période de baisse de marge commerciale que le franchisé impute aux manquements de Naturhouse, à compter de 2018.
Enfin, la Cour constate qu'une pluralité des facteurs a eu une incidence sur la marge commerciale du franchisé, comme le contexte économique relatif notamment au développement d'une concurrence exacerbée dans le secteur d'activité de Naturhouse. Les résultats réalisés par les différents franchisés connaissent ainsi des évolutions variées, alors que les mêmes manquements ont été retenus à l'égard de Naturhouse.
Aucune indemnisation ne peut donc être allouée au franchisé au titre de la période antérieure à la résiliation du contrat.
- Sur la demande d'indemnisation relative aux conséquences de la résiliation anticipée du contrat
Le franchisé soutient que son préjudice de gains manqué correspond, dans la mesure où il a poursuivi son activité après la résiliation, à la perte de marge commerciale, qu'il qualifie d'équivalente à la perte de marge sur coûts variables, et qu'il calcule par la différence entre la vente et les achats de marchandises, étant tenu compte de la variation du stock de marchandises.
Naturhouse demande à la cour de rejeter les demandes d'indemnisation car ni le préjudice ni le lien de causalité entre le préjudice et les manquements allégués ne sont démontrés. Naturhouse soutient en particulier que dans la mesure où le franchisé a poursuivi son activité dans le local précédemment occupé sous l'enseigne Naturhouse, réalisant ainsi des bénéfices auxquels il n'aurait pu prétendre si le contrat de franchise s'était poursuivi, il ne peut réclamer d'indemnité pour la période restant à courir jusqu'au terme de son contrat de franchise.
Elle ajoute que le franchisé échoue à quantifier un quelconque préjudice, le rapport comptable versé aux débats se bornant à énoncer des généralités pour l'ensemble des franchisés, et n'apportant aucun chiffre précis quant à la situation individuelle de l'appelant.
Selon l'article 1149 du code civil dans sa version applicable au contrat, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
L'indemnisation d'un préjudice nécessite la preuve d'un fait générateur, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le franchisé a poursuivi une activité dans le local dans lequel il exerçait jusqu'alors sous l'enseigne Naturhouse. De ce fait, il a été en mesure d'exploiter une activité qu'il n'aurait pu exercer sans la survenance de la résiliation du contrat de franchise. Le franchisé ne peut donc justifier d'un préjudice que si le profit retiré de la nouvelle activité était inférieur aux gains manqués du fait de la résiliation du contrat de franchise. Or, le franchisé ne produit aucune pièce de nature à quantifier les résultats nets ou marges commerciales réalisés au titre de la nouvelle activité exploitée en lieu et place de l'activité Naturhouse postérieurement à la date d'effet de la résiliation à savoir en l'espèce le 31 janvier 2021.
Le franchisé sera donc débouté de sa demande relative aux gains manqués et le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la demande au titre de la perte de chance :
Le franchisé demande l'indemnisation d'une perte de chance au titre du non-renouvellement du contrat ; il fixe le coefficient de probabilité de renouvellement à 80% en raison de l'historique des renouvellements systématiques des franchisés et de la volonté du franchisé de ne pas limiter ses investissements à une durée de 5 ans.
Il sollicite que ce coefficient de 80% soit appliqué au résultat net ajusté de l'année de référence, multiplié par une durée de 5 années correspondant à un renouvellement du contrat.
Il demande en conséquence à ce titre la condamnation de Naturhouse à lui verser la somme de 73 197 €.
Naturhouse soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui ne peut être considérée comme l'accessoire ou comme tendant aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge, si bien que cette demande est irrecevable.
Le franchisé estime qu'il s'agit d'une demande qui tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge et tient aux fautes contractuelles commises par le franchiseur.
Subsidiairement, Naturhouse soutient que la perte de chance n'est pas établie dans la mesure où le franchisé a fait lui-même le choix de sortir du réseau, et que la poursuite de son activité sous sa propre enseigne vient démontrer qu'il n'avait en réalité aucune intention de solliciter un renouvellement du contrat.
Naturhouse soutient en outre que le franchisé ayant exercé une activité dans le même local au lendemain de sa sortie du réseau Naturhouse, aucune perte de chance ne peut en l'espèce être retenue.
- Sur la recevabilité de la demande
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En première instance, le franchisé avait formulé des demandes indemnitaires relatives à la période comprise entre la date de la résiliation et le terme contractuel prévu. En appel, le franchisé demande également l'indemnisation d'un préjudice résultant de la perte de chance de ne pas renouveler le contrat. Ce faisant, le franchisé se borne toutefois à soutenir une demande qui est le complément de la demande de première instance et qui poursuit la même fin d'indemnisation, sur un fondement contractuel, des préjudices causés par la résiliation anticipée du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchiseur.
