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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 2 juillet 2024, n° 23/01921

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA), MJS Partners (SELAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Dusch, Me Boulair, Me Deglane

CA Poitiers n° 23/01921

1 juillet 2024

Par bon de commande n°006006 en date du 5 juin 2012, Monsieur [W] [T] a conclu avec la société Planet Solaire un contrat de vente portant notamment sur l'installation et la mise en service de panneaux photovoltaïques et d'un kit intégration à son domicile, [Adresse 2] à [Localité 6].

Suivant offres acceptées le 5 juin 2012, la société Banque Solfea, mais encore la société Sygma Banque ont consenti à Monsieur [T] un crédit affecté d'un montant de 22.000 euros et ce à un taux débiteur fixe de 5,60 %, le prêt étant remboursable en 180 mensualités de 191 euros hors assurance.

Par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 25 juillet 2013, la société Planet Solaire a été placée en liquidation judiciaire.

Le 18 juillet 2022, Monsieur [T] a attrait la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance (la banque), venant aux droits de la banque Solfea et le 22 juillet 2020, la société d'exercice libéral par actions simplifiée Mjs Parners, prise en la personnne de Madame [L] [Y], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Planet Solaire (le liquidateur judiciaire) devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon.

Cette première affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 22/01190.

Le 9 décembre 2022, Monsieur [T] a fait assigner en intervention forcée la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Banque Sygma devant ce même tribunal.

Cette seconde affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 22/01884.

Dans le dernier état de ses demandes, Monsieur [T] a demandé de :

- prononcer la jonction des deux instances enrôlées sous les n° RG 22/01190 et 22/01884 ;

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre lui-même et la société Planet Solaire ;

- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Planet Solaire l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en l'état de l'immeuble à ses frais ;

- prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre lui-même et la banque ;

- constater que la banque avait commis une faute dans le déblocage des fonds et devait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes qu'il avait versées au titre de l'exécution normal de contrat de prêt litigieux ;

- condamner la banque à lui payer les sommes suivantes :

- 22.000 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;

- une somme à parfaire correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'il avait payés à la banque, en exécution du prêt souscrit ;

- 5.000 euros au titre du préjudice moral,

- 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouter la banque et Groupe Planet Solaire de l'intégralité de leurs prétentions contraires.

En dernier lieu, la banque a demandé de :

A titre liminaire, de

- se déclarer compétent pour connaître du litige,

- juger prescrites les demandes de Monsieur [T],

- juger irrecevables les demandes de Monsieur [T] faute de déclaration de créance,

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes.

A titre principal, de :

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses prétentions;

A titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats,

- juger qu'elle n'avait commis aucune faute dans le déblocage des fonds;

- juger que Monsieur [T] ne justifiait d'aucun préjudice certain, direct et personnel qui eût résulté directement d'une éventuelle faute de sa part;

A titre plus subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice des emprunteurs,

- de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 22.000 euros au titre de l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et juger que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

- de juger que le préjudice subi par Monsieur [T] s'analysait comme une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité était de l'ordre de 5%, soit la somme maximum de 1.100 euros,

- d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de chacune des parties,

En toutes hypothèses, de :

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- juger que les éventuelles condamnations prononcées le seraient en deniers et quittances ;

- condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 1.400 euros au titre des frais irrépétibles.

Quoique régulièrement assigné, le liquidateur judiciaire n'était ni comparant ni représenté.

Par jugement réputé contradictoire en date du 1er juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon a :

- ordonné la jonction des deux procédures enregistrées sous les références RG 22/01190 et RG 22/01884, sous le seul numéro RG 22/01190 ;

- constaté le désistement de Monsieur [W] [T] de son action à l'égard de la Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Solfea ;

- déclare prescrites les demandes formées par Monsieur [T] à l'encontre de la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque et de Madame [L] [Y] en qualité de mandataire liquidateur de la société Planet Solaire ;

- débouté Monsieur [T] [W] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Monsieur [T] [W] à verser à la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque une somme de 800 euros fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 7 août 2023, Monsieur [T] a relevé appel de cette décision en intimant la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque et le liquidateur judiciaire.

Les intimés n'ont pas initialement constitué avocat.

Le 12 septembre 2023, le greffe a avisé Monsieur [T] d'avoir à procéder par voie de signification.

Le 15 septembre 2023, la banque a constitué avocat.

