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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 2 juillet 2024, n° 22/07322

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GP Investissements (SARL)

Défendeur :

Money (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Vice-président :

Mme Clément

Conseiller :

Mme Jeorger-le Gac

Avocats :

Me Gonet, Me Denis

CA Rennes n° 22/07322

1 juillet 2024

FAITS

La société MONEY bénéficiait d'un bail commercial consenti par les consorts [E] pour exploiter un fonds de commerce d'agence immobilière [Adresse 2] à [Localité 7].

Envisageant la cession de cette branche d'activité, son avocat Me [F] [P] l'a mise en relation avec un de ses clients, M. [B] [V].

La société MONEY a reçu, le 1er mai 2022, de la société GP INVESTISSEMENTS prise en la personne de sa représentante légale Mme [V], une offre d'achat de sa branche d'activité immobilière.

La société MONEY indique que le 19 mai 2022, elle a régularisé avec la société GP INVESTISSEMENTS une promesse de cession de fonds de commerce improprement intitulée 'pas de porte' moyennant un prix de 135 000 euros soit 13 500 euros pour les éléments corporels et 121 500 euros pour les éléments incorporels. Cette promesse de cession a été établie par Me [P] par acte d'avocat. Le 15 juin 2022 les parties ont régularisé un avenant à la promesse établi par acte d'avocat de Me [P], comprenant une baisse de prix de 20 000 euros portant le prix de cession à la somme de 115 000 euros soit 13 500 euros pour les éléments corporels et 101 500 euros pour les éléments incorporels. Cet acte a été enregistré au Service de la publicité foncière le 22 juillet 2022.

En raison de l'existence du bail notarié, la réitération de la vente devait être effectuée par notaire. Les parties ont convenu qu'elle interviendrait le 1er août 2022.

Dans l'attente, l'original du compromis a été conservé par le rédacteur de l'acte Me [F] [P], séquestre du prix de cession.

La société GP INVESTISSEMENTS ne s'est pas présentée au RDV du notaire le 1er août 2022.

Un procès-verbal de carence a été dressé.

La société MONEY a été autorisée à assigner la société GP INVESTISSEMENTS à bref délai devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire pour l'audience du 28 septembre 2022 aux fins de voir juger la vente parfaite.

Le 28 septembre 2022, le tribunal avant dire-droit, a ordonné la communication par l'avocat rédacteur des originaux des pièces suivantes :

- L'offre d'achat du 1 er mai 2022,

- Le compromis du 19 mai 2022,

- L'avenant du 15 juin 2022 et les éventuelles annexes.

Cette demande n'a pas été satisfaite.

La société GP INVESTISSEMENTS qui contestait la signature apposée sur l'avenant et l'existence du compromis n'a pas engagé de procédure d'inscription de faux.

Par jugement du 16 novembre 2022 le tribunal a :

- Jugé que :

- devant le refus d'inscription de faux par GP INVESTISSEMENTS envers Me [P] rédacteur de l'acte d'avocat, les actes querellés sont reconnus entre les parties,

- la vente de la branche d'activité immobilière du fonds de commerce est parfaite entre MONEY et GPI, en date du 15/06/22 (date de versement du premier acompte), et que le jugement vaut acte de cession,

- Condamné en conséquence GP INVESTISSEMENTS :

- à verser à MONEY la somme de 115 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15/06/22,

- à effectuer toutes les formalités juridiques de la cession, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'une semaine suivant la signification du présent jugement,

- Rejeté les demandes de MONEY relatives à des dommages et intérêts complémentaires,

- Rejeté les demandes reconventionnelles de GP INVESTISSEMENTS relatives:

- à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de MONEY,

- au titre de dommages et intérêts,

- au titre d'un sursis à statuer,

- au titre d'une consignation des sommes qu'elle devrait,

- à la non-exécution provisoire de la décision qui est ordonnée.

- Rejeté la demande de MONEY relative à des frais de recouvrement sur la base de L 441-10 ll du code de commerce,

- Condamné GP INVESTISSEMENTS à verser à MONEY 8000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens,

- Liquidé les frais de greffe a la somme de cent vingt euros quarante-quatre centimes dont TVA vingt euros sept centimes.

La société GP INVESTISSEMENTS a interjeté appel du jugement le 16 décembre 2022.

