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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 2 juillet 2024, n° 22/03190

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/03190

2 juillet 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 2 JUILLET 2024

N° RG 22/03190 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VF7V

AFFAIRE :

[S] [W]

C/

S.C.P. OLIVIER ZANNI ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société BLF

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2021J00051

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Vanessa BARTEAU

Me Sandra RENDA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant: Me Vanessa BARTEAU, SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN - postulant et plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000015

APPELANT

****************

S.C.P. OLIVIER ZANNI ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société BLF sise [Adresse 6] [Localité 4]

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Sandra RENDA, postulant et plaidant avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018 - N° du dossier 2019-084

INTIMEE

S.A.R.L. BLF

En liquidation judiciaire

[Adresse 6]

[Localité 4]

Défaillant

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Charlène TIMODENT,

Par acte sous seing privé du 25 juin 2018 la SARL BLF ( la société BLF) a cédé son fonds de commerce à la SARL Body Life ( la société Body Life), moyennant le prix total de 110 000 euros, dont 55 000 euros financés selon les modalités de crédit-vendeur à raison de 50 mensualités identiques.

Par le même acte, M. [S] [W], gérant associé unique de la société Body Life, s'est porté caution en garantie du crédit vendeur à hauteur de 55 000 euros pour la durée de 36 mois.

Suite aux échéances impayées, le tribunal de commerce de Chartres, en date du 22 mai 2019, a condamné la société Body Life à payer à la société BLF la somme de 9 035, 76 euros au taux contractuel de 1,25 % à compter du 21 décembre 2018.

Le 11 juillet 2019, le tribunal de commerce de Chartres a placé la société Body Life en liquidation judiciaire, suivie d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée, clôturée pour insuffisance d'actif.

Par acte du 17 mars 2020, la SCP Olivier Zanni agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société BLF a assigné M. [W] devant le tribunal de commerce de Chartres, lequel par jugement réputé contradictoire du 7 juillet 2021, a :

- condamné M. [W] à payer à la SCP Olivier Zanni, ès qualités, la somme de 55 000 euros ;

- l'a condamné à payer à la société Zanni, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 11 mai 2022, M. [W], ayant été relevé de forclusion résultant de l'expiration du délai d'appel par ordonnance de référé rendue sur délégation du premier président de la présente cour, a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 novembre 2022, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement;

Statuant à nouveau,

à titre principal :

- constater que son engagement de caution est nul ;

En conséquence :

- débouter la SCP Olivier Zanni, ès qualités, de toutes ses demandes;

- la condamner à lui rembourser l'intégralité des sommes saisies au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu en première instance, outre les frais afférents ;

- dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

à titre subsidiaire :

- constater que son engagement de caution est disproportionné à ses ressources et charges de sorte qu'il lui est inopposable ;

En conséquence :

- débouter la SCP Zanni, ès qualités, de toutes ses demandes;

- la condamner à lui rembourser l'intégralité des sommes saisies au titre de l'exécution provisoire du jugement rendu en première instance, outre les frais afférents ;

- dire que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

A titre infiniment subsidiaire :

- constater que la SCP Zanni, ès qualités, n'a jamais respecté son obligation d'information de la caution ;

En conséquence :

- prononcer la déchéance des intérêts et pénalités de retard ;

- lui octroyer deux ans pour s'acquitter de sa dette ;

En tout état de cause :

- condamner la SCP Zanni, ès qualités, à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

Par ses conclusions du 25 août 2022, la SCP Olivier Zanni, en qualité de liquidateur judiciaire de la société BLF, demande à la cour de :

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement;

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de nullité

L'appelant sollicite la nullité de l'acte de caution au motif de la non conformité de la mention manuscrite aux dispositions de l'article L. 331-1 ancien du code de la consommation applicable au cautionnement émanant d'une personne physique au profit d'un créancier professionnel.

Le liquidateur fait valoir que le cautionnement donné par un dirigeant de la société commerciale a un caractère commercial et soutient que l'acte de caution est régulier, l'utilisation dans la mention manuscrite des termes 'à hauteur de' au lieu de ' dans la limite de' étant sans incidence sur le consentement de la caution quant à la portée de son engagement. Il ajoute qu'il n'a jamais été sollicité auprès de M. [W] le règlement d'intérêts, de pénalités, ni d'intérêts de retard.

Réponse de la cour

Aux termes des articles L.331-1 et L.343-1 anciens du code de la consommation applicables au litige, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : 'En me portant caution de X... dans la limite de la somme de ...couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même'.

En vertu de la jurisprudence constante, ces textes sont applicables à une caution personne physique, qu'elle soit ou non commerçante ou dirigeante de société, et quelque soit la nature du contrat garanti, ce qui est le cas en espèce, peu importe qu'il s'agisse d'un contrat de crédit vendeur.

En l'espèce, l'acte de caution litigieux versé aux débats comporte la mention manuscrite ainsi rédigée : 'En me portant caution de la société BODY LIFE, à hauteur de la somme de cinquante cinq mille euros ( 55 000 euros) couvrant le paiement de la totalité du crédit vendeur et pour la durée de 36 mois, je m'engage à rembourser au préteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la société Body Life n'y satisfait pas elle-même et en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civile et en m'obligeant solidairement avec la société Body Life, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la société Body Life. '

Force est de constater que cette mention manuscrite n'est pas conforme aux exigences des textes précités, lesquels imposent un formalisme strict, dès lors qu'elle ne comporte pas la formule 'couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard', seule de nature à conférer à la caution la connaissance de la portée réelle de son engagement financier au moment de la signature, étant observé que la circonstance selon laquelle il n'a jamais été réclamé à la caution le règlement des intérêts et des pénalités, est sans conséquence sur les irrégularités relevées dans l'acte de caution.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité de l'acte de caution du 25 juin 2018.

2. Sur les autres demandes

L'acte de caution par lequel M. [W] s'est engagé à garantir la société Body Live ayant été déclaré nul, la demande de paiement formée par le liquidateur ne peut qu'être rejetée par voie d'infirmation du jugement déféré.

La restitution des sommes saisies dans le cadre de l'exécution provisoire de la décision de première instance sollicitée par l'appelant résulte de l'infirmation du jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur cette demande.

PAR CES MOTIFS

statuant par arrêt contradictoire

Infirme le jugement du 7 juillet 2021 ;

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déclare nul l'acte de caution du 25 juin 2018 ;

Rejette la demande en paiement de la SCP Olivier Zanni, ès qualités ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SCP Olivier Zanni, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SCP Olivier Zanni, ès qualités, à payer à M. [S] [W] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseiller faisant fonction de président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,