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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 27 juin 2024, n° 23/04580

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Carrefour Proximité France (SAS)

Défendeur :

BTMR (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gilles

Conseillers :

Mme Mimiague, Mme Bubbe

Avocats :

Me Le Roy, Me Della Vittoria, Me Camus-Demailly, Me Awatar, Me Cormont

T. com. Lille Métropole, du 3 oct. 2023,…

3 octobre 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Carrefour proximité France (CPF) était liée par un contrat de franchise participative à la société BTMR, laquelle exerçait son activité commerciale sous l'enseigne Carrefour City et dont le capital était détenu en majorité par M. [Z] [S] et, pour le surplus la société Selima, filiale du groupe Carrefour.

Par jugement du 27 février 2023, le tribunal de commerce de Lille-Métropole a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société à responsabilité limitée BTMR, désignant la SELARL Périn-Borkowiak mandataire judiciaire et la SELARL Ajilink-[E]-Cabooter en qualité d'administrateur judiciaire.

La société par actions simplifiée Carrefour Proximité France (CPF) a formé tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde prononcée en faveur de BTMR par déclaration au greffe du 17 mars 2023.

Par jugement réputé contradictoire du 3 octobre 2023, le tribunal de commerce a :

- dit qu'il n'y a pas lieu de joindre les deux affaires portant les numéros 2023004083 et 2023004035, cette dernière portant sur une tierce opposition contre le même jugement formée par la société Selima,

- dit recevable la tierce-opposition formée par la société CPF à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille du 27 février 2023,

- débouté la société CPF de sa tierce-opposition au jugement du 27 février 2023 du tribunal de commerce de Lille Métropole,

- condamné la société CPF à verser la somme de 5 000 euros à la société BTMR au titre d'amende civile,

- débouté la société BTMR de sa demande de condamner la société CPF à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société CPF au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société BTMR,

- débouté les Parties de leur demandes plus amples ou contraires,

- dit que le présent jugement sera signifié par la partie la plus diligente ou celle ayant un intérêt,

- condamné la société CPF aux entiers dépens de l'instance taxés et liquidés à la somme de 284,87 euros.

Par déclaration du 13 octobre 2023, la société CPF a interjeté appel du jugement, critiquant chacune expressément les dispositions par lesquelles elle a été déboutée de sa tierce-opposition, condamnée à une amende civile ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par ordonnance du 9 février 2024, le juge commissaire a autorisé la résiliation des contrats liant la société BTMR aux sociétés du groupe Carrefour, dont le contrat de franchise.

Par jugement du 19 février 2024, le tribunal de commerce de Lille Métropole a arrêté un plan de sauvegarde et désigné la SELARL Ajilink-[E]-Cabooter en qualité en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 mars 2024, la société CPF demande à la cour de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel,

Statuant à nouveau et y faisant droit :

- infirmer le jugement du 3 octobre 2023 rendu par le tribunal de commerce de Lille-Métropole,

- ordonner la rétractation du jugement n°2023002692 rendu le 27 février 2023 par le tribunal de commerce de Lille-Métropole en ce qu'il a ordonné l'ouverture d'une procédure de sauvegarde judiciaire à l'encontre de la société BTMR,

- ordonner, en outre, qu'il soit fait défense d'exécuter le jugement du 27 février 2023 du tribunal de commerce de Lille-Métropole n°2023002692 contre CPF, à peine de dommages et intérêts,

- confirmer pour le surplus le jugement du 3 octobre 2023 rendu par le tribunal de commerce de Lille-Métropole,

- débouter la société BTMR de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société BTMR au versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 mars 2023, la société BTMR et la SELARL Ajilink,-[E] Cabooter-De Chanaud, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL BTMR arrêté par jugement du 14 février 2024, intervenant volontaire, demandent à la cour de :

A titre liminaire,

- mettre hors de cause la SELARL Ajilink - [E] Cabooter - De Chanaud, prise en la personne de Me [K] [E], es-qualité d'administrateur de la SARL BTMR,

- juger recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la SELARL Ajilink - [E] Cabooter - de Chanaud prise en la personne de Me [K] [E], es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL BTMR

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 3 octobre 2023 (n°2023004083) en qu'il a débouté la société CPF de sa tierce-opposition au jugement du 27 février 2023 au tribunal de commerce de Lille Métropole, condamné la société CPF à verser la somme de 5 000 euros à la société BTMR au titre d'amende civile au profit de la société BTMR, condamné la société CPF au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en application de l'article 700 du code procédure civile, condamné la société CPF aux entiers dépens de l'instance taxés et liquidés à la somme de 284,87 euros,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille du 3 octobre 2023 (n°2023004035) en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas lieu de joindre les deux affaires portant les numéros 202300483 et 2023004035, débouté la société BTMR de sa demande de condamner la société CPF à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,;