Le 10 octobre 2023, Monsieur [T] a signifié sa déclaration d'appel au liquidateur judiciaire à domicile.

Le 6 novembre 2023 Monsieur [T] a demandé d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré prescrites ses demandes formées à l'encontre de la banque et du liquidateur judiciaire, l'avait débouté de l'intégralité de ses demandes, et l'avait condamné à verser à la banque Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque une somme de 800 euros fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant de nouveau, au besoin y ajoutant, de :

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

- prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre lui-même et la société Planet Solaire ;

- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Planet Solaire l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais ;

- prononcer en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre lui-même et la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque ;

- constater que la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, avait commis une faute dans le déblocage des fonds et devait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes qu'il avait versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux ;

- condamner la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, à lui verser l'intégralité des sommes suivantes :

- 22.000 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation ;

- une somme à parfaire correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'il avait payés à la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque en exécution du prêt souscrit;

- 5.000 euros au titre du préjudice moral ;

- 4 000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances ;

- débouter la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et la société Planet Solaire de l'intégralité de leurs prétentions contraires.

Le 9 novembre 2023, Monsieur [T] a signifié ses conclusions déposées le 6 novembre 2023 au liquidateur judiciaire à domicile.

Le 29 janvier 2024, la société Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque a demandé de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 1.400 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

A titre subsidiaire, si le jugement de première instance était infirmé,

- juger n'y avoir lieu à nullité du contrat principal conclu le 5 juin 2012 entre la société Planet Solaire et Monsieur [T] ;

- juger n'y avoir lieu à nullité du contrat de crédit conclu le 5 juin 2012 entre elle-même venant aux droits de Sygma Banque et Monsieur [T] ;

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre encore plus subsidiaire, en cas de nullité des contrats,

- juger qu'aucune faute n'a été commise par elle-même dans le déblocage des fonds ;

- juger que Monsieur [T] ne justifiait d'aucun préjudice certain, direct et personnel qui eut résulté directement d'une éventuelle faute de sa part ;

A titre infiniment subsidiaire, en cas de faute du prêteur et de préjudice des emprunteurs,

- de condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 22.000 euros au titre de l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital prêté diminué des remboursements effectués, et juger que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

- de juger que le préjudice subi par Monsieur [T] s'analysait comme une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité était de l'ordre de 5%, soit la somme maximum de 1.100 euros ;

- d'ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge de chacune des parties ;

En toutes hypothèses, de :

- débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes ;

- juger que les éventuelles condamnations prononcées le seraient en deniers et quittances ;

- condamner Monsieur [T] à lui payer la somme de 1.400 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 avril 2024.

MOTIVATION:

A titre liminaire, il sera observé qu'il est constant entre parties que l'offre de crédit acceptée ayant servi effectivement au financement du contrat principal a été souscrite auprès de la société Sygma Banque, et non pas auprès de la société Solfea, de telle sorte que Monsieur [T] a poursuivi son action contre la banque, venant au droit du premier de ces établissements de crédit, tout en se désistant de son action contre la banque, venant aux droits du second.

Sur la prescription des demandes d'annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté :

Selon l'article 2224 du Code civil,

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription ne court pas contre celui qui n'a pu agir par suite d'un empêchement quelconque

résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure.

Le point de départ du délai de prescription d'une action commence à courir à compter du moment où son auteur a pris connaissance des faits, ou a décelé les erreurs lui permettant de l'exercer.

Sur la prescription de l'action fondée sur le dol :

La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (Cass. 1ère civ., 11 septembre 2013, n°12-20.816, Bull. 2013, I, n°172).

L'examen des circonstances de l'espèce, développée plus bas, ne permet pas de caractériser en quoi l'application de cette règle porterait une atteinte disproportionnée aux droits dont les appelants jouissent en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, et tout spécialement de son article 6 garantissant le droit à un procès équitable.

Ces circonstances concrètes ne permettent pas non plus de postuler une infériorité de principe des consommateurs quant au défaut d'information ou d'exercice de leurs droits tiré du droit de l'Union Européenne, qui ne pourrait être levée qu'après la consultation alléguée d'un professionnel du droit, à une date qui ne procède que de la seule diligence des intéressés, et qui devrait être prise en compte comme point du départ du délai de prescription de leur action.