La société MONEY a procédé à la saisie attribution des sommes dues sur les comptes bancaires de la société GP INVESTISSEMENTS.

Suivant assignation du 4 janvier 2023 la société GP INVESTISSEMENTS a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Fontainebleau à l'effet de voir ordonner le séquestre de la somme de 124.472.03 euros saisie sur ses comptes.

Par jugement du 7 mars 2023 le juge de l'exécution a déclaré cette demande irrecevable. Le jugement a fait l'objet d'un appel devant la cour d'appel de Paris.

La société GP INVESTISSEMENTS a saisi le premier président de la cour d'appel de Rennes aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement, et subsidiairement la consignation de la somme de 115.000 euros et encore plus subsidiairement la production d'une garantie équivalente par la société MONEY.

Par ordonnance du 4 avril 2023 le premier président a déclaré irrecevables les demandes formées par GP INVESTISSEMENTS.

La société GP INVESTISSEMENTS a pris possession des clés du local sis [Adresse 2] à [Localité 7] le 18 janvier 2023.

Suivant acte du 12 janvier 2023, les bailleurs ont fait délivrer à la société MONEY une sommation d'exploiter visant la clause résolutoire.

Suivant acte du 15 juin 2023 les consorts [E] ont fait notifier à la société GP INVESTISSEMENTS et à la société MONEY un commandement avec sommation visant la clause résolutoire pour défaut de paiement de la somme de 28 170, 71 euros (loyer annuel du 15 mai 2023 au 15 mai 2024 payable d'avance selon contrat).

Suivant actes des 20 et 25 juillet 2023 les bailleurs ont fait assigner la société GP INVESTISSEMENTS et la société MONEY devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de d'expulsion et condamnation à l'arriéré de loyers et au titre d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance du 21 novembre 2023 le juge des référés a :

Constaté l'existence d'une contestation sérieuse faisant obstacle à la mise en cause de la société GP INVESTISSEMENTS,

Constaté l' acquisition de la clause résolutoire insérée au bail portant sur des locaux sis [Adresse 2] et de ce fait la résiliation du bail au 17 juillet 2023 ;

En conséquence :

Ordonné l'expulsion de la société MONEY et de tous occupants et biens de son chef de l'immeuble loué et ci-dessus mentionné à défaut de libération volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance et ce au besoin, avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier Dit que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à application des articles L 433-1 et s. et R 433-1 et s. du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamné la société MONEY au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle s'élevant à la somme mensuelle de 2.347.555 euros à compter du 17 juillet 2023 et jusqu'à complète libération des lieux, toutes taxes en plus;

Condamné la société MONEY à payer aux consorts [E] la somme provisionnelle de 28 170,71 euros au titre de l'arriéré des loyers et charges,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées au titre de la clause pénale (majoration de 10% des sommes dues et majoration de 4 points du taux d'intérêt légal) ;

Condamné la société MONEY aux entiers dépens, en ce compris les frais du commandement, te cout de levée des inscriptions et de notification aux créanciers inscrits.

Condamné la société MONEY à payer aux consorts [E] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire;

Rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Un appel contre cette ordonnance est en cours devant la cour d'appel de Rennes.

La société MONEY a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Saint- Nazaire du 17 avril 2024.

La SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE désignée en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire est intervenue à la procédure

L'ordonnance de clôture est en date du 14 mai 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 6 mai 2024 la société GP INVESTISSEMENTS demande à la cour au visa des articles 303 à 316 du code civil, 1374 du code civil,1112-1, 1169 et 1130 du code civil, L 141-2 du code de commerce, L 141-23 du code de commerce, L 141-14 du code de commerce de

- Déclarer recevable et bien fondé l'appel de la société GP INVESTISSEMENTS ;

- Débouter la SCP Philippe DELAERE liquidateur de la société MONEY de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Infirmer le jugement du 16 novembre 2022 du tribunal de commerce de Saint-Nazaire ;

- Prononcer la nullité de l'acte du 15 juin 2022 et en tout cas son annulation;

- Condamner la SCP Philippe DELAERE liquidateur de la société MONEY la somme de 69.220,99 euros ;

Vu la déclaration de créances du 24 avril 2024 :

- Fixer au passif la créance de la société GP INVESTISSEMENTS au passif de LA SAS MONEY :

