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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 27 juin 2024, n° 23/12936

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 23/12936

27 juin 2024

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 16

N° RG 23/12936 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIBEN

Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle

Date de l'acte de saisine : 19 Juillet 2023

Date de saisine : 17 Août 2023

Nature de l'affaire : Demande en réparation des préjudices résultant de la rupture brutale d'une relation commerciale établie

Décision attaquée : Jugement rendu le 1er février 2023 par le tribunal de commerce de Lyon sous le numéro RG 2021J1736

Demanderesse à l'incident et intimée :

S.A. SPARTOO SA à conseil d'administration, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

Ayant pour avocat postulant : Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 - N° du dossier 20230690,

Ayant pour avocat plaidant : Me Violaine AYROLE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0003

Défenderesse à l'incident et appelante :

Société NIKE RETAIL BV, société à responsabilité limitée de droit néerlandais, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands et de la société Nike France,

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 - N° du dossier 2370954

Ayant pour avocat plaidant : Me Eve DUMINY de la SAS BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

(non numérotée, 5 pages)

Nous, Laure ALDEBERT, magistrat en charge de la mise en état,

Assistée de Najma EL FARISSI, greffière,

I/ Faits et procédure

1. La société Nike Retail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands et de Nike France ( désignée ci-après Nike) a interjeté appel le 19 juillet 2023 d'un jugement du tribunal de commerce de Lyon rendu le 1er février 2023, rectifié par jugement du 28 février 2023, dans un litige l'opposant à la société Spartoo ( ci-après Spartoo) qui a statué comme suit :

' JUGE que la clause attributive de juridiction stipulée à l'article 13.2 des Conditions Générales de Vente 2015 est inopposable à la société Spartoo.

' JUGE que le règlement de l'Union Européenne n°1215/2012 du 12 décembre 2012 donne compétence.

' JUGE que les dispositions du Code de commerce attribuent une compétence exclusive au Tribunal de commerce de Lyon, en sa qualité de tribunal de commerce spécialisé, pour connaître du présent litige relatif à la rupture de la relation commerciale établie.

' DIT que les articles L.442-1, II, L.420-1 et L.441-9, I du Code de commerce s'appliquent au présent litige.

' DEBOUTE la société SPARTOO de l'ensemble de ses demandes au titre de la rupture brutale partielle comme de la rupture brutale totale de la relation commerciale établie.

' CONDAMNE la société NIKE RETAIL BV, venant aux droits et obligations des sociétés NIKE EUROPEAN OPERATIONS NETHERLANDS (NEON) et NIKE France, à verser la somme de 100.000 € à la société SPARTOO en réparation du préjudice lié à l'atteinte à son image et à sa réputation.

' JUGE que la société NEON a mis en 'uvre une entente anticoncurrentielle au détriment de la société SPARTOO et la condamne à verser à ce titre à la société SPARTOO la somme de 2.388.045 €.

' JUGE que la pratique de la facturation de la société NEON ne contrevient pas aux exigences du droit français en la matière et DEBOUTE la société SPARTOO de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

' CONDAMNE la société la société NIKE RETAIL BV, venant aux droits et obligations des sociétés NEON et NIKE France, à ses frais exclusifs à publier un communiqué faisant état du jugement dans 5 publications et 5 sites internet spécialisés au choix de la société SPARTOO.

' CONDAMNE la société la société NIKE RETAIL BV, venant aux droits et obligations des sociétés NEON et NIKE France, à payer à la société SPARTOO la somme de 25.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

' CONDAMNE la société la société NIKE RETAIL BV, venant aux droits et obligations des sociétés NEON et NIKE France, à la prise en charge des dépens de l'instance et de ses suites au titre des articles 695 et 696 du Code de procédure civile.

' MAINTIENT l'exécution provisoire de la présente décision.

2. Le 29 novembre 2023, Spartoo a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de déclarer irrecevable comme tardif l'appel formé par Nike le 19 juillet 2023.

3. L'affaire a été retenue à l'audience de renvoi le 21 mai 2024.

II/ Prétentions des parties

4. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 29 avril 2024, Spartoo demande à la cour de bien vouloir :

- Juger que la société Spartoo a signifié, le 16 mars 2023, à la société Nike Retail BV, venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 1er février 2023, rectifié par jugement du 28 février 2023 ;

- Juger l'extrême tardivité de l'appel interjeté le 19 juillet 2023 par la société Nike Retail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS, alors que le délai d'appel de trois mois de la société Nike Retail BV expirait le 16 juin 2023 ;

Par conséquent,

- Déclarer irrecevable comme manifestement tardif l'appel interjeté le 19 juillet 2023 par la société Nike Retail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS ;

- Débouter la société NikeRetail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner la société Nike Retail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS à payer à la société Spartoo la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Nike Retail BV venant aux droits de la société Nike European Operations Netherlands BV et de la société Nike France SAS aux entiers dépens.

5. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2024, Nike demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 18 et des considérants n° 3 et 30 Règlement (UE) n° 2020/1784 du Parlement Européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et des articles 117, 528, 680 et 678 du code de procédure civile, de bien vouloir :

A titre principal :

- Déclarer nuls les actes de signification délivrés par FEDEX le 16 mars 2023 ;

A titre subsidiaire :

- Juger que le délai d'appel indiqué dans les actes de signification délivrés par FEDEX le 16 mars 2023 est inopposable à NIKE ;

- Par conséquent et en tout état de cause, débouter SPARTOO de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris de sa fin de non-recevoir tendant à déclarer l'appel de NIKE irrecevable comme tardif ;

- Condamner SPARTOO à s'acquitter entre les mains de NIKE d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- La condamner aux entiers dépens.

III/ Motifs de la décision

6.Spartoo expose qu'après signification à avocat le 6 mars 2023, elle a fait procéder à la notification des deux jugements par l'huissier audiencier du tribunal de commerce de Paris Me [K] [E] conformément au règlement UE n°2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

7. Nike s'est ainsi vue signifier à deux reprises, les jugements rendus par le tribunal de commerce de Lyon, une première fois le 16 mars 2023 par envoi direct à son siège social via Fedex, puis une seconde fois le 25 avril 2023 par huissier de justice néerlandais en application des articles 18, 8 et 13 du règlement.

8. Elle fait valoir que la première signification ayant eu lieu le 16 mars 2023 selon la preuve de livraison Fedex à une personne travaillant au siège social de Nike, la société pouvait interjeter appel jusqu'au 16 juin 2023 de sorte que la déclaration appel effectué le 19 juillet 2023 est tardive et rend le recours irrecevable.

9. A cette fin elle fait valoir que la signification par la voie postale valablement effectuée pour avoir été reçue par une personne, M. [P], employée au siège social de Nike constitue le point de départ du délai d'appel.

10. Elle prétend en effet qu'il est de jurisprudence constante en droit interne et européen qu'en cas de cumul de significations quel que soit le mode utilisé, c'est la date de la première signification qui détermine le point de départ du délai d'appel et à laquelle il convient de se référer pour déterminer à l'égard du destinataire le point de départ du délai d'appel.

11. Elle en déduit que la signification par l'huissier de justice néerlandais le 25 avril 2023 est sans incidence sur le délai d'appel de Nike qui a commencé à courir à compter du 16 mars 2023.

12. En réponse Nike conteste la validité des « actes de signification « remis par Fedex le 16 mars 2023 faute d'avoir été réceptionnés par un employé de Nike et de satisfaire aux exigences prescrites par le règlement de l'union européenne précité.

13. Elle ajoute que ces « actes de signification » par voie postale sont affectés d'un second vice de nullité, en raison de la nullité de la notification du jugement entrepris entre avocat et qu'en toute hypothèse, ce délai lui était inopposable dans la mesure où elle était légitime à se fier au second délai d'appel signifié par l'huissier de justice néerlandais.

14. A cet égard elle soutient qu'en procédant à deux notifications successives, sans mention de l'existence d'une autre signification parallèle, Spartoo a renoncé tacitement mais nécessairement au bénéfice de la première notification, à tout le moins l'a induit en erreur en lui laissant croire qu'elle disposait d'un nouveau délai d'appel.

Sur la recevabilité de l'appel

15. La société Spartoo a pris l'initiative de faire délivrer cumulativement deux significations des jugements rendus par le tribunal de commerce de Lyon au siège social de Nike aux Pays Bas, par voie postale et par huissier de justice par référence au règlement UE n°2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification internationale.

16. Elle soutient que la signification effectuée par voie postale adressée par Transport Fedex en premier lieu le 16 mars 2023, détermine le point de départ du délai d'appel de Nike, sans pouvoir tenir compte de la seconde remise de l'acte, réalisée postérieurement par huissier de justice néerlandais.

17. Nike conteste la validité de la signification intervenue par voie postale et le point de départ du délai d'appel.

18. Toutefois à supposer que la notification par voie postale le 16 mars 2023, ait été faite en conformité avec le règlement précité et soit valable, le second acte reçu par l'intermédiaire d'un huissier de justice néerlandais le 25 avril 2023 dans le délai de recours ouvert par la première notification, a fait courir un nouveau délai d'appel à compter de sa date.

19. Il ressort en effet de la procédure , qu'en recevant de la part de Spartoo, une seconde fois la notification des jugements rendus par le tribunal de commerce Lyon mentionnant un autre délai d'appel, Nike a pu se méprendre sur l'information reçue et croire, en étant bien fondée à considérer que les indications consignées par l'huissier de justice néerlandais étaient exactes, qu'elle disposait d'un délai d'appel plus long, qui expirait le 25 juillet 2023.

20. L'appel formé le 19 juillet 2023 suite à la signification intervenue le 25 avril 2023, est en conséquence recevable.

21. Pour ce motif et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres demandes, la société Spartoo sera déboutée de sa demande.

Sur les frais et dépens

22. Les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de ceux de l'instance d'appel.

IV / Dispositif

Par ces motifs, le magistrat en charge de la mise en état :

1) Rejette la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel ;

2) Déclare l'appel formé par Nike Retail Bv recevable ;

3) Dit que les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile suivront le sort de ceux de l'instance d'appel.

Ordonnance rendue par Madame Laure ALDEBERT, magistrat en charge de la mise en état assistée de Madame Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcén de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Paris, le 27 Juin 2024

La greffière, Le magistrat en charge de la mise en état,

Copie au dossier

Copie aux avocats