En ce que ce point de départ n'est désormais plus fixé à la date du contrat, mais doit être recherché au regard des circonstances concrète de l'espèce, la règle y afférente ne contrevient à aucune disposition du droit de l'Union Européenne ayant trait à la protection des consommateurs ou du droit issu de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme au procès équitable.

La rentabilité économique ne constitue une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article. 111-1 du code de la consommation qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel (Cass. 1ère civ., 21 octobre 2020, n°18-26.761, publié).

Monsieur [T] demande l'annulation du contrat principal, et par voie de conséquence, celle du contrat de crédit affecté, en alléguant avoir été victime d'un dol quant à la rentabilité de l'installation.

Mais la banque lui oppose la prescription affectant ces demandes, ayant selon elle couru depuis la conclusion des contrats le 5 juin 2012, et venue à échéance le 5 juin 2017.

A titre liminaire, il sera rappelé que le consommateur a signé le bon de commande le 5 juin 2012, a souscrit le crédit affecté le 5 janvier 2012, et a signé l'attestation de livraison de l'installation le 25 juin 2012.

Et il n'a assigné la banque et le liquidateur judiciaire de l'entrepreneur que respectivement le 18 juillet 2022 et le 9 décembre 2022.

* * * * *

Le consommateur soutient que la promesse de rentabilité et d'autofinancement de l'installation résulte des documents contractuels, notamment publicitaires, suffisamment précis et détaillés et ayant une incidence sur son consentement, ainsi que des déclarations du commercial de l'entrepreneur.

Monsieur [T] entend voir déduire de ce que l'offre de prêt acceptée du 5 juin 2012, comportant un report total de la première échéance de prêt de 12 mois, partie intégrante de l'opération financée, comprenant les deux contrats de fourniture et de crédit, constitue un indice de ce que l'opération aurait nécessairement dû être autofinancée.

Il argue encore que la promesse de rentabilité procède de la nature même de la chose vendue.

Même s'il ne précise pas formellement à quelle date il a eu connaissance du défaut de rentabilité alléguée de l'installation, il y aura lieu de considérer qu'en faisant référence dans ses écritures à la production annuelle constatée à compter du 9 janvier 2019, Monsieur [T] avance ainsi implicitement, mais nécessairement, que sa propre connaissance du défaut de rentabilité alléguée de l'installation n'a pu commencer à courir qu'à compter de cette date.

Il soutient qu'il appartenait à l'installateur de lui présenter la rentabilité de son produit, et de l'en informer exactement, ce en quoi ce dernier a été défaillant.

Mais d'une part, en se bornant à produire le seul bon de commande, Monsieur [T] défaille à faire la preuve des manoeuvres du commercial ou des documents publicitaires vantant la rentabilité de l'installation et son autofinancement, ayant selon lui déterminé son consentement, qui ne résultent ainsi que de ses seules déclarations.

Et d'autre part, l'examen du bon de commande, seul document ayant valeur contractuelle, ne fait pas ressortir que le consommateur avait fait de la rentabilité économique de l'installation photovoltaïque une condition déterminante de son consentement.

Car si l'offre de crédit prévoit effectivement une première phase de report d'amortissement avec intérêts d'une durée de 12 mois, non seulement ce contrat est distinct du contrat principal, quand bien même en est-il interdépendant, mais encore il ne saurait être déduit de cette phase de report le moindre indice de ce que la rentabilité de l'installation et son autofinancement avaient intégré le champ contractuel du contrat principal.

De plus, il ne résulte d'aucune disposition légale, conventionnelle ou réglementaire que la rentabilité d'une installation photovoltaïque soit par définition intégrée au contrat afférent à son achat, son installation, et sa mise en service, sans qu'aucune stipulation en ce sens ne soit nécessaire.

Enfin, à supposer que l'entrepreneur ait manqué à son obligation d'information, mais alors que la rentabilité de l'installation n'était pas intégrée au champ contractuel, cette circonstance éventuelle n'est pas de nature à permettre le report du délai de prescription de l'action en nullité du contrat principal pour dol.

Dès lors que la rentabilité de l'installation n'était pas entrée dans le champ contractuel, le consommateur ne peut pas soutenir que le point de départ de son action en nullité du contrat principal doit être reporté au jour de sa découverte prétendue de sa rentabilité réelle.