. à la somme de 115.000,00 euros sous déduction de la remise des fonds par SCP Philippe DELAERE liquidateur de la société MONEY au titre de la cession

. à la somme de 22 988,17 euros versée à titre d'un acompte à valoir

. à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

- Condamner la SCP PHILIPPE DELAERE au règlement de la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel

Dans leurs écritures notifiées le 7 mai 2024 la SAS MONEY et la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE es qualité de liquidateur demandent à la cour de au visa des articles 907, 802 et 803 du CPC, de :

- Débouter la société GP INVESTISSEMENTS de toutes ses demandes fins et conclusions,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y additant,

Vu les articles 1234-1 et suivantes du code civil,

- Condamner la société GP INVESTISSEMENTS à verser à la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIES es qualité la somme de 45 779,01 euros,

- Condamner la société GP INVESTISSEMENTS à garantir à la société MONEY de toutes les sommes qu'elle doit en exécution de l'ordonnance de référé en date du 21 novembre 2023,

- Condamner la société GP INVESTISSEMENTS à verser à la société MONEY la somme de 6800 euros au titre de l'article 700 du CPC outre les dépens d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

DISCUSSION

La cession

Les parties versent aux débats :

- L'offre d'achat de Mme [V] à la société MONEY du 1er mai 2022 concernant le fonds de commerce, pour le prix de 135 000 euros ;

- La copie de la promesse de cession 'd' un pas de porte ' de la SAS MONEY à la SARL GP INVESTISSEMENTS datée du 19 mai 2022, non signée ;

- La copie de l'avenant d'une promesse de cession 'd' un pas de porte ' de la SAS MONEY à la SARL GP INVESTISSEMENTS datée du 15 juin 2022 signée par les parties cédant et cessionnaire.

Le compromis et l'avenant ont été établis par acte d'avocat, Me [P], le conseil à la fois de la société MONEY et de la société GP INVESTISSEMENTS lequel a contresigné l'avenant.

Conformément aux dispositions de l'article 1375 du code civil cet acte fait foi de l'écriture et de la signature des parties à leur égard à défaut pour la société GP INVESTISSEMENTS d'avoir usé de la procédure de faux prévue par le code de procédure civile.

Bien que le compromis ne soit pas signé, l'avenant qui reprend à l'identique les clauses figurant au compromis suffit à établir le caractère parfait de la vente.

Comme le retient le premier juge le compromis et l'avenant détaillent l'objet de la convention, les déclarations des parties, les charges et conditions de la vente, les diagnostics légaux, le prix convenu, les déclarations de sincérité, la renonciation à l'imprévision, la remise des titres et formalités liées aux annexes.

Dans la mesure où l'avenant reprend les mentions figurant au compromis et contient les énonciations requises pour la validité d'une cession d'un fonds de commerce, l'avenant vaut vente quand bien même cet acte devait être réitéré devant notaire.

La vente est donc parfaite entre la société MONEY et GP INVESTISSEMENTS à compter du 15 juin 2022 date à laquelle les parties se sont accordées sur le prix à hauteur de 115 000 euros.

Le versement par la société GP INVESTISSEMENTS le 15 juin 2022 de la somme de 22 988,17 euros en paiement du prorata de loyer versé d'avance par la société MONEY et l'enregistrement effectué par Me [P] en registre au Service de la publicité foncière et de l'enregistrement le 20 juillet 2022 qui rend la vente opposable aux tiers, confirment l'accord des parties sur le prix et la chose.

Le notaire a fait parvenir aux cédant et cessionnaire un projet d'acte qui reprend les clauses de l'avenant. La société GP INVESTISSEMENTS qui ne s'est pas rendue au RDV fixé pour la réitération obligeant le notaire à rédiger un procès-verbal de carence, ne peut donc se plaindre de l'absence d'acte notarié.

Pour soutenir la nullité de la vente la société GP INVESTISSEMENTS soulève plusieurs moyens.

1) Les énonciations

Au visa des dispositions des articles L 141-1 et L 141-2 du code de commerce la société GP INVESTISSEMENTS affirme qu'elle n'a pas été destinataire d'un document présentant les chiffres mensuels réalisés entre la clôture du dernier document comptable le mois précédent celui de la vente ainsi que les livres de comptabilité des trois exercices comptables précédents la vente.

Elle fait valoir que ces omissions masquent l'exercice déficitaire du fonds de commerce.