Et statuant à nouveau de ces chefs

- juger qu'il existe entre les appels formés par les sociétés CPF et Selima un lien tel qu'il est d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ensemble ;

- condamner la société CPF à verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société BTMR pour procédure abusive ;

En tout état de cause,

Vu les appels interjetés par les sociétés Selima et CPF à l'encontre des jugements du tribunal de commerce de Lille RG 202300483 et RG 2023004035

- juger qu'il existe entre les appels formés par les sociétés CPF et Selima un lien tel qu'il est d'une bonne administration de la justice de les faire instruire ensemble,

En conséquence,

- prononcer la jonction de la présente procédure RG n° 23/04580 à la procédure n° 23/04581,

- débouter la société CPF de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société CPF à payer la somme de 30 000 euros à la société BTMR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société CPF aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Par avis du 7 février 2024 communiqué aux parties à la diligence du greffe de la cour le même jour, le ministère public sollicite la confirmation du jugement du 3 octobre 2023 en ce qu'il a jugé irrecevable la tierce opposition et l'infirmation de ce jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à jonction et ordonner la jonction des deux procédures.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 21 mars 2024.

MOTIVATION

Il n'apparaît pas de bonne administration de la justice de joindre le présent appel avec celui intenté par la société Selima contre un jugement distinct ayant déclaré irrecevable la tierce opposition de cette dernière société contre le même jugement ayant ouvert la sauvegarde de la société BTMR.

Dès lors que les décisions jonctions relèvent de l'administration judiciaire laissées à la discrétion des juridictions, il n'y a pas lieu à demande de réformation de ce chef.

Dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, il découle des dispositions de l'article L. 626-25 du code de commerce qu'après le jugement arrêtant le plan de redressement, seul le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour poursuivre les actions introduites auparavant. La demande de mise hors de cause de l'administrateur et l'intervention volontaire du commissaire à l'exécution du plan seront accueillies, la première étant en outre déclarée bien fondée.

Si le corps des conclusions d'appelant mentionne demander " in limine litis " l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en nullité pour défaut de motivation du jugement du 27 février 2023 ayant ouvert la sauvegarde, cette prétention ne figure nullement au dispositif qui seul lie la cour en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Concernant la recevabilité de la tierce opposition de la société CPF, il résulte encore des conclusions d'appelant que celle-ci n'est plus contestée par la société BTMR, en l'absence, au dispositif des conclusions, de demande en irrecevabilité de ce recours.

Cependant, alors que le ministère public de cour d'appel estime la tierce opposition irrecevable, faute pour la société CPF- placée selon lui dans la même situation que la société Selima - de justifier d'un moyen propre ou d'une fraude (peu important à cet égard l'erreur contenue dans l'avis, qui énonce à tort que le présent jugement entrepris a déclaré irrecevable la tierce opposition), la société CPF développe dans ses conclusions ce qu'elle considère être ses moyens propres contre le jugement du 27 février 2023 et les moyens pour lesquels elle estime que ce jugement est entaché de fraude, tandis que la société BTMR et le commissaire à l'exécution de son plan de redressement développent au contraire dans leurs conclusions les moyens pris de l'absence de fraude et de l'absence de moyens propres de la société CPF justifiant les tierces oppositions.

La discussion de la recevabilité de la tierce opposition, qui était déjà en litige devant les premiers juges et qui découle de l'avis du ministère public, partie jointe, peut donc être immédiatement tranchée par la cour.

A cet égard, il sera rappelé que l'article 583 du code de procédure civile précise qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement qu'elle attaque, et à la condition que ce jugement ait été rendu en fraude de ses droits ou si elle invoque un moyen qui lui est propre. Et il résulte des dispositions de l'article L. 661-2 du code de commerce, que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de son débiteur est susceptible d'opposition.

Les créanciers et autres ayant cause d'une partie peuvent par conséquent former tierce opposition au jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde au bénéfice de cette partie.

S'agissant d'une voie de recours extraordinaire, elle tend à faire rétracter ou reformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque conformément aux termes de l'article 582 du code de procédure civile et permet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.

L'exigence d'un intérêt, prévue par l'article 583 du code de procédure civile ne se confond donc pas entièrement avec celle posée par l'article 31 du même code.

L'intérêt requis est l'intérêt à l'exercice du recours et non l'intérêt au succès de l'action.

L'intérêt du tiers doit être légitime, actuel, direct et personnel à peine d'irrecevabilité de la tierce opposition et ne peut résulter de sa propre négligence. Il s'apprécie au regard du dispositif du jugement attaqué et non des motifs.

