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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 27 juin 2024, n° 23/07819

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ad Auto Concept (SARL)

Défendeur :

Genport (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme De Rocquigny Du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Bouzalgha, Me Dupuis, Me Simhon

TJ Nanterre, du 28 sept. 2023, n° 22/028…

28 septembre 2023

EXPOSE DU L ITIGE

Par actes des 25 et 27 janvier 2021, la société civile immobilière Genport a donné à bail commercial à la S.A.R.L. AD Auto Concept des locaux situés [Adresse 1] (Hauts-de-Seine), pour une activité de vente de pneus et pièces détachées de voitures, moyennant un loyer annuel de 40 580 euros hors charges payable par trimestre d'avance.

Des loyers sont demeurés impayés.

Par acte du 1er juin 2022, la SCI Genport a fait délivrer un commandement de payer, visant la clause résolutoire, à la société AD Auto Concept, pour une somme de 15 241,34 euros.

Le commandement de payer est resté infructueux.

Par acte du 7 novembre 2022, la SCI Genport a fait assigner en référé la société AD Auto Concept aux fins d'obtenir principalement :

- la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire,

- l'expulsion de la société et celle de tous occupants de son chef des lieux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,

- le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée,

- la condamnation de la société AD Auto Concept au paiement de la somme provisionnelle de 11 085,19 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 novembre 2022,

- la condamnation de la société AD Auto Concept au paiement d'une indemnité d'occupation égale à 2% du montant du loyer trimestriel TTC hors droits et taxes, jusqu'à la libération des locaux,

- l'ordonnance établissant que le dépôt de garantie demeurera acquis au bailleur à titre d'indemnité provisionnelle de résiliation en application de l'article 20 du contrat de bail,

- la condamnation de la société AD Auto Concept au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 28 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 2 juillet 2023,

- rejeté la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire présentée par la société AD Auto Concept,

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société AD Auto Concept et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société AD Auto Concept, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,

- condamné par provision la société AD Auto Concept à payer à la SCI Genport la somme de 54 827,41 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 3 août 203 (3ème trimestre 2023 inclus), ainsi que les indemnités d'occupation postérieures,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné la société AD Auto Concept aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement,

- condamné la société AD Auto Concept à payer à la SCI Genport la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée au provisoire,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 21 novembre 2023, la société AD Auto Concept a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie,

- rejeté le surplus des demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société AD Auto Concept demande à la cour, au visa des articles 1343-5 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :

'- dire et juger la société AD Auto Concept fondée dans son action

- recevoir la sas Auto AD Concept en ses demandes, fins et conclusions, et l'en déclarer bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre (RG N° 22/02827) en date du 28 septembre 2023.

ce faisant,

- constater l'absence de d'acquisition de la clause résolutoire

- accueillir la demande de délais soulevée par sas Auto AD Concept et débouter la SCI Genport de sa demande de règlement des factures ;

- débouter la SCI Genport de toutes ses demandes plus amples ou contraires

à titre subsidiaire,

- suspendre la clause résolutoire

- assortir toute condamnation prononcée à l'encontre de la sas Auto AD Concept de délais de paiement de 24 mensualités égales ;

- débouter la SCI Genport de toutes ses demandes plus amples ou contraires

en tout état de cause,

- laisser à la charge de chaque partie les frais liés au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SCI Genport demande à la cour de :

'- déclarer la SCI Genport recevable et bien fondée en ses demandes, conclusions et appel incident ;

y faisant droit

- confirmer l'ordonnance n° 23/1921 du 28 septembre 2023 du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle :

- constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 2 juillet 2023 ;

- rejette la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire présentée par la société AD Auto Concept ;

- ordonner à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société AD Auto Concept et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixe à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société AD Auto Concept, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

- condamne par provision la société AD Auto Concept à payer à la SCI Genport la somme de 54 827,41 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arriérés au 3 août 2023 (3ème trimestre 2023 inclus), ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

- condamne la société AD Auto Concept aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

- condamne la société AD Auto Concept à payer à la SCI Genport la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelle que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a seulement autorité de chose jugée provisoire ;

- rappelle que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

- infirmer l'ordonnance n° 23/1921 du 28 septembre 2023 du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle :

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- rejette le surplus des demandes mais seulement en ce qu'elle rejette les demandes de la société Genport ;

en conséquence, statuant à nouveau et y ajoutant :

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de la société AD Auto Concept, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des locaux situés [Adresse 1], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir jusqu'à parfaite libération des lieux

- rejeter toutes demandes plus ou contraires au présent dispositif ;

- condamner la société AD Auto Concept à payer à la SCI Genport la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel

- condamner la société AD Auto Concept aux entiers dépens'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Auto AD Concept indique avoir connu des difficultés financières passagères, aujourd'hui terminées et sollicite la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement.