La loi du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés, dite « loi Soilihi », a abrogé l'article L. 141-1 du code de commerce, qui impose des énonciations obligatoires dans l'acte de vente d'un fonds de commerce, cette abrogation s'appliquant aux cessions intervenues à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel, à savoir le 21 juillet 2019 (L. no 2019-744 du 19 juill. 2019, art. 1er, JO 21 juill.).

Le compromis et l'avenant renvoient pourtant à cet article qui prévoyait :

Dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce, consentie même sous condition et sous la forme d'un autre contrat ou l'apport en société d'un fonds de commerce, sauf si l'apport est fait à une société détenue en totalité par le vendeur, le vendeur est tenu d'énoncer

1° Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;

2° L'état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

3° Le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;

4° Les résultats d'exploitation réalisés pendant le même temps ;

5° Le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant, s'il y a lieu.

II. - L'omission des énonciations ci-dessus prescrites peut, sur la demande de l'acquéreur formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente.

L'article L 141-2 du code de commerce précise en outre que :

Au jour de la cession, le vendeur et l'acquéreur visent un document présentant les chiffres d'affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente.

Pendant une durée de trois ans à compter de l'entrée de l'acquéreur en jouissance du fonds, le vendeur met à sa disposition, à sa demande, tous les livres de comptabilité qu'il a tenus durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

. Les chiffres d'affaires et les résultats d'exploitation

La promesse de cession du 19 mai 2022 et l'avenant du 15 juin 2022 comportent la même clause.

Sur le chiffres d'affaires et les résultats :

La société MONEY es qualité, es qualité, déclare sur le chiffre d'affaires et les résultats commerciaux :

- qu'elle a communiquer aux personnes intéressées, pour formuler des offres d'acquisition dudit fonds, le montant du chiffre d'affaires et du résultat réalisés par le débiteur dans ladite exploitation.

- qu'elle a satisfait aux dispositions de l'article L141-1 du Code de commerce.

- qu'elle ne lui a pas remis sa comptabilité et que les chiffres d'affaires exacts lui ont été communiqués, ainsi que les résultats exacts. Par suite, les parties déclarent n'avoir pu viser les livres de comptabilité. ll est de même si impossible de satisfaire aux dispositions de l'article L 141-2 du Code de commerce.

Elle atteste avoir formulé son offre en toute connaissance de cause, sur la seule considération de l'intérêt qu'il portait, et de la valeur attribuée par lui audit fonds, dans l'absence des renseignements problèmes ci-dessus exprimés.

Par ailleurs est annexé aux présentes :

- l'attestation de l'Expert comptable de la société MONEY concernant l'année 2018 à 2020 (Annexe 7).

Le Cessionnaire déclare faire son affaire personnelle de ces informations.

La société GP INVESTISSEMENTS qui a sollicité son propre conseil pour établir le compromis et l'avenant a avalisé la mention selon laquelle MONEY avait satisfait aux dispositions de l'article L 141-1 du code de commerce en faisant des informations communiquées son affaire personnelle.

Elle ne démontre pas que les omissions qu'elle dénonce ont vicié son consentement malgré sa sommation de communiquer du 18 septembre 2023 restée infructueuse, ni qu'elle ait subi un préjudice puisqu'elle a pu obtenir une réduction du prix de vente.

En outre le tribunal de commerce dans son jugement du 17 avril 2024 qui prononce la liquidation judiciaire de la société MONEY a fixé la date de la cessation des paiements au 21 novembre 2023, postérieurement à la signature de l'avenant ce qui indique qu'au moment des échanges la société MONEY et donc le fonds de commerce, n'étaient pas encore en cessation des paiements.

Au 15 juin 2022 aucun élément ne permet donc d'affirmer que le fonds de commerce n'avait plus d'activité ni que la contre-partie du prix était illusoire.

Sur ce point la société GP INVESTISSEMENTS considère que sa gérante, Mme [V] non titulaire de la carte T obligatoire pour l'exercice professionnel de transactions immobilières ne pouvait pas exploiter le fonds de commerce.

Cette situation n'interdisait pas à la société GP INVESTISSEMENTS de réaliser des transaction immobilières exigées par les bailleurs, puisque le compromis et l'avenant prévoient que la SARL GP INVESTISSEMENTS peut se faire substituer par toute société de son choix.