Il s'en déduit que pour apprécier la recevabilité d'une tierce-opposition le juge

doit seulement vérifier que le litige porte sur l'existence d'un droit susceptible d'être revendiqué par le tiers opposant, le débat sur le bien fondé de cette revendication ressortissant du fond.

Cependant, il découle des dispositions de l'article L. 620-1 du code de commerce que, hors le cas de fraude, l'ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu'il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu'il justifie par ailleurs de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements.

Pour déclarer recevable la tierce opposition tout en écartant la fraude de la société BTMR mais tout en retenant l'existence d'un droit propre de la société CPF, les premiers juges ont relevé que celle-ci était liée en qualité de franchiseur à la société BTMR par un contrat de franchise dont les termes pourraient être remis en cause dans le cadre de la procédure de sauvegarde, et encore que ce franchiseur avait déclaré une créance de 8 561,61 euros au passif de la société franchisée.

Les premiers juges ont encore retenu que la société CPF, bien qu'appartenant au groupe Carrefour, comme la société Selima, revendique une indépendance d'intérêts par rapport à la société Selima.

Ils ont relevé qu'à la différence de la société Selima, la société CPF n'était pas partie au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.

A l'appui de la recevabilité du recours, la société CPF fait valoir qu'elle a conclu avec la société BTMR un contrat de franchise d'une durée initiale de 7 années prorogée à 10 ans, pendant laquelle la société BTMR s'est engagée à exploiter un point de vente sous sa propre enseigne Carrefour.

Au contraire, la société BTMR et le commissaire à l'exécution du plan soutiennent que l'existence du contrat de franchise ne permet pas de distinguer un moyen différent de ceux que sont susceptibles d'invoquer les autres créanciers.

Pour s'opposer à l'existence d'un droit propre du franchiseur, les intimés soutiennent que l'existence de la relation franchiseur/franchisé, en particulier les moyens pris de l'obligation d'exploitation sous une enseigne du franchiseur, ne peut constituer un moyen propre de nature à justifier la tierce opposition au sens de l'article 583 du code de procédure civile, dès lors que cette notion de moyen propre doit s'apprécier précisément en fonction des moyens que peuvent avancer les autres créanciers, alors même que le franchiseur est en l'espèce un créancier en situation de relation contractuelle avec le débiteur, comme la quasi-totalité des autres créanciers.

Les intimés soutiennent qu'il ne saurait être reconnu un droit acquis à tout franchiseur, à ce seul titre, de contester l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Ils font encore valoir que le risque de voir résilier le contrat de franchise, en vertu de la possibilité légale prévue en cas de sauvegarde, ne peut davantage donner lieu à la reconnaissance d'un droit propre du franchiseur, dès lors que tout contrat en cours est semblablement concerné, et que la loi encadre la résiliation, le juge commissaire devant au préalable apprécier si la résiliation est nécessaire à la sauvegarde de la société débitrice et si elle ne porte pas une atteinte disproportionnée aux intérêts du cocontractant.

Les intimés soutiennent également que le franchiseur n'a pas de droit propre à être informé par le franchisé de son intention de solliciter l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; ils soulignent que la société franchisée a en l'espèce fait part en vain de ses difficultés à son franchiseur par un courrier abondant depuis le 8 février 2022, celui-ci ayant refusé de travailler à une solution constructive.

Sur ce, la cour rappelle que la procédure de sauvegarde a été ouverte, selon le dossier produit, en invoquant notamment les moyens suivants contenues dans la lettre de saisine :

[']

Il est établi que la société BTMR a été constituée le 6 septembre 2004 entre M. [S] et la société Selima, avec pour objet social l'exploitation d'un fonds de commerce de type supermarché, [Adresse 2], étant stipulé par les statuts depuis l'origine que l'enseigne en soit exclusivement l'enseigne Marché plus ou toute autre une enseigne du groupe Carrefour.

En outre, le 12 octobre 2004, un contrat de location gérance a été conclu entre la société BTMR et la société Prodim, aux droits de laquelle se trouve la société CPF, pour l'exploitation du supermarché en cause à l'enseigne Marché plus, appartenant au groupe Carrefour. La société Prodim a créé le fonds de commerce et l'a identifié dès l'origine avec une enseigne du groupe Carrefour.

Par acte authentique du 21 novembre 2008, la société Prodim a cédé le fonds de commerce à la société BTMR, les parties ayant stipulé dans cet acte que la société BTMR ne s'obligeait à ne rien faire qui puisse affecter l'usage de l'enseigne Marché plus.

Les associés de la société BTMR ont autorisé le gérant à modifier l'enseigne pour adopter celle de Carrefour City, par délibération du 25 juin 2010. Un nouveau contrat de franchise a été signé le 30 juin 2010 entre la société CPF et la société BTMR, pour une durée initiale de 7 années, tacitement renouvelable par périodes de 7 années. La période initiale a été portée à 10 années, par avenant du 30 juin 2010.