Sur la prescription de l'action fondée sur l'irrégularité du bon de commande:

S'agissant d'un contrat de démarchage à domicile, il résulte de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que le défaut d'information du consommateur par le professionnel dont le contrat ne comportant pas de mentions sur :

- les caractéristiques essentielles des biens ou services qui lui sont proposés;

- les délais et modalités de livraison des biens ou d'exécution des prestations de service ;

- les modalités de financement ;

emportent la nullité du bon de commande.

Dans un deuxième temps, le consommateur soutient que le bon de commande ne l'a pas exactement informé des caractéristiques essentielles des biens ou services, et des délais et modalités de livraison des biens ou d'exécution des prestations services, ou des modalités de son financement.

Il remarque en particulier que le bon de commande ne mentionne pas de désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, la marque des panneaux, leur poids, leurs dimensions, puissance, et prix unitaires des matériels, et de distinction entre coût du matériel et coût de la main d'oeuvre.

Il observe en outre s'agissant du délai d'exécution que le bon de commande se borne à indiquer une date de livraison avant 3 mois, dont le point de départ n'est pas indiqué, n'apportant ainsi pas d'information réelle quant à la date exacte de livraison.

Il relève enfin que si le bon de commande stipule, dans sa rubrique 'mode de règlement' que celui-ci se fera à crédit, avec un acompte à percevoir à l'expiration du délai de rétractation, aucune information n'y figure concernant le crédit affecté qui en découlera.

Mais la seule lecture du verso du bon de commande met en évidence qu'y sont reproduits exactement et intégralement les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, dans leur version alors applicable.

Par-là même, le consommateur a été ainsi pleinement informé des conséquences résultant du manquement du professionnel à son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles des biens ou services qui leur sont proposés, et des délais et modalités de livraison des biens et services, et des modalités de financement, ainsi que sur sa faculté subséquente d'exercer une action en nullité.

De plus, en souscrivant le même jour un contrat de crédit affecté, dont il n'argue pas que celui-ci ne comporte pas d'information suffisante sur sa nature, son objet, et ses modalités, Monsieur [T] était ainsi mis à même de déceler par une simple comparaison entre les deux contrats les éventuelles irrégularités grevant le bon de commande s'agissant de ses mentions relatives aux modalités de financement.

Et par sa signature du certificat de livraison le 25 juin 2012, Monsieur [T] a attesté que tous les travaux et prestations de service qui devaient être effectués à ce titre avaient été pleinement réalisés.

Dès lors, à supposer même que le bon de commande serait grevé des nullités que lui impute le consommateur, celui-ci était à même d'en prendre connaissance et d'exercer l'action y afférente à compter de la livraison réalisée le 25 juin 2012.

Ainsi, le délai de prescription de l'action de Monsieur [T] en nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté est venu à échéance le 25 juin 2017, alors qu'il n'a assigné le liquidateur judiciaire de l'entrepreneur principal que le 18 juillet 2022 et la banque, venant aux droits de la société Sygma, que le 9 décembre 2022.

Son action en nullité de ces deux contrats était donc déjà prescrite.

Il y aura donc lieu de déclarer prescrites les demandes en nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté formées par Monsieur [T] à l'encontre de la banque et du liquidateur judiciaire de l'entrepreneur principal, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires des consommateurs dirigées contre la banque :

Selon l'article 2224 du Code civil,

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription ne court pas contre celui qui n'a pu agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention, soit de la force majeure.

La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage.

Il sera renvoyé aux observations figurant plus haut, pour en retenir que comme s'agissant de l'action en nullité, les moyens présentés par les consommateurs tirés d'une atteinte à leurs droits garantis par la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme ou par le droit de l'Union Européenne, ne pourront manifestement pas prospérer aux fins d'aboutir au report du point de départ du délai de prescription de leur action à la date qu'ils revendiquent.

Et pour ce faire, il sera encore renvoyé aux circonstances développées plus bas.

Commet une faute le prêteur qui verse les fonds sans procéder aux vérifications préalables lui permettant de relever que le contrat principal est affecté d'une cause de nullité; en revanche, l'emprunteur, qui n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à la faute de la banque, demeure tenu de rembourser le capital emprunté.

Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d'une prestation de services à exécution successive, et commet une faute à l'égard de l'emprunteur le prêteur qui délivre des fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation (Cass. 1ère civ. 16 janvier 2013, n°12-13.022, Bull. 2013, I, n°6).