La société GP INVESTISSEMENTS affirme également qu'elle n'est pas titulaire d'un bail en cours de validité.

Au 15 juin 2022 il l'était encore.

La résiliation judiciaire du bail commercial n'a été constatée que par ordonnance du juge des référés du 21 novembre 2023 avec effet au 17 juillet 2023 soit plus d'un an après l'avenant du 15 juin 2022. Elle est au demeurant motivée par l'absence de paiement des loyers du 15 mai 2023 au 15 mai 2024 alors que la société GP INVESTISSEMENTS était déclarée cessionnaire par le tribunal de commerce dès le 16 novembre 2022 et avait pris possession des lieux le 18 janvier 2023 par la remise des clés du local.

Les moyens tirés de l'absence de respect des conditions exigées par les articles L 141-1 et L 141-2 du code de commerce ne sont pas fondés.

. L'état des privilèges et nantissements grevant le fonds

Le fonds de commerce faisait objet de nantissements comme le montre les inscriptions dont un état à été établi le 16 juin 2022 et transmis à Me [P]:

- Au profit de la société Générale depuis le 28 juin 2017 pour la somme de 45 000 euros ;

- Au profit de la Banque Tarnaud depuis le 19 août 2019 pour la somme de 35 000 euros.

Pour autant la société GP INVESTISSEMENT ne peut soutenir avoir été abusée.

L'avenant comporte des mentions se rapportant à ces inscriptions :

Sur les inscriptions de privilèges et nantissement

La société MONEY es qualité déclare que le fonds est grevé des inscriptions suivantes :

Nantissement du fonds de commerce à hauteur de 45 000 euros au profit de la Société Générale.

Nantissement du fonds de commerce à hauteur de 35 000 euros au profit de la Banque TARNAUD Ainsi qu'il en est justifié par un état délivré par le Greffe du Tribunal de commerce qui sera annexé (annexe 6).

Le cessionnaire pourra saisir le Juge Commissaire pour faire prononcer la radiation des inscriptions , le paiement complet du prix entrainant la purge des inscriptions grevant le fonds vendu en vertu de l'article L642-12 du code de commerce.

La société GP INVESTISSEMENTS ne démontre pas que l'annexe 6 ne lui a pas été remise, l'acte contresigné par Me [P] faisant foi du contraire.

L'intervention de Me [P] conseil de la société GP INVESTISSEMENTS démontre bien que le cessionnaire a veillé à obtenir du cédant toutes les informations utiles pour la reprise de l'affaire.

Du reste elle pouvait s'en convaincre puisque de nombreuses informations sont publiques ou peuvent être connues par ailleurs tels que l'état des privilèges et nantissements grevant le fonds.

Elle ne peut donc se plaindre d'une absence de règlement des dettes faisant l'objet de ces inscriptions au jour de la cession puisqu'il lui appartenait de refuser d'acquérir le fonds si elle suspectait une situation trop dégradée.

Ce contexte lui a d'ailleurs permis d'obtenir une réduction du prix de vente de 20 000 au moment des échanges.

Il n'appartenait pas non plus à la société MONEY d'appeler les créanciers inscrits à l'acte de cession devant le tribunal de commerce dans la mesure où ils peuvent seulement faire valoir leurs droits par l'opposition au paiement du prix dans le délai de 10 jours qui suit la publication au BODACC de la cession.

Le moyen tiré de l'absence de respect des conditions exigées par l'article L 141-1 du code de commerce n'est pas fondé.

2) Les salariés

La société GP INVESTISSEMENTS signale que la société MONEY n'a pas respecté les dispositions de l'article L 141-23 du code de commerce alors qu'elle possédait un salarié au moment de la cession. Elle affirme qu'il s'agit de l'époux de la dirigeante de la société MONEY.

Le texte prévoit une information préalable des salariés sur la volonté du propriétaire du fonds de le céder. Lorsque l'information est transmise, la vente doit intervenir dans le délai de deux ans après l'expiration du délai de deux mois et ce n'est que lorsque chacun des salariés a manifesté son refus que la vente peut s'envisager.

La société GP INVESTISSEMENTS ne peut se contenter d'affirmer qu'un solde de salaire aurait été réglé sur les sommes détenues par le notaire pour démontrer l'existence d'un salarié alors que les intimées affirment que la société MONEY n'en possédait pas.