L'échéance du contrat de franchise a été stipulée, en conséquence, au 30 juin 2027.

Il résulte bien de ces éléments l'existence de liens contractuels engageant la société BTMR envers la société CPF, en vue de conserver une enseigne du groupe Carrefour au fonds de commerce en cause. Ces liens sont certes à l'origine de l'identification même de celui-ci à l'égard de la clientèle, et ils sont bien susceptibles de remise en cause dans le cadre de la procédure de sauvegarde, étant encore établi que cette remise en cause est de nature à produire, en retour, un effet sur l'ensemble du réseau des magasins aux enseignes de l'appelante, et qu'elle s'inscrit dans le cadre de la démarche d'un nombre croissant de franchisés susceptible de déstabiliser le groupe Carrefour.

Toutefois, cette situation contractuelle, unique et éminente parmi l'ensemble des créanciers ayant des contrats en cours à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, n'est pas susceptible pour autant, hors le cas de fraude, de conférer un droit propre au franchiseur, de nature à rendre recevable sa tierce opposition contre le jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde.

Les premiers juges ne peuvent pas être approuvés, en conséquence, d'avoir dit que la société CPF bénéficiait d'un droit propre rendant recevable sa tierce opposition, sans avoir pour autant retenu l'existence d'une fraude.

Sur la fraude

Or, s'agissant de la fraude, la société CPF expose que la mesure de sauvegarde a été ouverte par le jugement du 27 février 2023 qui constitue, selon elle, une fraude à la loi, et une fraude à ses droits.

Il est soutenu que l'impossibilité pour la société BTMR de surmonter seule les difficultés rencontrées, condition nécessaire de la sauvegarde, ne sont nullement réunies en l'espèce.

Il est affirmé qu'à la date de la demande de sauvegarde, il n'y avait aucun passif échu, seulement un passif à échoir maîtrisable, notamment au vu de l'augmentation des performances sur les mois précédents, et compte-tenu de l'actif disponible, excluant tout risque d'effondrement des comptes ou de difficultés financières insurmontables.

Il est fait valoir que le gérant a choisi d'augmenter sa rémunération personnelle, incluant les abondements Madelin en vue de sa retraite, tout en recourant par ailleurs uniquement à de la main d'oeuvre à temps partiel ou embauchée au titre de contrats aidés.

La société CPF soutient que le manque de rentabilité invoqué est artificiel.

Elle se prévaut de l'analyse non contradictoire d'un technicien amiable, expert-comptable, pour exposer qu'il n'y a aucune difficulté économique et financière réelle, le gérant ayant, selon ce document, effectué des ponctions pour profiter de la rentabilité de la société, qui apparaît ainsi, en réalité, en excellente santé financière.

Selon ce document :

- la trésorerie de BTMR est excellente à 554 000 euros au 31 janvier 2023 ;

- les dettes fournisseurs sont faibles et stables ;

- son stock tourne très vite, il est de quelques jours d'achats ;

- le ratio fournisseur ne fait que baisser depuis la clôture de 2021 : il passe de 28 jours à 27 jours et encore mieux au 31 janvier 2023 il s'établit à 22 jours et cela signifie que BTMR paie ses fournisseurs en moins d'un mois ce qui est révélateur d'une excellente santé financière de la société ;

- l'essentiel des passifs envers les organismes sociaux concerne la rémunération de gérance ;

- la marge nette ou marge sur coûts variables s'établit à 815 000 euros (en la rapportant à 12 mois) au 31 janvier 2023, ce qui dépasse la marge sur coûts variable qui était observée au 31 octobre 2019 pour 806 000 euros et celle du 31 octobre 2022 qui était de 620 000 euros ;

- il n'y a aucune dégradation de la profitabilité de la société BTMR, ce qui se traduit par un accroissement attendu de 31,45 % de la marge nette ;

- le gérant de la société BTMR se rémunère autour de 250 000 à 320 000 euros (période observée entre le 1er novembre 2018 et le 31 janvier 2019) charges incluses par an ce qui représente en fait une remontée à presque 100 % de la rentabilité dégagée par la société ;

- selon l'observatoire des franchises, le niveau de rémunération d'un gérant dans une franchise est habituellement compris entre 50 000 euros et 80 000 euros pour les mieux payés.

La société CPF fustige également les conditions dans lesquelles le gérant du débiteur s'est fait rembourser 120 000 euros sur son compte courant d'associé, selon elle pour affaiblir la situation de trésorerie apparente du franchisé dont le placement sous sauvegarde a été demandé peu de temps après.