Elle affirme justifier de son assurance pour son activité professionnelle et tenir un registre de sécurité.

Elle soutient respecter ses obligations contractuelles mais souligne que le site sur lequel elle est installée est une zone industrielle soumise à des intrusions extérieures, la bailleresse ne traitant pas les troubles résultant de cette occupation illégale.

La société Genport affirme en réponse que la clause résolutoire est acquise faute pour la société Auto AD Concept d'avoir réglé sa dette dans le délai d'un mois qui lui était imparti à compter du commandement de payer, l'arriéré locatif ne cessant d'augmenter à ses dires.

Elle fait valoir que sa locataire n'utilise pas paisiblement les biens loués, entreposant du matériel et des détritus dans diverses parties communes, et qu'elle s'est abstenue de lui justifier les pièces prévues au bail relatives à l'assurance et à la conformité des installations et des équipements sur le site.

L'intimée en déduit que le prononcé d'une astreinte est nécessaire pour obtenir l'expulsion de la société Auto AD Concept, laquelle se maintient indûment dans les lieux sans verser d'indemnité d'occupation. La société Genport s'oppose à tout délai de paiement.

Sur ce,

Sur la résiliation du bail

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Dans le cas d'espèce, le bail produit contient une telle clause résolutoire et aucune irrégularité formelle des commandements n'est invoquée.

Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement ; l'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

En l'espèce, l'appelante ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai imparti et ne formule aucun moyen de nature à faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire, se contentant d'en solliciter la suspension.

Il y a lieu de souligner en effet que, si, en réponse aux reproches de la société Genport quant à son absence d'occupation paisible des locaux, la société AD Auto Concept fait état de la présence de squatteurs dans la zone industrielle dans laquelle elle est installée, elle n'en tire cependant aucune conséquence de droit.

La dette locative visée dans le commandement de payer n'ayant pas été intégralement réglée dans le délai d'un mois l'ayant suivi, il est ainsi acquis que le bail s'est retrouvé résilié à compter du 1er juillet 2022 par le jeu de l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement, indépendamment de l'argumentation relative à l'éventuel défaut d'assurance du locataire.

L'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef. Les dispositions subséquentes relatives à l'expulsion et au sort des biens meubles et objets mobiliers seront également confirmées.

Compte tenu des désordres causés par la société AD Auto Concept qui entrepose divers matériel, et notamment de très nombreux pneumatiques, dans les abords du local qu'elle loue en contravention avec les stipulations du bail, ainsi que cela ressort du procès-verbal de commissaire de justice du 25 avril 2023, il convient d'assortir l'expulsion d'une astreinte selon les modalités prévues au dispositif. Il sera ajouté à la décision attaquée de ce chef.

Sur la demande de provision

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

La société Genport verse aux débats un décompte du 4 janvier 2024 qui fait apparaître un solde débiteur de 71 314, 54 euros. Elle ne sollicite pas cependant l'actualisation de la condamnation provisionnelle et demande la confirmation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné la société AD Auto Concept à lui verser la somme provisionnelle de 54 827, 41 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation échus et impayés au 1er août 2023.

La société AD Auto Concept ne conteste pas ce montant, étant précisé que les versements dont fait état la locataire figurent bien au crédit de son compte, à l'exception des virements mensuels de 7 000 euros qu'elle invoque qui ne sont étayés par aucun élément, les documents bancaires versés aux débats n'étant pas signés et aucun relevé de compte ne permettant d'établir que les paiements ont réellement été effectués.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée sur le montant de la provision allouée.

Sur la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement

Le 2e alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que :

'Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il résulte du décompte produit que la dette de la société AD Auto Concept ne cesse de croître.

L'appelante ne produit en outre aucune pièce de nature à démontrer sa capacité financière à assumer à l'avenir, outre le paiement du loyer courant, l'arriéré de la dette, fut-elle étalée dans le temps.

Ainsi, il convient de confirmer la décision querellée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par l'appelante.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale seront également confirmées.

Partie perdante, la société AD Auto ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Genport la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Ordonne l'expulsion de la société Auto AD Concept ainsi que de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 1] dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

Dit que l'astreinte courra pendant 4 mois ;

Dit que AD Auto supportera les dépens d'appel ;

Condamne la société AD Auto à verser à la société Genport la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.