En tout état de cause la société GP INVESTISSEMENTS n'est pas recevable à opposer ce moyen à la société MONEY. En cas de méconnaissance de ces dispositions en effet, seule une action en responsabilité civile peut être envisagée à l'encontre du cédant employeur.

Le moyen tiré du défaut d'information des salariés n'est pas fondé.

3) Les bailleurs

La société GP INVESTISSEMENTS dénonce l'absence des bailleurs à l'acte de cession ainsi que devant le tribunal de commerce.

La promesse de cession et l'avenant indiquent que M. et Mme [E] bailleurs des locaux désignés seront informés de cette cession.

Ils comportent également une clause relative à l'information des bailleurs.

L'avenant indique ainsi :

Sur l'intervention des bailleurs

Par attestation, les bailleurs devront :

- Avoir été informés de la cession projetée du fonds de commerce au profit de la société GP INVESTISSEMENTS Cessionnaire aux présente ou toute personne morale qu'elle souhaiterait se substituer ;

- Donner leur consentement expiés à ladite cession, les conditions requises par le bail étant réunies, et accepter la société GP INVESTISSEMENTS ou toute personne morale qu'elle souhaiterait se substituer, comme seul locataire à compter de la date d'effet de l'acte de cession définitif étant précisé que celle-ci devra respecter toutes les clauses, charges et conditions du bail sus énoncé ;

- Avoir parfaitement connaissance des dispositions des articles L145-16-1 et -2 du Code de Commerce issus de la Loi Pinel du 13 juin 2014, applicables à la situation présente, lesquels stipulent ce qui suit :

...

- Indiquer vouloir ou ne pas vouloir être présents à la signature de l'acte de cession du fonds précipité ;

- Dispenser expressément que ladite cession leur soit signifiée par acte extrajudiciaire mais demander qu'une simple copie de l'acte de cession soit transmise après l'exécution des formalités d'enregistrement auprès de l'administration fiscale (Annexe 5)

La présente cession sera notifiée au bailleur par les soins du rédacteur des présentes en application des dispositions de l'article 1327-1 du code civil afin qu'elle lui soit opposable.

Dans leur assignation devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire à l'encontre des sociétés GP INVESTISSEMENTS et MONEY les consorts [E] confirment qu'ils ont été informés de la volonté de la société MONEY de céder le droit au bail commercial au profit de la société GP INVESTISSEMENTS.

En tout état de cause l'absence d'intervention des bailleurs à l'acte de cession n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la cession. Elle n'aurait pour incidence juridique que de rendre cette cession inopposable aux bailleurs.

Il n'appartenait pas non plus à la société MONEY d'attraire les bailleurs devant le tribunal de commerce dans le cadre de son assignation de la société GP INVESTISSEMENTS pour faire reconnaître le caractère parfait de la cession.

Le moyen tiré de l' absence des bailleurs n'est donc pas fondé.

La vente est donc régulière.

Le jugement est confirmé de c chef.

Le séquestre

La société GP INVESTISSEMENTS considère que le prix de vente de 115 000 euros devait rester entre les mains de l'acheteur ou d'un séquestre pour permettre aux deux créanciers inscrits de faire valoir leurs droits.

Elle dénonce également l'absence de réalisation des formalités de vente par le notaire et estime donc que les demandes de la société MONEY étaient irrecevables.

La société GP INVESTISSEMENTS qui s'interroge sur la compétence du tribunal de commerce de Saint Nazaire a cependant omis de soulever cette exception in limine litis devant le tribunal de commerce. Elle ne le fait pas non plus devant la cour d'appel.

La chronologie des événements dont elle se plaint ne résulte que de sa propre position.

Le projet d'acte notarié rédigé par Me [U] qui a été transmis à la société GP INVESTISSEMENT le 29 juillet 2022 rappelle les modalités de paiement du prix de cession et les obligations du notaire :

En conséquence, la somme de CENT ONZE MILLE DEUX CENT SOIXANTE -DIX-SEPT EUROS (111.277,00 euros) payée comptant, dont il a été parlé plus haut sous le titre Paiement du prix", a été à l'instant même remise par le cédant, du consentement du cessionnaire, entre les mains du notaire soussigné qui en est constitué séquestre.Lequel reconnaît le présent montant et consent à en demeurer charge, à titre de séquestre dépositaire, dans les conditions suivantes.