Au contraire, la société BTMR et le commissaire à l'exécution du plan font valoir que les difficultés insurmontables visées à l'article L. 620-1 du code de commerce comme condition de l'ouverture de la sauvegarde, sont aussi bien juridiques que financières ou économiques, et qu'elles sont bien caractérisées en l'espèce.

En effet, il est soutenu qu'il est bien justifié de difficultés insurmontables de nature à conduire à la cessation des paiements, en ce que le franchisé rencontre des difficultés économiques avec le franchiseur, à savoir notamment :

- l'obligation d'approvisionnement quasi-exclusif auprès de la société CSF, qui oblige le franchisé à se fournir à des prix élevés, et par conséquent à revendre en dégageant de faibles marges, sous peine de perdre de substantielles ristournes de fin d'année, fonctions d'un taux de fidélité, cela étant une conséquence du contrat d'approvisionnement, des conditions générales de vente CSF - Carrefour City, mais encore du contrat de franchise, lequel prévoit un assortiment minimum défini par le franchiseur et composé de produits de marques de distributeurs, nécessairement fournis par la société CSF, le jeu de ces dispositions demeurant opaque pour le franchisé ;

- la rentabilité trop faible du modèle économique mis en place par le groupe Carrefour, plaçant les magasins du réseau derrière ses concurrents, ainsi qu'il résulte de la presse professionnelle spécialisée (le magazine Linéaires), et encore d'une étude réalisée par un technicien, la société Finexsi, à la demande du juge commissaire.

Sur ce point, s'agissant de la fraude à la loi qu'elle invoque, l'appelante fait valoir en premier lieu l'absence de cessation des paiements.

Toutefois, cet élément ne peut contribuer à démontrer la fraude, dès lors que l'absence de cessation des paiements est précisément une condition légale de l'ouverture d'une mesure de sauvegarde.

L'appelante conteste ensuite, à l'appui de la fraude qu'elle allègue, l'existence de difficultés insurmontables, au motif essentiel que les difficultés financières invoquées sont artificielles et créées pour les besoins de la procédure de mise en sauvegarde.

Sur ce point, es premiers juges ont effectivement retenu que la société BTMR, sans être en situation de cessation des paiements, fait face à des difficultés qui engageraient la responsabilité de son gérant s'il restait sans réaction ni anticipation, parmi lesquelles une rentabilité quasi-nulle, au motif que le résultat du débiteur au 31 décembre 2022 était de 103 euros pour un chiffre d'affaires de 3 443 929 euros après plusieurs exercices dont les résultats avaient été inférieurs à 1 000 euros.

Le tribunal de commerce ayant choisi d'apprécier la rentabilité de la société BTMR au regard du résultat comptable, il s'agit en effet en l'espèce d'une méthode critiquable pour apprécier si l'entreprise présente des difficultés financières pouvant contribuer à une future cessation des paiements, dès lors que le résultat comptable est fonction de décisions sur les charges d'exploitation échappant à l'actionnaire minoritaire.

Or, la société CPF met formellement en cause en appel le niveau de la rémunération du gérant, jugée excessive, ainsi que le niveau du loyer commercial versé à la SCI propriétaire des locaux de l'extension, laquelle est désormais, depuis le 16 mars 2022, détenue en famille par le gérant de la société BTMR.

La cour doit par conséquent apprécier si la société BTMR a commis une fraude dans la présentation de sa situation financière au tribunal de la procédure collective.

L'analyse du technicien amiable invoquée, corroborée au plan de l'exactitude comptable par les comptes de l'entreprise que ce document intègre, contrarie sur ce point l'appréciation des premiers juges, et il revient à la cour de dire si l'appelant caractérise une fraude.

A cet égard, la cour estime devoir retenir ce qui suit.

Il sera rappelé avant tout que les difficultés entre le franchiseur et le franchisé se sont cristallisées à l'occasion du projet d'agrandissement du supermarché, entrepris en 2018 et réalisé en 2022.

En février 2019, la société Selima a voté contre les résolutions d'assemblée générale de la société BTMR prises pour autoriser l'extension.

Ces résolutions ayant été refusées, la société BTMR expose que ce refus démontre la volonté du Groupe Carrefour de ne voter l'extension qu'à la condition que ses intérêts soient préservés au détriment de l'intérêt social, en particulier en obligeant la société BTMR à arborer l'enseigne Carrefour pendant " plusieurs années ", notamment par la conclusion de nouveaux contrats de franchise avec la société CPF et d'approvisionnement avec la société CSF.

Lors d'une assemblée générale de mars 2019, la société Selima a finalement voté l'extension, autorisant tout ensemble : la prise à bail des locaux contigus, l'obtention du financement (500 000 euros sur la durée de 7 ans) et les garanties afférentes, mais aussi la résiliation par anticipation des contrats de franchise et d'approvisionnement et la conclusion de nouveaux contrats de franchise et d'approvisionnement, chacun pour une durée de sept années, ainsi qu'un nantissement du fonds de commerce en faveur de la société CSF.