Cette demande n'est donc pas nouvelle et est donc recevable.
- Sur le bien-fondé de la demande
Selon l'article 1149 du code civil dans sa version applicable au contrat, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
L'indemnisation d'un préjudice nécessite la preuve d'un fait générateur, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le franchisé a poursuivi une activité dans le local dans lequel il exerçait jusqu'alors sous l'enseigne Naturhouse. De ce fait, il a été en mesure d'exploiter une activité qu'il n'aurait pu exercer sans la survenance de la résiliation du contrat de franchise. Le franchisé ne peut donc justifier d'un préjudice que si le profit retiré de la nouvelle activité était inférieur aux gains manqués du fait de la résiliation du contrat de franchise. Or, le franchisé ne produit aucune pièce de nature à quantifier les résultats nets ou marges commerciales réalisés au titre de la nouvelle activité exploitée en lieu et place de l'activité Naturhouse postérieurement à la date d'effet de la résiliation.
Le franchisé sera donc débouté de sa demande relative à la perte de chance de renouvellement.
Sur la compensation entre le dépôt de garantie et la créance de marchandises
Le franchisé, tout en reconnaissait qu'il était débiteur d'une dette de marchandises envers Naturhouse à la date de la résiliation, rappelle que cette dette de 7 000 euros est équivalente au montant du dépôt de garantie qui devait lui être restitué par Naturhouse ; il demande la confirmation du premier jugement qui, ayant estimé ces créances connexes, a ordonné une compensation entre elles.
Naturhouse soutient que le contrat de franchise doit être résilié aux torts du franchisé, l'autorisant ainsi à conserver le dépôt de garantie en vertu de l'article 6-H du contrat de franchise.
Selon l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Selon l'article 6-H du contrat de franchise, « Ce dépôt de garantie restera aux mains du franchiseur jusqu'à l'expiration du contrat de franchise en garantie du règlement de toutes sommes que le franchisé pourrait devoir au franchiseur à l'expiration du contrat ; étant précisé qu'en cours de contrat aucune dette du franchisé ne pourra s'imputer sur le dépôt de garantie.
Le dépôt de garantie sera remboursé à l'échéance du contrat de franchise dans un délai de 3 mois, si seulement aucune somme n'est due au franchiseur.
Dans le cas de résiliation du contrat par suite d'une inexécution d'une des conditions par le franchisé ou pour une cause quelconque qui lui est imputable, le dépôt de garantie restera acquis au franchiseur à titre de premiers dommages et intérêts, sans préjudice de tous les autres. »
En l'espèce, le contrat est résilié aux torts exclusifs de Naturhouse. Il n'est pas contesté qu'à la date de la résiliation le franchisé avait contracté une dette de marchandises envers Naturhouse ayant donné lieu à une ordonnance d'injonction de payer puis à une condamnation par le tribunal de commerce. Il n'est pas allégué que cette condamnation a été exécutée.
Par conséquent, une somme étant due au franchiseur et aucune compensation n'étant possible en l'espèce, les stipulations de l'article 6-H font obstacle en l'état à la confirmation des dispositions du premier jugement ayant condamné la société Naturhouse à payer « 0 euro au titre du remboursement du dépôt de garantie, déduction faite du montant des marchandises restant dues à Naturhouse ».
La Cour constate toutefois que :
- le franchisé, qui se borne à solliciter la confirmation de la compensation ordonnée entre sa dette de marchandise et le dépôt de garantie, ne formule dans le dispositif de ses conclusions, aucune demande en restitution du dépôt de garantie ;
- les dispositions du premier jugement ayant confirmé l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Président du tribunal de commerce de Lyon du 27 janvier 2021, portant sur la créance de marchandises d'un montant de 7 000 euros, ne sont pas contestées par les parties ; la Cour n'est donc pas saisie de ce chef de décision ;
- Naturhouse sollicite dans ses conclusions la réformation des dispositions ayant ordonné la compensation.
En l'état, la Cour ne peut qu'infirmer les dispositions du premier jugement ayant ordonné la compensation entre ces créances respectives, et constater qu'elle n'est saisie d'aucune demande en paiement du dépôt de garantie, et d'aucun appel relatif aux dispositions du premier jugement relatives à la créance de marchandises.
Sur la demande en résiliation et dommages et intérêts de Naturhouse
Naturhouse demande à la cour de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé et de condamner ce dernier à l'indemniser du préjudice résultant de la rupture anticipée du contrat de franchise par le franchisé, qui a de ce fait d'une part méconnu la durée contractuellement prévue et d'autre part mis en 'uvre la résiliation de manière préméditée dans le seul dessein de mettre fin au contrat avant la survenance du terme contractuel.