Cette somme ainsi remise au séquestre demeurera affectée à titre de gage et de nantissement au profit du cessionnaire pour lui garantir le rapport des mainlevées et radiations de toutes inscriptions, oppositions et autres empêchements quelconques. Le séquestre ne pourra remettre ladite somme au cédant que sur justification qu'il n'existe plus aucune inscription sur le fonds.

Et que les opposition sou saisies effectuées conformément aux dispositions légales, ont été levées et que notamment tous les impôts relevant de l'article 1684, I du Code général des impôts, dus par le CÉDANT auront été réglés.

...

S'il survient des oppositions sur le prix ou s'il existe des créanciers sur le fonds la séquestre pourra employer la somme détenue par lui au paiement des sommes dues et à celui de tous frais et accessoires. Tous pouvoirs nécessaires lui sont dès maintenant donnés à cet effet.

...

Le séquestre est des maintenant autorisé à remettre au cédant, hors sans le concours du cessionnaire, soit la totalité de la somme s'il n'existe aucune opposition ou inscription, soit ce qui resterait disponible après paiement des créanciers révélés et des frais.

Le cédant se réserve le droit de demander par voie de référé conformément à L.l4l-l5 du Code de commerce, l'autorisation de toucher du séquestre une partis des sommes séquestrées, en affectant le surplus à la garantie de toute somme opposition ou telle inscription qui existera.

...

Le notaire séquestre devait en accord avec les parties payer les dettes grévant le fonds de commerce sur le prix de vente en effectuant une répartition entre les créanciers.

La société GP INVESTISSEMENTS devait pour sa part réaliser les formalités postérieures au jugement du 16 novembre 2022 ce qu'elle a refusé de faire.

Dans ce contexte le notaire, contrairement aux affirmations de la société GP INVESTISSEMENTS a procédé à la répartition des fonds entre les créanciers pour la somme totale de 69 220,99 euros.

Le tribunal devait nommer un séquestre en raison du conflit entre cédant et cessionnaire. Mais ce moyen n'est pas de nature à entraîner la nullité et/ou résolution de la vente.

Les demandes de la SAS MONEY et la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE es qualité de liquidateur.

1) L'irrecevabilité de la demande de la SAS MONEY et la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE es qualité de liquidateur.

La société GP INVESTISSEMENTS soulève l'irrecevabilité de la demande tendant à condamner la société GP INVESTISSEMENTS à verser à la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIES es qualité la somme de 45 779,01 euros estimant qu'il s'agit d'une demande nouvelle.

L'article 564 du code de procédure civile pose l'interdiction pour les parties de soumettre en appel, des prétentions nouvelles :

À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 566 ajoute :

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La CARPA a versé au notaire la somme de 108 265,89 euros le 14 avril 2023.

La demande de condamnation de la société GP INVESTISSEMENTS à verser la somme de 45 779,01 euros soit la différence entre le prix de cession versé par la CARPA au notaire et la somme de 69 220,01 euros versée par le notaire au liquidateur procède de la survenance d'un événement postérieur au jugement du 16 novembre 2022.

Les intimées considèrent que le retard dans le versement du prix de cession est de nature à être préjudiciable pour la masse des créanciers.

Cependant elles ne justifient pas ce préjudice et de son lien avec les agissements allégués comme fautifs.

Elle est rejetée.

2) La garantie

La demande des intimées tendant à la condamnation de la société GP INVESTISSEMENTS à garantir la société MONEY des sommes qu'elle doit en exécution de l'ordonnance de référés du 21 novembre 2023 est irrecevable dès lors qu'elle se rapporte à une procédure dont est saisie la 5 ème chambre de la cour d'appel de Rennes.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de condamner la société GP INVESTISSEMENT à régler à la SELARL PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE es qualité de liquidateur de la société MONEY la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société GP INVESTISSEMENTS est condamnée aux dépens d'appel

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement.

Y ajoutant :

- Condamne la société GP INVESTISSEMENTS à régler à la SELARL

PHILIPPE DELAERE ET ASSOCIE es qualité de liquidateur de la société MONEY la somme de de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejette toutes les autres demandes des parties.

- Condamne la société GP INVESTISSEMENTS aux dépens d'appel.