Cette période a été suivie de courrier échangé entre l'avocat du franchisé et le franchiseur, concernant la négociation du nouveau contrat de franchise, parmi lequel le franchiseur a attendu le 12 octobre 2020 pour répondre à une lettre du 18 mars 2019 et à une relance de l'avocat du 22 juillet 2020.

Cet avocat se plaint notamment dans cette lettre du 22 juillet 2020 de la nouvelle exigence du franchiseur de porter de 7 ans à 10 ans la durée de renouvellement des contrats de franchise et d'approvisionnement, étant observé que cette exigence a été finalement acceptée.

Il est encore reproché à cette occasion au franchiseur d'avoir racheté et transféré un fonds de commerce Carrefour Express [Adresse 4] à proximité du magasin Carrefour City de la société BTMR, occasionnant ainsi une concurrence nouvelle par un établissement neuf à l'enseigne Carrefour, affirmant que cela avait annulé la progression du chiffre d'affaires constatée les années passées et même érodé le chiffre d'affaires depuis près d'une année.

Il est soutenu par la société BTMR, par ailleurs, que ce concurrent a " largement contribué " à la baisse du chiffre d'affaires observée entre 2019 et 2020.

Toutefois, il résulte des propres énonciations des conclusions de la société BTMR (page 85/142) que si le chiffre d'affaires a été de 4 736 573 euros pour l'exercice clos le 3 octobre 2019, ce résultat concerne 15 mois, l'exercice ayant couvert la période allant du 1er août 2018 au 31 octobre 2019.

Par conséquent, si pour l'exercice clôturé le 31 octobre 2020, le chiffre d'affaires a été de 3 728 384 euros, cela n'établit pas de diminution sensible.

Il s'en déduit qu'il est établi que la diminution alléguée du chiffre d'affaires annuel n'est pas valablement soutenue pour les exercices clôturés en 2018, 2019 et 2020.

Le ralentissement d'activité en juillet et août 2023, soutenu dans le projet de plan de sauvegarde, à le supposer lié à l'arrivée d'un concurrent Carrefour à environ 300 mètres plutôt qu'à la saisonnalité, apparaît rattrapé, en toutes hypothèses, dès septembre et octobre suivants.

D'ailleurs, page 91 de ses conclusions, la société BTMR reconnaît que son chiffre d'affaires est stable et même en augmentation progressive, déplaçant l'argumentation sur celui de la rentabilité insuffisante et de la baisse du résultat.

Ce même projet de plan de sauvegarde, établi par l'administrateur de la société BTMR, relate que la rémunération du gérant et ses accessoires (charges sociales, cotisations retraite et prévoyance) représente 40 % de la masse salariale représentant elle-même entre 15 et 16 % du chiffre d'affaires. " Le résultat net comptable des trois derniers [clôturés les 31 octobre 2020, 31 octobre 2021 et 31 octobre 2022] est juste à l'équilibre, à ceci près que la variable d'ajustement du résultat net est le montant du salaire perçu par M. [Z] [S], afin d'éviter la distribution de dividendes à l'actionnaire minoritaire. "

Le principe de cette observation corrobore sur ce point l'analyse du technicien amiable sollicitée par le franchiseur, sauf à déterminer si, comme l'affirme l'appelante, la rémunération prélevée par le gérant est excessive et caractérise la fraude dans l'ouverture de la procédure de sauvegarde.

S'agissant des frais de personnel, la société BTMR exprime cependant des appréhensions compréhensibles et sérieuses concernant le financement des salariés apprentis après la fin des aides à l'embauche perçues, soit 57 000 euros environ en 2020-2021 et autant en 2021-2022.

Si le sens de l'argumentation du franchiseur suppose que ces sommes sont aisément compensables par une diminution corrélative de la rémunération du gérant dont le caractère élevé s'origine dans le conflit avec l'actionnaire minoritaire, il n'en demeure pas moins que, sans préjuger du caractère justifié ou injustifié de cette rémunération élevée au regard de l'ampleur des fonctions de ce gérant et des risques pris, cette rémunération, même à accueillir les conclusions du rapport du technicien amiable, ne caractérise en elle-même aucune fraude à la loi ou à l'égard des droits du franchiseur.

En outre, c'est la prérogative de la société BTMR d'ajuster le nombre de ses salariés à son nouveau format résultat de l'extension, et nulle fraude ne résulte des prévisions exprimées par le franchisé sur ses besoins en salariés, au-delà de 11.

Et il demeure que rien ne prouve que le niveau de rentabilité, même corrigé par une diminution de la rémunération du gérant, permette les recrutements voulus dans le cadre de la franchise actuelle.