Le contrat de franchise a été résilié aux torts exclusifs de Naturhouse.
Par conséquent, Naturhouse sera déboutée et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la concurrence post-contractuelle
Naturhouse demande réparation à titre principal sur le fondement contractuel en raison de la violation de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de franchise, et à titre subsidiaire sur le fondement délictuel en raison d'agissements déloyaux du franchisé.
Le franchisé soutient qu'il était libre d'assurer sa reconversion après la rupture du contrat de franchise aux torts exclusifs de Naturhouse.
Sur la demande au titre de la violation de la clause de non-concurrence
Naturhouse soutient que le franchisé, en poursuivant une activité identique immédiatement après la résiliation du contrat sous une enseigne différente, a violé l'article 11§4 du contrat de franchise, d'une part, en créant un autre établissement consacré à la même activité, et d'autre part, en détournant la clientèle du franchiseur.
Le franchisé soutient en premier lieu que la résiliation du contrat étant intervenue aux torts de Naturhouse, cette clause de non-concurrence est sans effet. En second lieu, le franchisé soutient que la clause n'interdit que la création d'un autre établissement. Enfin, le franchisé soutient que la clause est manifestement nulle. En tout état de cause, le franchisé soutient que le doute dans l'interprétation du contrat doit profiter au débiteur.
Selon l'article 11§4 du contrat de franchise, « Le franchisé s'engage pour une période d'un an, à partir de la date de fin de contrat présent, et sans tenir en compte la cause pour laquelle il a été mis fin à celui-ci, à ne pas :
- créer directement ou indirectement aucun autre établissement en France consacré à la même activité que celle du franchiseur
- détourner ou tenter de détourner des clients vers un autre établissement en concurrence avec le franchiseur
- employer ou tenter d'employer, en incitant directement ou indirectement à abandonner son emploi, une personne employée d'un autre centre.
Le manquement à cette clause donne le droit au franchiseur de réclamer des dommages et intérêts. Le franchiseur invite le franchisé à introduire dans le contrat de travail du personnel qu'il embauche une clause de non concurrence qui le préservera sur son territoire d'exclusivité, ou à proximité de celui-ci (ville, département). »
L'article 1162 du code civil applicable au contrat dispose que dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
En l'espèce, les parties s'opposent quant à l'interprétation à retenir de l'article 11§4 du contrat de franchise.
La mention de la « date de fin du contrat » ne peut être restreinte à l'hypothèse de la survenance du terme contractuellement prévu et inclut nécessairement l'hypothèse de fin du contrat résultant de la résiliation de celui-ci.
S'agissant de la création d'un établissement, la clause mentionne expressément la création directe ou indirecte d'un « autre établissement consacré à la même activité que celle du franchiseur », ce qui doit s'entendre comme le mentionne Naturhouse dans ses écritures comme un « autre lieu d'exploitation commerciale exerçant la même activité que celle de la société Naturhouse ».
En l'espèce, le franchisé s'est borné à exercer une activité dans le même local, soit dans un lieu d'exploitation commerciale identique.
Aucune violation de la clause de l'article 11§4 interdisant la création d'un établissement ne peut par conséquent être imputée au franchisé, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la validité de la clause litigieuse.
S'agissant du détournement de clientèle, l'article 11§4 stipule également que le détournement doit avoir lieu vers « un autre établissement » en concurrence avec le franchiseur.
L'existence d'un « autre établissement » n'est pas démontrée et aucun manquement du franchisé ne peut être retenu à ce titre.
Aucun manquement du franchisé n'est donc caractérisé au titre de l'article 11§4 du contrat de franchise et la société Naturhouse sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande au titre des agissements déloyaux
Naturhouse soutient que le franchisé engage sa responsabilité délictuelle en raison de faits de concurrence déloyale, par parasitisme et par confusion.
L'intimée souligne que le franchisé a poursuivi une activité exercée dès le lendemain de la résiliation sous l'enseigne Centre Diet&Bio. Le franchiseur affirme que ce centre adopte un concept s'inspirant de Naturhouse, avec des conseils diététiques et la vente de compléments alimentaires.
Naturhouse estime enfin que l'identité de locaux, de professionnels, d'activité et même de ligne téléphonique, sont autant d'élément ayant entraîné une confusion dans l'esprit de la clientèle.