La libération des fonds intervient au vu d'une attestation de fin de travaux, laquelle est opposable à l'emprunteur si elle permet de vérifier l'exécution complète du contrat principal; elle lui est en revanche inopposable si son contenu ne permet pas de se convaincre d'une telle exécution complète.

Il appartient au prêteur de démontrer l'exécution du contrat principal, et non à l'emprunteur d'en démontrer l'inexécution.

L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à verser les fonds au vendeur au vu de la signature par lui du certificat de livraison du bien n'est plus ensuite recevable à soutenir, au détriment du prêteur, que le bien ne lui avait pas été livré (Cass. 1ère civ., 14 novembre 2001, n°99-15.690, Bull. 2001, I, n°280).

Le consommateur soutient qu'en qualité de dispensateur de crédit affecté, la banque serait tenue à son égard à une obligation particulière d'information et de mise en garde et à un devoir d'alerte dans le déblocage des fonds, qui, loin de se limiter au seul contrat de crédit, porterait également sur le contrat principal.

Mais la banque n'est tenue avant le déblocage des fonds qu'à la vérification de la régularité du contrat principal, ainsi qu'à la vérification de l'entière exécution de ses prestations par l'entrepreneur principal.

Ainsi, l'absence de toute obligation de la banque à l'égard des devoirs qu'entend lui imposer Monsieur [T], rend sans objet la recherche de toute éventuelle prescription de ces chefs.

Par la signature de l'attestation de livraison, le consommateur a reconnu que l'entrepreneur principal avait intégralement exécuté ses obligations, sans que le dispensateur de crédit soit tenu à cet égard à de plus amples vérifications.

Cependant, Monsieur [T] fait grief à la banque de l'imprécision et du caractère ambigu de l'attestation de livraison, puisque ne faisant pas mention de l'ensemble des caractéristiques essentielles des biens commandés, l'empêchant de procéder à toute vérification utile.

Mais il sera renvoyé aux observations figurant plus haut, pour en retenir que c'est à la date de livraison de l'installation photovoltaïque le 25 juin 2012, telle que figurant sur l'attestation de livraison, que le consommateur a été mis à même de constater les éventuelles irrégularités au code de la consommation grevant le contrat principal, et par voie de conséquence, l'éventuel défaut de vérification de la régularité du contrat principal par l'établissement de crédit.

Et il sera observé qu'à supposer même que le bon de commande ne permettrait pas de s'assurer de la complète exécution de ses obligations par l'entrepreneur principal avant la libération des fonds, Monsieur [T] se trouvait en mesure d'apprécier par lui-même, à la date de signature de cette attestation, en sa qualité de maître de l'ouvrage devant être installé et mis en service, si l'entrepreneur avait ou non entièrement exécuté ses obligations.

Il sera déduit que le consommateur a eu connaissance des éventuels dommages résultant d'un éventuel manquement de l'établissement de crédit à ses obligations le 25 juin 2012, jour de livraison des biens objets du crédit affecté, de telle sorte que c'est à cette date qu'a commencé à courir le délai de prescription de son action indemnitaire contre la banque en raison des éventuels manquements de celle-ci lors du déblocage des fonds.

Or, la prescription y afférente était acquise au 25 juin 2017, alors que l'établissement de crédit n'a été assigné par le consommateur que le 9 décembre 2022.

Il y aura donc lieu de déclarer prescrites les demandes indemnitaires formées par Monsieur [T], contre la banque et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la prescription des autres demandes par voie de conséquence :

Ensuite des prescriptions retenues affectant les demandes susdites, il y aura lieu, par voie de conséquence, de déclarer prescrites l'ensemble des autres demandes du consommateur, formées tant à l'encontre du liquidateur judiciaire de l'entrepreneur que de la banque, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes.

* * * * *

Monsieur [T] sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et condamné aux dépens de première instance et à payer à la banque la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance: le jugement sera confirmé de ces chefs.

Succombant à hauteur de cour, le consommateur sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel, et sera condamné aux entiers dépens d'appel et à payer à la banque la somme de 1400 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant:

Déboute Monsieur [W] [T] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne Monsieur [W] [T] à payer à la société anonyme Bnp Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société anonyme Sygma Banque, la somme de 1400 euros au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne Monsieur [W] [T] aux entiers dépens d'appel;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.