Si la société BTMR et le commissaire à l'exécution du plan reconnaissent que le niveau de rémunération du gérant " permet de préserver l'équilibre financier de la société " (page 94/142 des conclusions), nulle fraude n'est caractérisée en ce que la rentabilité a été jugée insuffisante par le tribunal de la procédure collective.

En outre, s'agissant des effets de l'extension sur les performances de la société BTMR, celle-ci se dit déçue de l'augmentation du chiffre d'affaires après l'ouverture de l'extension.

Il convient de rappeler que cette extension s'est faite au prix d'un lourd investissement et en saisissant une opportunité avec, en définitive, l'approbation de principe du franchiseur.

Il est établi que le franchiseur a néanmoins ouvert un magasin concurrent à l'enseigne Carrefour à proximité de celui de la société BTMR.

La société BTMR a reconnu par lettre à la société CPF du 15 novembre 2022 que l'augmentation du chiffre d'affaires mensuel avait été de 11 % en moyenne entre juillet 2022 et octobre 2022, là où elle attendait une augmentation de plus de 20 %.

La cour ne peut tirer non plus aucune conséquence, pour l'appréciation de la fraude, du fait que le loyer versé pour l'extension à la société familiale du gérant apparaisse élevé.

En outre, le remboursement du compte courant d'associé quelques jours avant la demande de procédure de sauvegarde ne caractérise pas davantage la fraude.

La discussion menée sur le niveau de marge conduite par la société CPF sur la base du rapport de son technicien amiable et sur le niveau de marge minimale nécessaire pour garantir la pérennité de l'entreprise ne caractérise pas davantage de fraude.

Surtout, il demeure que le propre rapport du technicien amiable invoqué par la société CPF démontre que même en tenant compte d'une rémunération du gérant dite normative de 150 000 euros par an, la rentabilité de la société BTMR se situe en voie de diminution continue depuis 2018 jusqu'à fin 2022, étant établi par ailleurs qu'il est soutenu sans fraude que ce défaut de rémunération s'enracine dans un niveau de prix d'achat trop élevé imposé par le modèle de franchise, situation qui caractérise une difficulté économique insurmontable pour la société BTMR.

Il résulte de ce qui précède que s'il n'y avait, à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, aucun aspect de la situation financière et comptable de la société BTMR de nature à faire retenir que la société était condamnée à brève échéance à la cessation des paiements, pas même de passif échu, pour autant, il ne peut être retenu, à l'examen en particulier du dossier d'ouverture de la procédure collective déposé par le gérant devant le tribunal de commerce, examiné en particulier à la lumière du projet de plan et du rapport de technicien amiable invoqué par le teirs opposant, que le débiteur ait agi par fraude sur la question de l'insuffisante rentabilité de son magasin.

Contrairement à ce qu'affirme le franchiseur, il n'est pas prouvé que cette mesure de sauvegarde s'inscrive dans un contexte particulier duquel il ressort que la procédure collective aurait été dévoyée par BTMR dans le but frauduleux de mettre fin à ses contrats la liant à CPF et d'obtenir la modification de l'objet social de la société afin d'exploiter le magasin sans enseigne Carrefour.

La société CPF n'a pas démontré que les difficultés alléguées étaient fictives, artificielles et imputables au gérant de la société BTMR, notamment du fait de l'accaparement de la rentabilité par sa rémunération.

Il est établi en l'espèce que pour écarter la fraude, les premiers juges ont également retenu l'existence de difficultés insurmontables autres que la rentabilité insuffisante, dont il appartient à la cour de dire si elles ont été ou non invoquées et retenues en fraude aux droits du franchiseur.

Or, la société CPF échoue également à rapporter la preuve que cette rentabilité jugée insuffisante pour l'adaptation au marché, jointe à la dépendance économique et au modèle économique de la franchise proposée par le groupe Carrefour, obligeant en pratique la société BTMR à effectuer 91 à 93 % de ses achats auprès de la société CSF à des conditions trop rigides pour l'adaptation au marché, caractérise une fraude des droits du créancier.

En effet, les premiers juges ont estimé qu'outre ce défaut de rentabilité, la mesure de sauvegarde était justifiée par les éléments suivants :

- la résurgence de l'inflation, notamment celle de l'énergie et de l'alimentaire, qui perturbe les équilibres économiques ;

- l'émergence d'un concurrent à proximité, sous une enseigne Carrefour également ;

- des difficultés techniques et relationnelles avec les entités du groupe Carrefour, sur les prix, l'assistance, les livraisons, attestées par de nombreux courriers et relevés de produits en annexe des conclusions.