- Sur le parasitisme
Naturhouse soutient que le franchisé a commis un acte de parasitisme en s'étant volontairement placé dans le sillage de Naturhouse en bénéficiant du savoir-faire et de la renommée de Naturhouse, en exerçant la même activité, en conservant le même local que celui exploité sous la franchise Naturhouse, en conservant le même numéro de ligne téléphonique, en conservant la même diététicienne, en développant un concept similaire, en captant la clientèle Naturhouse et en usurpant sa notoriété.
Le franchisé ne formule aucune observation de ce chef.
Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
En l'espèce, le franchisé a poursuivi l'exercice d'une activité dans le même local mais désormais sous l'enseigne Diet&Bio.
Le concept Naturhouse, dont il est reproché au franchisé de profiter, n'implique pour être maîtrisé aucun investissement financier, intellectuel ou commercial sinon la création d'un réseau dont le franchisé ne profite plus du fait du changement d'enseigne.
Le franchisé n'a fait que poursuivre sous une autre forme une activité après plusieurs années d'exercice du contrat de franchise, au titre duquel il a versé des redevances au franchiseur.
Le fait d'avoir conservé le même local, le même numéro de téléphone et le même diététicien ne peut être interprété comme une immixtion par le franchisé dans le sillage de Naturhouse.
Le changement d'enseigne sous laquelle le franchisé exerce son activité interdit enfin de considérer que celui-ci a usurpé la notoriété de Naturhouse.
Par conséquent, aucun acte de parasitisme ne peut être imputé au franchisé, et Naturhouse sera déboutée sur ce point.
- Sur la confusion
Naturhouse soutient que le franchisé détourne la clientèle de la société Naturhouse en créant la confusion par l'exercice de la même activité que son ancien franchiseur, au sein du même local que celui exploité sous l'enseigne Naturhouse, avec le même numéro de ligne téléphonique, par l'intermédiaire de la même diététicienne et auprès des clients de Naturhouse.
L'imitation de la prestation proposée par un concurrent n'est pas en soi fautive et ne le devient que si elle est source de confusion.
En l'espèce, le franchisé a poursuivi l'exercice d'une activité par certains points comparable à l'activité exercée auparavant sous l'enseigne Naturhouse, en conservant le même local, le même diététicien et le même numéro de ligne téléphonique.
L'exercice d'une activité par certains points comparable sous une enseigne distincte ne crée pas nécessairement un risque de confusion, même dans l'hypothèse où le franchisé a conservé les mêmes numéros de téléphone, local et diététicien.
Il ressort d'ailleurs des commentaires des clients sur internet, versés aux débats par le franchiseur, que les clients eux-mêmes évoquent un « nouveau concept », différenciant ainsi clairement cette nouvelle activité de celle exercée sous la franchise de Naturhouse.
La société intimée, qui se prévaut d'une confusion, ne verse aux débats aucun autre élément que ces avis sur internet, de sorte qu'elle échoue à démontrer une identité en terme d'activité, d'enseigne ou de visuel, créant une confusion.
Aucun fait de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle n'est donc établi à l'encontre du franchisé, et Naturhouse sera déboutée de sa demande à ce titre.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Naturhouse de sa demande tendant à engager la responsabilité délictuelle du franchisé au titre du parasitisme et de la concurrence déloyale.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Naturhouse aux dépens.
Partie perdante en cause d'appel, la société Naturhouse supportera les dépens.
La somme de 4 500 € allouée au franchisé en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile est excessive et doit être réduite. Naturhouse sera condamnée à verser au franchisé la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Naturhouse sera en revanche déboutée de ses demandes tendant à voir condamner le franchisé au titre de l'article 700, et visant à ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la débitrice.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Albi le 8 décembre 2021 sauf en ce qu'il a :
- assorti le prononcé de la résiliation d'une astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 29 septembre 2020,
- condamné la société Naturhouse à payer au franchisé la somme de 3.062,11 € au titre des gains manqués,
- ordonné la compensation entre le montant dû au franchisé au titre du dépôt de garantie, et la créance de marchandises du franchiseur ;
- condamné la société Naturhouse à payer au franchisé la somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
Déboute le franchisé de sa demande tendant à condamner la société Naturhouse à lui verser la somme de 32 122 € au titre des gains manqués ;
Annule le constat d'huissier produit en pièce commune O ;
Déclare recevable la demande formée par le franchisé au titre de la perte de chance,
Déboute le franchisé de sa demande tendant à condamner la société Naturhouse à lui verser la somme de 73 197 € au titre de la perte de chance de renouveler le contrat de franchise ;
Déboute la société Naturhouse de sa demande tendant à engager la responsabilité du franchisé au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
Condamne la société Naturhouse aux entiers dépens d'appel,
Déboute la société Naturhouse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de celle visant à ordonner l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de la société appelante ;
Condamne la société Naturhouse à verser au franchisé la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;