Les premiers juges ont encore retenu la dépendance économique juridique et économique de la société BTMR à l'égard du groupe Carrefour, liée à la structuration de la franchise participative telle que proposée par ce groupe, avec une présence au capital de la société Selima, un contrat de franchise avec la société CPF, et un contrat d'approvisionnement avec la société CSF qui fixé les conditions de ristourne, les prix de vente et représente 91 % à 93 % des achats.

Le tribunal de commerce a enfin retenu que les clauses d'arbitrage prévues aux contrats trouvent difficilement à s'appliquer compte-tenu de la forte présence du groupe Carrefour dans toutes les instances et compte-tenu également du peu de réponses apportées aux nombreuses réclamations présentées dans les annexes des conclusions de la société BTMR.

La cour considère qu'en présence des difficultés insurmontables en cause, la fraude n'est nullement caractérisée du fait que la situation économique et financière n'est pas encore suffisamment détériorée, étant indifférente en l'espèce la circonstance que le gérant de cette société s'arrangerait pour augmenter sa rémunération dans des proportions excessives, afin de priver l'actionnaire minoritaire de dividendes, ou encore qu'il aurait opportunément obtenu le remboursement de son compte courant d'associé.

L'élément matériel de la fraude allégué par la société CPF et pris de la bonne situation économique et financière ne peut donc pas être retenu.

Les premiers juges doivent être approuvés de s'être placés dans une perspective dynamique dans laquelle le chef d'entreprise doit veiller, sous sa responsabilité, à résoudre l'ensemble des difficultés rencontrées, l'ouverture de la procédure de sauvegarde exigeant de caractériser celles que la société ne peut pas surmonter par ses seuls moyens.

Il n'est pas démontré que l'intention du chef d'entreprise a été de faire échec aux droits de la société CPF plutôt que d'agir dans l'intérêt de la société BTMR.

Dans ces conditions, le recours à la procédure de sauvegarde, même dans le but d'obtenir la résiliation du contrat de franchise ou de tout autre contrat rattachant la société BTMR au groupe Carrefour ne peut caractériser une fraude à la loi, ni même une fraude aux droits du tiers opposant.

La société BTMR n'encourt pas davantage de sanction pour fraude pour avoir privilégié la procédure collective pour traiter les difficultés rencontrées avec le groupe dont dépend le tiers-opposant, plutôt que de recourir à quelque démarche amiable que ce soit.

La société BTMR n'avait pas d'obligation d'informer préalablement le tiers opposant de sa décision de demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ou de recourir à une mesure de prévention telle que le mandat ad'hoc ou le la conciliation.

Ni la politique de rémunération du gérant -prévisions en matière de retraite comprises-, ni l'absence de nécessité d'établir un plan d'apurement du passif, ni les perspectives relativement favorables contenues au projet de plan de sauvegarde, ni l'objectif de la société BTMR et de son associé majoritaire de rompre les liens avec le groupe Carrefour -notamment par la modification de l'objet social -, ni l'inscription de ce litige dans le cadre d'un mouvement de contestation des franchisés présentant un certain caractère collectif -nulle concertation frauduleuse n'étant établie en l'espèce pour autant, malgré les similitudes présentées par les courriers adressés par la société BTMR et d'autres franchisés -, ne caractérise davantage la fraude alléguée.

Est sans emport, pour caractériser en l'espèce la fraude, dont la charge incombe à la société CPF, la discussion conduite quant à la force probante attachée au rapport du 2 octobre 2023 établi par la société Finexsi pour la société BTMR, qui fait état d'une étude comparative avec un taux de marge inférieur de 11,68 points pour un approvisionnement par le réseau Carrefour plutôt que par celui d'une enseigne concurrente.

Par conséquent, il résulte de ce qui précède que la fraude n'est nullement démontrée.

Sur les autres demandes

Il résulte de ce qui précède que la tierce opposition est irrecevable. Le jugement sera donc réformé dans ce sens.

Le jugement sera confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

Toutefois, faute d'abus de droit démontré, les premiers juges ne peuvent être approuvés d'avoir condamné la société CF au titre d'une amende civile. Le jugement sera également réformé en ce sens.

Le jugement entrepris sera confirmé cependant en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'abus de droit prétendu de la société CPF qui n'est pas établi.

La société CPF, en équité, versera à la société BTMR une somme complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt.

La société CPF sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Met hors de cause la SELARL Ajilink-[E] Cabooter-De Channaud prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société BTMR ;

Reçoit l'intervention volontaire de cette même SELARL prise en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement ;

Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de l'abus de droit, statué sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement entrepris sur ces derniers points ;

Statuant de nouveau sur les chefs réformés,

Déclare la tierce opposition irrecevable ;

Déboute la société BTMR et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités de leur demande de la société au titre de l'amende civile ;

Condamne la société CPF à payer 10 000 euros à la société BTMR au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la société CPF aux dépens du présent appel.